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Les données in vitro et l’identification de facteurs de virulence

ANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE

IX. Les molécules et mécanismes impliqués dans la pathogénicité de Blastocystis sp.

IX.2. Les données in vitro et l’identification de facteurs de virulence

Plusieurs études ont été réalisées in vitro afin de clarifier la physiopathologie de

Blastocystis sp. C’est d’abord Long et al. (2001) qui ont montré que les cellules de Blastocystis sp. étaient capables d’induire tardivement une réponse inflammatoire avec

production d’interleukine (IL)-8 et du granulocyte-macrophage colony stimulating factor (GM-CSF) par des cellules épithéliales de colon humain (HT-29 et T-84). Les auteurs concluent qu’il s’agirait d’un mécanisme permettant au parasite de moduler la réponse immunitaire de l’hôte le temps de son implantation. Des effets similaires ont été observés en utilisant le surnageant de culture du parasite (Long et al. 2001). Cette modulation de la réponse immunitaire est de plus accentuée par la capacité du parasite à dégrader les IgA localisés à la surface de l’épithélium intestinal (Puthia et al. 2005), à réduire la production de monoxyde d’azote intervenant entre autre dans l’immunité innée contre les agents infectieux

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(Mirza et al. 2011a) et à induire un déséquilibre de la réponse Th1/Th2 en faveur de la réponse Th2 (Chan et al. 2012). Ces IgA sont dégradés par des lysats cellulaires de

Blastocystis sp. et en particulier par les protéases à cystéine sécrétées par le parasite (Puthia et

al. 2005). Plus récemment, la production d’IL-8 a été décrite comme étant dépendante de la voie de signalisation NF-kB et que celle-ci était induite par ces mêmes protéases à cystéine (Puthia et al. 2008 ; Teo et al. 2014). Cette production permettrait la survie et la dissémination du parasite en causant un afflux de cellules inflammatoires au niveau de la muqueuse intestinale ce qui contribuerait à la symptomatologie de la blastocystose. Ces mêmes auteurs ont aussi montré que le parasite était capable d’induire l’apoptose des cellules épithéliales de rat IEC-6 entraînant ainsi une augmentation de la perméabilité intestinale. Ce mécanisme serait contact-indépendant et impliquerait la voie des caspases de l’hôte (Puthia et al. 2006). Cela a été confirmé dans une étude récente menée sur la lignée cellulaire de colon humain Caco-2 (Wu et al. 2014a). Cette induction de l’apoptose n’implique en fait que les caspases 3 et 9 et peut être bloqué en mettant au préalable en contact les cellules Caco-2 avec l’inhibiteur z-VAD-fmk des caspases (Wu et al. 2014a). Cependant, ce mécanisme qui induit une modification de la perméabilité intestinale par un réarrangement des protéines composant les jonctions serrées comme la protéine ZO-1 est clairement ST-dépendant puisque il est observé pour un isolat de ST7 et non pour un isolat de ST4. Dernièrement, Wu et al. (2014b) en utilisant de nouveau des cellules Caco-2 ont démontré que l’attachement du parasite à l’épithélium intestinal représentait une étape cruciale dans la colonisation et la virulence du parasite. Cette adhésion aurait préférentiellement lieu au niveau des jonctions serrées de l’épithélium et induirait un réarrangement des protéines constitutives (ZO-1 et occludine). L’efficacité de cette adhésion serait ST-dépendante et même souche dépendante et corrélée à la sensibilité des souches au métronidazole, première drogue utilisée contre Blastocystis sp. (voir Par. XI.). En effet, les souches les plus résistantes adhèrent de manière moins efficace à l’épithélium et seraient donc moins pathogènes.

Comme indiqué ci-dessus, le parasite est capable d’induire l’apoptose des cellules intestinales de l’hôte. Pourtant, d’autres auteurs ont décrit au contraire un effet pro-prolifératif des antigènes de Blastocystis sp. sur des cellules de carcinome colorectal humain HCT116 (Chandramathi et al. 2010) ou l’absence d’effet du parasite sur la prolifération des cellules HT-29 (Long et al. 2001). Cette différence peut vraisemblablement s’expliquer par la variation des modèles cellulaires et des isolats utilisés. En effet, Chan et al. (2012) ont observé sur des cellules HCT116, un effet pro-prolifératif et inflammatoire significativement plus élevé lorsqu’ils utilisent des antigènes d’isolats issus de patients symptomatiques par

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rapport à des antigènes d’isolats issus de patients asymptomatiques. De plus, en comparant des isolats de 5 STs (ST1 à ST5), Kumarasamy et al. (2013) ont montré que les antigènes d’un isolat de ST3 induisent une plus forte prolifération de cellules de carcinome colorectal humain HCT116. De manière intéressante, ce même antigène de ST3 entraîne une surexpression du gène de la cathepsine B sous-entendant une modulation de la réaction immunitaire.

Sur la base des données génomiques et in vitro, l’attention des chercheurs concernant de potentiels facteurs de virulence s’est naturellement portée sur les protéases à cystéine. Chez

Blastocystis sp., ces protéases à cystéine sont localisées principalement dans la vacuole

centrale (Puthia et al. 2008) et les variations d’activité protéase à cystéine entre les isolats parasitaires pourrait en partie expliquer l’existence de souches pathogènes ou non pathogènes (Mirza et Tan 2009). Une de ces cystéines protéases a été identifiée comme étant une légumaine par Wu et al. (2010). Localisée à la surface du parasite, elle aurait pour rôle d’activer d’autres protéases à cystéine sécrétées par le parasite. Cette légumaine a aussi été identifiée par spectrométrie de masse dans le surnageant de culture de Blastocystis sp. ST7 avec une seconde protéase à cystéine, la cathepsine B (Wawrzyniak et al. 2012). A la même période, Mirza et al. (2012) ont confirmé que des parasites vivants ou des lysats parasitaires entrainaient une augmentation de la diffusion paracellulaire de macromolécules à travers un tapis de cellules Caco-2. Dans cette étude, les auteurs ont confirmé le rôle des protéases à cystéine dans la désorganisation des jonctions serrées via la phosphorylation des chaines légères de myosine par les ROCK kinases.

Toutes ces données génomiques et in vitro ont permis de proposer un modèle hypothétique de la pathogénicité de ce parasite (Poirier et al. 2012) (Figure 19).

IX.3. Le développement de modèles animaux de blastocystose et la