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Présentation du dispositif national de l’Aide Complémentaire Santé (ACS)

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ONTEXTE

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POUR UN ACCÈS AUX SOINS DE QUALITÉ ET ÉGAL ENTRE TOUS

La possession d’un contrat de couverture complémentaire est indispensable pour couvrir les dépenses de soins et de biens médicaux non remboursés par l’Assurance Maladie obligatoire et accéder aux soins [1]. D’autant plus que ce

« reste à charge » n’a cessé de progresser ces dernières années, il est passé de 217 € à 547 € par personne et par an entre 1980 et 2008 [2]. Or, des travaux ont confirmé que l’accès aux soins et l’état de santé sont associés au fait de posséder ou non une complémentaire santé, et l’absence de couverture complémentaire est un facteur important de renoncement aux soins [3,4]. L’accès à une couver-ture complémentaire représente alors un véritable enjeu pour garantir un accès aux soins de qualité et égal entre tous et pour maintenir l’accès aux soins des personnes les plus pauvres et les plus malades [5].

C’est pour relever cet enjeu et permettre aux personnes qui ne disposaient d’aucune complémentaire santé de bénéficier de soins entièrement gratuits que la Couverture maladie universelle Complémentaire (CMU-C) a été mise en place avec la loi du 27 juillet 1999 portant création d’une Couverture maladie univer-selle (CMU) [6]. La CMU-C permet à toute personne en bénéficiant une prise en charge à 100 % sans avance de frais, dans la limite des tarifs de remboursement de l’Assurance Maladie et dans le cadre du parcours de soins coordonnés. Elle vise ainsi à garantir un accès gratuit à la prévention médicalisée et aux soins pour les personnes dont les revenus sont les plus modestes et à travailler à l’égalité en matière de santé.

Mais contrairement à la CMU de base, la CMU-C est soumise à conditions de ressources et les barèmes dépendent de la composition du foyer. Un problème qui s’est alors vite présenté suite à sa création fut celui du seuil de revenu fixé qui écartait du dispositif ceux dont les ressources étaient légèrement supé-rieures au plafond ouvrant droit la CMU-C, mais dont les revenus étaient ce-pendant trop faibles pour acquérir une complémentaire santé. C’est pour ré-pondre à cet « effet seuil » que le dispositif de l’Aide Complémentaire Santé

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ES CRITÈRES D

ATTRIBUTION ET LES DROITS OUVERTS

PAR LE DISPOSITIF NATIONAL DE L

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(ACS)

L’ACS est attribuée sous conditions de résidence et de ressources, plus précisé-ment aux personnes dont les revenus se situent entre le plafond de la CMU-C et ce même plafond majoré de 35 % depuis le 1er janvier 2012 [8]. C’est l’article D.

861-1 du code de la sécurité sociale, pris en application de l’article L. 861-1 du même code, qui fixe le montant du plafond annuel de revenus à ne pas dépasser pour l’accès à la CMU-C ; le niveau de vie est calculé sur la base des revenus des douze mois précédant la demande. Ce plafond a été régulièrement revalorisé, il est passé du niveau du plafond CMU-C augmenté de 15% entre 2005 et 2007, de 20% suite à la Loi de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS) de 2007 et de 26% au 1er janvier 2011. La dernière révision du plafond opérée en 2012 permet d’élargir l’éligibilité au dispositif ACS, mais surtout va permettre aux personnes touchant le minimum vieillesse et l’AAH (Allocation aux Adultes Handicapés), et qui ont vu leur aide augmenter, de rester dans les critères d’attribution de cette aide [9].
Le contrat doit être souscrit à titre individuel et ne s’applique pas aux contrats collectifs.

L'acquisition de l’ACS ouvre droit à :

Une attestation-chèque (par individu composant le foyer et selon son âge) à faire valoir auprès de la complémentaire santé choisie librement et à titre indi-viduel [8]. Elle permet une réduction sur le montant annuel de la cotisation à la complémentaire santé. Cette aide concerne chaque personne du foyer et varie de 100 à 500 euros selon l’âge (Tableau 1). Par exemple, pour un couple de 35 ans avec deux enfants à charge de moins de 16 ans, le montant du chèque est de 600 euros.

Tableau 1- Montant de l’aide accordée en fonction du nombre et de l’âge de chaque personne composant le foyer

Tranche d’âge Montant par bénéficiaire Moins de 16 ans 100 euros

La dispense de l'avance de frais sur la partie prise en charge par l'Assurance Maladie lors des consultations médicales, dans le cadre du parcours de soins coordonnés.

La dispense d'avance de frais est accordée même si le bénéficiaire ne choisit pas un organisme de protection complémentaire. Elle est valable dix-huit mois à compter de l'émission de l’attestation-chèque.

Ainsi, entre l’acquisition de l’ACS et le recours effectif aux soins se présentent différentes étapes :

‐ Faire valoir ses droits auprès de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) pour bénéficier d’un chèque santé, en remplissant le formulaire cor-respondant [10]. En cas d’accord de la caisse, le montant du chèque va dé-pendre du nombre de personnes au sein du foyer et de leur âge (cf ci-dessus).

‐ Utiliser et présenter le chèque à un organisme de complémentaire santé dans les 6 mois, ce qui donne droit à une réduction sur le prix du contrat. A la différence de la CMU-C, le niveau de prise en charge des dépenses de soins va dépendre des garanties prévues dans le contrat souscrit avec l’organisme choisi. Il sera donc variable et fonction du contrat. Si le contrat vaut par exemple 400 € et que la réduction est de 200 €, le bénéficiaire ne paiera que la différence, soit 200 €.

‐ Lors de la consultation, présenter au professionnel de santé l’attestation de droit à la dispense d’avance des frais (attestation de droit au tiers-payant remise par la caisse d’Assurance Maladie) en même temps que l’attestation de droit à l’ACS afin de bénéficier du tiers payant sur la part remboursée par l’Assurance Maladie obligatoire, pour les actes réalisés dans le cadre du par-cours de soins coordonnés. Cette attestation est valable pendant 18 mois. Par exemple, pour une consultation chez le médecin traitant qui s’élève à 22€, le bénéficiaire de l’ACS, sur présentation de l’attestation de droit au tiers-payant, ne paiera que la part complémentaire (remboursée éventuellement par la mutuelle) et la participation forfaitaire, soit 7.60€. Le médecin se fait régler la part obligatoire directement par la caisse d’Assurance Maladie.

‐ Le dispositif ACS est valable pour un an, la demande est alors à renouveler chaque année.

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N NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES EN PROGRESSION MAIS UN TAUX DE NON RECOURS AU DISPOSITIF DE L

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QUI RESTE ÉLEVÉ

Deux indicateurs peuvent être facilement utilisés pour le suivi du dispositif ACS: le nombre de bénéficiaires d’attestations délivrées par les caisses d’Assurance Maladie et le nombre de bénéficiaires ayant utilisé l’attestation au-près d’un organisme complémentaire [9].

Le nombre de bénéficiaires de l’ACS est un des indicateurs du programme de qualité et d’efficience « Maladie » (PQE) annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Cet indicateur est rattaché à l’objectif n°1 du PQE : « Assurer un égal accès aux soins ». Il s’agit plus précisément de l’indicateur n°1-3 qui vise à suivre le recours à une complémentaire santé pour les plus démunis.

Le nombre de bénéficiaires, bien qu’ayant lentement progressé, reste faible. Un total de 763 079 personnes a bénéficié d’une attestation de droits au mois de décembre 2011, soit une progression en glissement annuel de + 20,8 %, tous ré-gimes confondus [9]. Cette évolution correspond exactement à la mesure de l’impact du relèvement du plafond qui avait été estimé par le Fonds CMU dans sa dernière note de prévisions. L’augmentation la plus sensible concerne les plus de 60 ans, ce qui pourrait traduire un effet de l’impact des courriers de sensibili-sation adressés par la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse des Travailleurs Salariés (CNAVTS) aux bénéficiaires du minimum vieillesse. Le taux d’utilisation des attestations a quant à lui atteint le niveau de 85 %, un nombre en hausse de + 16,3 % sur l’année 2011.

Le problème déterminant pour l’ACS n’est alors pas celui du taux d’utilisation des attestations mais celui de la « non demande » par les publics potentiels qui atteint le niveau de 80 %, d’après le modèle de micro-simulation INES (INsee-Études Sociales) [9]. Parmi les non demandes, il faut alors distinguer ceux qui ne pourraient pas en bénéficier parce que leur contrat est souscrit à titre collec-tif et les personnes potentiellement éligibles et n’ayant pourtant pas recours à l’ACS, à savoir :

‐ les personnes n’étant pas du tout couvertes par une complémentaire (30%),

Figure 1 – Non recours à l’Aide Complémentaire Santé (figure issue du rapport d’activité 2011 du Fonds CMU) [9]

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YPOTHÈSES SUR LE TAUX ÉLEVÉ DE NON RECOURS

AU DISPOSITIF DE L

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(ACS)

Devant un taux de non recours si élevé, plusieurs hypothèses peuvent être sou-levées. Elles rejoignent en partie les hypothèses émises concernant le non re-cours à la CMU-C. Car, si le taux de non rere-cours à la CMU-C a diminué ces der-nières années au niveau de 16% en 2011, le taux de renoncement aux soins, qui concerne pour l’essentiel les soins dentaires et d’optique peu remboursés par l’Assurance maladie obligatoire, reste préoccupant [9]. Il s’élève à 30 % pour les personnes sans couverture complémentaire, à 21 % pour les bénéficiaires de la CMU-C, contre 14 % pour les personnes qui bénéficient d’une couverture privée [1,11]. Ces hypothèses émanent à la fois des caractéristiques propres au patient, leurs représentations du corps et de la maladie, leurs références culturelles et sociales, leur histoire de vie, en particulier la situation sociale passée, présente ainsi que leurs perspectives d’avenir, mais aussi des caractéristiques du médecin et de leur mode de pratique. Par exemple, les honoraires librement fixés et

Mais de nombreuses hypothèses peuvent être formulées concernant le dispositif lui-même ; elles pourraient présenter des opportunités d’action à mettre en place au niveau national et local, et ont fait l’objet de différentes expérimentations, comme nous le détaillerons dans le chapitre suivant. Ce sont ces hypothèses que nous développerons plus particulièrement dans ce travail :

‐ Tout d’abord, les critères d’éligibilité qui représentent en eux-mêmes la première condition à remplir afin d’acquérir l’ACS, malgré les révisions régu-lières du plafond, la question du seuil fixé est inévitablement posée. Le pla-fond de l’ACS, fixé à 893 euros pour une personne seule en métropole au 1er juillet 2012 [12], demeure nettement inférieur au seuil de pauvreté défini par l’INSEE à 60 % du revenu médian (actuellement 954 euros pour une per-sonne seule), ce qui rend de fait inaccessible le recours à une complémentaire santé pour une frange entière de la population. Le différentiel concerne près de 3,5 millions de personnes [5,9,13].

La méconnaissance des droits, à l’origine d’une « non demande » par les publics potentiels. Concernant la CMU-C, il a été constaté qu'un quart des bénéficiaires avait renoncé à des soins avant même d'avoir consulté, alors qu’ils n’auraient eu aucun reste à charge. La raison principale de ces renon-cements était la crainte d'avoir un soin non remboursé, de se voir opposer un refus du tiers-payant ou de se voir réclamer une participation financière [9].

Le défaut d’information sur le dispositif tant sur l’existence du disposi-tif que sur le principe de fonctionnement ou les démarches à entreprendre pour en bénéficier. Cette hypothèse est particulièrement démontrée par le nombre important de personnes couvertes par une complémentaire santé à titre individuel et qui ne font pas valoir leur droit. Le dispositif de la CMU-C en est également témoin car, même si son existence est de plus en plus con-nue, ceux qui la demandent ou y ont recours connaissent encore très mal son fonctionnement et ce à quoi ils peuvent prétendre [9]. En revanche, une étude montre que pour les bénéficiaires de la CMU-C depuis moins d'un an, le non recours aux soins atteint 45 %, contre 32 % pour les bénéficiaires de-puis 1 an ou plus. Ce chiffre illustre d’une part que le bénéfice de la CMU-C fait objectivement reculer le non recours aux soins et d’autre part que les bé-néficiaires acquièrent une meilleure connaissance de leurs droits au cours du temps [9].

choix doit en outre être mis en regard des besoins de santé dans le futur, dif-ficiles à évaluer » [14]. Les démarches sont donc nombreuses avant de débou-cher éventuellement sur une ouverture de droits. Le schéma suivant dessiné par un groupe de bénéficiaires potentiels à l’ACS et la CMU-C, illustre ce parcours d’obstacles : trouver le bon service, rencontrer un agent et ob-tenir les formulaires de demande, comprendre les formulaires, fournir les justificatifs, répondre à d’éventuelles demandes d’actualisation, etc., étapes qui sont vues comme autant de moments coûteux en temps et en énergie, et qui peuvent parfois provoquer des abandons de démarches (Fi-gure 2) [15]. La complexité réside également dans celle des dossiers et des si-tuations, parmi lesquelles : l’existence de plusieurs revenus, la tenue d’emplois précaires, la coexistence des revenus du ménage avec une éven-tuelle pension alimentaire ou une bourse d’étude d’enfants étudiants demeu-rant par ailleurs au domicile [16]…

Figure 2 – « Le parcours du combattant », schéma issu d’une expérimen-tation sociale HCSA (Haut Commissariat aux Solidarités Actives contre la pauvreté) [15]

Un double reste à charge, qui représente pour ces personnes en difficultés financières un des obstacles majeur à l’acquisition d’une ACS :

– D’une part, un reste à charge sur le prix du contrat, car même si l’ACS en paye 60 %, « la charge reste conséquente pour les ménages bénéficiant de l’ACS, puisqu’un peu moins d’un demi-mois est nécessaire pour financer an-nuellement leur complémentaire santé. S’ils n’avaient pas l’ACS cependant, ce serait quasiment un mois de revenu qui devrait être consacré au paiement de leur complémentaire santé ». [5]

– D’autre part, le reste à charge sur les prestations qui peut se définir par la part des dépenses de santé qui reste à la charge de l’assuré, après rem-boursement de la part obligatoire par l’Assurance Maladie et de la part com-plémentaire par l’organisme comcom-plémentaire. L’enquête menée en 2010 au-près de 43 organismes complémentaires sur le prix et le contenu des contrats ayant ouvert droit à l’ACS étudiait pour la première fois la question du reste à charge sur prestations. Elle révèle que le montant des restes à charge sur une consultation de spécialiste s’élève à 9 €, celui sur une prothèse dentaire à 350 €, enfin, celui sur une paire de lunette à 150 € [9, 17]. Le sujet des restes à charge est également très préoccupant pour les bénéficiaires de la CMU-C ; en effet, alors qu’en théorie le reste à charge doit être nul pour les bénéficiaires de la CMU-C, des études de la CNAMTS et du Fonds CMU, montrent que ce n’est pas le cas. L’optique, avant le dentaire, étant le point le plus préoccupant [9, 17].

– Un autre obstacle dans l’acquisition de l’ACS est celui de l’accessibilité, soit parce que le sujet présente des difficultés à se déplacer (pas de véhicule, par exemple) et qu’il n’existe pas d’offre de proximité, soit parce que les lais de rendez-vous sont longs [9]. En effet, plus d’une personne sur trois dé-clarent ne pas avoir la possibilité de se déplacer facilement [18]

Ces différentes hypothèses s’accumulent, se combinent ou se succèdent dans le temps et doivent se comprendre dans un processus dynamique. Des discussions menées auprès des bénéficiaires et des organismes prestataires, montrent que

« les difficultés des uns sont aussi les difficultés des autres » et que cette inter-dépendance des obstacles rencontrés doit être prise en compte dans la formula-tion d’hypothèses et de proposiformula-tions d’acformula-tions [15]. Ces différentes hypothèses peuvent être hiérarchisées et catégorisées selon différents points d’entrée,

Pour chacune des trois formes, le travail de l’Observatoire cherche à construire un modèle d’analyse dynamique fondé sur la combinaison des explications qui peuvent être observées [19].

Figure 3 – Typologie explicative du non recours proposé par l’Observatoire des non recours aux droits et aux services (ODENORE) [19]

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