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Présentation et définition des enjeux du sujet

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 28-180)

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Chapitre I. Parcours historiographique

Il convient dans un premier temps de présenter un aperçu des recherches sur l’iconographie du paon et du phénix afin de nous situer par rapport à l’édifice historiographique.

Sa construction pourrait être mis en rapport avec la composition de la signification du paon et du phénix (ré)apparaissant régulièrement dans la littérature ancienne, dans le vocabulaire visuel antique et médiéval jusqu’à devenir un sujet de recherche récurrent. Le bilan que nous proposons n’est pas exhaustif, mais permet de mettre en évidence les principales étapes d’un parcours historiographique centré sur le XXe siècle. Un découpage chronologique et une organisation en fonction d’études phares sur le thème du paon, puis du phénix vont structurer notre propos tel un parcours ponctué d’étapes. L’itinéraire intellectuel de chaque grande figure de la recherche sera brièvement présenté afin de tenter de comprendre la genèse des principales études portant sur ces deux thèmes. Les liens tissés entre les chercheurs et les rapports de filiation intellectuelle seront notamment examinés dans le but d’évaluer les enjeux, les apports et éventuellement les limites de travaux proposés sur des sujets aussi riches et complexes. La documentation mise à leur disposition, la méthodologie adoptée et les principales ressources bibliographiques utilisées vont être mis en parallèle en vue de faire apparaître les sillons qu’ils ont pu suivre ou tracer. Notre parcours historiographique sur le thème du paon va débuter avec l’ouvrage d’Helmut Lother (1898-1970) puis se poursuivre avec les travaux inscrits ou non dans le sillon qu’il a tracé en 1929. Dans un second temps, nous proposerons une présentation des différentes études portant sur le thème du phénix en les articulant autour de charnières historiographiques. Celles-ci sont formées par les ouvrages de Jean Hubaux et Maxime Leroy (1939), des thèses de Marialuise Walla (1965) et de Roelof van den Broek (1971) jusqu’aux récents travaux de Françoise Lecocq. Bien que la pertinence de certaines pistes de réflexion soit discutable, les études de J. Hubaux et M. Leroy ainsi que de R. van den Broek s’imposent, aujourd’hui encore, comme des références pour l’étude des versants littéraires et iconographiques du phénix.

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I. L’étude du paon dans l’iconographie antique et médiévale

A. Enjeux, apports et limites de Der Pfau in der altchristlichen Kunst d’Helmut Lother (1929)

A. 1. Le parcours d’Helmut Lother et la genèse de l’étude

Les réflexions présentées en 1929 par H. Lother (1898-1970) dans l’ouvrage Der Pfau in der altchristlichen Kunst12 sont le fruit de recherches débutées au début des années 1920 pendant ses études à l’université de Greifswald13. Sa formation lui permit de prendre connaissance des travaux sur l’art paléochrétien de l’archéologue Victor Schultze (1851-1937) qui enseignait à Greifswald depuis 188314. La seconde figure importante dans le parcours d’H.

Lother est son directeur de recherche, l’archéologue, théologien et historien de l’Église Hans Achelis (1865-1937). Ce dernier chercha à comprendre dans quelles circonstances l’image sacrée émergea dans des contextes funéraires italiques entre les IIIe et IVe siècles15. Ces pistes balisées ont été suivies par son élève qui s’appuya principalement sur des documents figurés dans les catacombes romaines, napolitaines et syracusaines pour étudier la signification du paon dans l’art paléochrétien. Le fait qu’H. Lother ait été l’assistant personnel d’H. Achelis durant ses voyages d’études en Italie a certainement contribué à renforcer les liens entre les deux chercheurs et à orienter de futurs travaux16. La filiation intellectuelle apparaît également dans la méthode adoptée par H. Lother, puisque chaque témoignage figuré est situé dans son contexte avant d’être comparé. Les documents iconographiques ainsi répertoriés et analysés constituent un prisme par lequel le chercheur tente d’observer la piété des communautés judéo-chrétiennes entre le IIIe et le IVe siècle notamment à Rome. La dédicace du texte et les fréquentes références aux travaux de son directeur de recherches confirment qu’H. Lother s’inscrit dans le sillon d’H.

12 H. LOTHER, Der Pfau in der altchristlichen Kunst: eine Studie über das Verhältnis von Ornament und Symbol, Leipzig, Dieterich, coll. « Studien über christliche Denkmäler », 18, 1929.

13 Le contexte religieux de la ville de Greifswald au XVIIe siècle fut d’ailleurs étudié par H. Lother dans sa thèse portant sur les controverses piétistes en Poméranie. (H. LOTHER, Pietistische Streitigkeiten in Greifswald. Ein Beitrag zur Geschichte des Pietismus in der Provinz Pommern, Gütersloh, Carl Bertelsmann, 1925).

14 V. Schultze est remercié dans l’avant-propos de l’ouvrage d’H. Lother. Voir V. SCHULTZE, Archäologische Studien über altchristliche Monumente, Vienne, Wilhelm Braumüller, 1880 ; Id., Archäologie der altchristlichen Kunst, Münich, C. H. Beck, 1895 ; Id., Altchristliche Städte und Landschaften, Leipzig, Deichert, 1913–1930.

15 H.ACHELIS, Die Bedeutung der Katakomben von Neapel für die christliche Kunstgeschichte (Rektoratsrede) Leipzig, Edelmann, 1932 ; Id., Römische Katakombenbilder in Catania, Berlin, De Gruyter, coll. « Studien zur spätantiken Kunstgeschichte », vol. 5, 1932 ; Id., Die Katakomben von Neapel. 6 Lieferungen, Leipzig, Hiersemann, 1935-1936.

16 H. Lother le précise dans son avant-propos (daté du 26 mai 1929), tout comme il souligne l’influence des séminaires et des conférences de son directeur sur ses propres recherches.

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Achelis17. L’influence de ce chercheur est en outre perceptible dès le titre de l’ouvrage que l’on peut rapprocher de la thèse d’H. Achelis – soutenue à l’université de Marburg en 1887 – portant sur le poisson dans les catacombes romaines18. La prise en compte d’un seul motif étant la seule démarche valable pour proposer une étude exhaustive selon H. Achelis, H. Lother appliqua ce principe sur un sujet analogue. Il est également possible que la connotation péjorative du paon et sa réappropriation dans les arts décoratifs européens dans le premier tiers du XXe siècle aient également favorisé ce choix19.

À travers son ouvrage paru en 1929, H. Lother pose la question suivante : dans quelle mesure l’observation des rapports entre « Ornament » et « Symbol » peut-elle éclairer l’étude du thème iconographique du paon dans l’art paléochrétien ? Pour H. Lother, le premier terme est synonyme de « décoration ». Il désigne un élément vide ou vidé de sens qui ne peut être étudié pour lui-même parce qu’appartenant à un ensemble, un décor. Symbol désigne quant à lui un élément porteur de signification par lui-même, que cette dernière ait perduré dans le temps ou qu’elle ait été ravivée dans un certain contexte. Bien que le titre de l’étude précise que la démonstration concerne la période dite « paléochrétienne », la recherche des origines de l’espèce de l’oiseau ainsi que des racines du motif et du symbole qui lui sont associés l’obligent à prendre en compte des documents antérieurs au IIIe siècle. En dressant un inventaire de la documentation réunie par le chercheur, nous constatons que la chronologie couverte par l’étude s’étend du Xe siècle av. J.-C. au XIIe siècle20. L’essentiel du corpus iconographique s’inscrit dans un intervalle chronologique compris entre le IIIe et le VIe siècle et concerne l’espace italique, mais des parallèles sont effectués avec des documents provenant de la partie orientale du Bassin méditerranéen. La considération d’un large cadre spatio-temporel et le croisement de témoignages archéologiques, littéraires et iconographiques permettent au chercheur de percevoir des continuités et d’observer la transmission de schémas visuels. La démarche interdisciplinaire adoptée et l’exploitation d’un riche corpus documentaire lui offrent alors la

17 Parmi les références les plus citées par H. Lother figurent H.ACHELIS, « Altchristliche Kunst », Zeitschrift für die neutestamentliche Wissenschaft und die Kunde der älteren Kirche, 12-4, 1911, p. 296-320 ; id., « Die gnostiche Katakombe am Viale Manzoni in Rom », Kunst und Kirche. Zeitschrift für religiöse Kunst in den evangelischen Kirche, II, mars 1926, p. 65-71 ; id., Das Christentum in den ersten drei Jahrhunderten, Leipzig, Quelle & Meyer, 1912.

18 H. ACHELIS, Das Symbol des Fisches und die Fischdenkmäler der römischen Katakomben, Dissertation, Marburg Philosophische Fakultät vom 29. November 1887, Universitäts-Druckerei Marburg, 1887 ; Marburg, Elwert, 1888.

19 Infra, n. 65.

20 L’étude en tant que telle s’arrête cependant à des objets ravennato-byzantins du VIe siècle (p. 78-83), puisque les décors ecclésiaux de Sainte-Agnès-hors-les-murs à Rome (p. 23) et de Saint-Clément également à Rome (p. 85) ne sont cités qu’en guise d’ouverture.

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possibilité d’une part, de mieux cerner les grandes étapes de l’importation du paon de l’Inde vers la péninsule italique. D’autre part, le faisceau d’indices recueillis enrichit sa démonstration visant à évaluer les liens entre l’animal, le motif et le symbole dans des contextes civils, cultuels et funéraires jusqu’au VIe siècle. Ainsi, la recherche des articulations entre ces trois éléments lui sert à approfondir ses réflexions sur les circonstances dans lesquelles le paon migra d’un répertoire visuel « païen » vers une iconographie « paléochrétienne ». Les perspectives ouvertes en 1929 l’ont conduit deux ans plus tard à considérer les notions de « réalisme » et de

« symbolisme » dans l’art paléochrétien21. Le chercheur se consacra ensuite jusqu’à la fin des années 1930 à la rédaction d’une histoire de l’Église et de la chrétienté22.

A. 2. L’horizon d’étude ouvert par Helmut Lother

La monographie d’H. Lother est pionnière sur le sujet et demeure la référence pour l’étude de l’iconographie du paon durant la période dite « paléochrétienne ». Ce terme est d’ailleurs défini dès les premières pages de même que les circonstances de l’émergence de l’« art paléochrétien ». Bien que les découvertes de l’archéologie chrétienne romaine en aient situé le berceau à Rome, H. Lother revient sur les travaux controversés de Josef Strzygowski (1862-1941)23. Dans son ouvrage intitulé Orient oder Rom, ce dernier adopta une méthode comparatiste façonnée par des préjugés racistes pour tenter d’expliquer que les arts du IVe siècle n’auraient pas d’origine romaine, mais auraient été influencés par des courants « orientaux » et

« sémitiques »24. On ne peut aujourd’hui soutenir le discours téléologique et l’histoire formaliste de l’École de Vienne à laquelle se rattache ce chercheur. H. Lother présente également les recherches de Franz Xavier Kraus (1840-1901)sur le rôle de la cité d’Alexandrie dans le développement du catéchisme et d’une théologie chrétienne à partir de la fin du IIe siècle25. H. Lother est quant à lui convaincu d’une permanence de la culture gréco-romaine dans

21 H.LOTHER, Realismus und Symbolismus in der altchristlichen Kunst, Tübingen, Mohr, coll. « Sammlung gemeinverständlicher Vorträge und Schriften aus dem Gebeit der Theologie und Religionsgeschichte », 1931.

22 H. LOTHER, Neugermanische Religion und Christentum. Eine kirchengeschichtliche Vorlesung, Gütersloh, Bertelsmann, 1934 ; Id., Die Christusauffassung der Germanen, Gütersloh, Bertelsmann, 1937 ; id., Geschichte des Christentums, Leipzig, Quelle & Meyer, 1939.

23 J. STRZYGOWSKI, Orient oder Rom? Beiträge zur Geschichte der spätantiken und frühchristlichen Kunst, Leipzig, J. C. Hinrich, 1901 ; Id., Kleinasien ein Neuland der Kunstgeschichte, Leipzig, Hinrich, 1903. D’un point de vue historiographique, voir S. MARCHAND, « The Rhetoric of Artifacts and the Decline of Classical Humanism : the Case of Josef Strzygowski », History and Theory, 33-4, 1994, p. 106-130 ; J.ELSNER, « The Birth of Late Antiquity: Riegl and Strzygowski in 1901 », Art History, 25-3, 2002, p. 358-379.

24 J. STRZYGOWSKI contredit ainsi les travaux de F. WICKHOFF sur la genèse de Vienne (1895), prolongés par A. RIEGL dans Spätrömische Kunstindustrie (1901).

25 F. X. KRAUS, Geschichte der christlichen Kunst, Fribourg, Herder, 1895-1897, 2 vol. Voir également E. LEFEVRE-PONTALIS, « Franz-Xaver Kraus, Geschichte der christlichen Kunst (compte-rendu) », Bibliothèque de l’Ecole des chartes, 59-1, 1898, p. 421-423.

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la vie, la piété et l’art des premières communautés judéo-chrétiennes notamment à Rome. Dans cette optique, il se rattache aux travaux de P. Styger (1887-1939) et cherche à observer le poids d’une tradition picturale romaine dans la composition des fresques catacombales entre le IIIe et le IVe siècle26. À travers le premier chapitre de l’ouvrage, le lecteur saisit les mécanismes du raisonnement d’H. Lother qui bénéficia d’un riche contexte historiographique pour rédiger son étude. Dans sa présentation de l’ouvrage, V. Schultze met en évidence la méthodologie irréprochable d’H. Lother, les réelles avancées que le chercheur apporte sur le sujet et loue sa prudence sur certains points27.

Comme dit précédemment, selon H. Lother, une supposée tension entre « Ornament » et « Symbol » permettrait de retracer l’évolution de l’iconographie du paon à partir du Ier siècle de notre ère. H. Lother s’interroge d’abord sur les circonstances dans lesquelles a pu s’opérer ce changement de statut et considère les villas romaines et pompéiennes comme le point de départ du « paon décoratif »28. Il prend ainsi le contre-pied d’Adolf Furtwängler (1853-1907) qui démontra que, tout comme les objets auxquels il a été associé, le paon n’a pas seulement été peint pour ses qualités esthétiques29. En effet, H. Lother réduit le paon à un élément visuel sans signification particulière (« Dekorationsstuck ») noyé dans le flot du « décor » pompéien.

L’hypothèse est difficilement soutenable aujourd’hui30. En d’autres termes, grâce à l’univers visuel des jardins romains, le paon serait passé du statut d’oiseau ornemental et ostentatoire à celui d’élément décoratif dans des contextes domestiques et funéraires. La mise en image d’un au-delà idyllique sous la forme d’un jardin aurait participé à la migration du paon du cadre

26 H. LOTHER, Der Pfau in der altchristlichen Kunst…, op. cit., p. 4-5, d’après P. STYGER, Die altchristliche Grabekunst. Ein Versuch der einheitlichen Auslegung, Münich, J. Kösel und F. Pustet, 1927, p. 92.

27 Sur la réception de l’ouvrage dans la communauté scientifique française et allemande en 1930, voir « Helmut LOTHER, Der Pfau in der altchristlichen Kunst… », Revue archéologique, 31, 5e série, janvier-juin 1930, p. 221-222 ; V. SCHULTZE, « LOTHER Helmut, Der Pfau in der altchristlichen Kunst… [Rezension] », Theologisches Literaturblatt. Zeitschriftenband, 1930, p. 39-41.

28 Le chapitre II (p. 12-32) est intitulé « Die Dekorationsstücke aus vorchristlicher Zeit, insbesondere die Pfaudarstellungen in ihrer bisherigen Beurteilung ». Bien que les auteurs antiques n’y aient jamais fait allusion, H. Lother pense que les paons déambulant dans les jardins de riches villas romaines et pompéiennes auraient servi de modèle aux peintres pour leurs décors domestiques, puis funéraires (p. 13-14). Selon lui, les oiseaux peints se distinguent de leurs référents par des couleurs plus vives, par leurs queues toujours déployées en roue ainsi que par leur association à des objets décoratifs.

29 H. LOTHER, Der Pfau in der altchristlichen Kunst…, op. cit., p. 27-31, d’après A. FURTWÄNGLER, Die antiken Gemmen. Geschichte der Steinschneidekunst, Berlin, Gesecke & Devrient, 1900, 3 vol. L’interprétation d’A. Furtwängler a été reprise notamment dans F. CUMONT, Fouilles de Dura Europos, (1922-1923), Paris, Paul Geuthner, 1926 ; E. R. GOODENOUGH, Jewish Symbols in the Greco-Roman Period, vol. VIII, Pagan Symbols in Judaism, New-York, Pantheon Books, 1958 ; A. COEN, « Sul motivo del pavone in Etruria », Prospettiva, 86, 1997, p. 93-101, p. 98.

30 On ne peut soutenir une telle vision aujourd’hui, si l’on se base sur une analyse individuelle et sérielle de différents témoignages figurés découverts dans la baie de Naples et à Rome, datés entre le Ier siècle av. et le IIe siècle de notre ère.

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domestique vers la sphère funéraire et de l’environnement de figures mythologiques vers des protagonistes bibliques31. La suite du texte met en exergue que les IIIe et IVe siècles forment une charnière entre le motif et le symbole, ainsi qu’entre l’imagerie funéraire classique et « l’art paléochrétien ». Selon H. Lother, les premiers chrétiens reprirent un motif neutre, puisque la connotation du paon aurait été perdue au Ier siècle de notre ère32. La proximité entre le motif et des signes associés aux thèmes de la nature renaissante et du cycle des saisons dans les catacombes serait le premier facteur de resémantisation du paon. La contemporanéité de ces peintures funéraires avec les cérémonies de l’apothéose impériale pourrait être le second déclencheur de sens33. Nous ne pouvons rejeter ces parallèles aujourd’hui, mais les relations entre les différents contextes doivent être éclaircies à la lumière de documents supplémentaires et d’une bibliographie actualisée.

La suite du texte est consacrée à la définition des étapes qui ont conduit l’espèce sur le sol italique et ainsi apporté les premières figurations connues34. Les origines du paon, de son motif et de son symbole sont examinées de manière à éclairer les articulations entre les trois éléments à partir de témoignages archéologiques, littéraires et iconographiques. Chaque attestation est envisagée comme un document historique, voire comme un indice dans une enquête qui mène le chercheur au-delà des limites du Bassin méditerranéen et du fond culturel gréco-romain. H. Lother revient d’abord sur les origines indiennes du paon en confrontant plusieurs textes bouddhistes difficiles à dater35. Il étudie ensuite sur les légendaires paons du roi Salomon (970-931 av. J.-C.) dans le but de déterminer la fiabilité d’un court passage vétérotestamentaire36. Il en déduit que l’extrait est sujet à débat et ne peut être utilisé pour justifier la présence du paon dans le royaume d’Israël au Xe siècle av. J.-C. pour plusieurs raisons. Le chapitre III met en évidence que le paon fut considéré comme une denrée rare, une

31 H. LOTHER, Der Pfau in der altchristlichen Kunst…, op. cit., p. 66, 69, 73, repris dans V. SCHULTZE, « Lother Helmut, Der Pfau in der altchristlichen Kunst… [Rezension] », art. cit., p. 39.

32 H. LOTHER, Der Pfau in der altchristlichen Kunst…, op. cit., p. 40.

33 Ibid., p. 29-30, d’après L. V. SYBEL, Christliche Antike : Einführung in die altchristliche Kunst, Marburg, N. G.

Elwert, 1906, p. 172. Concernant les pièces de monnaie commémoratives d’une apothéose de l’impératrice, voir J. ECKHEL, Doctrina numorum veterum, F. VOLKE (éd.), Vienne, Vindobonae, 1797, VII, p. 37, 80 ; H. COHEN, Description historique des monnaies frappées sous l’Empire romain, Paris, M. Rollin et Feuardent (éd.), 1882, vol. II, p. 413, n° 132, 174-179 ; vol. III, 1883, p. 135, n° 69-74, 303, 304.

34 H. LOTHER, Der Pfau in der altchristlichen Kunst…, op. cit., chap. III, « Der Pfau in außerchristlicher Religion und Kunst », p. 33-55.

35 Loc. cit. Sur le sujet, voir E. B. COWEL, The Jataka or Stories of the Buddha’s Former Births, Cambridge, Cambridge University Press, 1895-1907, 6 vol. ; L. A. WADDELL, « The “Dharani” Cult in Buddhism, its Origin, deified Literature and Images », Ostasiatische Zeitschrift, I, 1912-1913, p. 155-195 ; G. FABER, Buddhistische und neutestamentliche Erzählungen. Das Problem ihrer gegenseitigen Beeinflussung, Leipzig, Hinrichs, 1913, p. 10.

36 H. LOTHER, Der Pfau in der altchristlichen Kunst…, op. cit. p. 33-35, 37-38, d’après I Rois 10, 22, repris dans 2 Chroniques 9, 21. Nous reviendrons plus précisément sur ce point, voir infra, chap. III, I. A.

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matière colorée précieuse, voire comme un bien ostentatoire dès son introduction dans le Bassin méditerranéen entre le Xe et le VIIe siècle av. J.-C. Entre le VIe et le Ve siècle av. J.-C., l’oiseau fut importé en Grèce et sacralisé en devenant l’attribut d’Héra sur l’île de Samos, avant d’être figuré aux côtés de la déesse sur des pièces de monnaie37. Néanmoins, H. Lother relève un décalage de deux siècles entre les premières figurations du buste de la déesse sur des monnaies samiennes au IVe siècle av. J.-C. et les plus anciens témoignages visuels du paon sur ces supports. Le rattachement de l’île de Samos à l’empire romain en 129 av. J.-C. serait contemporain, selon lui, de la fixation du mythe d’Argos – expliquant la (re)naissance de l’oiseau – et de la désignation du paon comme attribut officiel d’Héra38. Les liens entre ces trois éléments restent toutefois à éclaircir, puisque le chercheur ne fournit pas d’explications et ne s’appuie sur aucune source pour étayer son hypothèse. Il s’agit pourtant d’une phase essentielle dans l’association entre la déesse et son attribut. Le passage entre l’animal et le symbole se serait donc effectué assez tôt dans la partie orientale du Bassin méditerranéen et aurait été favorisé par le statut « d’objet précieux » du paon.

La transition avec l’étape suivante du raisonnement nous semble confuse. En se basant sur un passage énigmatique des Annales d’Ennius (239-169 av. J.-C.), H. Lother considère que le « paon-symbole » aurait été introduit dans le sud de la péninsule italique par le biais de courants pythagoriciens et orphiques avant le IIe siècle av. J.-C.39. Ces cercles philosophiques auraient donc apporté une dimension supplémentaire au paon d’Héra en l’associant à des concepts eschatologiques à un moment indéterminé entre le Ve et le IIe siècle av. J.-C40. Après avoir expliqué les origines et les principes de l’apothéose impériale, H. Lother étudie plusieurs séries monétaires du IIe siècle où l’âme de l’impératrice est figurée sur le dos d’un paon psychopompe pour être transporté vers les cieux41. Le chercheur s’attarde peu sur les enjeux de ce glissement du paon de la déesse à l’impératrice, alors que la médiation établie entre humain et divin ainsi qu’entre terrestre et céleste grâce à l’oiseau mérite selon nous d’être approfondie.

La transition avec l’étape suivante du raisonnement nous semble confuse. En se basant sur un passage énigmatique des Annales d’Ennius (239-169 av. J.-C.), H. Lother considère que le « paon-symbole » aurait été introduit dans le sud de la péninsule italique par le biais de courants pythagoriciens et orphiques avant le IIe siècle av. J.-C.39. Ces cercles philosophiques auraient donc apporté une dimension supplémentaire au paon d’Héra en l’associant à des concepts eschatologiques à un moment indéterminé entre le Ve et le IIe siècle av. J.-C40. Après avoir expliqué les origines et les principes de l’apothéose impériale, H. Lother étudie plusieurs séries monétaires du IIe siècle où l’âme de l’impératrice est figurée sur le dos d’un paon psychopompe pour être transporté vers les cieux41. Le chercheur s’attarde peu sur les enjeux de ce glissement du paon de la déesse à l’impératrice, alors que la médiation établie entre humain et divin ainsi qu’entre terrestre et céleste grâce à l’oiseau mérite selon nous d’être approfondie.

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