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Chapitre 3 - Projet de recherche

I. Présentation du projet de recherche

Depuis quelques années, les ETR sont devenus des métaux stratégiques dans le développement d’une multitude de procédés technologiques (De Pas, 2017). De leur extraction au devenir final des produits manufacturés qui en contiennent, ils peuvent être en contact avec l’environnement et parfois même s’y disperser sans aucun contrôle possible (Kahn et al, 2017). Pour ces raisons, ces éléments chimiques font aujourd’hui l’objet d’une attention particulière en termes d’écotoxicité potentielle. Le programme ANR ECOTREE « Ecotoxicology of rare earth elements in aquatic systems » auquel je participe actuellement a pour objectif d’étudier la spéciation, la biodisponibilité, la bioaccumulation et les mécanismes de toxicité des ETR dans un contexte de pollution aquatique. Les recherches sont développées à la fois par une approche de terrain et par une approche de laboratoire. Une attention particulière est accordée aux conditions utilisées lors des manipulations de laboratoire afin que les hypothèses et conclusions issues des résultats qu’elles fournissent puissent être extrapolées à l’échelle environnementale. Au niveau cellulaire, les travaux dans lesquels je suis impliqué sont notamment menés sur des lignées cellulaires de poissons issues du poisson zèbre (Danio rerio - lignées cellulaires ZF4 et ZFL) ou de la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss - lignée cellulaire RT Gills W1). Nous analysons et tentons d’interpréter la diminution de la viabilité cellulaire qui est observée en présence de chaque ETR isolé ainsi qu’en situation de mélanges complexes.

La poursuite de ces travaux aura pour objectif d’essayer de comprendre quels sont les mécanismes cellulaires qui sont en lien avec la diminution de viabilité en présence d’ETR et quels sont ceux qui sont mis en place pour faire face à la présence de ces métaux dans le milieu de culture cellulaire.

Les organismes aquatiques sont capables de survivre dans des environnements fortement contaminés par des métaux et affichent souvent de manière surprenante un faible taux intracellulaire de métaux. Kurelec et ses collaborateurs (1992) ont été les premiers à démontrer que les organismes aquatiques sont capables de développer une stratégie de transport membranaire des xénobiotiques leur permettant de s’adapter à la présence de polluants dans l’environnement (Kurelec et al., 1989, Kurelec, 1992). Ils avaient alors caractérisé les transporteurs impliqués sous le nom de mécanismes MXR chez des bivalves marins, Mytilus galloprovincialis (Kurelec et al., 1991). Des mécanismes similaires appartenant à la famille des transporteurs membranaires ABC (ATP Binding Cassette) ont ensuite été décrits chez les poissons (Ferreira et al. 2014), dont le poisson zèbre Danio rerio (Long et al., 2011, a, b et c). Au cours d’une étude approfondie menée sur la lignée cellulaire

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ZF4 issue de cellules embryonnaires de poisson zèbre, Long et al. (2011a) ont montré que des transporteurs de type MRP (MRP-like) étaient impliqués dans la régulation du taux intracellulaire de cadmium, de plomb et de mercure, l’intervention de ces transporteurs étant associée à une action des GST et du glutathion. Ces observations suggèrent à la fois une possibilité d’élimination cellulaire directe de ces métaux mais également leur possible prise en charge par des mécanismes de détoxication préalable à leur élimination (Voir encadré 1 – Bilan des mécanismes de détoxication). Lors de ces travaux, les auteurs ont également démontré la capacité de ces systèmes d’efflux à être augmentés pour développer une résistance acquise à la présence de métaux dans le milieu extracellulaire des cellules ZF4.

Tenant compte de la proximité de la structure ionique des ETR avec les métaux cités lors de ces études (structure multi cationique), il n’est pas abusif de penser que ces mécanismes puissent également jouer un rôle primordial dans la gestion du taux intracellulaire des ETR dans les cellules ZF4 lorsqu’ils sont présents dans le milieu extracellulaire.

Au travers de ce projet, je propose d’étudier quels sont les mécanismes membranaires d’élimination de type MRP impliqués lors d’une exposition cellulaire aux ETR en utilisant les cellules ZF4 comme modèle biologique.

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L’avancée des travaux pourra être divisée en plusieurs étapes :

1- Dans un premier temps, il s’agira d’évaluer, par différentes approches, quel est le degré d’implication des systèmes d’élimination membranaire de type MRP en réponse à une exposition aux ETR. Ceci sera abordé sur les cellules ZF4 pour au moins un ETR représentant chaque catégorie (ETR légers, moyens, lourds). Il pourra être étendu à chaque ETR.

2- En fonction des résultats obtenus dans la partie 1, nous choisirons un ETR dont la gestion cellulaire implique clairement un système d’élimination membranaire de type MRP. Un protocole de culture cellulaire sera alors mis en place avec pour objectif de créer une lignée cellulaire ZF4 modifiée, résistante à une exposition avec l’ETR choisi. Les travaux seront menés en tenant largement compte des expériences décrites dans la littérature pour obtenir une lignée ZF4 résistante au cadmium (Long, 2011a). 3- Enfin, en travaillant par comparaison entre des cellules ZF4 classiques et des cellules

ZF4 en situation d’exposition aux ETR ou résistantes aux ETR si l’approche N°2 donne un résultat positif, il s’agira d’étudier avec précision les mécanismes impliqués lors d’une exposition aux ETR. Nous pourrons alors mesurer les différences à l’échelle moléculaire en termes d’activité (activité d’efflux membranaire, activités de détoxication associées), mais également en termes de présence de molécules impliquées (dosages de molécules, approches moléculaires de type RT-PCR et/ou western blots).

On notera que tout composé pris en charge par les systèmes d’efflux membranaire monopolise une part de leur activité et devient de fait un composé qui peut potentiellement augmenter la toxicité d’un autre composé qui serait, de fait, moins facilement éliminé / neutralisé par les mécanismes déjà sollicités (Rusiecka and Skladanowski, 2008). Cette notion est aujourd’hui largement prise en compte dans le cas de polluants émergents persistants dans les environnements aquatiques, leur présence n’étant pas forcément directement toxique mais pouvant induire des modifications de la toxicité d’autres composés dans le cas d’une pollution multiple. Grace à une meilleure compréhension de l’implication des mécanismes d’efflux membranaires lors d’une exposition cellulaire aux ETR, il sera possible de mieux appréhender les risques potentiels associés à une présence accrue, sans pour autant être toxique, d’ETR dans les milieux aquatiques environnementaux.

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II. Evaluation du degré d’implication des systèmes d’efflux membranaires lors

d’une exposition cellulaire à des ETR.

Afin de déterminer quel est le degré d’implication des systèmes d’efflux de type MRP-like présents dans les cellules ZF4 lors de la détoxication des ETR, plusieurs approches pourront être envisagées.

Dans un premier temps, l’approche la plus simple et la moins coûteuse pourra consister à mesurer les valeurs d’IC50 des ETR sur les cellules ZF4 en présence ou non d’inhibiteurs spécifiques des systèmes MRP. Si les systèmes MRP ciblés par les inhibiteurs utilisés sont impliqués dans l’élimination cellulaire des ETR testés, ceci devrait minimiser l’efflux des ETR et par conséquent augmenter leur concentration intracellulaire, donc leur toxicité. Dans ce cas, les valeurs d’IC50 devraient être plus faibles en présence d’inhibiteur. On peut penser que plus un système d’élimination est impliqué dans le rejet d’un ETR, plus son inhibition aura un impact fort sur la toxicité de cet ETR.

Des inhibiteurs spécifiques des systèmes MRP tels que le composé MK571 et le probénécide seront utilisés dans un premier temps. Si aucune variation n’était observée avec ces composés, l’utilisation d’autres inhibiteurs pourra être envisagée. Dans le cas où aucune implication des systèmes MRP-like ne serait observée sur le modèle cellulaire ZF4, une approche similaire pourra être menée avec la lignée ZFL issue de cellules hépatiques de poisson zèbre. La présence de systèmes MRP-like a été décrite dans le foie de poissons zèbre (Ferreira et al, 2014), bien que ceci n’est pas été mis en évidence directement dans les cellules ZFL, on peut penser que ces cellules, ayant pour origine le même tissu chez le poisson zèbre, expriment également ces mécanismes d’élimination membranaire.

Ensuite, il sera également possible de mesurer la quantité d’ETR internalisés dans les cellules en présence ou non d’inhibiteurs spécifiques des pompes d’efflux.

Après avoir mis en contact les cellules ZF4 avec un ETR en présence ou non d’inhibiteurs, il s’agira de mesurer la concentration intracellulaire en ETR par ICP-MS. Sur le même principe que ce qui a été expliqué dans le paragraphe précédent, il est légitime de penser qu’en bloquant un système d’efflux impliqué dans l’élimination de l’ETR testé, celui-ci s’accumulera de manière plus importante dans les cellules. L’approche pourra être menée en utilisation des concentrations croissantes d’inhibiteurs. Une internalisation d’un composé toxique de plus en plus importante avec une concentration ajoutée croissante d’inhibiteur étant mentionnée dans la littérature comme un argument fort pour valider l’implication des systèmes d’efflux ciblés dans l’élimination du toxique en question (Long et al 2011, a).

Enfin, l’activité d’efflux des cellules ZF4 pourra être mesurées à l’aide de composés fluorescents connus pour être spécifiquement expulsés des cellules par les mécanismes de

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type MRP i.e. la rhodamine 123 ainsi que la calcéine AM (Dogan et al, 2004 ; Hollo et al. 1996, Twentyman et al., 1994). Le principe consiste alors à incuber les cellules en présence du composé fluorescent choisi. Une fois l’incubation terminée, la fluorescence restante dans les cellules est mesurée et son intensité est en lien avec la concentration du composé fluorescent résiduel dans les cellules. Plus le système d’élimination est actif, plus la fluorescence intracellulaire doit être faible. En réalisant cette manipulation en présence de composés fluorescents et d’ETR, si ceux-ci sont pris en charge par le même système d’élimination que le composé fluorescent, ils induiront, par compétition, une moindre élimination du composé fluorescent qui apparaîtra alors de manière plus conséquente dans les cellules. Une absence totale de modification de l’accumulation des composés fluorescents en présence d’ETR suggèrerait la non implication des mécanismes d’efflux associés aux composés fluorescent dans la gestion intracellulaire des ETR.

L’encadré 2 résume les approches envisagées pour répondre à la question de cette première partie.

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