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PARTIE II Résultats

C. Avancées des IG au Vietnam et limites se posant à leur développement

III. Etat des pratiques actuelles de production et commercialisation

5. Préoccupations soulevées par les producteurs

Lors des entretiens qualitatifs et des enquêtes quantitatives, les producteurs ont partagé certaines de leurs préoccupations, que nous précisons ci-dessous.

Prix et débouchés Techniques et maladies Capital Irrigation Proportion de producteurs préoccupés par 50% 45% 40% 5%

Tableau 14 : Préoccupations des producteurs. Source : enquêtes quantitatives 08/2017.

c. Maintien des prix et accès à des débouchés stables

La moitié des producteurs se disent inquiets de l’évolution des prix à l’avenir étant donnée l’augmentation de la production qu’ils constatent sur la zone. Plusieurs producteurs mentionnent que cela s’est déjà observé pour d’autres produits sur Cao Phong. La production de citrons étant intéressante il y a 10 à 15 ans, les producteurs ont augmenté les surfaces plantées en citronniers 87 . Or la demande des consommateurs n’était pas suffisante pour que soit écoulée toute la production, et les prix ont donc chuté : de 30 à 35 000 VND/kg il y a trois ans (1,1 à 1,3 euro), à 10 et 15 000 VND/kg en 2015 (0,3 à 0,5 euro), et seulement 4 à 5000 (moins de 20 centimes) en 201688. C’est aussi le cas de la canne à sucre, qui s’achetait 5000 VND le pied en 2015 contre seulement 1000 actuellement89. Cette baisse des prix est inquiétante dans la mesure où de nombreux producteurs d’oranges, s’étant d’ailleurs endettés, tirent leur principale source de revenus de la culture de la canne à sucre (cf point tableau 9).

Certains producteurs espèrent aussi pouvoir accéder à des débouchés plus stables. Une collectrice de Bac Phong*** explique être extrêmement dépendante de la venue des collecteurs dans son jardin, sans avoir la certitude qu’ils reviennent d’une année sur l’autre90. Un producteur de la commune urbaine* explique qu’il souhaite développer la vente avec des supermarchés, pour avoir un contrat stable, même si ces prix, fixés à l’avance, peuvent parfois être inférieurs aux prix du marché. Il se heurte pourtant à des difficultés. Il souhaiterait en effet se rassembler avec d’autres producteurs pour fournir une quantité suffisante d’oranges. Mais les producteurs autour de lui ne sont pas intéressés trouvant les prix offerts par certains supermarchés parfois trop bas, et n’étant pas certains de pouvoir satisfaire les exigences de qualité91.

d. Techniques d’entretien des orangers et gestion des maladies

87 Entretiens avec des producteurs de Bac Phong, le 01/06/2017, de Dong Phong le 02/06/2018, de Tay Phong le 09/08/2017 et de la commune urbaine le 30/05/2017.

88 Estimation par un producteur de Tay Phong le 01/06/2017.

89 Entretien à Tay Phong le 09/09/2017

90 Entretien du 01/06/2017

72 45% des producteurs disent manquer de connaissances relatives aux techniques d’entretien des orangers et de gestion des maladies. Parmi les maladies communes, est citée la maladie dite « Feuilles jaunes, racines pourries » et la gale des orangers. Les araignées (rouges et blanches) et les vers ‘ve bua’ sont les principaux insectes menaçant le développement des oranges.

Des formations sont proposées par le District sur des temps longs (trois mois au bout desquels est délivré un certificat) ou courts (3 jours où interviennent des experts du DARD, de la CRQNS, du Centre de Xuan Mai, etc.)92. Il est aussi courant que des séances de démonstration soient animées par les principaux fournisseurs d’intrants. Sept ateliers ont notamment été organisés en 2016 par l’Union paysanne de Cao Phong avec des compagnies d’intrants : Chy Phan Bon 5 sao, Chy Tién Nông, Chy Phu My, Chy Dam Lâo Cai, Chy Dam Dinh Vu, Viêt Nhât93 . Tous les producteurs ne peuvent cependant pas y assister, le nombre de places étant restreintes94. Qui plus est, le contenu de ces formations ne répond pas systématiquement aux besoins des producteurs. Le chef du village de Xom Bang, sur Tay Phong**, explique que malgré les formations du DARD que suivent les producteurs du village, le diagnostic et le traitement des maladies posent encore problème. Si les symptômes sont visibles sur les feuilles et le tronc, cela est plus facile, mais les maladies et champignons attaquant les racines sont difficiles à détecter. L’enjeu par la suite est de savoir utiliser le bon traitement95.

e. Accès au capital

Les enquêtes confirment que la culture d’oranges nécessite un réel investissement, en attendant la première récolte au bout de quatre ou cinq ans. 90% des ménages interrogés lors des enquêtes quantitatives ont déclaré avoir contracté un prêt pour financer l’implantation des orangers et le paiement des intrants, soient auprès d’AgriBank, soit auprès de la Banque des politiques sociales (UBSD) (ne prêtant qu’aux ménages recensés comme pauvres par les autorités). Dans les 2 cas, la tendance est d’emprunter à plusieurs reprises de petites sommes, remboursées sur des délais courts (12 à 18 mois), qui ne sont donc pas appropriés pour investir dans des cultures pérennes comme l’oranger. La Banque des politiques sociales permet de rembourser sur 60 mois mais ces prêts ne sont accessibles que pour les foyers les plus pauvres qui ne peuvent attendre les 5 ans les séparant de la première récolte, et n'osent donc pas cultiver de l'orange96. On remarque que le montant moyen emprunté par les nouveaux producteurs de Bac Phong*** et Dung Phong**** est deux à trois fois plus élevé que sur Tay Phong** et Cao Phong*. On remarque également qu’aucun producteur de la commune urbaine* n’a contracté de prêt à la Banque des politiques sociales, laissant donc penser que les ménages y sont plus aisés.

Proportion de producteurs : N’ayant pas fait

de prêt Ayant fait un prêt à Agribank Ayant fait un prêt à l’UBSD TT Cao Phong 5% 95% - Tay Phong 10% 70% 30% Bac Phong 0% 70% 30% Dung Phong 20% 50% 30%

Tableau 15 : Recours au prêt. Source : enquêtes quantitatives 08/2017.

92 Entretien avec le DARD du 29/05/2017.

93 Entretien du 06/06/2017.

94 Entretien du 09/08/2017 sur Bac Phong.

95 Entretien du 09/08/2017.

73

Montant emprunté

Moyen Minimum Maximum

TT Cao Phong 73 20 150

Tay Phong 57 10 120

Bac Phong 167 30 600

Dung Phong 100 50 200

Tableau 16 : Montant emprunté. Source : enquêtes quantitatives 08/2017.

f. Irrigation et accès à une eau saine

Enfin 5% des producteurs mentionnent avoir des problèmes en matière d’irrigation. L’eau peut venir à manquer, comme en témoigne d’ailleurs un article publié le 14 août 2017 dans le journal de Hoa Binh97. L’autre aspect concerne la qualité de l’eau. Un producteur de la commune urbaine souhaite commencer à produire des oranges biologiques. Il explique cependant que la principale barrière consiste à trouver une eau ne contenant pas de résidus de pesticides98.

Synthèse sur l’état actuel de la production et de la

commercialisation d’oranges sur le district de Cao

Phong

Les enquêtes quantitatives confirment bien l’écart observé au préalable entre les producteurs historiques de Cao Phong et les nouveaux producteurs des communes avoisinantes. Les différents niveaux de maîtrise des techniques de production se répercutent sur la qualité des oranges, leurs débouchés et donc le prix touché par le producteur. Les producteurs de la commune urbaine sont plus nombreux à être au courant de l’existence de l’IG et sont les seuls rencontrés à participer aux festivals annuels.

Le cahier des charges des charges stipule que les oranges vendues sous le nom cao Phong doivent :

- être produites sur les 6 communes de la zone IG. Or environ 16% des surfaces en orangers se situent en dehors de cette zone (cf . tableau en annexe 16). Le dossier d’enregistrement précise que même à l’intérieur de ces 6 communes, la production devrait se cibler sur les zones présentant les facteurs géographiques à l’origine de la qualité spécifique du produit (CASRAD, 2014). Toutefois, cela n’est pas détaillé dans le règlement de gestion et usage de l’IG. A ce stade, nous ne savons pas quelle interprétation en ont donc les autorités chargées de la gestion de l’IG.

- Etre des Xa Doai, CS1, Cam Canh. La variété V2 sera très probablement intégrée dans le cahier des charges. Même après cette inclusion, 10% des producteurs enquêtés produisent d’autres variétés (Cam Mat, Quyt Ha Guang). Nous ne savons toutefois pas en estimer les volumes.

- Suivre un protocole de production particulier et notamment :

- Tenir un journal de production : seuls 5% des producteurs enquêtés en tiennent un.

- Respecter une densité de plantation de 400 - 500 arbres / ha : plus de 70% des producteurs enquêtés plantent de manière plus dense.

97http://www.hoabinh.gov.vn/web/camcaophong/5/-/vcmsviewcontent/zi8W/25908/25908/178529 Consulté le 11/10/2017

74 - Utiliser du fumier (mentionné comme un facteur humain à l’origine de la

qualité spécifique des oranges) : 10% des producteurs enquêtés n’en utilisent pas.

- Faire quatre apports d’engrais par an : 60% en font plus de cinq. Cet écart de qualité et les différences entreles pratiques actuelles et les recommandations du cahier des charges peuvent constituer un défi dans la mise en œuvre future de l’IG, si l’ambition est d’assurer une production de qualité tout en incluant l’ensemble des producteurs. Nous reviendrons sur cet aspect dans la partie de discussion.

Concernant maintenant la commercialisation, on observe que les vergers sont de petites tailles, ce qui implique donc que les quantités récoltées individuellement par les producteurs sont limitées. Actuellement, selon les enquêtes quantitatives réalisées, 10% des producteurs sur Cao Phong ont accès à ces circuits plus rémunérateurs : vente directe, supermarchés, boutiques spécialisées (cf tableau 12). Les acteurs y étant accès sont principalement des producteurs et collecteurs de la commune urbaine, dont la qualité des oranges est plus assurée. Pour accéder à ces circuits plus intéressants, les nouveaux producteurs font face à plusieurs défis : disposer des ressources financières et des connaissances pour améliorer la qualité des oranges ; et proposer des oranges en quantité suffisante pour intéresser les acheteurs (et dans un lieu facilement accessible). Ces points pourraient être réfléchis dans le cadre de l’IG.

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