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Partie 1 : Bibliographie

1. Présentation générale du procédé

Le BAM a été développé simultanément par Dorr Oliver (USA) et Rhône Poulenc (France) à la fin des années 1960. Le bassin de décantation réalisant la séparation physique de la biomasse dans les BA est remplacé par un module membranaire. La première configuration de BAM utilisée était à boucle externe (Bioréacteur A Membranes Externes ou BAME) et est présentée sur la Figure 1-4 en comparaison d’un BA en Figure 1-5. Le procédé BAM est à comparer avec l’ensemble bassin d’aération/clarificateur secondaire du BA.

Figure 1-4 : BAME (Grasmick et al., 2007) Figure 1-5 : BA (Boeglin, 1998) Les boues activées circulent à grande vitesse dans le module membranaire qui se trouve à l’extérieur du bioréacteur. Pour réaliser la filtration tangentielle de la suspension bactérienne, de fortes pressions (1 à 4 bars) et des vitesses importantes (de 0,5 à 4 m.s-1) lui sont imposées.

Bien que les BAME permettent d’obtenir des flux de filtrats élevés (de 50 à 120 L.h-1.m-2), les

fortes dépenses énergétiques occasionnées, le coût des membranes et leur rapide perte de perméabilité ont modéré le développement de ce procédé. En 1989 une nouvelle configuration est proposée : les membranes sont alors situées à l’intérieur du bioréacteur (Yamamoto et al., 1989) et nous parlerons de Bioréacteur A Membranes Immergées (BAMI). La configuration est présentée sur la Figure 5.

Figure 1-6 : Schéma représentatif d'un BAMI (Grasmick et al., 2007)

L'énergie nécessaire au fonctionnement d'un BAMI est moindre. Au lieu de mettre la suspension sous pression, les boues sont aspirées et le travail se fait en dépression. Les Pressions TransMembranaires (PTM) imposées ne dépassent généralement pas 0,5 bar. La filtration se fait de manière frontale dans un BAMI et le principal poste de dépense est l’aération nécessaire au décolmatage des membranes, qui peut atteindre 50 % des coûts opérationnels. Les flux de perméat dans les BAMI sont plus faibles que dans les BAME, variant entre 15 et 50 L.h-1.m-2. Les BAMI restent cependant très avantageux au niveau des

besoins en énergie. Une variante de cette configuration est en train de devenir dominante : le BAMI Externalisé (BAMIE) ou BAM semi-externe. Le terme de BAM en filtration semi-frontale est également employé. Le principe est similaire à celui d’un BAMI sauf que le module membranaire n’est pas dans le réacteur mais dans un carter extérieur dans lequel circule la suspension bactérienne. Le module membranaire est ainsi isolé ce qui facilite la maintenance. Les vitesses de circulation restent très faibles pour ne pas déstructurer les boues, avec un ordre de grandeur des ratios débit de filtration/débit de circulation de 1/4 (Lorain et

al., 2010). Les travaux présentés dans cette thèse ont été réalisé dans cette configuration de

BAM.

Il est important de rappeler la distinction entre les types d’effluents à traiter, qui est généralement faîte entre effluents urbains et effluents industriels (Elskens, 2010) :

• Les Eaux Résiduaires Urbaines (ERU) proviennent principalement des différents usages domestiques de l’eau. Elles sont essentiellement porteuses de pollution organique. Elles se répartissent en (i) « eaux ménagères » (salles de bains et cuisines), qui sont généralement chargées de détergents, de graisses, de solvants, de débris organiques, etc. et (ii) « eaux vannes » comprenant les rejets des toilettes. Ces dernières sont chargées de diverses matières organiques azotées et de germes fécaux.

• Les Eaux Résiduaires Industrielles (ERI) sont très différentes des eaux usées domestiques, leurs caractéristiques variant d’une industrie à l’autre. En plus des matières organiques, elles peuvent contenir des substances dangereuses telles que micropolluants organiques et minéraux. Dès lors, une politique d’assainissement des ERI est importante car les effluents chargés en pollution ne sont pas toujours compatibles avec le système d’épuration public destiné à l’assainissement des effluents urbains. Enfin, la présence d’éléments indésirables peut dégrader la qualité des boues d’épuration et interdire leur valorisation en agriculture.

Alors que les rejets domestiques présentent des caractéristiques relativement peu variables (exemple de caractéristiques d’une ERU normalement concentrée donné dans le Tableau 1-1), l’extrême diversité des rejets industriels nécessite une investigation propre à chaque type d’industrie et souvent le recours à des procédés d’épuration spécifiques. Il est donc fondamental pour le traitement des ERI d’être parfaitement informé sur les procédés de fabrication et l’organisation des circuits (Delporte, 2007).

Tableau 1-1 : Concentrations moyennes d’une ERU brute normalement concentrée en entrée de station (Rapport FNDAE 28, p 8) Paramètres Concentration (mg.L-1) DCO 700-800 DBO5 300-350 MES 250-300 Matières organiques Lipides 80-100 Matières minérales MM 30

DCO : Demande Chimique en Oxygène, DBO5 : Demande Biologique en Oxygène (mesurée au bout de 5 jours), MM : Matières Minérales

Ainsi les différents types de BAM seront utilisés en fonction des effluents à traiter. Si la configuration externe induit des coûts de fonctionnement élevés, peu compatibles avec le traitement de flux d’eaux importants et peu concentrés comme le sont les ERU, elle peut être tout à fait adaptée au traitement d’effluents industriels concentrés car elle autorise, dans certains cas, des compacités importantes (Grasmick et al., 2007). Notre étude concerne le traitement d’ERU. Les BAMI étant largement utilisés pour le traitement des effluents domestiques, c’est la configuration BAMIE qui a été retenue.

Judd (2008) recense les principaux avantages des BAM par rapport aux BA : les membranes ont des tailles de pores comprises entre 0,1 et 0,01 µm, ce qui permet de retenir la totalité de

Aération pour le décolmatage dans les bioréacteurs à membranes immergées pour le traitement des eaux usées : impact sur le milieu biologique et la filtration

la Matière En Suspension (MES) ainsi que certaines bactéries et virus présents dans les boues. La Figure 1-7 présente la rétention de divers types de particules en fonction des seuils de coupure des membranes. La qualité de l’eau à la sortie d’un BAM est donc mieux contrôlée qu’après un décanteur.

Figure 1-7 : Les domaines de séparation membranaire (ADEME, 2006)

L’indépendance des temps de rétention solide et hydraulique est également un avantage important des BAM. Dans un BA, la séparation solide se fait par sédimentation. Elle dépend donc de la croissance des flocs jusqu’à une taille suffisante (environ 50 µm) pour pouvoir décanter. Un temps de rétention hydraulique suffisamment long est donc nécessaire au bon fonctionnement du procédé. Dans un BAM les particules retenues sont celles dont la taille et la nature correspondent à la sélectivité induite par le choix des membranes.

Des concentrations en MES supérieures à 10g.L-1 sont fréquemment trouvées pour des BAM,

se situant approximativement dans une gamme de 8-18g.L-1 (Drews, 2010). Dans les BA elles

n’excèdent pas les 3 g.L-1. Les BAM permettent donc soit de travailler à charge massique plus faible si le volume du bioréacteur est le même, soit de gagner en compacité si l’on travaille à même charge massique que dans un BA. La rétention totale de solides en suspension (MES) permet aussi d’atteindre de grands âges de boues (AB). Les organismes à faible croissance (nitrifiants) ont ainsi la possibilité de se développer et la pollution azotée est mieux traitée. Enfin les BAM ont une moins grande empreinte au sol : étant donné que le bassin de décantation est remplacé par un module membranaire il n’y a plus besoin que du bioréacteur ce qui implique une surface au sol moindre.

Lesjean et Huisjes (2008) ont étudié l’évolution du marché européen jusqu’en 2005. Il apparaît clairement que depuis 2002 c’est un secteur en fort développement en Europe, avec plus de 20 nouvelles installations municipales chaque année et plus de 50 pour le traitement d’eaux industrielles. Cependant les installations industrielles sont de plus petites tailles avec des capacités moyennes de 180 m3.j-1 contre 2500 m3.j-1 pour les installations municipales.

Ainsi en 2005 bien que le secteur municipal concernait un nombre plus faible d’installations, il représentait environ cinq fois la surface membranaire utilisée dans le secteur industriel. En

calculant les parts de marché par rapport aux surfaces membranaires installées, il ressort que le secteur municipal représente 75 % du marché sur la période 2003-2005 malgré le plus petit nombre d’installations.

Une étude ultérieure complète cette analyse avec des données pour les années suivantes (Figure 1-8) et donne un taux de croissance pour le secteur municipal de 30 nouvelles installations par an entre 2004 et 2005 et de 45 entre 2006 et 2008 (Kraume et Drews, 2010). Cette croissance est due aux avancées techniques qui ont permis de rendre le procédé viable pour des stations municipales de grandes tailles, notamment avec l’introduction et la commercialisation de la configuration immergée.

Figure 1-8 : Evolution du marché européen de 1990 à 2008 (Kraume et Drews, 2010)

Xiang et al. (2010) ont réalisé un travail similaire sur le marché chinois qui est important dans le domaine. C'est également le secteur municipal qui représente la plus grande part de marché avec 57 %, celle du secteur industriel atteignant 41%. Les stations utilisant des BAM arrivent à de fortes capacités : la station sur la rivière Kunyu à Beijing traite 100 000 m3 d’eau

quotidiennement. Cette technologie connaît un essor considérable en Chine puisque le taux de croissance annuel du marché des BAM est de quasiment 100 %, soit 10 fois plus que pour le marché mondial.

Les BAM ont tout de même certains inconvénients et il ne faut pas généraliser l'idée selon laquelle ils vont rapidement être amenés à supplanter les BA. Un travail récent résume bien la position globale du procédé sur le marché du traitement des eaux (Lesjean et al., 2011). Des recherches ont montré que grâce à sa compacité, les coûts d'investissement des BAM sont comparables à ceux des BA (Côté et al., 2005 dans Lesjean et al., 2011). Toutefois malgré une augmentation annuelle du marché mondial des BAM de 10 % dans les 10 dernières années, les BAM traitent les eaux usées de seulement 2 millions de personnes en Europe, soit 0,5 % de la population (Huisjes et al., 2009 dans Lesjean et al., 2011). Malgré les améliorations des dernières années de nombreux facteurs limitent l'expansion du procédé :

- Les coûts opératoires plus élevés liés aux besoins énergétiques (environ 0,2 kWh/m³ de plus que les BA). Étant données les prévisions qui donnent les coûts énergétiques à

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la hausse ainsi que la tendance globale de réduction de gaz à effet de serre, ce facteur énergétique va devenir un désavantage conséquent pour le BAM comparé à d'autres options techniques à moins d'une percée technologique significative.

- Le risque opératoire des BAM est élevé. Des dommages irréversibles peuvent être causés au procédé du fait du caractère non prévisible du colmatage avec une éventuelle prise en masse des modules membranaires. Cela entraîne un besoin important de maintenance et de personnel qualifié pour le nettoyage et le remplacement des membranes.

- La qualité de l'eau produite est généralement bien supérieure aux standards requis en ce qui concerne les eaux usées traitées. Cela peut tout de même devenir un avantage étant donné le stress hydrique qui favorise les traitements de haute qualité pour la réutilisation d'eau. C’est le cas dans des régions confrontées à un manque d'eau comme l'Australie, l'Espagne, la Californie et certains pays du Golfe. Le BAM doit cependant faire face à d'autres traitements tertiaires (filtration membranaire, filtration sur sable ou micro-tamis) qui sont souvent plus compétitifs sur des stations de taille importante (Lesjean et al., 2004 dans Lesjean et al., 2011).

Les défis pour le BAM sont donc de réduire les coûts énergétiques et de limiter les risques opératoires liés à l'utilisation du procédé. Malgré l'augmentation annuelle du marché au niveau mondial, le BAM ne remplacera probablement pas de manière systématique les BA ni à court ni à moyen terme. Cependant des applications plus spécifiques, comme le besoin en réutilisation d'eau, l’adaptation à des charges fluctuantes, ou encore le besoin de faible emprise au sol dans les zones à forte pression foncière, représentent des opportunités de développement. La capacité à optimiser les paramètres opératoires du procédé et à faciliter sa gestion sera déterminante dans la compétition avec les autres options technologiques.