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2 – A PPORTS ET LIMITES DES SOURCES UTILISEES ET PROBLEMATIQUE DE LA RECHERCHE

2.1 – Présentation du corpus documentaire 2.1.1 – Les sources manuscrites

Le corpus documentaire constitué afin d’étudier les aspects fonciers, économiques et techniques du vignoble bordelais après la guerre de Cent Ans est composé d’un total de 1139 documents, d’origines et de natures différentes, provenant des archives départementales de la Gironde. Le corpus documentaire réunit ainsi 768 documents issus de registres notariés, 378 documents issus de registres conservés dans le fonds de Sainte-Croix et le compte de l’archevêché de Bordeaux de l’année 1459- 1460. Nous pouvons également ajouter 499 documents issus du fond de Saint-Seurin, mais ceux-ci sont des documents de seconde main, déjà compulsés et dépouillés par Sandrine Lavaud dans sa thèse sur la paroisse de Saint-Seurin.

Les 768 documents notariés sont des minutes prises rapidement par les notaires, souvent dans leurs études mais également dans les domiciles des contractants ou bien même sur les tenures plantées en vigne. Il s’agit de brèves prises lors de l’établissement des contrats, d’où une écriture souvent peu soignée, des ratures nombreuses, des passages laissés en blanc pour être complétés plus tard ou bien de nombreuses abréviations. Les formules usuelles de l’eschatocole et du protocole final sont également simplifiées. Certaines minutes comportent également des rajouts en marge, sur le côté ou sous le texte du contrat. Ces brèves servent ensuite de modèles pour l’acte grossoyé, c’est-à-dire mis au propre et délivré aux parties par le notaire121. Les actes grossoyés, conservés par les contractants dans leurs domiciles, n’ont pas été conservés jusqu’à aujourd’hui122. Seules les minutes notariales nous sont parvenues, rassemblées dans les séries 3E de la Garde-Note de Bordeaux. L’état de conservation de ces documents est très aléatoire. Certains feuillets sont parfois manquants, ou bien déchirés ou rongés, dans les registres. Tout ou une partie du texte peut aussi être effacé et illisible. A l’exception de certains contrats d’affrètements, concernant des maîtres de navire non Bordelais, la plupart des minutes notariales étudiées sont écrites en gascon médiéval.

Nous avons sélectionné les documents étudiés (que nous qualifierons « d’actes » dans le corps de notre texte) dans 15 registres de 8 notaires différents, que nous allons

121 Voir BERNARD, Jacques, « Formulaires de notaires du Bordelais à la fin du XVe siècle », Bulletin

philologique et historique, 1958 [1959], p. 389-406, et BERNARD, Jacques, Le notariat et la pratique

notariale en Bordelais (vers 1235 – vers 1520), thèse complémentaire pour le doctorat ès Lettres

(dactylographiée), Paris, 1968.

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présenter par ordre chronologique. Ainsi, 52 actes proviennent du registre 3E 6091 du notaire Jehan Fontanelle. Ils nous informent sur une période comprise entre le 28 mars 1461 et le 4 juillet 1473123. Nous y avons relevé 21 ventes de vignes ou de biens fonciers en rapport avec la vigne, 8 baux à façon, 7 ventes à réméré (le vendeur a la possibilité de racheter son bien), 4 échanges, 4 reconnaissances féodales, 3 baux à nouveau fief, 2 obligations, une vente de rente, une vente de rente à rémérée et une rente constituée.

Nous relevons 26 actes provenant du registre 3E 4807, du notaire Pierre Dubosc, entre le 8 septembre 1464 et le 26 janvier 1465124, soit 10 ventes, 6 baux à nouveau fief, 3 ventes à réméré, 2 échanges, un bail à nouveau fief, un testament, une donation de vignes, un procès lié à des vignes et une procuration donnée pour mettre en possession une vigne.

Le registre 3E 7132 du notaire Johan Johanis couvre une période similaire dans lequel 22 actes, entre le 9 mai 1465 et le 19 mars 1466125, concernent 7 ventes, 4 reconnaissances féodales, 4 baux à façon, 2 obligations, un échange, une vente de rente, une vente de rente à réméré, une vente à réméré et un acensement.

Par la suite, les 42 actes provenant du registre 3E 12430 du notaire Buseyon, du 21 juillet 1468 au 18 novembre 1472126 représentent 13 ventes de vignes, 8 reconnaissances féodales, 7 baux à façon, 5 échanges, 4 ventes à réméré, 2 baux à nouveau fief, une vente de rente, une donation et un partage de biens.

Le nombre d’actes disponibles augmente peu à peu dans les années 1470. Ainsi, nous avons pu prélever 58 actes dans le registre 3E 10391 du notaire Ribery, du 2 avril 1473 au 17 mars 1474127, soit 13 ventes de vignes, 12 baux à façon, 10 ventes à réméré, 10 échanges, 6 reconnaissances féodales, 3 baux à nouveau fief, 2 ventes en exécution d’un testament, un bail à loyer et une obligation.

De même, 82 actes nous intéressent dans les registres 3E 12429 (3 actes) et 3E 1631 (79 actes) du notaire Blanchard entre le 6 septembre 1470 et le 8 février 1482128. Nous avons relevé 33 reconnaissances féodales, 16 ventes de vignes, 10 baux à nouveau fief, 10 ventes de rentes, 5 rentes constituées, 3 baux à façon, une vente à réméré, une obligation, un acensement, une diminution de cens et un partage.

Le registre 3E 1145 du notaire Benech, allant du 15 janvier 1477 au 22 mars 1483129, nous procure 74 actes répartis en 17 ventes, 14 ventes à réméré, 11 échanges,

123 AD Gironde, 3E 6091, fol. 1 v°, 28 mars 1461 ; AD Gironde, 3E 6091, fol. 236 v°-237, 4 juillet 1473. 124 AD Gironde, 3E 4807, fol. 112-112 v°, 8 septembre 1460 ; AD Gironde, 3E 4807, fol. 260 v°, 26

janvier 1465.

125 AD Gironde, 3E 7132, fol. 17 v°-18, 9 mai 1465 ; AD Gironde, 3E 7132, fol. 87 v°, 19 mars 1466. 126 AD Gironde, 3E 12430, fol. 60, 21 juillet 1468 ; AD Gironde, 3E 12430, fol. 207 v°-208, 18 novembre

1472.

127 AD Gironde, 3E 10391, fol. 5, 2 avril 1473 ; AD Gironde, 3E 10391, fol. 102, 17 mars 1474.

128 AD Gironde, 3E 1631, fol. 196 v°-203, 6 septembre 1470 ; AD Gironde, 3E 1631, fol. 291-291 v°, 8

février 1482.

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10 reconnaissances féodales, 10 obligations, 6 ventes de rentes, 4 baux à façon et 2 baux à nouveau fief.

Enfin, 6 registres du notaire Simon d’Artiguemale (3E 81, 82, 83, 84, 85 et 86) renseignant partiellement une période allant du 15 avril 1470 au 18 décembre 1483130, nous permettent de disposer d’un total de 412 actes, la plupart venant des registres 3E 84 (154 actes) et 3E 85 (144 actes) : 99 ventes de vignes, 63 baux à façon, 51 ventes à réméré, 44 échanges, 32 reconnaissances féodales, 23 baux à nouveau fief, 15 obligations, 11 ventes de rentes à réméré, 8 ventes de rente, 7 procès et litiges, 5 mariages où des vignes sont impliquées, 4 testaments, 4 baux à loyer, 4 actes de mise en possession, 3 acensements, 3 procurations, 3 donations, 3 diminutions de cens, 2 déguerpissements, 2 dettes, 2 baux à gages, 2 actes de « cabau » (association temporaire entre marchands), 2 contrats de travail, une succession, une vente aux enchères et un inventaire après-décès.

Les minutes notariales nous informent ainsi plus précisément sur les transactions de tenures plantées en vigne : nous obtenons notamment un total de 196 ventes de vigne, 91 ventes à réméré et 82 échanges dans les fonds notariaux.

Nous avons également sélectionné 371 documents provenant de la série H du fonds de Sainte-Croix, afin de disposer également du point de vue seigneurial dans la seconde moitié du XVe siècle. Il s’agit là aussi de brèves prises par le notaire public Johan de Beusse pour le compte de l’abbaye de Sainte-Croix. Ce sont essentiellement des actes fonciers qui nous renseignent sur les tenures de vignes relevant de cette seigneurie foncière ecclésiastique. Les actes du fonds de Sainte-Croix que nous avons utilisés sont issus de 6 registres.

Par ordre chronologique, le premier registre qui nous intéresse est le H 734, dont les 98 actes relevés couvrent une période allant du 8 janvier 1450 au 29 septembre 1454131 soient 87 reconnaissances féodales, 4 ventes de vignes, 2 menaces de commises, un bail à nouveau fief, une afferme, une autorisation de vendanger, une modération de cens et un inventaire après décès.

Nous prélevons également 31 actes dans le registre H 735, du 6 février 1451 au 14 septembre 1452132. Nous y trouvons 21 reconnaissances féodales, 5 baux à nouveau fief, 3 ventes, un bail à façon et un procès.

Le registre le plus fourni est le H 736, nous fournissant 205 actes qui nous informent sur la période allant du 26 novembre 1455 au 26 mai 1459133. Nous avons ainsi relevé 199 reconnaissances féodales, 4 baux à nouveau fief, un testament et un inventaire après décès.

Les registres H 1183, H 1184 et H 1186 comprennent moins d’actes utiles à notre travail. Nous y relevons pourtant 37 actes, couvrant une période allant du 15

130 AD Gironde, 3E 81, fol. 3 v°-4, 15 avril 1470 ; AD Gironde, 3E 86, fol. 85 v°-86, 18 décembre 1483. 131 AD Gironde, H 734, fol. 91, 8 janvier 1450 ; AD Gironde, H 734, fol. 50, 29 septembre 1454. 132 AD Gironde, H 735, fol. 88, 6 février 1451 ; AD Gironde, H 735, fol. 90 v°, 14 septembre 1452. 133 AD Gironde, H 736, fol. 1, 26 novembre 1455 ; AD Gironde, H 736, fol. 127 v°-128, 26 mai 1459.

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décembre 1455 au 13 juin 1472134, soit 15 ventes de vignes, 11 affermes, 2 dettes, 2 investitures, 2 ventes de rentes, une vente de droits, une cession de droits, une reconnaissance féodale, une obligation, un engagement à effectuer les façons agricoles, un bail à façon et une commise exercée sur une vigne.

Bien que couvrant partiellement la même période que les minutes notariales, nous ne relevons pas de doublons entre ces deux séries d’actes. Nous retrouvons parfois les mêmes tenanciers, mais les biens concernés ne sont généralement pas les mêmes.

Le compte de l’archevêché de Bordeaux pour l’année 1459-1460, conservé sous la côte G 240, avec des comptes moins bien conservés des années précédentes, est le document comptable le plus précis pour la période étudiée ici. Composé d’un total de 158 folios, ce compte détaille toutes les dépenses et recettes de cette grande seigneurie foncière pour l’année 1459-1460. La première partie du document (du folio 315 au folio 400) est consacrée aux recettes de l’archevêché, provenant essentiellement des redevances foncières, des dîmes affermées, des droits de justice et de ventes diverses. La seconde partie (du folio 401 au folio 436 v°) détaille les dépenses dues aux versements des pensions, l’approvisionnement en bois, les procès, les réparations de bâtiments, les déplacements du receveur et les opérations militaires135, les pertes de blés lors des transports par gabare et surtout, les dépenses consacrées à l’entretien et à l’exploitation des vignes de la réserve seigneuriale. Ainsi, 29 folios, répartis en 9 articles, détaillent les travaux dans les vignes en exploitation directe136. La troisième partie du compte (du folio 437 à 463) est une liste des arriérés dus à l’archevêché. Enfin, la dernière partie du document (du folio 464 au folio 471) fait un récapitulatif des recettes, des dépenses et des arriérés de l’année. Ce document très bien conservé et écrit en français, sans doute par le receveur de l’archevêché, Guillaume de Larue137, est notre principale source d’information dans l’étude des techniques de viticulture et de vinification dans la région de Bordeaux après la guerre de Cent Ans.

Les actes fonciers issus du fonds de Saint-Seurin sont, comme nous l’avons dit, des documents de seconde main provenant des dépouillements déjà effectués par Sandrine Lavaud dans le cadre de sa thèse sur cette paroisse située près de Bordeaux, dans la zone suburbaine, au XIVe et au XVe siècle. Parmi les 3129 actes fonciers du corpus documentaire constitué à l’occasion de son travail, nous avons sélectionné 499 actes concernant la période choisie pour notre étude. Ces documents proviennent de 15 registres (G 1157, 1158, 1159, 1160, 1161, 1252, 1256, 1276, 1300, 1329, 1386, 1426,

134 AD Gironde, H 1183, fol. 4 v°, 15 décembre 1455 ; AD Gironde, H 1186, fol. 27 v°, 13 juin 1472. 135 Des dépenses sont notamment consacrées aux salaires d’hommes de guerre et d’arbalétriers lors d’une

escarmouche contre une troupe d’hommes d’armes du seigneur de Pompadour qui dispute la propriété éminente du prieuré de Saint-Cyprien à l’archevêque de Bordeaux.

136 AD Gironde, G 240, fol. 403 v°-436 v°.

137 Archives départementales antérieures à 1790, Archives ecclésiastiques, série G, n°1 à 920, Bordeaux,

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1439, 1660 et 1661)138, inventoriés sous le terme « terriers » aux archives départementales. Néanmoins, il s’agit plutôt de registres réunissant les actes concernant les biens fonciers relevant du chapitre de Saint-Seurin. La sélection de documents que nous avons effectuée couvre une période allant du 2 janvier 1450 au 16 février 1478139.

2.1.2 – Les sources imprimées

Notre travail nécessite également l’emploi de sources imprimées. Plusieurs documents transcrits dans les Archives Historiques du département de la Gironde nous permettent notamment de compléter nos informations quant à certains seigneurs fonciers tels que l’archevêché de Bordeaux ou le chevalier Aymeric de Ségur. Le Livre

des Coutumes ou les Registres de la Jurade de Bordeaux, transcrits et publiés à la fin du

XIXe siècle, nous renseignent sur des dispositions juridiques ou des arrêts rendus au sujet de la culture de la vigne et des vendanges140. Mais à l’exception de quelques règlements portant essentiellement sur les interdictions de pénétrer sur les tenures plantées en vigne, de prendre et conserver les sarments provenant d’une tenure appartenant à une autre personne, ou bien de vendanger et de transporter les vendanges avant que la municipalité l’ait autorisé, ces documents n’apportent que peu d’information quant aux techniques de viticulture et de vinification après la guerre de Cent Ans141. Ainsi, les façons agricoles doivent généralement être effectuées « segond

los fors et las costumas de Bordales »142, c’est-à-dire selon la coutume de Bordeaux, mais cet aspect n’est pas mentionné dans le Livre des Coutumes.

Les chroniques nous donnent quelques renseignements sur les aléas climatiques du XVe siècle et sur leurs effets sur le vignoble ou l’ensemble des cultures. La « Petite

chronique de Guyenne » nous renseigne ainsi jusqu’en 1442 et mentionne les gelées ou

les augmentations du prix du vin, relatives au contexte économique ou à de mauvaises vendanges143. De même, la « Chronique bourdeloise », de 1619, apporte aussi quelques informations sur les périodes de gel144. Sur une période plus tardive, à la fin du XVe et dans la première moitié du XVIe siècle, la « Chronique bordeloise », de Jean de Gaufreteau nous renseigne sur les effets d’inondations et de fortes chaleurs sur le

138 La plupart des actes concernant notre travail proviennent du registre G 1161 (389 actes) et G 1160 (89

actes).

139 AD Gironde, G 1160, fol. 105, 2 janvier 1450 ; AD Gironde, G 1161, fol. 80, 16 février 1478.

140 Livre des Coutumes, Bordeaux, 1890 ; Registres de la Jurade, délibérations de 1406 à 1409, Bordeaux,

archives municipales, 1873 ; Registres de la Jurade, délibérations de 1414 à 1416 et de 1420 à 1422, Bordeaux, archives municipales, 1883.

141 Livre des Coutumes, op. cit., p. 208, 299, 300 et 301. 142 AD Gironde, 3E 12430, fol. 89 v°-90, 21 septembre 1470.

143 LEFEVRE-PONTALIS, Germain, « Petite chronique de Guyenne jusqu’à l’an 1442 », dans Bibliothèque

de l’école des chartes, numéro 47, Paris, 1886, p. 53-79.

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vignoble145. Enfin, la « Chronique de Blaye » mentionne aussi quelques gelées et leurs effets dans la seconde moitié du XVe siècle et au début du XVIe siècle146.

Les cartes réalisées à l’époque moderne nous apportent enfin des renseignements sur la géographie des alentours de Bordeaux. Certains paysages ont fortement changé entre la période médiévale et l’époque de réalisation de ces cartes. Les palus par exemple, zones humides bordant la Garonne près de Bordeaux, connaissent de grands travaux d’assèchement à partir de 1599147. La feuille 104 de la Carte générale de la

France, de Cassini, établie de 1756 à 1815, détaille ainsi la région de Bordeaux.

Néanmoins, les planches 27 et 34 de la Carte topographique de Guyenne de Belleyme (1785), conservées aux Archives départementales de Bordeaux, plus précises, nous permettent de localiser un grand nombre de microtoponymes employés au XVe siècle pour situer des tenures plantées en vigne148.

2.2 – La méthodologie appliquée au corpus documentaire 2.2.1 – Les documents des fonds seigneuriaux

Ces différentes sources nous permettent d’étudier plusieurs aspects du vignoble bordelais après la guerre de Cent Ans.

Les documents des fonds seigneuriaux détaillent les temporels et le fonctionnement de trois grandes seigneuries foncières, l’abbaye bénédictine de Sainte- Croix, le chapitre de Saint-Seurin et l’archevêché de Bordeaux. A travers les actes des séries G et H, nous pouvons ainsi aborder le vignoble selon le point de vue de la seigneurie foncière. Les reconnaissances féodales et les baux à nouveau fief localisent les tenures plantées en vigne, ou les tenures comptant une vigne associée à un autre type de culture, donnent le nom des tenanciers et précisent le montant des redevances foncières et des clauses particulières, par exemple liées à la remise en état du bien foncier. Les localisations des vignes, comme nous allons le voir dans la partie suivante, sont assez précises et des hypothèses de reconstitution sont possibles. De même, les informations sur les tenanciers nous permettent de connaître leurs noms, parfois leurs surnoms, leur profession et la paroisse où ils sont domiciliés. Ces documents montrent donc surtout comment les seigneurs fonciers gèrent les vignes relevant de leur autorité et quelles sont les relations entre ces seigneurs et leurs tenanciers.

Le compte de l’archevêché de 1459-1460, quant à lui, nous donne de nombreuses informations sur le mode de gestion des vignes, sur les pratiques agricoles et sur la viticulture et la vinification. Il est cependant nécessaire d’utiliser d’autres

145 GAUFRETEAU, Jean, Chronique bordeloise, Bordeaux, Imprimerie G. Gounoulhou, 1876, t. I (1240 à

1599), p. 33-34. 146 «

Chronique de Blaye », AA1, Archives historiques de la Gironde, t. XII, nº VIII, p. 17-20.

147 LAVAUD, Sandrine, Bordeaux et le vin au Moyen Âge, Essor d’une civilisation, op. cit., p. 39. 148 AD Gironde, 2 Fi 1486 et AD Gironde, 2 Fi 1483.

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travaux, effectués sur d’autres régions de vignoble, pour mettre en perspective les actions mentionnées dans ce document et les incorporer dans le processus technique permettant l’élaboration du vin.

Ces sources permettent ainsi d’étudier le rapport entre la vigne et ces grandes seigneuries foncières : nous pouvons analyser les modes de faire-valoir du vignoble (direct dans la réserve seigneuriale ou indirect lorsque les vignes sont baillées à fief à des tenanciers) et le territoire viticole de ces seigneuries foncières (localisation des tenures relevant de ces seigneurs et localisation des centres de perception des redevances foncières). De nombreux travaux ont déjà été réalisés sur ce sujet à Bordeaux et une étude supplémentaire, même centrée sur le contexte du lendemain de la guerre de Cent Ans, peu étudié, ne serait pas pertinente149. Les trois exemples que nous prenons ici (Sainte-Croix, archevêché de Bordeaux et Saint-Seurin) servent donc à rappeler certaines conclusions, et à en développer d’autres, mais ne sont pas au centre de notre démarche de recherche.

2.2.2 – Les documents des fonds notariaux

Les documents issus du fonds notarié permettent d’adopter une approche différente. Nous pouvons retrouver, dans les actes notariés, des contrats similaires à ceux que l’on peut trouver dans les fonds seigneuriaux. Nous avons mentionné précédemment plusieurs reconnaissances féodales et baux à nouveau fief dans le compte-rendu des types d’actes relevés dans les 15 registres notariés compulsés. Mais le fonds notarié est composé d’un panel d’actes plus large que les fonds seigneuriaux qui se limitent aux relations entre les seigneurs fonciers et les tenanciers. En plus des relations seigneurs fonciers – tenanciers, nous pouvons effectivement voir les tenanciers exercer pleinement leurs droits sur les tenures : échanges, ventes simples, ventes à réméré, mises en gages, constitutions de rentes, legs, donations… Il s’agit d’aspects qui ne sont pas ou peu abordés dans les documents des fonds seigneuriaux. Nous pouvons aussi apercevoir les rapports entre les tenanciers et les exploitants réels des vignes, comme les locataires ou les salariés. En effet, les sources que nous utilisons ici sont des registres de notaires bordelais et un grand nombre de contractants sont donc également des Bordelais qui ne travaillent pas directement sur leurs vignes et cherchent à les faire exploiter par des salariés ou par des locataires. Ces pratiques, qui ne concernent pas directement les seigneurs fonciers, n’apparaissent pas dans les sources issues des fonds seigneuriaux. Les sources notariales permettent d’aborder le vignoble bordelais et son exploitation selon des approches beaucoup plus larges et complètes que ne l’ont fait les études qui prennent appui sur les seuls fonds seigneuriaux.

149 LAVAUD, Sandrine, Saint-Seurin : une grande seigneurie du Bordelais (XIVe-XVe siècles), thèse de

Doctorat d’Université, Bordeaux, 1993, sous la direction de Jean-Bernard Marquette ; PUGINIER, A.,

Talence et son vignoble du XIIIe siècle à 1548, mémoire inédit, T.E.R., Bordeaux, 1987 ; MOUILLARD,

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D’autres pratiques et d’autres stratégies foncières et économiques apparaissent à travers ces sources. A travers elles, nous pouvons également aborder un espace plus varié. En effet, les démarches foncières et économiques des contractants dépassent le cadre de la seigneurie foncière : les vignes détenues par les Bordelais peuvent se répartir sur plusieurs seigneuries et également concerner des espaces où les grandes seigneuries foncières bordelaises déjà étudiées ne sont pas établies.

Les sources notariales ont également des limites mais nous pouvons en exploiter certaines dans notre travail. Nous avons vu auparavant que les registres notariaux ne couvrent pas uniformément les années suivant la fin de la guerre de Cent Ans. Le graphique suivant montre la répartition des actes notariés du corpus documentaire étudié