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Une forte prévalence de Blastocystis sp dans la population humaine

ANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE

IV. Une forte prévalence de Blastocystis sp dans la population humaine

Les auteurs des premières études portant sur Blastocystis sp. se désolaient du manque de données de prévalence concernant ce parasite (Boreham et Stenzel 1993, Stenzel et Boreham 1996). Mais très vite, ils ont été écoutés et bon nombre d’études épidémiologiques ont ainsi été publiées au cours des dix dernières années montrant que Blastocystis sp. est omniprésent dans toutes les régions du globe. Dans une énorme majorité de pays, il est aujourd’hui le protiste parasite le plus fréquemment retrouvé dans les selles humaines loin devant d’autres protistes parasites à transmission hydrique comme Giardia, Entamoeba et Cryptosporidium (Boorom et al. 2008 ; Clark et al. 2013) (Figure 11). De plus, la prévalence de Blastocystis sp. est généralement plus importante dans les pays en voie de développement que dans les pays développés. Cela peut facilement s’expliquer par des conditions d’hygiène plus précaires dans les pays en développement et à un moindre niveau à un contact plus étroit de la population avec des réservoirs animaux de transmission (Tan 2008 ; Clark et al. 2013). Dans la plupart de ces études, la recherche du parasite a été réalisée par des méthodes non moléculaires en l’occurrence l’observation microscopique des selles fraiches ou la mise en culture préalable d’un échantillon de selles suivie d’une observation. Comme indiqué dans le Par. III, ces méthodes d’identification sont moins sensibles que les méthodes moléculaires. De ce fait, il est plus que probable que la plupart des prévalences relatées ci-dessous soient sous-estimées alors qu’elles sont déjà importantes dans bon nombre de pays. Pour des raisons de clarté pour le lecteur, les données sont rapportées par continent et les quelques prévalences obtenues par des méthodes moléculaires sont soulignées ainsi que les auteurs de ces études.

En Asie, la prévalence de Blastocystis sp. n’est que de 0,5 à 1% au Japon (Horiki et al. 1997 ; Hirata et al. 2007) et de 3,3% à Singapour (Wong et al. 2008), deux pays très urbanisés. Par contre, dans des régions d’Asie plus rurales, cette prévalence peut atteindre 60% comme chez des enfants en Indonésie (Pegelow et al. 1997) et 25% dans une communauté des Philippines (Santos et Rivera 2013). En Thaïlande, les données sont assez contradictoires puisque la prévalence est de 13,5% dans une population d’enfants du district de Phuttamonthon (Yaicharoen et al. 2006) et de 6,2% chez des écoliers du même district mais fréquentant des écoles différentes (Ngrenngarmlet et al. 2007). Cette prévalence est du même ordre de grandeur (14,5%) dans une cohorte de soldats thaïlandais (Leelayoova et al. 2009) mais chute curieusement à 1,5% dans des régions rurales du pays (Laodim et al. 2012 ; Boonjaraspinyo et al. 2013) ou à 5,9% aux alentours de Bangkok (Inpankaew et al. 2007). Par contre, elle grimpe à 31,9% par des méthodes moléculaires dans un internat de jeunes femmes

Figure 11 : Prévalence des protistes parasites intestinaux aux USA (Boorom et al. 2008).

On note que la prévalence de Blastocystis sp. est nettement supérieure à celle observée pour d’autres protistes parasites intestinaux tels que Cryptosporidium, Entamoeba et Giardia.

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de la même ville (Thathaisong et al. 2013). Ces différences de valeurs sont encore plus significatives en Malaisie. En effet, la prévalence de Blastocystis sp. est de 52,3% (Noor Azian et al. 2007), de 3,9% (Sinniah et al. 2012) ou varie de 13,3 à 24,7% (Anuar et al. 2013) dans différentes populations arborigènes malaisiennes. Au Pakistan, cette prévalence est de 10,2% dans une cohorte d’enfants de Karachi (Mehraj et al. 2008) et de 17,4% dans la population totale (Haider et al. 2012). Au Népal, la prévalence déterminée par PCR est de 26,1% dans la population totale (Lee et al. 2012a) et de 24,4% dans une cohorte d’enfants (Yoshikawa et al. 2009). En Turquie, plusieurs études ont été menées dans différentes régions, dans différents hôpitaux, sur des populations totales ou des cohortes d’écoliers. Sans rentrer dans les détails, les valeurs de prévalence sont comprises entre 6,5 et 32,8% (Arslan et al. 2008 ; Dagci et al. 2008 ; Yaman et al. 2008 ; Dogruman-Al et al. 2008, 2009 ; Hamamci et al. 2011 ; Düzyol et al. 2012 ; Turgay et al. 2012 ; Yilmaz et al. 2012 ; Gülmez et al. 2013). Au Moyen-Orient, cette prévalence est de 2,2% (Haghighi et al. 2009) dans la région de Zahedan en Iran mais de 13,5% chez des enfants dans le Nord du Pays (Daryani et al. 2012). Elle atteint même 23,8% dans un hôpital de Téhéran (Moosavi et al. 2012). Au Qatar, la seule étude réalisée mentionne une prévalence de 4,3% (Abu-Madi et al. 2010). Les différences de prévalence sont aussi très significatives (de 2 à 34,2%) chez les enfants de différentes communautés (Bédouin, Juifs et Ethiopiens) vivant dans le sud d’Israël (Ben-Shimol et al. 2014). Pour ce qui est de la Chine et malgré la population importante de ce pays, très peu d’études ont été réalisées. On peut cependant citer celles de Wang et al. (2002) indiquant une prévalence comprise entre 1 et 6% selon les cohortes d’individus étudiés dans la province d’Anhui, de Li et al. (2007a) avec une prévalence déterminée par PCR de 32,6% dans un village de la province du Yunnan et de Li et al. (2007b), toujours par PCR, et une prévalence comprise entre 1,9 et 32,6% selon les 4 régions chinoises étudiées.

En Afrique et tout d’abord en Afrique du Nord, la prévalence du parasite est de 33,3% en Egypte (Rayan et al. 2007), d’environ 29% au Maroc (Tligui et al. 2002 ; El Guamri et al. 2011), de 11,2% en Algérie (Benouis et al. 2013) et de seulement 7,3% en Tunisie (Trabelsi et al. 2010). En Lybie, cette prévalence est de 22,1% (Abdulsalam et al. 2013a,b) ou de 26,6% (Alfellani et al. 2007) selon les régions par des méthodes non moléculaires. Par PCR, cette prévalence est assez similaire puisque de l’ordre de 28% dans ce même pays (Alfellani et al. 2013c). En Afrique de l’Est, seule une étude est référencée en Tanzanie avec une prévalence chez des enfants atteignant 28% (Speich et al. 2013). En Afrique de l’Ouest, la prévalence du parasite est de 20,4% en Côte d’Ivoire (Becker et al. 2011) mais elle grimpe à 70% au Libéria et à 49% au Nigeria par des approches moléculaires (Alfellani et al. 2013c).

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En Amérique du Nord, très peu d’études ont été publiées et indiquent une prévalence d’environ 20% aux USA (Amin 2002, 2006) et de 0 à 7,4% chez des enfants dans différentes localités du Mexique (Zumaquero-Rios et al. 2013). Par contre, les données sont plus nombreuses en Amérique du Sud avec des prévalences de 36,4% dans la population totale (Londono et al. 2009) et de 57,5 % chez des enfants (Londono-Franco et al. 2014) par microscopie et de 45% dans la population totale par PCR (Ramirez et al. 2013) en Colombie. Elles sont de 23% ou 27,2 % dans des populations vivant dans des régions rurales (Minvielle et al. 2004 ; Basualdo et al. 2007) ou de 43% dans une cohorte d’enfants de Buenos Aires (Orden et al. 2014) en Argentine, de 47% chez les enfants de la Communauté indigène de Merida au Venezuela (Velasco et al. 2011) et de 38,5% chez des enfants à Cuba (Canete et al. 2012). Elle atteint 53,3% chez des enfants (Espinoza el. 2008) et 40% dans une communauté de la forêt amazonienne (Machicado et al. 2012) au Pérou. Au Brésil, la prévalence est variable selon les cohortes d’individus étudiées : 38% chez des écoliers du district de Sao Paulo (Amato Neto et al. 2004), seulement 4,6% dans ce même district dans la population totale (Miné et Rosa 2008), 26,5% dans la population totale du district de Pitanga (Nascimento et Moitinho Mda 2005), 57,8% dans la communauté indigène de Mapuera (Borges et al. 2009), 21% par PCR dans la communauté indigène de Tapirapé (Malheiros et al. 2011), 40,9% dans celle de l’état de Mato Grosso do Sul (Aguiar et al. 2007) et enfin 22,4% dans la région urbaine de Belo Horizonte (Gil et al. 2013).

En Océanie, les seules données concernent l’Australie avec une même prévalence de l’ordre de 19% par des méthodes non moléculaires (Roberts et al. 2011) ou moléculaires pour deux études réalisées dans la région de Sydney (Roberts et al. 2013a).

Enfin en Europe, très peu de données sont finalement disponibles malgré l’impact potentiel du parasite. En France, la prévalence serait de l’ordre de 6% dans la population totale (Bourée 2007). Elle serait de 51,5% dans la région de Catalogne en Espagne (Gonzalez- Moreno et al. 2011) et approcherait ou dépasserait les 10% en Italie (Masucci et al. 2011 ; Calderaro et al. 2014). Aux Pays-Bas, la prévalence globale est de l’ordre de 24,2% dans la population totale à Amsterdam (Bart et al. 2013) et de 43% dans une cohorte d’enfants d’une autre région du pays (Maas et al. 2013). Au Danemark, elle serait comprise entre 11,5% (Betangbeh et al. 2009) à 19% (Stensvold et al. 2009b).

Dans plusieurs pays comme par exemple le Brésil, la Turquie ou la Chine, on observe ci-dessus des valeurs de prévalence extrêmement variables alors que des techniques similaires généralement non moléculaires ont été utilisées par les différents observateurs. Ces différences peuvent s’expliquer par la difficulté d’identifier certaines formes du parasite au

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microscope et par l’absence d’entrainement de certains observateurs. De ce fait, le développement à moindre coût de méthodes moléculaires rapides et sensibles devrait sans nul doute gommer ces différences importantes observées entre et au sein des pays. Clark et al. (2013) ont suggéré de réaliser deux ou plusieurs enquêtes dans le même pays pour avoir une idée réaliste de la prévalence du parasite mais ce n’est pourtant pas le cas dans les 3 pays cités en exemple ci-dessus. Ces différences peuvent donc aussi refléter de réelles différences épidémiologiques. Un autre biais dans ces données est que la population analysée est souvent déjà fortement orientée. En effet, les cohortes de patients étudiés sont très variables et peuvent représenter un échantillon de la population totale incluant des adultes et des enfants ou seulement des écoliers, des populations urbaine ou rurale avec des conditions d’hygiène différentes ou bien encore des patients présentant ou non des symptômes digestifs ou des pathologies diverses. Il est alors rare que les enquêtes soient assez larges ou que la population examinée soit suffisamment diversifiée pour être représentative de la prévalence globale du parasite dans le pays.

Concernant les populations d’enfants, une analyse des données présentées ci-dessus ne montre pas, comme cela a déjà été décrit pour d’autres parasites, de prévalences significativement plus importantes dans ces groupes de jeunes individus si on les compare à celles observées dans les populations d’adultes. Bien au contraire puisque plusieurs auteurs ont suggéré que l’augmentation de l’âge serait plutôt un facteur de risque d’infection à

Blastocystis sp. (Hirata et al. 2007 ; Abu-Madi et al. 2010 ; Gonzalez-Moreno et al. 2011 ;

Forsell et al. 2012 ; Abdulsalam et al. 2013a ; Benouis et al. 2013 ; Boonjaraspinyo et al. 2013 ; Calderaro et al. 2014 ; Engsbro et al. 2014). Il est aussi important d’analyser la nature de la population étudiée dans le cadre des enquêtes réalisées et en particulier si certains individus inclus dans la cohorte sont des voyageurs ou des migrants. Par exemple, en Italie, la prévalence dans la population totale serait d’environ 10% (Masucci et al. 2011 ; Calderaro et al. 2014) alors qu’elle atteint 52,7% dans ce pays chez des migrants venant essentiellement d’Afrique et d’Asie (Gualdieri et al. 2011). Ce sont d’ailleurs les deux continents les plus risqués en termes de facteur de risque d’infection à Blastocystis sp. d’après une étude réalisée en Allemagne et dans laquelle près de 40% des voyageurs étaient contaminés à leur retour de ces régions du globe (Herbinger et al. 2011). Toujours en Allemagne, la différence de prévalence du parasite est très significative entre voyageurs et sédentaires (Paschke et al. 2011). Un autre exemple concret concerne les Pays-Bas puisque les patients du département de médecine tropicale ayant récemment voyagé sont presque 3 fois plus infectés par

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autre facteur pouvant faire varier les données obtenues est tout simplement la saison ou la période à laquelle ont été réalisées les études. En effet, pour ce type de parasite à transmission hydrique, la prévalence en été ou durant la saison des pluies serait significativement plus importante que durant les autres périodes de l’année d’après plusieurs études épidémiologiques (Suresh et al. 2005 ; Amin 2006 ; Trabelsi et al. 2010 ; Haider et al. 2012 ; Laodim et al. 2012).