Chapitre 4 - Hydrogéologie des calcaires cénomano-turoniens : le
4.5. Bilan
4.5.2. Les sorties du système
4.5.2.3. Les prélèvements dus aux pompages et pour l’irrigation
4.5.2.3.3. Prélèvements des captages pour l’eau potable
Actuellement l’Etablissement des Eaux du Liban Nord (ELN) comprend huit
comités d’eau responsables d’alimentation en eau potable du Liban Nord ; Tripoli,
Minieh-Dannieh, Zgharta, Bcharreh, Koura, Batroun, Akkar et Qbaiyat. Ces comités fonctionnent en
une seule unité et sous une seule direction administrative. Leurs ressources hydrauliques
diffèrent d’une région à l’autre, soit par des forages, soit par des sources.
Replacés par rapport au système karstique de Chekka, deux de ces comités Koura et
Batroun, contrôlent directement les prélèvements d’adduction en eau potable provenant des
ressources du SKC. Ils alimentent 132 villages dont 47 % seulement sont connectés aux
réseaux, pour une quantité journalière de 51294 m
3.
Afin d’estimer le volume d’eau pompé de l’aquifère karstique de Chekka, les cartes
de gestion des deux comités ont été superposées pour établir une carte présentant chacune des
ressources (forage ou source) avec les bénéficiaires (villages, industries et hôtels). Par
exemple, certaines agglomérations alimentées en eau potable par les comités de Koura et
Batroun, se trouvent en dehors des limites du SKC (Chekka, Enfeh et Batroun), tandis que
d’autres se trouvent à l’intérieur du système, mais sont alimentées par des ressources externes
provenant d’un autre aquifère comme la source de Dalleh (débit pompé de 20.000 m
3/j,
alimentant 44 villages). Le premier cas a été inclus dans le calcul des volumes des
prélèvements, mais le second en a été exclu.
Les données des prélèvements pour l’adduction en potable fournies par l’ELN, par
des forages ou par sources, datent de 2005 et donnent un volume total de 5 hm
3/an (Tableau
31).
Alimentation en Eau Potable par l'ELN (année 2005)
Comité Ressources Origine Prélèvements (hm³/an) Villages bénéficiaires Remarques
Koura Nabeh Iskandar Source 0.58
Bhabbouch, Btaaboura, Bziza,Chnata,
Dar Beachtar, Kaftoun, Metrit,
Majdel, Kfarsaroun, Wata Fares,
Zgharta El mtawleh, Kfarhata
Existant
Koura Ijid Ibrine Forage 0.20 Ijid Ibrine, Kefraya, Kelbata, Bednayel Nouveau 1999
Koura Kfarhata Forage 0.13 Kfarhata Nouveau 2000
Koura Jradeh Qalhat Forage 0.09 Qalhat Nouveau 1998
Koura Jradeh Chekka Forage 1.53 Chekka Rennové 1994
Koura Jradeh Enfeh Forage 1.16 Anfeh Rennové 1994
Koura Jradeh LasSalinas Forage 0.07 Las Salinas Nouveau 1994
Batroun Jranne Forage 0.25 Iddeh, Jrane, Kfar Aabida Nouveau 1999
Batroun Kfifane Forage 0.44 Batroun, Koubba, Wajh El Hajar, Selaata Nouveau 1998
Batroun Bijdarfil Forage 0.52 Batroun, Koubba, Wajh El Hajar, Selaata Nouveau 1998
Tableau 31. Volume total prélevé par l’ELN des ressources en eaux souterraines du SKC
en 2005.
Dans le but d’estimer le volume prélevé du SKC durant la chronique 1969-1971, on
a d’abord estimé la population qui existait à cette période, pour évaluer sa demande en eau.
Pour cela, on s’est basé sur les données de population de Khatib et Alami (Bureau d’étude
libanais) pour connaître la population des villages bénéficiaires du SKC pour les années 1969,
1970 et 1971, estimer leurs demandes et éliminer les nouvelles ressources (captages récents qui
n’existaient pas). Le volume prélevé pour l’adduction en eau potable en 1970 a été reconstitué
et est égal à 2.08 hm
3/an (tableau 32).
Comité Ressources Origine Prélèvements (hm³/an) Villages bénéficiaires
Koura Nabeh Iskandar Source 0.27
Bhabbouch, Btaaboura, Bziza, Chnata, Dar
Beachtar, Kaftoun, Metrit, Majdel,
Kfarsaroun, Wata Fares, Zgharta El
mtawleh, Kfarhata
Koura Jradeh Chekka Forage 0.35 Chekka
Koura Jradeh Enfeh Forage 1.16 Anfeh
Batroun Kfifane-Bijdarfil Forage 0.30 Batroun, Koubba, Wajh El Hajar, Selaata
Tableau 32. Prélèvements d’eau estimés du SKC en 1970.
Il faut noter que pour la consommation domestique en eau, environ 75% sont
abonnées au service public de l’eau ; mais le volume fourni par ce service ne représente que
38% des consommations d’eau des professionnels, et 27% si on inclut l’arrosage des espaces
publics. Les volumes consommés provenant des captages représentent un volume supérieur à
celui fourni par le service public. Il s’agit d’estimations peu précises sachant que seulement un
quart des branchements est équipé de compteurs et qu’aucun captage n’en est équipé, quelle
que soit l’activité. Cela démontre l’absence de politique de gestion de l’eau. A peine le tiers
des abonnés au service public est alimenté en continu en hiver, et seulement le quart en été.
Ces résultats rejoignent ceux observés pour les ménages.
4.6. Conclusion
Les facteurs essentiels qui interviennent dans le calcul des termes du bilan sont l’altitude
moyenne du bassin (562 m) et la surface du SKC (154 km
2). Tous les paramètres nécessaires
au calcul du bilan hydrologique ont été replacés dans le modèle conceptuel du système de la
figure 157. Le débit annuel moyen de l’ensemble des sources littorales et sous-marines de
Chekka (pour l’ensemble des cycles) est ainsi évalué à 2.15 m
3/s, soit 68 hm
3/an (figure 160 et
tableau 33).
Figure 160. Bilan hydrologique moyen pour les cinq cycles.
Année hydrologique
Paramètres 1969-1970 1970-1971 2003-2004 2004-2005 2005-2006
ETR (hm3/an) 117.2 115.9 105.5 107.9 119.1
P (hm3/an) 186.6 202.4 146.1 150.8 201.5
PJa (hm3/an) 13.7 18.7 21.7 19.6 16.4
PAs (hm3/an) 2.7 3.6 5.8 4.8 2.7
PIRR (hm3/an) 5.1 5.1 5.1 5.1 5.1
PAEP (hm3/an) 2.1 2.1 5 5 5
PFOR (hm3/an) 9.1 9.1 9.6 10 9.6
Q (hm³/an) 69.5 92.5 48.4 47.7 81.7
Q (m³/s)
2.2 2.9 1.5 1.5 2.6
Tableau 33. Bilans hydrologiques du système karstique de Chekka pour différents cycles.
Dans cette approche du bilan hydrologique, de nombreuses incertitudes ont été
introduites.
- Le bilan est appliqué sur la surface du bassin d’alimentation karstique, déterminé par une
approche géologique, mais non validé par des traçages artificiels.
- La délimitation du bassin hydrogéologique n’a pas pris en compte une possible
alimentation à partir de la zone noyée du Jurassique dans le cas d’un contact avec l’aquifère
cénomano-turonien du fait de failles.
- Les mesures faites par l’Office National du Litani entre 1966 et 1972 étaient bien
contrôlées, ce qui n’est pas le cas avec les plus récentes de la période 2003-2006 qui présentent
des ruptures et des variations aberrantes.
- La formule de Turc, qui est empirique, a été utilisée pour évaluer l’ETR.
- Les mesures de débit sur les sources, faites par l’ONL, présentent une incertitude due soit
à une surestimation des débits ou une sous-estimation des crues mais éventuellement beaucoup
de sources ne sont pas mesurées.
- La pluviométrie est mal connue.
- Il manque une station de jaugeage à Chekka qui permettrait de mieux évaluer les pertes
sur Nahr El Asfour.
- Les prélèvements des eaux de rivière ou de l’aquifère pour l’irrigation et pour l’utilisation
industrielle et domestique ne sont pas contrôlés.
Le débit annuel moyen des sources sous-marines et littorales reste dans les estimations et
la valeur de 2.15 m
3/s, environ dix fois plus bas qu'assumé par les études précédentes, est
toujours une hypothèse dont on a essayé de la valider par mesure et suivie en continue sur la
côte et même dans la mer. Ce débit est dans la gamme des principales sources karstiques
connus dans le Mont Liban (EL Hakim et Bakalowicz 2007). En dépit de l'importance de leurs
débits, les sources sous-marines ne peuvent pas être exploitées directement. En effet, leurs
débits sont trop variables et les eaux sont souvent saumâtres en raison de l'intrusion d'eau de
mer se produisant pendant la longue période des basses eaux. Les effets de l'exploitation
continentale des aquifères côtiers karstiques peuvent être connus, de sorte que la ressource
côtière d'eaux souterraines peut être contrôlée correctement en évitant l'intrusion d'eau de mer.
Les instruments destinés à mesurer en continu le débit, la salinité, la température et la pression
sont très efficaces pour le suivi des sources sous-marines. Dans une approche préliminaire, le
suivi est nécessaire pour déterminer si la source pourrait être captée et exploitée, avec ou sans
dessalement. Dans le cas des sources sous-marines de Chekka, la majorité des eaux
souterraines coulant pendant l'été sont exploitées sur le littoral par divers forages privés ou
industriels ou par la station de Jraddeh pour l'alimentation en eau potable.
Chapitre 5 - Les sources sous-marines de Chekka :