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Dans ce paragraphe, les mécanismes sont décrits à titre informatif afin d’éclairer et de hiérarchiser ceux se produisant en contact d’une solution multi-ionique. La bibliographie de ce type d’expérience n’est pas exhaustive, mais permet de poser les mécanismes aujourd’hui bien décrits et consensuels.

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VOLUTION EN EAU PURE

La mise en contact d’une pâte de ciment avec une eau crée un déséquilibre de concentration entre l’eau extérieure et l’eau porale du matériau. Ce déséquilibre déplace les équilibres chimiques de manière à « amene[r] un changement […] de signe contraire à celui résultant de la cause extérieure » (Le Chatelier 1884). Plus explicitement, le principe de Le Chatelier, cité ci-avant, signifie que les équilibres chimiques, en l’occurrence les équilibres de

60 dissolution / précipitation, entre l’eau porale et le matériau se déplace vers la dissolution de manière à modérer la dilution des éléments en solution engendrée par la présence de l’eau pure.

L’effet d’une eau déionisée sur des matériaux cimentaires à 20°C (pH=7) a été étudié par Adenot. L’altération se traduit par des fronts de dissolution successifs, dont la distance depuis le front d’attaque augmente linéairement selon la racine carrée du temps (Adenot & Buil 1992; Faucon et al. 1996). Cette affirmation s’appuie sur la deuxième loi de Fick dont une des solutions analytiques est une gaussienne d’écart type √2𝐷𝑒𝑡.

Suivant leur produit de solubilité, la portlandite est la première phase minérale à se dissoudre suivie successivement par le monosulfoaluminate, l’ettringite et les C-S-H. Ces derniers se décalcifient en un gel de silice (Figure 3.1). La précipitation d’ettringite secondaire ou d’AFm secondaires nourrie par la dissolution des phases primaires peut se produire dans la zone lixiviée (Faucon 1997). La dissolution des différentes phases conduit au départ des ions calcium vers l’eau extérieure. Ce phénomène est appelé lixiviation ou lessivage. Plus le pH de la solution agressive est bas, plus la décalcification est importante (Revertegat et al. 1992). L’incorporation d’aluminium dans le gel de silice amorphe est possible (Hidalgo et al. 2007)

Eau déionisée = milieu agressif

Zones lixiviées Matériau sain

Silice amorphe C-S-H décalcifiés C-S-H décalcifiés Ettringite C-S-H décalcifiés Ettringite Monosulfoaluminate Portlandite C-S-H Ettringite Monosulfoaluminate

Figure 3.1 : zones de lixiviation d’une pâte ciment Portland (e/c=0,4) soumise à une eau déionisée (pH=7, T=20°C) (d'après Adenot 1992; Adenot & Buil 1992)

Les éléments non pilotés par une phase minérale, alcalins et ions hydroxyde, sont également lixiviés (Konecny et al. 1991). La présence des alcalins dans la pâte de ciment impose un pH de l’ordre de 13 à température ambiante. Après le lessivage de ces alcalins, la portlandite phase la plus soluble, se dissout et libère des ions hydroxyde maintenant un

pH de 12,5 et une concentration en calcium de 22 mmol.L-1 de solution. Dans ces conditions, la concentration en

silicium est faible, inférieure à 0,03 mmol.L-1 de solution (Damidot & Glasser 1995). Lorsque la portlandite est

totalement dissoute, son effet tampon, protecteur des autres phases cimentaires disparait entrainant la décalcification progressive des C-S-H et la dissolution des autres phases jusqu’à atteindre, après lixiviation de tous les éléments, l’état de silice amorphe. En présence d’une eau pure, le système est principalement en dissolution.

E

VOLUTION EN SOLUTION CARBONATEE

La dissolution de dioxyde de carbone dans l’eau est régie par la loi de Henry. Cette loi énonce qu’à température constante et à l’équilibre, la quantité de gaz dissous dans un liquide est proportionnelle à la pression partielle qu’exerce ce gaz sur le liquide. La réaction du dioxyde de carbone avec l’eau conduit à la formation d’acide carbonique se dissociant en ion hydrogénocarbonate se dissociant lui-même en ion carbonate (Eq 3-1) (Harned & Scholes 1941; Harned & Davis 1943). Le milieu s’acidifie.

𝐻2𝑂 + 𝐶𝑂2⇆ 𝐻2𝐶𝑂3⇆ 𝐻++ 𝐻𝐶𝑂3−⇆ 2𝐻++ 𝐶𝑂32− Eq 3-1

A pH faible, l’espèce H2CO3 est l’espèce prédominante ; à pH basique, CO32- est l’espèce prédominante.

L’eau porale de Tournemire est à l’ équilibre avec une pression partielle en CO2 de 1,6 à 4,0.10-2 atm (Beaucaire et al.

2008). L’équilibre avec les phases carbonatées de la roche impose cette valeur et fournit les carbonates en solution. L’acide carbonique se comporte comme un acide faible dans l’eau et réagit selon un mécanisme acido-basique avec les phases de la pâte de ciment. Des carbonates se forment. La portlandite se dissout relarguant des ions calcium qui réagissent avec les ions carbonate en solution (Eq 3-2). Les C-S-H se carbonatent en donnant des carbonates de calcium et un gel de silicium (Suzuki et al. 1985) selon l’équation bilan Eq 3-3. La carbonatation des aluminates et des hydrogrenats aboutit à la précipitation de calcite et de gel d’alumine (Sauman & Lach 1972), tandis que la carbonatation de l’ettringite aboutit à la formation de carbonate de calcium, de gypse et d’un gel alumineux selon l’équation bilan Eq 3-4 (Nishikawa et al. 1992).

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𝐶𝑎(𝑂𝐻)2+ 𝐻2𝐶𝑂3→ 𝐶𝑎𝐶𝑂3+ 2𝐻2𝑂 Eq 3-2

𝑥𝐶𝑎𝑂 • 𝑦𝑆𝑖𝑂2• 𝑧𝐻2𝑂 + 𝑥(𝐻2𝐶𝑂3) → 𝑥𝐶𝑎𝐶𝑂3+ 𝑦𝑆𝑖𝑂2• 𝑤𝐻2𝑂 + (𝑥 + 𝑧 − 𝑤)𝐻2𝑂 Eq 3-3

3𝐶𝑎𝑂 • 𝐴𝑙2𝑂3• 3𝐶𝑎𝑆𝑂4• 32𝐻2𝑂 + 3𝐻2𝐶𝑂3→ 3𝐶𝑎𝐶𝑂3+ 3(𝐶𝑎𝑆𝑂4• 𝐻2𝑂) + 𝐴𝑙2𝑂3• 𝑥𝐻2𝑂 + (29 − 𝑥)𝐻2𝑂 Eq 3-4

La présence des alcalins dans la solution porale abaisse la solubilité de la portlandite et ralentit les mécanismes de carbonatation (Baroghel-Bouny et al. 2008).

En milieu saturé (Figure 3.2), la lixiviation se produit, les ions calcium diffusent jusqu’à la surface du matériau et précipitent à la surface avec la solution carbonatée (Badouix 2000; Dauzères et al. 2009; Revertegat et al. 1992; Revertegat et al. 1997; Thierry 2005). Cette couche est exogène au matériau (Dauzères et al. 2014; Trägårdh & Lagerblad 1998). Solution de NaHCO3 (2,5 mmol.L-1) = milieu agressif Calci te

Zone altérée Matériau sain

Calcite diffuse Ettringite altérée C-S-H Ettringite secondaire C-S-H Portlandite altérée Ettringite C-S-H

Figure 3.2 : effet de l’altération par une eau carbonatée sur un CEM I après 7 mois de contact à 25°C (d'après Badouix 2000)

Dans des cas plus extrêmes (500 bar, 120°C), mais toujours sous eau, l’apparition d’une croûte de carbonate entrainant une baisse de la porosité à la surface du matériau cimentaire est aussi mise en évidence (Jacquemet 2006)

E

VOLUTION EN SOLUTION RICHE EN SULFATES

Dans le cas de pâtes de ciment plongées dans une solution sulfatée, les pâtes subissent une décalcification en surface avec la dissolution de la portlandite et des C-S-H ainsi que la précipitation d’ettringite et de gypse dans la zone altérée (Le Bescop & Solet 2006; Planel et al. 2006; Schmidt et al. 2009). La profondeur d’altération est beaucoup plus importante que pour la carbonatation décrite précédemment puisque qu’elle s’étend sur plusieurs millimètres, là où pour le cas précédent elle était de l’ordre de quelques centaines de micromètres.

Cette attaque intense s’accompagne de la formation de fissures particulièrement dans la zone où le gypse et l’ettringite sont présents simultanément.

Solution de NaSO4

(15 mmol.L-1)

= milieu agressif

Zone altérée Matériau sain

Ettringite C-S-H décalcifiés

Portlandite Ettringite

Gypse

Figure 3.3 : effet de l’altération par une eau sulfatée d’une pâte de ciment CEM I à 25°C après 7 mois (d'après Planel et al. 2006)

L’ettringite et le gypse se forment à partir des sulfates de la solution d’attaque ainsi qu’à partir du calcium et pour la première, de l’aluminium libéré par la dissolution de la portlandite et des AFm.