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1.4 Neuroimagerie fonctionnelle

1.4.3 Le retour au réseau

Malgré l’accent mis sur l’étude de la FFA, les études IRMf suivantes ont mis en évidence d’autres régions sélectives aux visages : dans le gyrus occipital inférieur en arrière de la FFA (Occipital Face Area ou OFA, Gauthier et al., 2000) et dans la partie postérieure du sillon temporal supérieur (STS, Puce et al., 1998) (Figure 14A). Plus récemment, des aires sélectives aux visages ont été mis en évidence dans la partie ventrale du lobe

temporal antérieur, plus précisément dans le gyrus fusiforme antérieur ou dans le sillon collatéral antérieur (Figure 14B ; Axelrod et Yovel, 2013 ; Nasr et Tootell, 2012 ; Pyles, et al. 2013; Rajimehr et al., 2009 ; Rossion et al., 2012 ; Tsao et al., 2008 ; pour une revue voir Collins et Olson, 2014). Néanmoins, malgré les preuves de l’implication du lobe temporal antérieur dans la perception des visages apportées par les patients prosopagnosiques (Busigny et al., 2014) et les premières études de neuroimagerie (Sergent et al., 1992), peu d’études IRMf ont mis en évidence une activation sélective des visages dans le lobe temporal antérieur. En effet, un artéfact de susceptibilité magnétique réduit considérablement le signal enregistré dans cette région (artefact lié principalement au canal auditif). Récemment des études rapportant des cartes statiques chez des sujets individuels ont montré une grande variabilité interindividuelle des aires sélectives en terme de nombre, de localisation et de volume (Rossion et al., 2012 ; Zhen et al., 2015). Il a parfois été montré plusieurs aires sélectives dans une même région anatomique (par exemple 2 ou 3 aires dans le gyrus occipital inférieur, le gyrus fusiforme postérieur et moyen ou le sillon temporal supérieur).

Ces nombreuses régions sélectives aux visages fonctionnement probablement au sein d’un réseau dédié à la perception des visages. Les études IRMf ont étudié cette question à l’aide des techniques de connectivité structurelle (tractographie par IRM de diffusion) ou de connectivité fonctionnelle (« resting-state correlation »). Ces études ont montré que ces régions sélectives aux visages dans le VOTC (OFA, FFA, lobe temporal antérieur) sont densément connectées entre elles, tant sur le plan structurel que fonctionnel (Davies-Thompson et Andrews, 2012 ; Gschwind et al., 2012 ; O’Neil et al., 2014 ; Pyles et al, 2013 ; Zhu et al., 2011).

Figure 14. Régions sélectives aux visages en IRMf. A. Localisation anatomique des aires sélectives aux visages de la région postérieure du VOTC (OFA, FFA et STS) après moyennage des cartes statistiques de 40 sujets. Adapté de Rossion et al. (2012). B. Localisation anatomique des aires sélectives aux visages chez un sujet individuel. Ces régions sont observées dans le lobe occipital (OFA), dans le gyrus fusiforme (FFA) et dans le lobe temporal antérieur (AFP1, indiqué par une flèche blanche). AFP1 est localisé dans le sillon collatéral antérieur. Adapté de Tsao et al. (2008).

1.4.4 Identification des visages : adaptation et MVPA

Après la mise en évidence de ces aires sélectives aux visages, les études IRMf ont testé leur rôle la discrimination individuelle des visages. La méthode principale utilisée pour répondre à cette question a été l’ « adaptation » (ou « répétition-suppression » ; Grill-Spector et Malach, 2001 ; Grill-Grill-Spector et al., 2006). Cette méthode repose sur le fait que la réponse neurale à un stimulus donné diminue lorsque ce même stimulus est présenté de manière répétée (adaptation). Si ce phénomène d’adaptation disparait suite à la présentation de stimuli différents (« released from adaptation »), alors on peut conclure que

la région étudiée distingue ces 2 types de stimuli (identique et différent) et qu’elle est sensible à ce qui diffère entre les 2 types de stimuli.

Des études IRMf ont retrouvé des effets d’adaptation pour l’identité dans le VOTC, c’est-à-dire une diminution de la réponse neuronale pour une répétition de visages de la même identité par rapport à une répétition de visages d’identités différentes (ces régions du VOTC distinguent ces 2 types de visages qui diffèrent uniquement sur l’identité). Ces effets d’adaptation ont été principalement retrouvés dans l’OFA et la FFA (Figure 15 ; Davies-Thompson et al., 2009 ; Ewbank et al., 2013 ; Gauthier et al., 2000 ; Gilaie-Dotan & Malach, 2007; Schiltz et al., 2006). Ces études montrent de manière reproductible que l’OFA et la FFA sont sensibles aux informations perceptives liées à l’identité des visages.

Figure 15. Adaptation pour l’identité dans la FFA et l’OFA. A. Paradigme. Présentations répétées de visages de même identité ou de visages d’identités différentes. B. Diminution du signal BOLD pour les visages identiques par rapport aux visages différents dans l’OFA et la FFA, mais pas dans le STS (moyennage de 14 participants). Adapté d’Ewbank et Andrews (2008).

Une méthode IRMf plus récente appelée MVPA (Multi-Voxel Patern Analysis) considère le profil d’activation d’une aire à travers tous ses voxels plutôt que la réponse globale et moyenne de cette aire (Haxby et al., 2001). Il s’agit essentiellement d’une méthode de corrélation : un profil d’activation en réponse à un visage X est corrélé au profil d’activation en réponse à une autre présentation du visage X versus le profil en réponse à un autre visage Y. Si le profil d’activation pour le visage X est constant à travers les différentes présentations alors la corrélation sera plus grande entre 2 présentations de X qu’entre les présentations de X et Y. Si c’est le cas, alors ce profil d’activation peut être utilisé pour prédire les stimuli perçus des essais suivants. Malheureusement, ces études n’ont apporté que très peu d’informations concernant la localisation des aires sensibles à l’identité (Goesart et Op de Beeck , 2013 ; Kriegeskorte et al., 2007 ; Nestor et al., 2011) et cela pour les raisons suivantes : (1) les localisations retrouvées sont très différentes entre les études ; (2) les activations censées coder l’identité sont souvent retrouvées en dehors des aires sélectives aux visages ; (3) les effets de discrimination sont très faibles (juste au-dessus du niveau du hasard) ; (4) les effets de discrimination sont testés sur un très faible nombre de visages différents (1 visage d’homme et 1 visage de femme pour l’étude principale ; Kriegeskorte et al., 2007). De manière plus générale ces études MVPA ont le défaut de reposer sur l’hypothèse que l’identité de chaque visage est codée dans le cerveau et que ce code est accessible à l’échelle du voxel.