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Chapitre 3 - Projet de recherche

A. Le cas particulier du Gadolinium

Comme cela a été largement décrit dans le chapitre 2 de ce document, le gadolinium rejeté dans l’environnement a pour principale origine les rejets d’agents de contraste utilisés lors des examens IRM. Ces molécules organiques très stables circulent dans l’environnement et sont en contact avec des organismes vivants dans les milieux aquatiques (Henrique et al, 2019 – Lefur et al. 2019). Il est donc intéressant de s’intéresser à leur toxicité potentielle. Les agents de contraste véhiculent le gadolinium dans les écosystèmes aquatiques tout en le conservant chélaté. Il est important de considérer ces molécules dans leur totalité pour discuter de leur toxicité et non de regarder uniquement la toxicité isolée de l’ion gadolinium (Voir encadré 3). Le composé le plus utilisé, réputé pour être le plus stable, est l’acide gadotérique (commercialisé principalement sous la formulation du Dotarem®

et plus récemment de son générique, le Clariscan®

). Cette molécule est un anion organique dont la formule chimique présente des similitudes avec des composés connus comme étant pris en charge par les mécanismes d’efflux de type MRP (Cole and Deeley, 1998). Il sera donc intéressant de s’attarder sur le comportement des mécanismes d’efflux de type MRP en présence d’acide gadotérique. Ce composé a été largement décrit comme non toxique à ce jour et nous avons nous-mêmes montré une absence de bioaccumulation de ce composé dans les cellules ZF4. Il n’est cependant pas exclu que ces observations soient le résultat d’une très bonne prise en charge de ce composé par les systèmes d’efflux membranaires. Il conviendra donc d’étudier ceci en utilisant les tests décrits précédemment en présence d’acide gadotérique.

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III. Développement d’une souche résistante à un ETR.

Du fait de la présence accrue des métaux dans les environnements aquatiques, le rôle des mécanismes cellulaires qui permettent aux organismes aquatiques de survivre face à leur toxicité est crucial. Certains de ces mécanismes permettent d’exclure les métaux hors du compartiment cellulaire et par leur action, induisent une certaine tolérance face à la présence des métaux dans les milieux environnants (Tamás et al., 2005; Wysocki and Tamas, 2010). Ces arguments sont soutenus par plusieurs études qui ont permis de mettre en évidence que les cellules peuvent développer une résistance stable face à la présence de métaux suite à une exposition prolongée à une concentration faible en métaux (Brambila et al., 2002; Lee et al., 2006; Vernhet et al., 1999).

Ce phénomène d’adaptation a été mis en évidence dans les cellules ZF4 suite à une exposition contrôlée de plusieurs mois avec du cadmium (Long et al. 2011a).

Je propose d’entreprendre une approche similaire afin d’essayer de développer une souche de cellules ZF4 ayant acquis une résistance face à la présence d’ETR dans le milieu de culture.

Je propose de suivre un protocole adapté des travaux de Long et al. 2011a. La démarche utilisée pour l’adaptation des cellules exposées aux ETR se déroulera en trois étapes dont les détails pratiques sont résumés dans l’encadré 4.

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Les valeurs d’IC50 qui caractérisent la sensibilité des cellules ZF4 aux différents ETR sont actuellement déterminées dans le cadre du programme ECOTREE auquel je participe. Il sera donc possible d’utiliser ces valeurs afin d’adapter le protocole décrit ci-dessus pour établir un protocole adapté aux ETR utilisés.

Bien que d’apparence assez simple, cette approche n’en est pas moins délicate. La réussite de l’opération nécessite une grande attention lors de la culture des cellules car toute contamination peut en quelques heures entrainer la perte complète des cellules développées.

Afin d’avoir une comparaison la plus correcte possible entre les cellules initiales et celles entretenues en présence d’ETR, il conviendra bien sûr d’entretenir en parallèle les cellules normales ainsi que les cellules exposées. En effet, le nombre important de repiquage des cellules qui sera incontournable pour suivre entièrement le protocole proposé peut entraîner une dérive de la lignée originale et fausser les comparaisons entre les cellules résistantes et les initiales si celles-ci n’avaient pas subit exactement le même protocole de culture.

Il serait intéressant de suivre ponctuellement (a minima tous les mois) l’évolution de l’activité des systèmes d’efflux dans les cellules. Ceci pourra être réalisé sur le principe décrit dans la partie 1 de ce projet et permettra de visualiser le comportement des systèmes d’efflux en fonction de l’adaptation des cellules exposées aux ETR.

IV. Caractérisation des acteurs cellulaires impliqués dans la gestion de l’efflux

cellulaire des ETR.

Les manipulations développées dans cette partie du projet auront pour objectif de caractériser avec précision les mécanismes impliqués chez les cellules ZF4 pour faire face à la présence d’ETR. Afin de mieux cerner la dynamique intracellulaire de la localisation des ETR, il sera également intéressant d’essayer de localiser les ETR au sein des cellules. Il s’agira notamment :

1. D’identifier la nature précise des transporteurs impliqués.

2. De déterminer s’il y a et si oui, quels sont les mécanismes de détoxication associés aux transporteurs impliqués pour éliminer les ETR qui sont présents dans les cellules. 3. De définir la localisation des ETR au sein des cellules exposées.

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L’identification précise des transporteurs impliqués pourra être abordée par des manipulations de RT-PCR qui peuvent permettre d’identifier quel transporteur membranaire est impliqué. L’utilisation de sondes spécifiques pour les transporteurs abcb1 (P-glycoprotéines) ainsi que pour les transporteurs abcc1 à 5 (MRP 1 – 5) a été décrite dans la littérature pour les cellules ZF4 et pourront donc être utilisées (Long et al. 2011). Les métallothionéines ont très souvent été décrites comme étant impliquées dans la détoxication des métaux, il sera donc judicieux de s’y intéresser ici pour voir si ces molécules interviennent dans la réponse cellulaire lors d’une intoxication aux ETR. Via une approche similaire en RT-PCR, des sondes en rapport avec la présence de métallothionéines ont également été décrites lors de manipulations sur des cellules ZF4 et pourront être utilisées (Long et al. 2011). Dans chacun des cas, il s’agira de comparer les signaux obtenus par RT-PCR pour des cellules saines et pour des cellules en situation d’exposition aux ETR (expositions aigües et cellules résistantes).

Le glutathion est depuis plusieurs décennies cité comme le principal composé impliqué dans les phénomènes de détoxication des métaux (Krezel and Bal, 1999). La déplétion en glutathion peut entrainer une augmentation de la sensibilité cellulaire face à la présence de toxique (Wysocki et tamas, 2010) et un taux de glutathion élevé a été décrit comme étant associé à des phénomènes de résistance (Brambila et al., 2002). Il sera donc intéressant de regarder avec attention les modifications de paramètres associés aux mécanismes impliquant le glutathion. Le taux de glutathion intracellulaire pourra être comparé entre des cellules ZF4 ayant ou non subit une exposition aux ETR. Le dosage du glutathion a déjà été réalisé par HPLC au laboratoire (Gismondi et al. 2012), l’utilisation de cette approche pratique pourra donc être envisagée. Il pourra en être de même pour l’activité GST ainsi que pour des activités impliquées dans les mécanismes antioxydants telles que l’activité SOD, CAT et GPx (Garaud et al., 2015). Les valeurs d’IC50 des ETR calculées en mesurant la viabilité cellulaire par le test MTT pour les cellules ZF4 pourront aussi être évaluées en présence d’inhibiteurs de GST et/ou d’inhibiteurs de la synthèse de glutathion. Dans ces cas, l’implication du glutathion ou des GST dans les mécanismes de détoxication devraient se traduire par une augmentation de la toxicité des ETR testés et donc par une diminution des valeurs d’IC50.

Divers mécanismes sont initiés dans l’espace intracellulaire pour minimiser la toxicité due à la présence de métaux. Comme cela a été énoncé dans ce projet, certains permettent d’éliminer le métal par exemple via une prise en charge sous la forme d’un mécanisme de détoxification suivie d’un mécanisme d’excrétion, mais d’autres mécanismes peuvent

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intervenir en séquestrant le métal et en conséquence en neutralisant sa toxicité, par exemple via la fixation à des protéines (métalloprotéines) ou via une accumulation dans des vésicules. La concentration intracellulaire en métal ne représente donc qu’un aspect global de la présence d’un métal dans une cellule et n’est pas forcément en lien direct avec la toxicité de celui-ci puisqu’une partie du métal présent dans la fraction intracellulaire peut s’y trouver sous une forme neutralisée. En considérant de manière plus précise la localisation du métal dans la cellule, on pourra envisager de mieux cerner le potentiel de toxicité associé à la présence intracellulaire du métal. Pour ce faire, il sera intéressant d’initier une approche de fractionnement cellulaire sur les cellules étudiées après exposition aux ETR. Un protocole similaire à celui présenté dans l’encadré 5 pourra être envisagé (Vijver et al. 2004). On notera que sur les cinq fractions obtenues, seules trois peuvent être considérées comme potentiellement toxiques.

La détection des ETR utilisés pour ces approches devra se faire par ICP-MS sur chacune des fractions préparées.

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V. Perspectives

A l’issu de ces travaux, il sera intéressant de déterminer si les éléments cellulaires impliqués qui auront été mis en évidence lors d’une exposition aux ETR sont spécifiques à un ETR ou impliqués pour lutter contre une exposition à n’importe quel ETR ou à des mélanges d’ETR. On pourra aussi s’interroger sur leur rôle dans le cas d’expositions à des ETR en présence d’autres métaux que ceux de la famille des ETR et également dans le cas d’expositions en présence de composés organiques. Ce dernier point sera d’un intérêt particulier puisqu’il alimente la notion de chimio-sensibilisant qui suggère qu’un composé présent à une concentration non toxique puisse impacter la toxicité d’un autre composé s’ils sont tous les deux pris en charge par le même système d’efflux membranaire (Bard, 2000).

Le développement d’une lignée résistante pourra être un outil de choix pour approfondir les études mécanistiques lors d’expositions aux métaux. Il sera bien sûr envisageable d’utiliser le protocole mis en place pour établir la lignée résistante afin de d’essayer de développer d’autres lignes résistantes à d’autres types de métaux.

Il sera également intéressant d’évaluer si les mécanismes mis en évidence sont impliqués suite à une exposition aux ETR dans d’autres lignées cellulaires (lignées cellulaires de poissons ou d’autres organismes dulçaquicoles).

Enfin il conviendra d’étudier le comportement des mécanismes d’intérêts identifiés à l’échelle de l’organisme et dans un premier temps, particulièrement sur des élevages de poissons zèbres. Il s’agira alors de comparer les réponses biochimiques observées sur les lignées cellulaires avec celles obtenues dans des cellules de tissus similaires prélevés sur des organismes entiers.

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