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Nos études ont toutes montré une prédominance de l’hémisphère droit à travers différents résultats. Les enregistrements iEEG en FPVS ont montré une prédominance droite en amplitude des réponses sélectives aux visages dans le fusiforme latéral et en proportion de réponses exclusives aux visages dans le lobe temporal antérieur. Les études de stimulations électriques ont rapporté des déficits de reconnaissance des visages uniquement après stimulations de régions sélectives aux visages de l’hémisphère droit (OFA droite et gyrus fusiforme antérieur droit).

4.2.1 Le gyrus fusiforme latéral droit

La quantification de l’amplitude des réponses sélectives aux visages dans tout le VOTC a montré que l’amplitude est maximale, et de loin, dans le gyrus fusiforme latéral

droit, dans sa partie moyenne et postérieure (Jonas et al., sous presse). Cette région correspond à la localisation de la FFA droite définie en IRMf, en terme de localisation anatomique (gyrus fusiforme moyen et postérieur dans sa section latérale) et en terme de coordonnées Talairach (coordonnées dans l’étude: x=41, y=-45, z=-16 ; coordonnées de la FFA droite dans une étude IRMf récente : x=38, y=-43, z=-17 ; Rossion et al., 2012). Ce résultat est très important car il ne souffre d’aucune ambiguïté : l’amplitude dans cette région

est environ le double de l’amplitude enregistrée dans la 2ème région la plus sélective aux

visages (gyrus occipital inférieur droit) et dans la région homologue à gauche (gyrus fusiforme latéral gauche). Notre étude confirme donc, par enregistrement neuronal direct, 2 décennies d’études IRMf montrant une prédominance de sélectivité au visages de la FFA droite (Kanwisher et al., 1997 ; Rossion et al., 2012). Cette prédominance est bien entendu en accord avec les études de cas de prosopagnosie mettant en évidence une prédominance droite des lésions du VOTC (Barton, 2008, Bouvier et Engel, 2006 ; De Renzi et al., 1994 ; Hécaen et Angelergues, 1962 ; Rossion et al., 2003 ; Meadows, 1974).

De manière surprenante, les études iEEG précédentes ont échoué à mettre en évidence cette prédominance droite du gyrus fusiforme qui est pourtant évidente dans notre étude (Allison et al., 1999 ; Rangarajan et al., 2014). L’une des hypothèses pour expliquer une telle discordance est la pertinence fonctionnelle de la méthode FPVS, c’est-à-dire sa capacité à mettre en évidence les régions réellement importantes pour la perception des visages. Nous savons grâce aux études de cas de prosopagnosie que la prédominance droite a une valeur fonctionnelle (les régions critiques sont situées dans l’hémisphère droit). Notre incontestable prédominance droite en amplitude des réponses électives aux visages est en accord avec les études de cas de prosopagnosie et illustre la valeur fonctionnelle de la méthode FPVS. Cette pertinence fonctionnelle a aussi été illustrée par l’expérience FPVS réalisée chez la patiente KV (Jonas et al., 2014a). Cette expérience a permis d’enregistrer l’effet d’adaptation pour l’identité le plus ample précisément sur le site de stimulation associé avec un déficit de discrimination de l’identité pendant la stimulation électrique. La pertinence

fonctionnelle de la méthode FPVS peut s’expliquer en partie par la quantification objective de l’amplitude réponses qui permet une hiérarchisation des régions étudiées, de la région la plus importante à la moins importante.

4.2.2 Les régions critiques pour la reconnaissance dans l’hémisphère droit

Nous avons rapporté 2 cas de déficit de reconnaissance des visages toujours après stimulations de régions sélectives aux visages (patientes KV et CD ; Jonas et al., 2012 ; Jonas et al., 2014a ; Jonas et al., 2015). Ces phénomènes ont été évoqués après stimulations de régions de l’hémisphère droit (OFA droite et gyrus fusiforme antérieur droit). Dans l’une de ces études, nous avons eu l’occasion de réaliser des stimulations dans l’hémisphère gauche qui n’ont pas provoqué de prosopagnosie (gyrus fusiforme et gyrus occipital inférieur ; Jonas et al., 2012). Les données de stimulation électriques corroborent donc les études de cas de prosopagnosie en montrant que les régions critiques pour la reconnaissance des visages sont localisées dans l’hémisphère droit. Elles sont aussi en accord avec certaines études IRMf en adaptation montrant une prédominance droite pour le traitement de l’identité (Gilaie-Dotan et Malach, 2007 ; Mazard et al., 2006).

L’équipe qui a décrit le cas de proso-métamorphopsie après stimulation électrique de la FFA droite a rapporté récemment l’étude d’un groupe de 10 patients électriquement stimulés dans le gyrus fusiforme droit et gauche (Rangarajan et al., 2014). Ils montrent que les phénomènes de proso-métamorphopsie sont uniquement évoqués lors de la stimulation électrique de l’hémisphère droit. Les stimulations du gyrus fusiforme gauche, même au niveau de régions sélectives aux visages ne provoquent pas ces phénomènes. Nos études de stimulation (Jonas et al., 2012 ; Jonas et al., 2014a ; Jonas et al., 2015) et l’étude de Rangarajan et al. (2014) montrent que la perception des visages ne peut être perturbée uniquement par stimulation de l’hémisphère droit.

4.2.3 Réponses exclusives aux visages dans le lobe temporal antérieur droit

Notre étude des réponses sélectives aux visages dans le VOTC n’a pas montré uniquement des différences quantitatives entre les régions mais aussi des différences qualitatives (Jonas et al., sous presse). Nous avons enregistré des réponses exclusives aux visages, dont la proportion augmente des régions postérieures aux régions antérieures du VOTC, avec un maximum dans le lobe temporal antérieur droit. Le lobe temporal antérieur est la seule région à montrer une prédominance hémisphérique avec une proportion qui est significativement plus importante dans le lobe temporal antérieur droit que dans le lobe temporal antérieur gauche. Ce résultat suggère que le lobe temporal antérieur droit est impliqué dans les étapes les plus spécifiques de la perception des visages. Les réponses exclusives aux visages sont peut-être le reflet d’un traitement des visages indépendant du contexte (le contexte est ici constitué des autres catégories représentées dans la séquence). Contrairement à des processus qui requièrent des informations à propos du contexte (détection des visages dans une scène visuelle, parmi d’autres objets), traiter les visages de manière indépendante du contexte peut être particulièrement utile pour les processus spécifiques aux visages, comme la discrimination individuelle de l’identité ou l’encodage et la récupération d’informations biographiques liées aux visages.

Cette hypothèse est en accord avec (1) les cas de prosopagnosie observés après lésions du lobe temporal antérieur droit (Busigny et al., 2014, voir patient LR dans la Figure 5) ; (2) les déficits de récupération d’informations sémantiques liées aux visages chez des patients atteints de lésions du lobe temporal antérieur droit (Gainotti, 2007) ; (3) l’effet d’adaptation pour l’identité observé pour le potentiel intracrânien AP350 au-dessus du lobe temporal antérieur droit (Puce et al., 1999) ; (4) les activations IRMf pour les visages familiers dans le lobe temporal antérieur droit (Sergent et al, 1992) ; (5) les connexions anatomiques fortes entre le lobe temporal antérieur droit et le lobe temporal médian (hippocampe) qui contient les informations multimodales reliées aux personnes familières (Kahn et al., 2008 ; Quiroga et al., 2005). Enfin, cette hypothèse est en accord avec notre

étude de stimulation (Jonas et al., 2015) puisque la stimulation électrique d’une région du lobe temporal antérieur droit a provoqué un déficit transitoire de reconnaissances des visages célèbres.

4.2.4 Pourquoi une prédominance droite ?

Une hypothèse très répandue prétend que la prédominance droite pour la perception des visages survient lors du développement d’aires spécifiques aux mots dans l’hémisphère gauche pendant l’apprentissage de la lecture (Dundas et al., 2013 ; Dundas et al., 2014). La prédominance droite pour les visages surviendrait donc pendant l’apprentissage de la lecture (aux alentours de 6 ans) après que les aires de la lecture aient « poussé » les aires sélectives aux visages à droite. Cette hypothèse a été réfutée par une étude FPVS récente qui a enregistré en EEG de surface des réponses sélectives aux visages clairement latéralisées à droite chez des nourrissons de 4 à 6 mois c’est-à-dire bien avant l’apprentissage de la lecture (Figure 26 ; de Herring et Rossion, 2015 ; paradigme identique à celui utilisé dans notre étude en iEEG, Jonas et al., sous presse). Cela montre donc que la prédominance droite pour les visages est présente dans la petite enfance, bien avant l’apprentissage de la lecture.

Figure 26. Réponses sélectives aux vissages chez nourrissons de 4 à 6 mois enregistrées grâce à la méthode FPVS en EEG de surface. A. Réponse sélectives aux visages à 1,2 Hz enregistrée au niveau d’une électrode occipito-temporale droite (électrode P8, moyennage de 15 nourrissons). B. La cartographie d’amplitude sur l’ensemble des électrodes montre clairement une prédominance droite des réponses sélectives aux visages. Adapté de de Herring et Rossion (2015).

Une autre hypothèse est que l’hémisphère droit serait spécialisé dans l’ensemble des processus visuels, quels que soient la tâche ou le type de stimuli. Il est connu depuis longtemps que l’hémisphère droit montre une prédominance pour les tâches visuelles requérant un jugement spatial ou de l’attention spatiale (Corballis et al., 2002 ; Funnel et al., 1999 ; Karim and Kojima, 2010). Nous avons publié récemment une étude SEEG chez 22 patients qui montre que les phénomènes visuels évoqués par la stimulation électrique (hallucinations, illusions) sont largement plus fréquents après stimulation de l’hémisphère droit que de l’hémisphère gauche (Figure 27 ; Jonas et al., 2014b). Ce résultat suggère une supériorité de l’hémisphère droit pour l’ensemble des processus visuels, sans spécificité particulière.

Figure 27. Prédominance droite des phénomènes visuels évoqués par la stimulation électrique intracérébrale. Chaque rond correspond à un site de stimulation (22 patients). Les ronds noirs correspondent aux sites de stimulations négatifs. Les ronds rouges correspondent aux sites de stimulations évoquant un phénomène visuel pendant la stimulation (hallucination ou illusion visuelle). Coupe axiale dans l’espace de Talairach. Adapté de Jonas et al. (2014b).

4.3 Plusieurs régions du lobe temporal antérieur impliquées dans la perception des