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Présentation des participantes et de leur trajectoire

Chapitre 3: Le point de vue des femmes sur la survivance

9. Présentation des participantes et de leur trajectoire

Des fois je voudrais même m’arrêter mais je ne peux pas m’arrêter, c’est dans ma nature! Je suis très active dans ce sens. Je travaillais, j’ai toujours travaillé, j’avais un emploi à l’extérieur de la maison. J’avais des enfants, quatre enfants. Je suis également une personne qui est près des gens. Je dis cela parce que je constate que, où que je sois, je m’implique. Que ce soit avant ou maintenant, je m’implique toujours. Lorsque je fais un retour sur moi, je réalise que j’aime être avec les gens, que j’aime faire quelque chose pour les gens. (...) Ça ne me demande pas d’efforts d’aider, à l’inverse, ça me demande des efforts de ne pas le faire Jeanne p.1.

En 1990, lorsque la guerre débute, Jeanne a 38 ans, elle vit dans la capitale du pays avec ses deux enfants âgés de 5 et 7 ans. Elle travaille comme contractuelle sur un projet de développement avec des bailleurs de fonds internationaux. Son mari habite dans une ville située au Nord avec leurs deux enfants plus âgés (11 et 14 ans) qui poursuivent leurs études. À la suite du génocide de 1994 et lors de la prise du pouvoir du FPR, elle s’exile au Congo avec son mari, son fils aîné et sa mère. En prévision de l’escalade de la violence, elle avait envoyé ses trois plus jeunes à Nairobi. Après une tentative de retour au Rwanda qui a échoué et la menace d’attaques dans les camps de réfugiés, Jeanne part rejoindre ses enfants à Nairobi en août 96, où elle procède à une demande de réinstallation auprès du HCR. Puisque leur statut de réfugié a été refusé, elle part pour le Cameroun, où elle s’installe pendant un an, jusqu’à ce qu’elle réussisse à trouver un moyen de venir au Canada. La période couverte par son témoignage débute donc avec la guerre en 1990 et se termine avec son arrivée au Canada, en septembre 1998.

9.2. Thérèse

À notre retour de la Belgique, les études complétées, nous avons vécu dans la ville de (X4), dans la région du sud du Rwanda. Les choses allaient très bien pour nous, nous étions propriétaires de quelques maisons. Nous vivions bien et j’ai eu deux enfants. Nous avions

3 Nous avons utilisé des noms fictifs pour les deux participantes, Jeanne pour la première et Thérèse pour l’autre.

4 Afin de protéger l’identité des participantes, au cours de notre analyse nous avons remplacé par « X » le nom des villes ou des lieux que les participantes indiquent dans leur témoignage.

une vie comblée et travaillions fort pour notre avenir et celui de nos enfants. (...) Ainsi, nous étions contents d’avoir des biens à léguer éventuellement à nos enfants à titre d’héritage. Thérèse, p.2

En 1990, au début de la guerre, Thérèse est établie avec son mari et ses deux enfants âgés de 6 et 8 ans. Elle a 39 ans, elle occupe un poste comme travailleuse sociale et elle est la principale gestionnaire de la vie quotidienne, considérant que son mari, professeur à l’Université, se rétablit d’une opération chirurgicale impliquant des va-et-vient en Belgique.

Le parcours migratoire de cette participante est plus complexe que celui de Jeanne. Il débute avec la guerre en 1990 et se termine avec son arrivée au Canada en 1999. Entre 1990 et1994, elle habite avec sa famille dans une métropole. Un mois après le début du génocide en avril 94, pour fuir la violence elle se déplace à l’intérieur du pays où elle vit pendant trois mois. En juillet 1994, lorsque le FPR prend le pouvoir, par crainte des représailles elle fuit en exil au Congo. En attendant qu’un retour au pays soit possible, elle s’établit dans les camps de réfugiés avec sa famille. À la fin de 1995, lorsqu’un camp de réfugiés dans la région se fait attaquer par le FPR, elle fuit à nouveau, cette fois-ci vers l’intérieur du Congo où sa famille et elle resteront jusqu’à la fin de 1997. Avec le début de la guerre au Congo, en octobre 1996, qui visait le renversement de Mobutu et la destruction systématique des camps de réfugiés rwandais au Congo, elle et sa famille sont emprisonnés pour une période de 6 mois par les forces armées de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL). À la suite de leur libération, Thérèse et sa famille seront rapatriés de force au Rwanda vers la fin de 1997. Le lendemain de son retour forcé, son mari sera appréhendé par des militaires rwandais, elle ne le verra jamais plus. Entre 1997 et 1999, désormais seule à assumer la responsabilité de ses enfants, elle tente de s’établir à l’intérieur du pays, mais une série d’événements lui confirment qu’elle doit quitter le pays et partir s’établir ailleurs, là où un avenir sera possible. Les circonstances font qu’en avril 1999, elle réussit à obtenir le statut de réfugié au Canada. Son expérience recouvre donc l’expérience de la guerre de 1990 à 1994, le génocide des tutsis et des hutus modérés en 1994 et les événements entourant le renversement de Mobutu au Congo, par les forces de l’AFDL, commandées par l’Ouganda et le nouveau gouvernement du Rwanda.