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3.2 Vie et mort d’un photon

3.2.1. b Préparation des états du champ |0i et |1i

Le champ présent à l’équilibre dans la cavité est le champ thermique. Ce champ étant un mélange statistique d’états de Fock à 0 et 1 photon, les états purs |0i et |1i sont, eux, hors équilibre, et nécessitent une préparation.

Refroidissement dans l’état |0i Pour vider le mode de ses photons thermiques, nous le mettons en contact avec un thermostat à température nulle, constitué par un grand nombre d’atomes préparés dans l’état |gi : nous envoyons à travers la cavité une série de paquets atomiques, surnommés « serpillières » en raison de leur vocation d’absorber tout photon initialement présent. On pourrait obtenir cette absorption en réalisant une impulsion π, à résonance. L’inconvénient de cette méthode est que l’interaction ne cor-respond à une impulsion π que pour un nombre de photons donné. Pour que l’efficacité d’absorption soit bonne indépendamment du champ initial, nous utilisons plutôt un pas-sage adiabatique. Nous balayons la fréquence atomique à travers la résonance par effet Stark, en modifiant la tension appliquée aux miroirs de la cavité pendant le passage d’un

paquet4. En pratique, nous envoyons trois paquets serpillières contenant chacun environ

trois atomes.

Pour s’assurer de l’efficacité des serpillières, nous testons le champ préparé en utilisant l’observation faite au paragraphe 3.2.1.a : le contraste de Ramsey pour un atome en interaction dispersive avec le champ est réduit lorsque l’état n’est pas pur. Tant que le champ préparé par les serpillières n’est pas dans l’état pur |0i, le contraste des franges est réduit ; dès que le nombre de paquets est suffisant pour vider le champ, le contraste des franges est maximal, et reste constant si l’on augmente encore le nombre de paquets. Nous avons testé l’efficacité de refroidissement des serpillières sur un champ initial cohérent de valeur moyenne 4 photons environ. Nous avons mesuré le contraste Ramsey d’un atome en interaction dispersive pour un champ préparé par un nombre variable de paquets absorbants. A partir de trois paquets envoyés, le contraste Ramsey reste constant : nous avons donc fixé le nombre de paquets préparés à 3. La figure 3.4 permet de visualiser la séquence de refroidissement du champ, représentée dans la zone de temps t < 0.

L’état |0i préparé ainsi est très pur. Nous avons vérifié cette pureté par mesure QND (présentée en annexe B), indiquant un nombre de photons initial 0, 003±0, 003 compatible avec 0.

Préparation de l’état |1i Pour pouvoir préparer un état pur, nous commençons par

vider le champ de ses photons thermiques. Le photon est ensuite déposé dans la cavité à l’aide d’un atome résonant, que nous appellerons atome émetteur. L’ensemble de la séquence est représenté sur la figure 3.4.

L’atome émetteur, préparé dans l’état excité |ei, est porté à résonance avec le champ durant un temps correspondant à une impulsion π dans la cavité vide. On a alors :

|e, 0i−→ −i |g, 1i .π

Le nombre d’atomes présents dans un paquet émetteur obéit à une statistique poisso-nienne, de nombre moyen plus petit que 1. Il n’y a le plus souvent aucun atome dans ce paquet. La préparation du champ dans l’état |1i est donc conditionnée à la détection réelle d’un atome émetteur dans le paquet atomique. Par ailleurs, les oscillations de Rabi

4

La nécessité de pouvoir amener l’atome à résonance justifie notre choix d’un signe positif du désaccord ωat− ωch: dans le cas inverse, c’est-à-dire si la fréquence de la cavité est plus grande que celle de l’atome, amener l’atome à résonance avec la cavité n’est pas possible puisque l’effet Stark diminue la fréquence atomique.

(b) -1,5 -1,0 -0,5 0,0 0,5 -1000 -50 0 50 10 s 100 s état e atome émetteur Ramsey 1 Cavité Ramsey 2 atomes serpillières état g p o si t i o n d é sa cco r d ( kH z) temps (ms) (a)

Fig. 3.4 – Séquence préparant le champ dans l’état |1i. En (a) est représenté le trajet

des atomes dans l’expérience au cours du temps, pour une vitesse de 250 m/s. En (b) est représenté le désaccord atome-cavité en fonction du temps. Sa valeur est réglée par effet Stark, en changeant la valeur du potentiel entre les deux miroirs de la cavité. Les paquets serpillières sont des paquets spatialement larges, car peu sélectionnés en vitesse : la durée d’allumage du laser repompeur est 150 µs, ce qui correspond à une dispersion de vitesse d’environ ±12 m/s. Il sont pour cette raison séparés de 200 µs. Le paquet émetteur lui, est sélectionné en vitesse à ±1 m/s, grâce à une durée de repompage de 2 µs. Le premier laser d’excitation est, pour tous les paquets, allumé pendant 2 µs.

présentées figure 2.8 montrent que l’efficacité de l’impulsion π n’est pas parfaite, mais limitée à environ 90 %. La probabilité de détecter l’atome émetteur dans l’état |ei, corrélé à la cavité vide, n’est pas nulle. Par contre si l’atome est détecté dans |gi, on sait que l’on a « déposé » exactement un photon dans la cavité. La préparation de l’état |1i est donc conditionnée au résultat |gi pour l’atome détecté. Par ailleurs, du fait de la statis-tique poissonnienne, il peut également y avoir deux atomes dans un paquet émetteur. La probabilité que deux photons aient été émis n’est alors pas nulle. Le critère de sélection d’une séquence est donc finalement la détection d’un seul atome dans le paquet émetteur, dans l’état |gi.

0 1 2 3 4 5 6 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0

sans paquet émetteur paquet émetteur, 0 atome P

g

fréquence 51 099 051,6 (kHz)

Fig.3.5 – Impureté de préparation due à l’efficacité de préparation limitée : réduction du

contraste des franges lorsqu’aucun atome n’est détecté dans le paquet émetteur (points bleus), par rapport aux franges où on ne prépare pas de paquet émetteur (ligne pointillée noire).

Cependant, même avec ce critère, la pureté de l’état préparé est limitée par notre efficacité de détection, qui n’est que de 50 %. En effet, un paquet contenant deux atomes est, de ce fait, détecté dans la moitié des cas comme ne contenant qu’un atome, et lorsque cet atome est dans l’état |gi, ce paquet est considéré comme valide. Or la détection d’un des deux atomes du paquet dans l’état |gi signifie que le champ contient au moins un photon, et possiblement deux. Le champ que nous préparons est donc en réalité un mélange statistique des états |1i et |2i. Pour limiter l’impureté de préparation, nous devons travailler avec un nombre moyen d’atomes par paquet émetteur faible, car la probabilité qu’un paquet à un atome détecté en contienne deux est alors faible. Pour la préparation du champ dans les séquences de mesure QND, nous nous sommes limités à un flux de 0,08 atomes détectés par paquet. La probabilité qu’une détection monoatomique provienne d’un paquet à deux atomes est alors d’environ 8 %. Pour cette valeur du flux, seulement une séquence sur douze environ pépare réellement un photon. Les expériences nécessitant la préparation d’un photon requièrent donc un temps d’acquisition beaucoup plus grand que celles où la cavité contient un champ thermique ou vide.

sur la figure 3.3. L’effet est cependant particulièrement marqué sur la courbe présentée, car pour cette courbe nous avions utilisé un flux de l’atome émetteur de 0,22 atomes détectés par paquet, plus élevé que le flux finalement choisi. Cette valeur élevée a pour conséquence une probabilité plus grande d’avoir deux atomes dans un paquet. On peut remarquer que les franges conditionnées à l’absence d’atome émetteur détecté, représentées sur la figure 3.5, attestent également de cet effet d’impureté de préparation due à l’efficacité de détection limitée : leur contraste est réduit par rapport aux franges dans un état à 0 photon pur, du fait de la prise en compte de séquences à un atome émetteur dans l’état |gi non détecté.

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