• Aucun résultat trouvé

1. INTRODUCTION

1.3. Ischémie trachéale liée à l’intubation

1.3.4. Prévention des lésions ischémiques trachéales

1.3.4.1. Régulation discontinue de la Pbal au moyen d un manomètre manuel

Le maintien d’une Pbal <30 cmH2O est recommandé afin de prévenir les lésions ischémiques trachéales. Le contrôle de la Pbal au moyen d’un manomètre et son ajustement autour de 25 cmH2O préviennent de manière incomplète la survenue de ces lésions. Ce contrôle manuel permet cependant d’éviter une surpression importante du ballonnet de

manière prolongée, qui constitue le facteur de risque principal d’ischémie trachéale. Les lésions ischémiques trachéales sévères peuvent survenir après quelques heures de surpression ballonnet importante (344). D’où la nécessité de contrôler et d’ajuster la Pbal autour de 25 le plus rapidement possible après l’intubation, ce qui implique l’équipe médicale et paramédicale prenant en charge le patient avant son arrivée en réanimation dans la prévention de l’ischémie trachéale.

Une étude randomisée multicentrique récente a évalué l’impact de la régulation de la Pbal au moyen d’un manomètre manuel sur la survenue de signes cliniques et fibroscopiques en faveur de l’ischémie trachéale post-intubation (345). 509 patients intubés pour anesthésie générale ont été randomisés pour recevoir des soins habituels (ballonnet gonflé par l’anesthésiste sans manomètre) ou mesure et ajustement de la Pbal au moyen d’un manomètre. La Pbal a été mesurée avant l’extubation dans le groupe contrôle et une fibroscopie trachéale a été réalisée chez 20 patients de chaque groupe. La Pbal était significativement moins élevée dans le groupe manomètre que dans le groupe contrôle (moyenne ± SD 27 ± 4 versus 58 ± 31 cmH2O, p<0,001). L’incidence des signes cliniques (toux, enrouement, mal de gorge et expectoration contenant des traces de sang) et endoscopiques d’ischémie trachéale était significativement moins élevée dans le groupe manomètre que dans le groupe contrôle.

1.3.4.2. Sondes d intubation HVBP

Une étude in vitro a évalué l’impact des sondes trachéales munies d’un ballonnet HVBP sur la pression latérale trachéale (346). 8 types de sondes trachéales ont été comparés sur un modèle de trachée artificielle ventilée, incluant 2 HVBP et 6 PVHP. Le ballonnet a été gonflé jusqu’à l’obtention de l’étanchéité. Contrairement aux sondes PVHP, les sondes HVBP ont permis d’obtenir une pression latérale trachéale inférieure ou égale à la pression de perfusion de la muqueuse trachéale (30 cmH2O). Une étude postmortem a confirmé ces résultats (347). La première étude clinique ayant comparé les effets des sondes trachéales

munies d’un ballonnet HVBP à ceux des sondes munies d’un ballonnet PVHP sur les lésions ischémiques trachéales est celle de Honeyborne et col. (348) . 28 patients devant être anesthésiés pour une chirurgie cardiovasculaire ont été randomisés pour être intubés avec une sonde HVBP ou PVHP. La fibroscopie réalisée dans les 24 heures suivant l’extubation a montré une réduction significative des lésions ischémiques trachéales dans le groupe HVBP comparé au groupe PVHP.

Les effets bénéfiques des sondes munies d’un ballonnet HVBP sont liés au maintien d’une Pbal inférieure à la pression de perfusion de la muqueuse trachéale. Dans une étude animale, Homi et col. (298) ont comparé les lésions histologiques trachéales causées par une sonde HVBP et par une sonde PVHP exerçant la même pression sur la muqueuse trachéale. Aucune différence significative n’a été constatée entre les deux groupes concernant ces lésions. Cependant, il est souvent difficile de maintenir une étanchéité avec une Pbal <30 cmH2O avec les sondes PVHP.

Klainer et col. (159) ont réalisé une étude animale afin de déterminer les lésions histologiques après intubation par sondes HVBP. Les animaux ont été randomisés dans plusieurs groupes: 1) un groupe d’animaux non intubés. 2) un groupe d’animaux sacrifiés après intubation pendant 2 heures avec une sonde HVBP ballonnet dégonflé ou gonflé jusqu’à l’obtention d’une étanchéité. 3) un groupe d’animaux intubés pendant 2 heures (ballonnet gonflé jusqu’à l’obtention d’une étanchéité) et sacrifiés à J2 ou J7. Des lésions de dénudation ciliaire presque complète ont été constatées en microscopie électronique le long du trajet de la sonde d’intubation dont le ballonnet n’était pas gonflé. Les mêmes lésions ont été constatées de manière plus étendue quand le ballonnet était gonflé. Ces lésions prédominaient au niveau des anneaux trachéaux. La régénération ciliaire a été constatée dès J2 postextubation et était presque complète à J7 postextubation. Cependant, quelques zones isolées de dénudation ciliaire persistaient. Une deuxième étude animale a constaté que ces lésions étaient

étroitement corrélées aux perturbations de la clairance mucociliaire et que ces anomalies morphologiques et fonctionnelles étaient complètement réversibles 2 semaines après l’extubation (349).

1.3.4.3. Sondes d intubation munies d une valve régulatrice de pression (Lanz®)

Des sondes trachéales munies d’un ballonnet HVBP avec un ballonnet extérieur (témoins) de haut volume sont disponibles dans le commerce (Lanz®). Le ballonnet externe et la valve de réglage de ce système permettent de réguler la Pbal, limitant ainsi le risque de gonflage excessif ou insuffisant. Une étude animale récente a évalué l’impact de cette sonde d’intubation sur la survenue d’ischémie trachéale par rapport à une sonde munie du même ballonnet HVBP mais dépourvue du ballonnet extérieur de grand volume . Les animaux été anesthésiés avec du N2O et ventilés pendant 3 heures. La Pbal a été ajustée autour de 30 cmH2O après l’intubation, puis à H1, H2 et H3. La Pbal était significativement plus élevée dans le groupe contrôle que dans le groupe Lanz. De plus, la Pbal augmentait avec le temps dans le groupe contrôle. Les lésions ischémiques trachéales observées en microscopie électronique, étaient significativement plus importantes dans le groupe contrôle que dans le groupe Lanz. Cependant, ces résultats sont probablement liés à l’administration de N2O connu pour causer une élévation de la pression ballonnet. D’autres études sont nécessaires pour évaluer l’impact de ces sondes sur les lésions ischémiques trachéales chez les patients de réanimation.

1.3.4.4. Sondes d intubation munies de ballonnets en mousse

Lederman et col. (350) ont réalisé une étude randomisée animale (n=20) puis chez l’homme (n=35) afin d’évaluer l’impact de l’utilisation d’une sonde d’intubation munie d’un ballonnet en mousse comparé à une sonde HVBP. Le ballonnet en mousse était connecté à l’air ambiant, ce qui permettait d’obtenir un autogonflage jusqu’à l’étanchéité. Le ballonnet en PVC HVBP était gonflé avec de l’air jusqu’à l’obtention d’une étanchéité. Les lésions ischémiques ont été évaluées par examen microscopique chez les animaux sacrifiés et par fibroscopie chez les patients. Aucune différence significative n’a été retrouvée entre les deux groupes d’animaux sacrifiés après 96 h de ventilation mécanique. Par contre, le score de lésions ischémique trachéales était significativement moins élevé chez les patients intubés avec les sondes munies d’un ballonnet en mousse que chez ceux intubés avec une sonde HVBP.

Une autre étude animale (n = 8) récente a évalué l’impact d’une sonde d’intubation munie d’un ballonnet en mousse sur les lésions ischémiques laryngotrachéales par rapport aux sondes d’intubation HVBP (351). La zone de contact avec le larynx et l’extrémité de la sonde du groupe intervention étaient couvertes d’une mousse en polyvinyle acétate qui s’autogonflait rapidement après l’intubation grâce aux sécrétions oropharyngées pour épouser la forme du larynx ou de la trachée. Les animaux ont été sacrifiés après 4 heures d’intubation et de ventilation en hypoxie (saturation<70%) afin d’accélérer les lésions ischémiques laryngotrachéales. Ces lésions étaient significativement moins sévères dans le groupe intervention que dans le groupe contrôle. Cependant l’impact de l’utilisation de ces sondes sur les microinhalations n’est pas connu.

Figure 46. Coupes horizontales montrant le larynx contenant une sonde d intubation

standard (A) et une sonde munie d un ballonnet en mousse (B) (Référence 351).

1.3.4.5. Autogonflage du ballonnet

Dans une étude in vitro, Weiss et col. (352) ont évalué la possibilité d’auto gonflage du ballonnet par la pression inspiratoire pendant la ventilation en pression contrôlée. 8 types de sondes d’intubation N° 7,5 ont été testés sur un modèle de trachée artificielle ventilée. Avec la sonde Mallinckrodt Sealguard le pourcentage du volume courant expiré/inspiré était à 100% pour une pression inspiratoire à 10 cmH2O. Avec les autres sondes d’intubation, en particulier les sondes standards en PVC, ce pourcentage n’était obtenu qu’avec des pressions inspiratoires beaucoup plus élevées. Les auteurs en ont conclu qu’il serait possible d’utiliser

ce moyen de régulation de la Pbal sur les sondes Sealguard pour éviter les lésions ischémiques trachéales. L’une des limites de cette technique est la microinhalation des sécrétions en amont du ballonnet pendant la phase expiratoire.

1.3.4.6. Régulation continue cyclique de la Pbal

Chadha et col. (353) ont conduit une étude animale randomisée afin d’évaluer l’impact d’une régulation continue cyclique de la Pbal sur les lésions ischémique trachéales. Les animaux (n = 10), intubés et ventilés pendant 4 h en hypoxie, ont été randomisés pour recevoir une régulation continue cyclique de la Pbal (25 cmH2O pendant l’inspiration et 7 cmH2O pendant l’expiration) ou une régulation continue permanente à 25 cmH2O. Après sacrifice des animaux, l’examen anatomopathologique a montré une réduction significative des lésions ischémiques laryngotrachéales dans le groupe régulation continue cyclique par rapport au groupe régulation continue constante. Servin et col. (354) ont réalisé une étude in

vitro et animale afin de tester cette hypothèse. L’étude in vitro a permis de démontrer que la

régulation continue cyclique de la Pbal n’était pas associée à une augmentation des fuites aériennes. L’étude histologique trachéale a montré que la régulation continue cyclique permettait de réduire significativement les lésions ischémiques trachéales par rapport à la régulation standard