Notons tout d’abord que le processus de segmentation des lésions se sépare
en deux phases, dont la difficulté n’est pas la même pour un processus manuel –
purement humain – ou automatique : la détection et le contourage [162].
Détection : La première phase consiste à dire si la lésion existe ou non dans une
zone précise de l’image. Les critères IRM actuellement utilisés en milieu clinique
demandent une réponse binaire sur l’existence ou non d’un certain type de lésion :
“y a-t-il une lésion périventriculaire en IRM T2 ?” ou “une lésion juxtacorticale
est-elle apparue ?”. Ce processus de détection nécessite une grande expérience de
la part du praticien, car elle implique un grand nombre de critères, plus ou moins
objectifs et parfois difficiles à quantifier. Par exemple, dans un contexte de
diag-nostic, le praticien aura plutôt tendance à éliminer la lésion en cas de doute, pour
éviter de déclencher inutilement un traitement coûteux aux effets secondaires
han-dicapants. Cet assertion est moins vraie dans le cadre d’un test pharmaceutique où
les résultats sont construits à partir d’une grande base d’image : une surestimation
du nombre de lésions sur certains patients n’est pas préjudiciable à l’étude.
Contourage : La seconde phase consiste à la détermination du volume de la
lésion, une fois que l’on est sûr que celle-ci existe à cet endroit. La difficulté est
différente de celle de la phase de détection : si la lésion est ancienne, son contour
sera généralement bien contrasté, la zone œdémateuse sera quasi-inexistante et le
contourage sera alors facile. Par contre, pour toute lésion jeune, il faut définir
pré-cisément le contour, même si l’intensité au sein de la lésion varie progressivement.
Dans les deux cas, un contourage manuel est difficile à reproduire et consomme
énormément de temps au praticien.
La difficulté de la détection et le caractère fastidieux du contourage font le
succès des systèmes semi-automatiques d’extraction de quantificateurs pour la
sclérose en plaques. La conception d’un tel système n’est pas simple, et différentes
interfaces homme / machine peuvent conduire à des résultats différents [109].
Les travaux de cette thèse ont pour but de résoudre les deux problèmes, et donc
d’obtenir un système de segmentation automatique. Il est cependant intéressant de
savoir comment transformer un tel système en y rajoutant une interaction avec le
praticien.
Différentes lésions pour différentes maladies Plusieurs variantes de
garder une signification clinique à cette étude, il faut donc être sûr du cadre dans
lequel elle se trouve. Ainsi, de nombreux articles ont été publiés sur les syndromes
cliniquement isolés et le caractère prédictif de l’IRM. Il a en effet été montré
que les quantificateurs issus de l’étude des lésions cérébrales en IRM T2 lors
d’un syndrome cliniquement isolé ont une forte valeur prédictive pour l’apparition
d’une sclérose cliniquement définie [19, 110, 11].
Pour les formes aiguës de la SEP, le diagnostic est encore différent. Par exemple,
pour les scléroses en plaques à révélation tardive (touchant des patients de 60 ans
et plus), la coexistence de pathologies fréquentes (hypertension artérielle,
cervi-carthrose) associées à la SEP rend l’interprétation de l’IRM et des potentiels
évo-qués délicate et le diagnostic n’en est que plus difficile. Les SEP progressives, qui
se caractérisent par une aggravation relativement continue de l’état général du
pa-tient, doivent être traitées différemment du point de vue de l’IRM : le signal de la
matière blanche n’est plus uniforme, et les lésions sont plus difficiles à identifier
(figure 6.1).
Les patients de la base de données utilisée pour cette étude sont pratiquement
tous atteints de forme rémittente de SEP. Dans cette pathologie, la plus courante,
les lésions sont bien individualisées par rapport au reste des tissus environnants,
même si leur signal est variable. Elles peuvent être plus ou moins contrastées, avec
une zone nécrotique au centre et un œdème en périphérie.
– Les lésions périventriculaires, caractéristiques de la maladie, sont le plus
souvent assez grosses (de 5 à 10 mm de diamètre), de forme variable, avec
un contraste important dans la zone centrale. Ce sont les lésions qui
res-pectent le plus la structure en couronne présentée au chapitre 2 dans la
fi-gure 2.1. Souvent faciles à détecter par le contraste de la partie centrale,
elles sont difficiles à contourer car leur forme peut être complexe.
– Les lésions juxtacorticales sont généralement petites et peu contrastées et
de forme approximativement sphérique ou ellipsoïdale. Leur détection n’est
pas toujours facile, car si la lésion est plus petite que l’épaisseur de coupe
de la séquence que l’on regarde, il en résulte un contraste médiocre : ce
pro-blème survient tout particulièrement en IRM T2 FLAIR. Une bonne
détec-IRM DP IRM T2 FLAIR IRM T1
FIG. 6.1 – Les deux formes de maladie sont présentes chez ces deux
pa-tients : forme secondaire progressive (SPMS, deux premières lignes), et rémittente
(RRMS, en bas), avec les modalités correspondantes (de gauche à droite) : IRM
DP, T2 FLAIR et T1. Dans le premier cas, les lésions ont un signal extrêmement
variable, mais dont l’intégralité doit être signalé comme lésions, y compris le léger
hypersignal visible en T2 FLAIR et en IRM DP (lésion entourée sur la première
ligne). Par contre, dans la forme rémittente, le contraste des images est bien établi,
et seule la partie centrale des lésions est à prendre en compte en IRM T2/DP.
IRM T2 IRM DP
IRM T2 FLAIR IRM T1
FIG. 6.2 – Visualisation des différents types de lésions de SEP en IRM
multi-séquences : (a) nécrotique, (b) corticale, (c) périventriculaire, (d) juxta-corticale.
Chacune de ces lésions va avoir un signal différent, le traitement doit donc être
adapté.
IRM T2 IRM DP IRM T2 FLAIR IRM T1
Lésions périventriculaires
Lésion corticale
Lésion juxta-corticale
Lésions de la fosse postérieure
Lésion nécrotique
FIG. 6.3 – Différentes lésions au sein d’une forme rémittente de SEP. Les lésions
périventriculaires (deux premières lignes) sont les plus caractéristiques de la
ma-ladie. Le centre des lésions nécrotiques possède un signal identique à celui du
LCR. Le contraste des lésions de la fosse postérieure (dans le cervelet) est
diffé-rent de celui des autres lésions, notamment en T2 FLAIR, et ces lésions doivent
être traitées séparément.
tion de ces lésions est très importante, car l’apparition d’une lésion
juxtacor-ticale est un critère important pour l’établissement d’une SEP cliniquement
définie.
– Les lésions corticales sont des lésions juxtacorticales qui se sont étendues
à la matière grise environnante, ou des lésions nées dans le cortex. Le
contraste de ces lésions est variable en IRM conventionnelle, mais elles
sont très bien détectées en IRM de diffusion. Ce ne sont pas des lésions de
matière blanche, mais elles sont prises en compte pour la SEP dans le calcul
des charges lésionnelles.
– Les lésions nécrotiques sont des lésions anciennes dont la partie centrale
s’est nécrosée au point de devenir liquide. Ceci a pour conséquence
princi-pale que la partie nécrosée de la lésion possède alors un signal analogue à
celui du LCR, ce qui rend plus difficile la détection dans notre système, basé
sur l’information fournie par l’intensité en premier lieu. Quand la lésion est
périventriculaire, la partie nécrosée n’est pas matériellement distinguable
des ventricules, et est généralement ignorée.
Cette description nous permet de caractériser les différentes lésions dans l’espace
des images. De cette information, on peut dire que tout système de segmentation
automatique aura une grande difficulté à récupérer toutes ces lésions avec une
qualité égale sur la segmentation et le contourage.
6.3 Intérêt du multi-séquences pour la segmentation
Dans le document
Segmentation d'IRM cérébrales multi-séquences et application à la sclérose en plaques
(Page 90-96)