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Il a été montré dans le chapitre 1 sur le comportement du matériau sain à 70 °C que l’ettringite ne fait pas partie du cortège minéralogique du matériau cimentaire bien que les calculs prédisent sa présence. Néanmoins, son signal apparait en DRX dans les échantillons CEM1 entre 40 μm et au moins 1800 μm de la surface de séparation (Figure 3.20) suggérant la précipitation dite secondaire de l’ettringite dans la pâte de ciment. Cette ettringite serait donc la conséquence de l’altération du matériau.

(a) (b)

Figure 3.20 : (a) profil de l’ettringite dans la pâte de ciment obtenu par DRX (intensité du pic principal à 9,72Å) ; (b) baguettes d’ettringite au MET (-850, -900 µm)

L’ettringite nécessite des sulfates pour pouvoir précipiter. Deux sources de sulfates existent dans le système :

- les sulfates contenus dans l’eau porale du ciment provenant de la dissolution de l’ettringite avec la

montée en température,

- les sulfates contenus dans l’eau porale de l’argilite.

Or, la concentration calculée en sulfate de l’eau porale de la pâte de ciment à 70 °C, est de 110 mmol.L-1 (CHESS) et

même plus élevée d’après les tests expérimentaux (Tableau 1.7). Dans l’eau porale de l’argilite saine, cette

concentration est de 8,1 mmol.L-1 à 60°C (Chautard et al. 2012). Ainsi à l’inverse du gradient de concentration, les ions

sulfates diffusent de la pâte de ciment vers l’argilite. De ce fait, l’ettringite révélée ici par DRX a été formée à partir des sulfates du matériau cimentaire et non de ceux de l’argilite.

La précipitation d’ettringite nécessite également, la présence de calcium et d’aluminium. Ces deux éléments sont en quantité importante à l’interface (décalcification de la pâte de ciment et altération des phases argileuses). Le pH relativement bas dans la pâte de ciment à proximité de l’interface augmente aussi la concentration de calcium en solution favorisant ainsi l’ettringite (Figure 3.21). La précipitation d’ettringite secondaire a été mise en évidence dans des expériences de lixiviation en eau pure (Faucon 1997). Ce processus se produit donc également en condition d’interface à température plus élevée. Néanmoins, la zone où l’ettringite précipite est plus large que la zone de décalcification. Ce phénomène ne peut donc entièrement répondre à la précipitation d’ettringite dans une zone aussi étendue, à moins que le calcium ne migre dans le matériau cimentaire et que le pH soit suffisamment réduit dans cette zone où seule la précipitation d’ettringite marque l’altération du matériau.

En MEB-EDS, il est difficile de visualiser l’évolution de la quantité de soufre dans l’argilite car les pyrites saturent le signal. En DRX, le pic principal de la pyrite à 2,71 Å varie peu dans l’argilite en fonction de la distance à l’interface, et aucune autre phase cristalline contenant du soufre n’apparait. Le soufre doit donc rester sous la forme de sulfates dans la solution porale ou sorbés par certains minéraux. Les C-S-H sont un bon candidat (Chapitre 1).

0 100 200 300 400 500 600 -2500 -2000 -1500 -1000 -500 0 In ten sité (c o u p s) - DRX

Distance depuis la surface de séparation (µm)

Ettringite (9,72Å)

Pâte de ciment CEM I

-15000

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Figure 3.21 :diagramme de stabilité du calcium à 70 C (act. SO42- = 10-2, act. AlO

2- = 10-3)

Le domaine de stabilité du monosulfoaluminate est réduit à l’épaisseurs des droites entre les domaines de l’ettringite et de la portlandite

Un point reste néanmoins à élucider. A savoir l’absence d’ettringite dans la zone saine liée à la redescente en température dans le matériau après démantèlement des dispositifs expérimentaux. Plusieurs hypothèses peuvent être émises :

- la diffusion des sulfates de la pâte de ciment vers l’ettringite a appauvri le haut du plot où il n’y a plus

assez de sulfates pour qu’elle reprécipite a posteriori lors du refroidissement du système et non pendant l’expérimentation,

- un phénomène cinétique ralentit la reprécipitation de l’ettringite,

- la katoïte formée lors de la montée en température monopolise l’aluminium et empêche la précipitation

d’ettringite après le refroidissement du dispositif.

La précipitation d’ettringite secondaire est mise en évidence dans la pâte de ciment, entre l’interface et au moins 1800 μm de la surface de séparation.

Conclusion sur les évolutions géochimiques des interfaces pâte

de ciment CEM I / argilite à 70°C en condition in situ

L’évaluation de l’extension de la perturbation est rendue difficile par l’hétérogénéité du système (présence ou absence d’une couche d’argilite au contact de la pâte de ciment, par exemple). Différents processus ont été mis en évidence :

- des mouvements de fluides élémentaires au travers de l’interface dépassant les évolutions minéralogiques. Il s’agit de perturbations non minérales d’ordre millimétrique.

- une altération minéralogique en front.

- la décarbonatation et la décalcification de la pâte de ciment sur environ 800 µm.

- la précipitation secondaire d’ettringite dans la zone décalcifiée et carbonatée mais également au-delà sur plus de 1,6 mm dans la pâte de ciment. Cette précipitation d’ettringite n’a pas généré de fissure dans le bloc de pâte de ciment. Ce mécanisme n’est pas mis en évidence dans la littérature où, de plus, la décalcification de la pâte de ciment est toujours le mécanisme d’altération le plus important.

- la mise en place d’un ruban à l’interface où se concentrent des C-S-H, des C-A-S-H mais également des phases bien cristallisées comme la tobermorite et la phillipsite. Des carbonates sont également visibles dans cette zone. De la calcite y est ponctuellement visible.

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- l’argilite est altérée mais les altérations sont difficiles à mettre en évidence. Elle est légèrement décarbonatée sur quelques dizaines de micromètres à proximité de l’interface. Les phases argileuses semblent également affectées avec la dissolution totale de la chlorite, la dissolution partielle de la kaolinite et possiblement la formation d’illite. Le quartz est probablement partiellement dissout. L’altération s’étend au maximum sur 400 µm.

Figure 3.22 : schéma de synthèse des perturbations minéralogiques et des processus de diffusion déduits en condition in situ après un an de contact

Caractérisation des interfaces CEM I / argilite reproduites en

laboratoire et évolution temporelle

Après de premiers éléments apportés par l’étude du dispositif expérimental in situ, l’étude en cellule de diffusion amène des éléments supplémentaires pour soutenir l’interprétation.

Quatre cellules de diffusion ont été lancées avec des durées expérimentales différentes. La cellule C a été arrêtée après 2,5 mois, la D après 6 mois, la E après 12 mois et la T, cellule contenant des traceurs dans ses réservoirs, après 13 mois.

Evolution et aspect de l’interface