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Présentation de la thématique de recherche

Dans les trois domaines cellulaires du vivant (Archaea, Bacteria, Eukarya), l’ADN est le support physique de l’hérédité. Chez l’ensemble des êtres vivants, la réplication du matériel génétique est une étape cruciale du cycle cellulaire car elle assure la continuité du programme génétique au fil des générations tout en ouvrant la voie à son évolution. En outre, la duplication du matériel génétique fait l’objet d’une régulation très fine car les altérations chromosomiques compromettent l’intégrité du génome et mettent en péril la continuité cellulaire.

De nos jours, la plupart des processus cellulaires sont étudiés à travers le prisme de réactions reconstituées dans un tube à essais afin de moduler à l’envi les conditions d’expérimentation. A ce titre, l’élaboration d’un système de réplication de l’ADN in vitro à partir de composants protéiques purifiés a joué un rôle décisif dans la compréhension des mécanismes moléculaires qui se déroulent lors de la réplication de l’ADN chez les bactéries. Néanmoins, le nombre important de facteurs impliqués rend souvent cette approche délicate lorsqu’il s’agit d’un modèle d’étude eucaryote. En ce qui concerne un grand nombre de processus cellulaires, le système archéen représente une version simplifiée par rapport au système eucaryote correspondant. Aussi, les modèles d’études Archaea se sont rapidement imposés comme des modèles alternatifs à l’étude de certains processus cellulaires fondamentaux eucaryotes, dont le mécanisme de réplication de l’ADN.

Or, il n’existe pas à ce jour de système permettant de reproduire in vitro la synthèse d’une molécule d’ADN à partir de protéines d’Archaea purifiées. Disposer d’un tel outil expérimental représenterait une avancée technique décisive car cela pourrait ensuite permettre

d’élucider l’ensemble des interactions fondamentales au sein de la machinerie de réplication archéenne et, par extension, eucaryote. Mon travail de thèse s’inscrivait dans le projet commun des laboratoires du professeur Patrick Forterre à Orsay et du professeur Yoshizumi Ishino à Fukuoka (Japon) d’élaborer un système de réplication de l’ADN in vitro chez les Archaea. Le laboratoire du professeur Ishino disposait déjà de la majorité des protéines impliquées dans la phase d’élongation de la réplication chez P. furiosus à l’état purifié avant mon arrivée au Japon. En revanche, le laboratoire ne parvenait pas à purifier la protéine initiatrice de la réplication directement à partir de la fraction soluble. Mon objectif premier a donc été d’optimiser les conditions d’expression d’une forme soluble de la protéine

PfuCdc6/Orc1 chez E. coli puis de mettre au point une méthode de purification simple et

robuste à partir de cette forme soluble. Dans un second temps, l’étape d’initiation de la réplication pourrait être examinée in vitro.

La protéine PfuCdc6/Orc1 étant hautement instable en solution, la plus grande partie de mon travail s’est concentré sur la recherche d’une condition permettant d’accroître la stabilité de la protéine. Par ailleurs, j’ai purifié la protéine PfuCdc6/Orc1 exprimée chez la levure

Pichia pastoris à partir des corps d’inclusion. Avant mon départ du Japon, j’ai initié une

recherche d’interactions physiques par la méthode de résonance du plasmon de surface entre la protéine PfuCdc6/Orc1 purifiée en conditions dénaturantes et l’ensemble des protéines disponibles sur puce dans le laboratoire du professeur Ishino. Les protéines impliquées dans la réplication disponibles à l’état purifié dans le laboratoire ont également été testés contre la protéine PfuCdc6/Orc1 fixée sur puce. L’ensemble de ces travaux sont présentés dans le Chapitre I.

Parallèlement à cette approche expérimentale, j’ai réalisé une analyse comparative du contexte génomique de l’ensemble des gènes de la réplication dans les génomes d’Archaea.

Les génomes sont sans cesse remaniés par des réarrangements chromosomiques. En dépit de ce remodelage permanent des associations de gènes appartenant à une catégorie fonctionnelle commune peuvent être observées dans les génomes des archées et des bactéries (Dandekar et al., 1998; Wolf et al., 2001). Lorsqu’une association de gènes est conservée à travers de nombreux génomes, il ne s’agit probablement pas d’une coïncidence. Cela signifie sans doute que des contraintes évolutives maintiennent cette organisation au fil des générations malgré les remaniements du génome car la cellule tire un avantage de cet arrangement particulier des gènes, par exemple dans la co-régulation de l’expression de protéines fonctionnellement liées. Le corollaire de cette assertion est qu’il est possible d’analyser le contexte génomique des gènes pour prédire des interactions fonctionnelles entre les protéines qu’ils codent.

Les études de génomique comparative consistent généralement en une analyse globale du génome (pour des exemples, voir (Graham et al., 2000; Makarova et al., 1999; Makarova et al., 2007; Wolf et al., 2001)). De fait, les conclusions de ces études sont le plus souvent générales et rares sont celles qui s’inscrivent dans une démarche précise (pour des exemples voir, (Gao and Gupta, 2007; Koonin et al., 2001)). Nous avons choisi une approche innovante consistant à se concentrer sur l’analyse d’une classe fonctionnelle particulière de gènes. Aussi, nous avons initié une analyse comparative du contexte génomique de l’ensemble des gènes de la réplication dans vingt-sept génomes d’Archaea. Cet examen avait pour objectif de mettre en évidence des associations conservées impliquant des gènes de la réplication à partir desquelles nous pourrions d’une part suggérer de nouvelles interactions fonctionnelles, d’autre part proposer de probables nouvelles protéines de la réplication. Les résultats de cette étude sont présentés sous la forme d’un article scientifique, publié dans Genome Biology en 2008, dans le Chapitre II.

Cette analyse nous a permis de mettre en évidence des associations de gènes très conservés impliquant des gènes de la réplication. De manière inattendue, cette étude nous a

permis d’identifier une association très conservée entre des gènes de la réplication et des gènes liés au ribosome. Cette organisation suggère l’existence d’un mécanisme de couplage entre la réplication de l’ADN et la traduction. Aussi, nous avons initié une recherche bibliographique exhaustive destinée à recueillir des informations appuyant cette hypothèse. De manière remarquable, des données expérimentales obtenues chez des modèles bactériens et eucaryotes appuient cette idée. Cette étude bibliographique, au format minirevue, se trouve à la suite de l’article scientifique dans le Chapitre II.

Afin de confirmer la pertinence biologique des interactions prédites par l’analyse des génomes d’Archaea, j’ai dans un premier temps recherché des interactions physiques par co-immunoprécipation ou par la méthode de résonance du plasmon de surface, en utilisant les protéines disponibles dans le laboratoire du professeur Ishino. Dans un second temps, l’ensemble des gènes se trouvant dans les associations génétiques mises en évidence durant l’analyse du contexte génomique ont été clonés dans des vecteurs d’expression. Enfin, j’ai optimisé une méthode de criblage des interactions physiques basée sur une co-expression des candidats protéiques d’interaction suivie d’une co-purification à partir de la fraction protéique thermostable pour faciliter l’analyse des interactions physiques.

Au cours de l’analyse comparative du contexte génomique, tous les gènes potentiellement impliquées dans la réplication de l’ADN contenus dans les génomes d’Archaea ont été répertoriés. Cet inventaire a ensuite été mis à jour au fil de la mise à disposition des nouvelles séquences de génomes d’Archaea. Le contenu des génomes s’est révélé être particulièrement hétérogène d’un groupe taxonomique à un autre. Aussi, nous avons cherché à savoir si cette disparité pouvait avoir une signification évolutive.

En se basant sur les données les plus récentes concernant la phylogénie des Archaea (Brochier-Armanet et al., 2008), nous avons analysé la distribution de chacun des gènes de la réplication dans les génomes d’Archaea. Pour la plupart des gènes, la distribution phylétique donne une idée de leur histoire évolutive respective. Aussi, nous avons interprété la distribution de chacun des gènes de la réplication selon une logique de parcimonie afin de reconstruire la composition probable de la machinerie de réplication de l’ADN chez le dernier ancêtre commun des Archaea.

Ce manuscrit de thèse est donc divisé en quatre chapitres :

− le premier chapitre a trait à l’étude de la protéine initiatrice de la réplication du chromosome de Pyrococcus furiosus ;

− le deuxième chapitre porte sur l’analyse comparative du contexte génomique des gènes de la réplication dans les génomes d’Archaea ;

− le troisième chapitre concerne la recherche d’interactions physiques entre protéines en rapport avec les prédictions de l’analyse comparative du contexte génomique ;

− le quatrième chapitre s’intéresse à l’analyse du profil phylétique des gènes de la réplication et à l’évolution de la machinerie de réplication de l’ADN chez les Archaea.

R

ESULTATS

& D

ISCUSSION