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1‐3 Prélèvement et assimilation de l’azote par les plantes 

1­3­1  Prélèvement 

L’azote présente la particularité d’être disponible dans le sol sous plusieurs formes : minérale, nitrate (NO3-) et ammonium (NH4+), et organique (N-organique).

La plupart des plantes peuvent absorber toutes les formes d’azote solubles présentes dans le sol (Atkin, 1996). Cependant, bien que le prélèvement d’azote organique soit probablement sous-estimé pour certains types d’écosystèmes (Aerts & Chapin, 2000; Schimel & Bennet, 2004), il est communément admis que les plantes des zones tempérées absorbent préférentiellement l’azote minéral (Marschner, 1995; Britto & Kronzucker, 2005). Dans les sols bien aérés des agro et écosystèmes, l’azote minéral est essentiellement prélevé sous sa forme la plus oxydée (NO3-), mais certaines

Partie 1 ­ Introduction 

réduite NH4+ (Aerts & Chapin, 2000; Britto & Kronzucker, 2005). La capacité des

différentes espèces à prélever telle ou telle forme d’azote est en relation avec la forme majoritaire présente dans leur habitat naturel (Aerts & Chapin, 2000). Le prélèvement cellulaire d’azote est la résultante d’un influx (« entrée ») et d’un efflux (« sortie ») se produisant sur la membrane plasmique. Influx et efflux résultent du fonctionnement de transporteurs protéiques spécifiques de chaque forme d’azote.

L’absorption de NO3- (influx) est un processus actif quelle que soit la

concentration de l’ion dans le milieu (symport NO3- - 2 H+) principalement en raison

du potentiel électrique négatif qui règne dans le cytosol des cellules. Le caractère actif (symport avec H+) ou passif (uniport) du prélèvement de NH4+ dépend de sa

concentration dans le milieu. Pour les deux formes de l’azote minéral comme pour les autres ions minéraux majeurs, la cinétique de l’influx en fonction de la concentration de l’ion dans le milieu est complexe et fait apparaître deux mécanismes (« Epstein »). Le premier opère à faible concentration et l’influx (dont l’évolution rappelle celle d’une cinétique de saturation d’activité enzymatique de type Michaelis-Menten) sature à des valeurs peu élevées (mécanisme 1, « High Affinity Transport System »). Pour des concentrations supérieures à quelques centaines de µM, l’influx redémarre et ne semble pas saturer même pour des concentrations très élevées (plusieurs dizaines de mM ; mécanisme 2, « Low Affinity Transport System »). De très nombreux transporteurs de nitrate et ammonium ont été identifiés depuis 1993 (approche moléculaire). La plupart de ces protéines sont spécifiques d’un des deux mécanismes mais il est à noter qu’un même transporteur peut correspondre aux mécanismes 1 et 2. On parle dans ce cas de transporteur « dual ».

A moyen terme, une carence en azote a pour conséquence d’augmenter la capacité du prélèvement racinaire en raison de la levée de l’inhibition sur la synthèse de certains transporteurs par l’azote organique endogène (Touraine & Gojon, 2001). Sur le long terme, le mécanisme 1 étant inductible par son « substrat » et l’impact sur le fonctionnement et le développement racinaire devenant prépondérant, les conséquences sont complexes.

1­3­2  Réduction et assimilation de l’azote minéral 

Une particularité du nitrate est qu’il a la propriété d’induire la synthèse des protéines impliquées dans son prélèvement et son assimilation (Aerts & Chapin, 2000; Britto & Kronzucker, 2005). Après son absorption par les cellules racinaires, le nitrate est réduit en ammonium sous l’action de deux métallo-protéines : la nitrate- et la nitrite-réductase. La première réduit le nitrate en nitrite dans le cytosol et la seconde le nitrite en ammonium dans les plastes. Ces deux réductions successives peuvent avoir lieu selon les espèces dans les feuilles et/ou dans les racines (Gojon et al., 1991). Cependant, les espèces de la famille des Éricacées ne possèdent pas ces deux enzymes au niveau des feuilles. Pour ces espèces, la réduction du nitrate se fait donc exclusivement dans les parties racinaires.

L’assimilation de l’ammonium est réalisée chez les végétaux supérieurs par la voie Glutamine synthétase-Glutamate synthase (GS-GOGAT) dans les racines et dans les feuilles. Ce cycle d’assimilation, associé à des réactions de transamination, est à la base de la synthèse des acides aminés à partir de l’oxoglutarate et de l’ammonium provenant du prélèvement racinaire, de la réduction du nitrate, de la photorespiration ou/et de la fixation symbiotique du N2 atmosphérique pour les

espèces fixatrices (Fig. 1-3).

1­3­3  Transport de l’azote dans la plante 

Contrairement au nitrate, on considère généralement que l’ammonium n’est pas ou très peu transporté des racines vers les parties aériennes via le xylème. Une majorité de l’ammonium qui est prélevé par les racines est en effet rapidement assimilée sur place. L’investissement en carbone pour le transport de l’azote des racines vers les feuilles ou les fruits est réduit du fait de l’implication de composés à faible poids moléculaire et à fort ratio N/C. Ce sont essentiellement la glutamine (2N/5C), l’asparagine (2N/4C) et l’arginine (4N/6C). Cependant, certaines légumineuses utilisent l’uréide allantoïne et l’acide allantoïque (4N/4C) (Lamaze et al., 1985).

Partie 1 ­ Introduction 

1‐4  Objectifs 

Comme nous l’avons vu, l’azote est considéré comme l’élément le plus limitant pour la croissance des plantes (Chapin, 1980; Marschner, 1995). Cependant, dans les milieux pauvres en éléments nutritifs comme les milieux alpins, il a été proposé que la sélection repose moins sur la capacité à prélever les nutriments que sur celle à les conserver (Aerts, 1990; Aerts, 1995a). De ce fait, le prélèvement des plantes subalpines pourrait être limité intrinsèquement et la croissance ne pas être fortement contrainte par la faible disponibilité en azote dans ces milieux. Des expériences de fertilisation des pelouses alpines et subalpines ont en effet fourni des résultats contradictoires. Certaines ont donné lieu à une augmentation de la productivité des pelouses, alors que d’autres n’ont eu qu’un effet marginal.

Un des objectifs de cette partie est d’étudier les caractéristiques du prélèvement de NO3- et NH4+ chez une espèce typique du milieu montagnard. Les composantes du

prélèvement net (influx et efflux) de l’azote minéral sont bien connues chez les espèces herbacées, mais n’ont jamais fait l’objet de recherches chez les espèces sauvages de montagne. Ce travail permettra de vérifier si le prélèvement des plantes de l’étage subalpin est réellement limité par la faible disponibilité en azote dans le sol. Il pourrait également permettre d’évaluer la capacité des pelouses subalpines à utiliser un surplus d’azote d’origine anthropique (retombées atmosphériques) ou lié au changements climatiques (réchauffement provoquant une augmentation de la minéralisation de la matière organique dans les sols).

Nous étudierons également l’effet des espèces fixatrices d’azote atmosphérique sur la nutrition azotée des espèces non-fixatrices dans les pelouses subalpines, ainsi que les interactions inter-spécifiques qui en résultent. Ce travail permettra d’estimer l’influence que peut avoir la présence d’espèces fixatrices sur la structure des communautés végétales alpines se développant sur des sols pauvres en azote.

Prélèvement net de l’azote minéral chez F. nigrescens

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Etude du prélèvement net de l’azote minéral par une plante