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De la vigne au chai : viticulture et vinification en Bordelais après la guerre de Cent Ans (vers 1450 - vers 1480)

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De la vigne au chai : viticulture et vinification en

Bordelais après la guerre de Cent Ans (vers 1450 - vers

1480)

Kévin Porcher

To cite this version:

Kévin Porcher. De la vigne au chai : viticulture et vinification en Bordelais après la guerre de Cent Ans (vers 1450 - vers 1480). Histoire. Université de La Rochelle, 2011. Français. �NNT : 2011LAROF039�. �tel-00730704�

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U.F.R.

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(vers 1450 – vers 1480)

KEVIN PORCHER

SOUS LA DIRECTION DE MONSIEUR MICHEL BOCHACA, PROFESSEUR DES UNIVERSITES

U

NIVERSITE DE

L

A

R

OCHELLE

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1

Je tiens à remercier particulièrement Monsieur Michel Bochaca, professeur des universités à La Rochelle, qui a mis ses analyses des actes bordelais et ses copies des registres notariaux à ma disposition, pour son aide et son assistance précieuse ainsi que pour ses nombreux conseils et sa grande disponibilité qui m’ont permis de cadrer mon travail et mes recherches.

Je remercie également le personnel des archives départementales de la Gironde et son conservateur, Christian Cau, pour leur accueil et pour m’avoir fait parvenir des reproductions de documents utiles à ce mémoire. Je remercie également le personnel des archives municipales de Bordeaux pour leur accueil.

Je tiens à remercier mes parents qui m’ont soutenu et dont les propres travaux m’ont permis de répondre à de nombreuses questions. Toute ma gratitude va enfin à Elodie, pour son assistance, pour son affection et pour son soutien de tous les instants.

En couverture : Perception des agrières de vin dans les vignes de Lormont par le receveur de l’archevêché en 1459 (Illustration : Kevin Porcher, 2008)

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3

I

NTRODUCTION

Etroitement liée à la prospérité économique et commerciale de Bordeaux, la vigne est présente autour de la ville depuis l’Antiquité. Implantée en Aquitaine après la conquête romaine, sans doute au Ier siècle après Jésus-Christ, la vigne est rapidement destinée à la commercialisation1. Les exportations de vin à destination de la province de Bretagne favorisent un premier essor du vignoble autour de Bordeaux au IIe et au IVe siècle : le vignoble bordelais est, dès l’Antiquité, une culture commerciale2. Le Haut Moyen Âge bordelais voit cependant un rétrécissement des échanges commerciaux qui se manifeste par un recul de la vigne dès l’époque mérovingienne. Elle se maintient néanmoins dans les possessions épiscopales, canoniales et monastiques3. Avec le mariage d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri Plantagenêt en 1152, puis l’accession de celui-ci au trône d’Angleterre en 1154, la ville de Bordeaux est intégrée pour trois siècles dans l’union anglo-gasconne. L’élargissement des horizons économiques de la ville favorise ses activités commerciales et le vignoble connaît un nouvel essor au XIIe et au XIIIe siècle4. Le vin bordelais se retrouve à la table des rois d’Angleterre et le vignoble se développe autour de la ville, gagnant de nouveaux territoires. Une ceinture viticole entoure la ville et s’étend également sur la rive droite de la Garonne. Avec plus de 100 000 tonneaux de vin exportés au début du XIVe siècle, le commerce vinaire de Bordeaux atteint son apogée. Mais la ville est définitivement reprise par le roi de France, Charles VII, en 1453, après la bataille de Castillon. Le commerce bordelais avec l’Angleterre subit un net recul et les exportations de vin doivent trouver de nouveaux débouchés, notamment en Picardie ou en Flandres. Au XVIe siècle, et durant l’époque moderne, le commerce du vin en direction de l’Europe du Nord est prospère, sans toutefois égaler les exportations du XIVe siècle5. Certains « crus », comme les vins de Graves, sont plus estimés que d’autres et une viticulture de qualité, attachée au terroir, se développe. La vocation commerciale du vignoble bordelais favorise ainsi le développement d’un territoire viticole organisé et étroitement associé à la ville.

L’importance de la culture de la vigne dans l’économie et l’histoire de la région a suscité de nombreuses études, s’intéressant notamment à la période médiévale. Nous pouvons citer les recherches majeures d’Yves Renouard6, de Jean Barennes7, de Robert

1 ETIENNE, Robert (dir.), Histoire de Bordeaux, Editions Privat, Toulouse, 1980, p. 23-24.

2 BOUTRUCHE, Robert, La crise d’une société, Seigneurs et paysans du Bordelais pendant la Guerre de

Cent Ans, Les Belles Lettres, Paris, 1963, p. 4.

3 ETIENNE, Robert (dir.), Histoire de Bordeaux, op. cit., p.76.

4 DION, Roger, La création du vignoble bordelais, Angers, Editions de l’Ouest, 1952, p. 44. 5 ETIENNE, Robert (dir.), Histoire de Bordeaux, op. cit., p. 144.

6 RENOUARD, Yves, « Vignobles, vignes et vins de France au Moyen Âge», dans Etudes d’histoire

médiévale, Paris, S.E.P.V.E.N., 1968 ; RENOUARD, Yves, « Le grand commerce des vins de Gascogne au Moyen Âge», dans Revue historique, t. 221, 1959, réimprimé dans Etudes d’histoire médiévale, t. I, Paris, 1968.

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Boutruche8, de Charles Higounet9 ou, plus récemment, de Sandrine Lavaud10. De nombreux mémoires réalisés à l’Université de Bordeaux III sont également à signaler sur ce sujet11. Les recherches menées sur le vignoble de Bordeaux au Moyen Âge sont effectivement facilitées par des sources nombreuses et particulièrement bien conservées et notamment par les fonds seigneuriaux, très utilisés par les historiens du Bordelais. Ces sources abondantes éclairent essentiellement la fin du Moyen Âge et la période faste de l’union anglo-gasconne. Les documents des séries G (clergé ségulier) et H (clergé régulier), particulièrement, permettent de bien connaître l’étendue d’une partie du vignoble et son extension. Ces sources donnent en effet suffisamment de renseignements pour reconstituer assez précisément le patrimoine foncier des principales seigneuries ecclésiastiques bordelaises à la fin du Moyen Âge. Relativement exhaustifs, ces documents recensent une grande partie des tenanciers détenant des vignes relevant des seigneuries foncières concernées. Les sources nous renseignent notamment sur les chapitres de Saint-André et de Saint-Seurin, sur l’archevêché de Bordeaux et sur l’abbaye bénédictine de Sainte-Croix. Il s’agit des principales seigneuries foncières exerçant une emprise sur le vignoble bordelais. Le commerce des vins de Bordeaux durant la période anglaise est également bien connu grâce aux comptes de la coutume des vins, conservés à Londres, et étudiés par Margery Krikbride James12. Les résultats de ses recherches portant sur une période allant de 1305-1306 à 1452-1453 sont très souvent repris : le chiffre impressionnant de 104 815 tonneaux de vin exportés depuis Bordeaux en 1308-1309 est ainsi mentionné dans la plupart des ouvrages sur le vin au Moyen Âge13. L’importance de ce commerce, et des études effectuées sur ce sujet, justifie les recherches sur le vignoble bordelais, ce dernier étant à l’origine de la prospérité de la ville. Néanmoins, la plupart des travaux se concentrent sur le XIVe siècle, une période faste et encore relativement épargnée par la guerre de Cent Ans qui ne touche la région qu’au XVe siècle. Un grand nombre d’études s’interrompent aux crises de la fin du Moyen Âge (épidémies et conflit franco-anglais), notamment lors de la prise définitive de Bordeaux par les Français en 1453.

Les années qui suivent la fin de la guerre de Cent Ans sont peu étudiées, sauf dans une vue d’ensemble afin d’offrir un contraste avec la prospérité de la période anglaise. Le milieu du XVe siècle connaît effectivement une période de marasme

8 BOUTRUCHE, Robert, La crise d’une société, op. cit.

9 HIGOUNET, Charles, « Pour une géographie du vignoble aquitain médiéval », dans Actes des congrès de

la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, vol. 2, 1971, p. 103-117.

10 LAVAUD, Sandrine, Bordeaux et le vin au Moyen Âge, Essor d’une civilisation, Editions Sud-Ouest,

collection « Références », 2003 ; LAVAUD, Sandrine, « Les vignobles et vins de l’Aquitaine ducale »,

Histoire médiévale Hors-série n° 7 : l’Aquitaine ducale, août-octobre 2004, p. 60-66.

11 PUGINIER, A., Talence et son vignoble du XIIIe siècle à 1548, mémoire inédit, T.E.R., Bordeaux, 1987 ;

MOUILLARD, Catherine, Le vignoble de la paroisse Sainte-Eulalie, mémoire inédit, T.E.R., Bordeaux, 1988.

12 JAMES, Margery Kirkbride, « Les activités commerciales des négociants en vins gascons en Angleterre

durant la fin du Moyen Âge», Annales du Midi, t. 21, 1953, p.35-48.

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économique qui se résorbe peu à peu dans la seconde moitié du siècle. La situation du Bordelais après le conflit est souvent présentée de manière sombre. Un grand nombre de sources confirment effectivement ce point de vue. Les dernières opérations militaires de la guerre de Cent Ans, décrites par différentes chroniques, se déroulent notamment dans le diocèse de Bordeaux (campagnes de 1451 puis de 1453)14. Un mémoire rédigé par Renaud Girard en 1453-1454 à l’attention de Charles VII dépeint également un tableau alarmiste de la situation économique et commerciale de Bordeaux15. En effet, Charles VII, désirant punir les Bordelais de s’être rebellés après la première reddition de la ville en 1451, alourdit les taxes et suspend une partie des privilèges commerciaux. Les sources seigneuriales, comme le compte de l’archevêché de 1459-1460, signale également un nombre important de redevances foncières non perçues car les églises qui doivent les verser sont encore « en ruyne »16. Cet état des lieux de la région de Bordeaux est particulièrement bien illustré par les travaux de Robert Boutruche qui relativise la situation après le conflit : les difficultés du monde rural sont plutôt d’ordre économique et commercial et non directement dues aux destructions17. Il s’agit cependant de la situation du diocèse dans son ensemble et non de celle de Bordeaux en particulier. Les sources seigneuriales montrent les difficultés de certains seigneurs fonciers et des communautés rurales. La situation économique de la ville, quant à elle, est généralement moins connue. La disparition de la comptabilité commerciale anglo-gasconne après la prise de la ville par les Français ne permet pas de quantifier, de manière générale, l’économie et le commerce, notamment liés au vin, à Bordeaux dans la seconde moitié du XVe siècle18. Cette période de recul économique suscite moins de recherches que l’époque de l’union anglo-gasconne.

Pour étudier le vignoble bordelais et ses dynamiques économiques après la guerre de Cent Ans, plusieurs sources sont néanmoins disponibles.

Les fonds seigneuriaux permettent toujours de poursuivre les études du point de vue de la seigneurie foncière dans la seconde moitié du XVe siècle. Ainsi, 378 actes des séries H (du fonds de l’abbaye de Sainte-Croix) et 499 des séries G (du fonds du chapitre de Saint-Seurin) 19 nous renseignent ainsi sur les temporels de ces seigneuries foncières dans les années 1450-1478. Nous pouvons aussi remarquer le compte de l’archevêché de 1459-1460 dont les dépenses précises, détaillées et justifiées, nous

14 BUCHON, Jean Alexandre, Choix de chroniques et mémoires sur l’Histoire de France, Paris, Desrez,

1836 ; CHARTIER, Jean, Chronique de Charles VII, roi de France, tome III, Paris, Jannet, 1858.

15 Archives historiques du département de la Gironde, tome 56, édition Aubry, Paris, 1925-1926. 16 AD Gironde, G 240, fol. 438.

17 BOUTRUCHE, Robert, La crise d’une société, op. cit., p. 423.

18 BOCHACA, Michel, « Le commerce de Bordeaux dans la seconde moitié du XVe siècle, du marasme à la

reprise des affaires », dans AUGERON, Mickaël, GUILLEMET, Dominique (dir.), Champlain ou les portes

du Nouveau Monde, cinq siècles d’échanges entre le Centre-Ouest français et l’Amérique du Nord, La

Crèche, 2004, p. 43. Les pièces comptables françaises et bordelaises n’ont pas non plus été conservées avant 1482-1483.

19 Les sources se rapportant à Saint-Seurin sont essentiellement des documents de seconde main

provenant des dépouillements effectués par Sandrine Lavaud au cours de sa thèse (LAVAUD, Sandrine,

Saint-Seurin : une grande seigneurie du Bordelais (XIVe-XVe siècles), thèse de Doctorat d’Université,

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permettent d’étudier les techniques de viticulture et de vinification en vigueur dans une grande seigneurie ecclésiastique du Bordelais à la fin du Moyen Âge20.

Jacques Bernard a également montré l’intérêt que l’on peut tirer des registres notariaux bordelais disponibles à partir du milieu du XVe siècle21. Ainsi, 768 minutes notées en gascon22 issues de 15 registres écrits par 8 notaires différents, nous permettent d’étudier une période allant de 1460 à 1483. Les années 1480 sont par la suite peu documentées avant l’apparition de grandes séries notariales à partir des années 149023. Ces 15 registres forment une source d’information très importante pour comprendre les années suivant immédiatement la fin de la guerre de Cent Ans. Les limites chronologiques de ces documents coïncident aussi avec le règne de Louis XI (1461-1483) qui prend plusieurs mesures pour relancer le commerce bordelais. Il s’agit donc d’un contexte économique généralement plus favorable : les relations commerciales de Bordeaux se rétablissent peu à peu et les historiens considèrent que la remise en état matérielle est en œuvre, voire achevée dans certains endroits.

Les registres notariaux nous apportent donc des informations complémentaires mais également un point de vue différent du vignoble bordelais. Les fonds seigneuriaux permettent de réaliser des études relativement exhaustives sur des ensembles fonciers cohérents : nous pouvons localiser les biens fonciers et comprendre les modes de gestion et de mise en valeur du patrimoine, ici, la vigne. Les registres notariaux offrent par contre le point de vue des citadins bordelais, parfois seigneurs fonciers, mais surtout tenanciers d’une partie du vignoble. Ces deux types de documents nous informent ainsi sur les activités des marchands, des artisans ou des veuves par rapport au vignoble. Il s’agit donc de documents complémentaires qui nous permettent d’étudier la plupart des aspects du vignoble bordelais dans la seconde moitié du XVe siècle.

Alors que le vignoble bordelais a surtout été étudié selon une approche permise par les fonds seigneuriaux, durant la période de l’union anglo-gasconne, les sources notariales permettent d’approcher le vignoble par le biais des citadins bordelais, après les crises de la fin du Moyen Âge. D’autres dynamiques et d’autres stratégies foncières peuvent donc être étudiées de même que leurs conséquences sur l’évolution du vignoble après la guerre de Cent Ans.

Plusieurs pistes de recherches sont donc possibles sur le vignoble de Bordeaux dans la seconde moitié du XVe siècle. Celles-ci sont néanmoins dictées par les possibilités offertes par les sources étudiées. Nous allons donc établir un état des lieux des travaux et des recherches sur la vigne, la viticulture et la vinification au Moyen Âge avant de présenter plus précisément les sources utilisées, leurs apports et leurs limites, et donc, la méthode de travail adoptée.

20 AD Gironde, G 240, fol. 315-471.

21 BERNARD, Jacques, Navire et Gens de mer à Bordeaux, vers 1400-vers 1560, 3 vol., Paris,

S.E.P.V.E.N, 1968.

22 Parmi nos sources, seul le compte de l’archevêché de 1459-1460 est écrit en français. 23 D’autres grandes séries notariales débutent ensuite à partir des années 1490.

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1

B

ILAN HISTORIOGRAPHIQUE ET ETAT DES LIEUX DE LA

RECHERCHE

La bibliographie liée aux vignobles, à la viticulture et à la vinification au Moyen Âge est abondante, mais nous pouvons tenter de résumer les ouvrages et les travaux les plus importants se rapprochant de notre sujet et l’éclairant d’avantage.

1.1 – Les travaux généraux sur le vignoble médiéval 1.1.1 – Les apports récents de l’archéologie

L’émergence de nouvelles disciplines dans l’archéologie médiévale depuis les années 1980 permet de mieux connaître les vignes et vignobles médiévaux, même si les études n’en sont encore qu’à leurs débuts et ne permettent pas d’analyse véritablement générale. En 1989, l’archéologue Jean-Marie Pesez faisait en effet le constat suivant « S’il y a une chose dont on doit s’étonner, c’est que ces découvertes d’outils de la viticulture ne soient pas plus fréquentes, au moins en France. Il est vrai qu’on y compterait sur les doigts d’une seule main les socs d’araire et de charrue et que les fouilles des sites ruraux sont encore trop récentes pour avoir tenu toutes leurs promesses. Plus générale, la pauvreté des données archéologiques sur les pressoirs avoisine l’absolu »24. Les fouilles archéologiques doivent donc bien souvent se cantonner à l’étude des espaces bâtis, les mieux conservés. Ainsi, plusieurs maisons vigneronnes ou plusieurs bâtiments d’exploitation (des édifices ecclésiastiques appartenant aux grandes abbayes bourguignonnes par exemple) ont été étudiés. Il est également possible de retrouver les traces de plantations de pieds de vigne (plusieurs fouilles dans le sud de la France en ont révélées25). Ces découvertes nous permettent de connaître la position des pieds de vigne les uns par rapport aux autres et donc, de savoir comment les parcelles de ces régions étaient plantées, organisées, et d’estimer un rendement probable à l’hectare.

Les outils et instruments employés dans la viticulture et la vinification, de même que la vaisselle vinaire, étant majoritairement réalisés en bois, matière rapidement putrescible, sont beaucoup plus rares. Les quelques témoins archéologiques qui nous sont parvenus ont subsisté en raison des hasards des conditions de conservation : fûts découverts dans la cargaison d’une cogue coulée vers 1460 en sortant du port de

24 PESEZ, Jean-Marie, « Témoins archéologiques de la viticulture médiévale », dans Le vigneron, la

viticulture et la vinification en Europe occidentale, au Moyen Âge et à l’époque moderne, centre culturel

de l’abbaye de Flaran, Onzièmes journées internationales d’histoire, 8, 9, 10 septembre 1989, Auch, 1991, p. 241-246, p. 244.

25 « La fructiculture médiévale, techniques et pratiques », dans Histoire et images médiévales n° 33,

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Dantzig26, outils de vignerons retrouvés lors de fouilles de maisons incendiées à Dracy (Bourgogne) vers 136027… À Bordeaux même, des fouilles archéologiques menées sur la place Jean Jaurès en 2002-2003 ont permis de mettre à jour les restes en bois d’un pressoir ainsi que plusieurs grains de raisin. Leur analyse carpologique (étude des graines) est toujours en cours28. Quelques outils de vignerons de la fin du Moyen Âge ont également été découverts lors de fouilles menées sur la place Camille Jullian à Bordeaux, nous informant ainsi des instruments et techniques employés29. Mais généralement, l’archéologie montre surtout que les outils et les techniques de viticulture et de vinification au Moyen Âge sont proches des caractéristiques antiques et ont surtout perduré jusqu’au XIXe siècle sans grand changement notable, à l’instar d’un grand nombre de pratiques agricoles et d’artisanats.

L’archéologie médiévale portant sur les vignes et les vignobles connaît récemment d’autres avancées, notamment par l’intermédiaire de travaux pluridisciplinaires sur la fructiculture tels que ceux de Jean Guilaine30, d’Aline Durand ou de Marie-Pierre Ruas. Ces nouveaux champs de recherche mêlent archéologie et sciences biologiques (aboutissant ainsi par exemple à la carpologie31) pour tenter d’étudier l’implantation des vignobles en France ainsi que leurs caractéristiques botaniques au Moyen Âge32. Ces recherches, encore limitées, permettront de compléter certaines sources d’archives et d’optimiser la compréhension des paysages agricoles et viticoles au Moyen Âge. Nous utiliserons néanmoins assez peu ces travaux dans notre propos, préférant nous concentrer sur les stratégies foncières liées à la viticulture et à l’idée de filière commerciale.

1.1.2 – Les œuvres littéraires

Les témoins archéologiques de la période étant limités pour cette étude, tout au moins pour le moment, il nous faut nous interroger sur ce qu’écrivaient les hommes du Moyen Âge au sujet des vignobles et du vin. Rapidement, il apparaît que les

26 D’HAENENS, Albert, L’Europe de la mer du Nord et de la Baltique. Le monde de la Hanse, Paris, Albin

Michel, 1984, p. 378.

27 PESEZ, Jean-Marie, op. cit., p. 242.

28 GERBER, Frédéric, GRANCHA, Christophe, SILHOUETTE, Hélène, « Du vin dans la ville : du pépin de

raisin au double casse-cou », Archéologia n° 424, Juillet-août 2005, Dossier Bordeaux, 25 siècles

d’histoire, p. 63, et sur le site de l’INRAP,

http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Sites-archeologiques/p-927-Parking-Place-Jean-Jaures.htm .

29 LAVAUD, Sandrine, « Les vignobles et vins de l’Aquitaine ducale », Histoire médiévale Hors-série n°

7 : l’Aquitaine ducale, août-octobre 2004, p. 60-66, p. 63.

30 GUILAINE, Jean, Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences de l’homme et de la nature,

Paris, Armand Colin, 1991.

31 On peut également relever des études d’ampélographie (étude de la vigne visant à la description

morphologique des cépages et à la connaissance de leurs propriétés).

32 DURAND, Aline, « L’émergence d’outils empruntés aux sciences biologiques végétales », dans Dossiers

d’archéologie et sciences des origines n° 314 : L’archéologie médiévale en France depuis 30 ans, Faton,

juin 2006, p. 10-13, et RUAS, Marie-Pierre, « Carpologie médiévale en France, Essor et terrains », dans

Dossiers d’archéologie et sciences des origines n° 314 : L’archéologie médiévale en France depuis 30 ans, Faton, juin 2006, p. 18-21.

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productions littéraires médiévales s’intéressent plus au vin en tant que boisson, à son goût, à ses usages, à la manière de boire et au folklore qui y est associé plutôt qu’aux aspects techniques de la viticulture et de la vinification. L’écrit en Français le plus célèbre est sans doute La Bataille des Vins (ou Dits des vins de France), un poème composé vers 1224 par Henri d’Andeli. Cette œuvre propose un classement des vins de France selon leur qualité et leur goût, le vin de Bordeaux n’étant mentionné que très brièvement au vers 12733 :

« Li vins Saint-Jehan d’Angeli

Si dist a Henri d’Andeli Qu’il li avoit crevé les ex Par sa force, tant estoit prex. Engolesme, Bordiaus et Saintes, Cil i firent bien lor empaintes, Et le bon vin blanc de Poitiers Qui n’a cure de charretiers : C’est cil qui toute gent acroche Par la froidure de sa roche Tant est fort que par son orgueil Se fet costoier au soleil.

Ne sai qui en but plus qu’assez, Par coi il ot les iex quassez. »

Un autre écrit médiéval connu sur le sujet est le recueil des Chants de Beuern, plus connu sous le nom de Carmina Burana (poèmes composés au XIIIe siècle, peu après la Bataille des Vins), mais seuls les effets de la consommation de vin et de l’ivresse y sont évoqués. D’un autre genre, le Mesnagier de Paris, écrit à la fin du XIVe siècle, mentionne assez souvent le vin et son utilisation dans les préparations culinaires, mais, si un article de l’ouvrage est consacré au jardinage, l’entretien de la vigne n’est pas décrit. Le texte qui intéresse le plus notre propos est le traité d’agronomie (Opus

ruralium commodorum, libri duodecim) de Pierre de Crescens, rédigé au début du XIVe

siècle34. Même s’il concerne la viticulture en Italie, cet ouvrage est riche de détails sur la culture et l’entretien de la vigne et sur la manière de faire du vin.Généralement, le vin et la vigne apparaissent dans un nombre important de textes médiévaux (par

33 Voir à ce sujet ZINK, Michel, « Autour de La Bataille des Vins d’Henri d’Andeli : le blanc du prince,

du pauvre et du poète », dans L’Imaginaire du vin, actes du colloque de Dijon (15-17 octobre 1981), Marseille, Editions Jeanne Laffitte, 1989, et GALTIER, Gaston, « La bataille des vins d’Henri d’Andeli. Un document sur le vignoble et le commerce des vins dans la France médiévale », dans Bulletin de la

Société languedocienne de géographie, 1968.

34 Le livre a été traduit sur l’ordre de Charles V en 1373 sous le nom de Prouffits champestres et ruraule,

touchant le labour des champs, vignes et jardins, etc. Nous avons utilisé dans notre travail l’édition

suivante : CRESCENS, Pierre de, Les Profits Champêtres, Editions P.A. Chavane, Paris, 1965, qui est une transcription en Français moderne de l’ouvrage commandé par Charles V.

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exemple dans la courte fable du Laboureur et ses enfants), mais le plus souvent, c’est la dégustation ou l’action de boire qui sont mises en valeur, rendant ainsi ces écrits peu utilisables dans notre étude. Les vignes apparaissent aussi en filigrane dans les chroniques, par exemple pour indiquer un climat particulièrement extrême qui a gelé ou trop chauffé les raisins, ou bien la destruction de vignes lors de la guerre de Cent Ans. De telles informations peuvent être importantes dans notre propos : des écrits comme la

Chronique Bourdeloise (qui date du XVIIe siècle mais qui fait parfois référence à des évènements antérieurs) ou la Chronique de Blaye nous permettent par exemple d’avoir des précisions quant à des conditions climatiques particulières et leurs conséquences sur la vigne dans le Bordelais (pluies abondantes, fortes chaleurs…)35. Cependant, les écrits médiévaux, non littéraires, que nous avons utilisés dans ce travail proviennent en très grande majorité des archives notariales et ecclésiastiques de Bordeaux que nous présenterons par la suite.

1.1.3 – Les apports de l’iconographie médiévale

En restant dans le domaine des œuvres médiévales, on constate que l’iconographie est plus riche sur notre sujet que la littérature. Les thèmes de la vigne et du vin sont en effet très présents dans les illustrations médiévales (enluminures, peintures, tapisseries, vitraux, sculpture…) en raison de leurs liens forts avec le christianisme. Le vin, tout d’abord, utilisé dans les cérémonies religieuses, est sacralisé par sa transsubstantiation en sang du Christ. De là découle toute une symbolique associée au vin et à la vigne dans l’iconographie médiévale. Ainsi, les représentations de « pressoirs mystiques » ou « pressoirs sanglants », qui se multiplient à la fin du Moyen Âge, sont riches d’informations sur les techniques de pressurage du raisin36. L’histoire de Noé a aussi entraîné nombre d’illustrations sur la viticulture, ce personnage étant considéré dans la tradition chrétienne comme le premier être humain à avoir cultivé la vigne, produit et consommé du vin. Les gestes sont représentés selon des pratiques en cours au Moyen Âge, rendant donc ces illustrations particulièrement intéressantes. À la fin de la période médiévale, les représentations profanes de la vigne et du vin se multiplient, les princes souhaitant faire représenter leurs domaines et leurs richesses, notamment agricoles (le vin pouvait être considéré comme un produit de prestige). Les Très Riches Heures du duc de Berry37 par exemple, montrent des scènes de vendanges et d’usage de la vaisselle vinaire. Les Heures de la Duchesse de

35 Archives historiques de la Gironde, t. XII, p. 17.

36 Le Christ est représenté en train de presser du vin, ou pressé lui-même par un pressoir, fournissant ainsi

le vin assimilé à son sang. Voir VIGNEAUD, Laurent-Henri, « Pressoir sanglant, vignes barbues et raisins bigarrés. Le vin, la vigne et le raisin comme « merveilles de la Nature » chez les érudits du XVIe siècle et

du XVIIe siècle », dans GARNOT, Benoît (dir.), Cahiers d’histoire de la vigne et du vin, n° 2, Vins, vignes

et vignerons en Bourgogne du Moyen Âge à l’époque contemporaine, p. 283-305, Actes du Colloque des

Annales de Bourgogne, Dijon, 9 février 2001, Centre d’histoire de la vigne et du vin, 2001.

37 Livre d’heures réalisé par les frères Paul, Jean et Herman de Limbourg pour le duc Jean Ier de Berry

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Bourgogne (vers 1460-1465) montrent aussi des activités telles que la fabrication des

fûts. Ces illustrations, souvent précises, cherchent à montrer les outils et les gestes avec une profusion de détails. Les travaux de Perrine Mane sur l’iconographie médiévale sont incontournables sur les thèmes que nous étudions38. En effet, ses travaux se spécialisent dans l’utilisation des illustrations médiévales (surtout les calendriers agricoles dont les illustrations sont souvent très détaillées) pour restituer les outils, les gestes et les pratiques du travail agricole à la fin du Moyen Âge, notamment dans le travail de la vigne. Les conclusions de Perrine Mane sont particulièrement intéressantes dans la connaissance des aspects techniques de la viticulture et de la vinification, l’iconographie étudiée présentant les travailleurs, les outils, les conditions de travail, de même que les plants de vigne eux-mêmes. L’étude de l’iconographie, associée à la comparaison systématique avec les sources écrites, permet donc de procéder à des reconstitutions des gestes et des outils, et de comprendre les pratiques agricoles en usage au Moyen Âge.

1.1.4 – Les études générales sur le vignoble médiéval

Les sources utilisables pour l’étude de la vigne et du vin sont donc nombreuses et variées. Les publications sur le sujet sont ainsi abondantes, ce qui n’est guère étonnant dans une « Civilisation du vin » telle que la nôtre, comme la plupart des civilisations européennes, surtout sous influence méditerranéenne. Néanmoins, la plupart des publications ne concernent que la période contemporaine et ont essentiellement un objectif culinaire ou s’intéressent à l’œnotourisme et aux terroirs. Les guides, manuels techniques et encyclopédies sont nombreux, mais n’ont pas grand intérêt dans notre étude. Quelques chiffres permettent de se rendre compte de l’état des publications sur le vin : les éditions Féret à Bordeaux, par exemple, spécialisées dans les ouvrages sur le vin, ne comportent que 13 % de livres consacrés à l’histoire de la vigne et du vin. Parmi ceux-ci, seuls 3,5 % s’intéressent aux périodes antérieures au XVIIIe siècle et sont bien souvent des ouvrages collectifs ou généralistes qui cherchent à reconstituer l’histoire du vin de l’Antiquité à nos jours. La période médiévale est en effet souvent considérée comme un temps où les vignobles et les terroirs sont en « gestation » avant l’essor de leurs renommées et de leurs réputations de qualité à la période moderne. Les vignobles médiévaux sont plutôt rarement traités en tant que tels, mais sont vus comme le cadre à mettre en place avant de se consacrer à une étude du

38 MANE, Perrine, Calendriers et techniques agricoles (France-Italie, XIIe-XIIIe siècles), Paris, Le

Sycomore, 1983 ; MANE, Perrine, « L’iconographie du travail viticole en France et en Italie, du XIIe au XVe siècle », dans Le vigneron, la viticulture et la vinification en Europe occidentale, au Moyen Âge et à

l’époque moderne, centre culturel de l’abbaye de Flaran, Onzièmes journées internationales d’histoire, 8,

9, 10 septembre 1989, Auch, 1991 ; MANE, Perrine, « Le travail de la vigne et du vin en pays méditerranéen au Moyen Âge», dans Le vin au Moyen Âge dans le bassin méditerranéen, Office International de la Vigne et du Vin, Béziers, 1993, p. 19-39 ; MANE, Perrine, « Vigneronnes et vignerons dans l’iconographie médiévale », dans G. Garrier, J.-M. Pesez, A. Stella (dir.), Les vignerons au Moyen

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vignoble à l’époque moderne : ainsi, les articles et ouvrages qui mêlent les périodes médiévales et modernes sont nombreux, mais les deux périodes ne sont pas traitées équitablement et le plus souvent selon une logique téléologique. De même, selon un rapport réalisé pour l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) en 2008, moins de 1 % des publications scientifiques mondiales sur la vigne et le vin entre 1999 et 2008 se rapportent à l’histoire39. Malgré tout, les ouvrages sur l’histoire de la vigne et du vin en France se multiplient depuis les années 1960 et cette thématique apparaît dans de nombreux travaux d’historiens.

Les travaux généraux sur les campagnes et les paysans au Moyen Âge permettent d’aborder et de comprendre les dynamiques rurales et sont riches d’informations pour notre étude. Nous pouvons ainsi citer Les caractères originaux de

l’histoire rurale française (1931), de Marc Bloch, qui, même s’il traite en grande partie

de la question de l’assolement, propose plusieurs réflexions sur l’organisation des communautés rurales40. De même, l’ouvrage de Georges Duby, L’économie rurale et la

vie des campagnes dans l’Occident médiéval (1964), aborde l’histoire rurale sous

l’angle de l’économie et s’intéresse aux modex de gestion, de faire-valoir et à l’organisation des exploitations agricoles41. Ce travail a ensuite été repris et complété grâce à des recherches, notamment archéologiques, plus récentes par le livre de Robert Fossier, Paysans d’Occident, XIe-XIVe siècles (1984), cependant, comme l’indique le

titre, cette étude s’interrompt avant le XVe siècle qui nous intéresse42. Nous pouvons également citer les travaux d’Emmanuel Le Roy Ladurie sur les paysans, notamment dans le Languedoc, et sur les paysans français en général avec son Histoire des paysans

français : de la peste noire à la Révolution (2002)43, sans oublier ses recherches sur l’évolution des conditions climatiques : Histoire humaine et comparée du climat,

canicules et glaciers (XIIIe-XVIIIe siècles), paru en 200444. Ces recherches nous donnent un cadre général des conditions climatiques au XVe siècle ainsi que quelques idées directrices qui nous permettent de ne pas être surpris par certaines dates – précoces ou tardives – de vendanges dans nos sources, ni des sécheresses ou gelées qui peuvent endommager les vignes. Les conclusions d’Emmanuel Le Roy Ladurie sur le climat se fondent d’ailleurs assez souvent sur les dates des façons agricoles et des vendanges, nous fournissant ainsi d’intéressantes informations, quoique générales à la France voire à l’Europe.

39 Les publications scientifiques concernent essentiellement les aspects biologiques et chimiques. TATRY,

Marie-Violaine, FOURNIER, Dominique, MOULLIET, Christine, Analyse bibliométrique des publications

scientifiques vigne et vin sur la période 1999-2008. Rapport de fin d’étude, INRA – IFV, Paris, 2010.

40 BLOCH, Marc, Les caractères originaux de l’histoire rurale française, Pocket Agora, Paris, 2006. 41 DUBY, Georges, L’économie rurale et la vie des campagnes dans l’Occident médiéval, Flammarion,

col. Champs Histoire, Paris, 1999.

42 FOSSIER, Robert, Paysans d’Occident, XIe-XIVe siècles, PUF, Paris, 1984.

43 LE ROY LADURIE, Emmanuel, Histoire des paysans français : de la peste noire à la Révolution, Seuil,

Paris, 2002.

44 LE ROY LADURIE, Emmanuel, Histoire humaine et comparée du climat, Canicules et glaciers (XIIIe -XVIIIe siècles), Fayard, Paris, 2004.

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Les synthèses sur la vigne et le vin au Moyen Âge sont plus rares et sont souvent divisées, soit en travaux sur les pratiques agricoles ou l’économie régionale, soit sur les manières et usages de boire, s’intégrant ainsi à des recherches sur la gastronomie. L’ouvrage de Jean Verdon, Boire au Moyen Âge (2002), donne une analyse générale de la production de vin et de sa consommation au Moyen Âge45 : à l’aide de travaux de chercheurs (dont les études sont souvent régionales46), il présente une synthèse des pratiques vitivinicoles et expose les usages et folklores liés à la consommation de vin au Moyen Âge, utilisant pour cela des sources essentiellement littéraires. Cet ouvrage permet d’avoir une vue d’ensemble sur le sujet de la production et consommation de vin à l’époque médiévale, mais les informations et les exemples donnés concernent, dans un objectif de présentation générale, toutes les zones géographiques et toute la chronologie médiévale. La régionalisation et les particularités de certaines pratiques disparaissent donc dans cette analyse d’ensemble47.

Les ouvrages scientifiques consacrés à l’histoire du vignoble français sont plutôt rares et nécessitent des recherches longues et complexes en raison de la variété des régions, des pratiques et des techniques à étudier, sans compter les diverses sources à utiliser. Le travail fondateur dans ce domaine a été mené par le géographe Roger Dion et son Histoire de la vigne et du vin en France des origines au XIXe siècle (1959), qui

regroupe les recherches régionales qu’il a menées pendant plusieurs années48. Roger Dion veut, à travers cet ouvrage, montrer que la volonté et les activités humaines sont plus importantes que les facteurs naturels (surtout géologiques) dans la qualité d’un vignoble et dans son succès49. Cette étude se fonde sur une approche judicieuse qui utilise les sources historiques (Roger Dion a opéré, durant des années, un important travail de recherche en archives dans les régions viticoles françaises) et les données géographiques (géologie, climatologie…). Il présente ainsi une analyse complète et précise de l’ensemble des vignobles français sur le temps long, chaque région, dont le Bordelais, ayant droit à une étude particulière50. Depuis, les études de vignobles locaux se sont multipliées mais les travaux sur le vignoble français en général restent rares. L’ouvrage le plus notable est peut-être celui de Marcel Lachiver, Vins, vignes et

vignerons, Histoire du vignoble français (1988), qui retrace l’histoire de la vigne en

France de l’Antiquité à la fin des années 198051. Ici également, l’étude privilégie l’approche régionale et l’histoire de chaque vignoble, néanmoins, les observations plus précises sur les techniques et les pratiques ne sont faites que pour les périodes modernes

45 VERDON, Jean, Boire au Moyen Âge, Perrin, Paris, 2002, et VERDON, Jean, « Les plaisirs de la

taverne », dans Histoire et images médiévales n° 12, février-mars 2007, p. 30-36.

46 Nous présenterons certains de ces travaux par la suite.

47 Sur le thème de la consommation, nous pouvons également citer, dans la même catégorie, les travaux

de Bruno Laurioux (LAURIOUX, Bruno, Manger au Moyen Âge: pratiques et discours alimentaires en

Europe aux XIVe et XVe siècles, Hachette littératures, Paris, 2002).

48 DION, Roger, Histoire de la vigne et du vin en France des origines au XIXe siècle, Paris, 1959.

49 Roger Dion s’est d’ailleurs opposé aux AOC qui accordent, selon lui, trop d’importance à

l’emplacement géographique.

50 Dion, Roger, La création du vignoble bordelais, Angers, Editions de l’Ouest, 1952.

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et contemporaines, pas pour la période médiévale. Nous pouvons également citer les articles d’Yves Renouard, Vignobles, vignes et vins de France au Moyen Âge (1960)52, et de Michel Le Mené, Le vignoble français à la fin du Moyen Âge (1989)53, qui font le bilan des recherches en cours au moment de leurs parutions et renouvèlent les connaissances sur ce thème. Ces travaux nous permettent de replacer l’étude du vignoble bordelais dans une conjoncture vitivinicole plus générale et d’effectuer des comparaisons, identifiant ainsi les ressemblances et les différences entre les régions.

Nous pouvons aussi relever quelques travaux sur le commerce du vin, qui concernent moins notre sujet mais qui nous informent du devenir des vins produits à Bordeaux et montrent les enjeux de la production vitivinicole, celle-ci étant intégrée dans un système économique lucratif. La plupart des ouvrages concernant l’économie médiévale abordent le commerce du vin ; cependant, ce thème n’a pas été traité de manière très importante et les études de qualité sont relativement éparses, ponctuelles (elles ne concernent parfois qu’un commerce de proximité, par exemple entre l’espace périurbain et la ville), et peu renouvelées. L’étude fondatrice sur le commerce du vin à Bordeaux a été faite par Francisque Michel et son ouvrage, Histoire du commerce et de

la navigation à Bordeaux, principalement sous l’administration anglaise, tome I et tome II (1867)54. Mais comme l’indique le titre, ce travail concerne la période anglaise de l’Aquitaine, donc antérieure à notre champ de recherche. Il s’agit en effet d’une période bien documentée pour le commerce du vin et c’est également durant ces années que l’exportation du vin bordelais est la plus importante, ce qui justifie les travaux sur cette époque. On peut citer à ce sujet les articles de Jean-Christophe Cassard, Vins et

marchands de vins gascons au début du XIVe siècle (1978) et Les flottes du vin de Bordeaux au début du XIVe siècle (1983)55 qui sont des études riches d’informations mais qui concernent une période dont le contexte est très différent de la seconde moitié du XVe siècle, plus mal connu. Les ouvrages consacrés exclusivement au commerce du vin restent cependant assez rares, à l’exception des articles d’Henri Pirenne, Un grand

commerce d’exportation au Moyen Âge: les vins de France (1933)56, de Margery K. James, Les activités commerciales des négociants en vins gascons en Angleterre durant

la fin du Moyen Âge (1953)57, et d’Yves Renouard, Le grand commerce des vins de

52 RENOUARD, Yves, « Vignobles, vignes et vins de France au Moyen Âge», dans Etudes d’histoire

médiévale, Paris, S.E.P.V.E.N., 1968.

53 LE MENE, Michel, « Le vignoble français à la fin du Moyen Âge», dans Le vigneron, la viticulture et la

vinification en Europe occidentale, au Moyen Âge et à l’époque moderne, centre culturel de l’abbaye de

Flaran, Onzièmes journées internationales d’histoire, 8, 9, 10 septembre 1989, Auch, 1991, p. 189-206.

54 MICHEL, Francisque, Histoire du commerce et de la navigation à Bordeaux, principalement sous

l’administration anglaise, tome I et tome II, Paris, Editions PyréMonde / Princi Negue, 2005 (première

édition en 1867).

55 CASSARD, Jean-Christophe, « Vins et marchands de vins gascons au début du XIVe siècle », dans

Annales du Midi, t. 137, 1978, p. 121-140, et « Les flottes du vin de Bordeaux au début du XIVe siècle »,

dans Annales du Midi, t. 162, 1983, p. 119-133.

56 PIRENNE, Henri, « Un grand commerce d’exportation au Moyen Âge: les vins de France », dans

Annales d’Histoire économique et sociale, t. V, 1933, p. 225-243.

57 JAMES, Margery K., « Les activités commerciales des négociants en vins gascons en Angleterre durant

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Gascogne au Moyen Âge (1958)58. L’ouvrage de Jan Craeybeckx, Un grand commerce

d’importation : les vins de France aux anciens Pays-Bas (XIIIe-XVIe siècles), paru en

1958, montre bien les dynamiques économiques liées au commerce du vin et le poids de la situation géopolitique sur ce commerce, en particulier à Bordeaux après la guerre de Cent Ans.

1.2 – Les travaux régionaux sur le vignoble médiéval 1.2.1 – Les études régionales

Avant de voir l’état des lieux des recherches scientifiques sur le vignoble bordelais et ses aspects économiques, nous allons présenter quelques travaux marquants menés sur les vignobles d’autres régions. Les ouvrages sur la vitiviniculture et le vin sont surtout importants dans les grandes régions viticoles actuelles et autour de villes importantes ou universitaires qui motivent la recherche (ouvrages scientifiques, thèses, colloques, conférences…). Les recherches menées dans des régions où le vignoble est aujourd’hui moins réputé ou inexistant sont essentiellement le fait d’historiens ou de géographes, et non d’une équipe de recherche. Il est difficile d’être exhaustif sur tous ces travaux « régionaux » en raison de la variété des ouvrages et des formes de publication. Un vignoble peut en effet n’être étudié que dans le cadre d’une étude rurale ou urbaine plus générale et ne pas faire l’objet d’une publication qui lui soit entièrement consacrée. Par ailleurs, un grand nombre d’écrits sur les vignobles font partie de la littérature « grise », comme les thèses, mémoires, communications… non publiés. Toutes ces recherches régionales nous sont très utiles. Elles nous permettent de faire des comparaisons entre Bordeaux et d’autres villes situées au cœur d’un important vignoble au Moyen Âge, de constater les différences et les ressemblances. La documentation relative à un autre vignoble peut aussi nous aider à comprendre des sujets qui ne sont pas ou peu présents dans notre propre documentation, notamment en ce qui concerne les techniques et les pratiques. De même, les idées directrices et les conclusions de ces chercheurs peuvent nous donner des pistes de recherches intéressantes à approfondir au sujet de Bordeaux.

Le vignoble bourguignon, que l’on oppose souvent à celui de Bordeaux, a bénéficié d’études nombreuses. Les périodes, les thèmes et les observations sont souvent variés car les historiens médiévistes situent leurs travaux dans le cadre de l’ancien duché de Bourgogne qui incorporait des territoires divers avec des pratiques vitivinicoles différentes. Néanmoins, les études sur le vignoble bourguignon médiéval ont essentiellement été diffusées par l’intermédiaire d’articles, ne concernant souvent qu’une zone géographique précise, à l’échelle de la seigneurie, les ouvrages portant sur

58 RENOUARD, Yves, « Le grand commerce des vins de Gascogne au Moyen Âge», dans Revue historique,

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l’ensemble du vignoble de l’ancien duché étant rares. En effet, les ouvrages comme celui de Camille Rodier, Les vins de Bourgogne (la Côte d’Or)59, publié en 1922, ou plus récemment de celui de Jean-François Bazin, Histoire du vin de Bourgogne (2002)60, présentent l’histoire du vignoble bourguignon, mais des origines à nos jours, sans s’attarder particulièrement sur la période médiévale. Ce sont surtout les publications des actes de colloques ou de rencontres – où les historiens spécialistes d’une ville ou d’une région vont publier une étude sur la vigne et/ou le vin dans leur domaine géographique de prédilection – qui nous donnent des informations précises sur le vignoble bourguignon au Moyen Âge 61. Des historiens comme Alessandro Stella, Françoise Piponnier, Jean Richard ou Jacky Theurot publient ainsi leurs recherches. Souvent, les travaux concernent les vignobles de villes bourguignonnes, La mise en

valeur du domaine viticole de quelques fondations beaunoises à la fin du Moyen Âge

(2005), de Jean-Pierre Brelaud62, Notes d’histoire sociale, Les vignerons d’Auxerrois,

XIVe-XVIe siècles (1948), de Marcel Delafosse63, Notes sur la culture de la vigne et les

vignerons à Dijon entre 1430 et 1560 (1952), de Claude Tournier64, et, toujours sur Dijon, Fortune et genre de vie des vignerons dijonnais, fin XIVe-XVe siècles (1996), de

Françoise Piponnier65. Les études sur les vignobles des seigneuries ecclésiastiques bourguignonnes sont aussi très nombreuses en raison du rôle déterminant des abbayes comme Cîteaux dans l’essor de la vitiviniculture de cette région66.

Quelques vignobles urbains ont été également particulièrement bien traités par des historiens locaux. Le vignoble lyonnais, par exemple, a fait une première fois l’objet de travaux par Jean Deniau en 1930, La vigne et le vin à Lyon au XVe siècle67, et plus

59 RODIER, Camille, Les vins de Bourgogne (la Côte d’Or), Dijon, Damidot, 1922. 60 BAZIN, Jean-François, Histoire du vin de Bourgogne, Paris, Gisserot, 2002.

61 Par exemple les Cahiers d’histoire de la vigne et du vin, n° 2, Vins, vignes et vignerons en Bourgogne

du Moyen Âge à l’époque contemporaine, p. 175 – 202, (Actes du Colloque des Annales de Bourgogne,

Dijon – 9 février 2001), Centre d’histoire de la vigne et du vin, 2001, et Cahiers d’histoire de la vigne et

du vin, n° 5, La vigne et les hommes en Bourgogne et alentour, propriété et propriétaires (XIVe-XXIe siècles), p. 49 – 63, (Actes des premières rencontres « Aujourd’hui, l’histoire des Bourgognes », Beaune –

16 avril 2005), Centre d’histoire de la vigne et du vin, 2005.

62 Brelaud, Jean-Pierre, « La mise en valeur du domaine viticole de quelques fondations beaunoises à la

fin du Moyen Âge», dans Cahiers d’histoire de la vigne et du vin, n° 5, La vigne et les hommes en

Bourgogne et alentour, propriété et propriétaires (XIVe-XXIe siècles), (Actes des premières rencontres

« Aujourd’hui, l’histoire des Bourgognes », Beaune – 16 avril 2005), Centre d’histoire de la vigne et du vin, 2005, p. 31-48.

63 DELAFOSSE, Marcel, « Notes d’histoire sociale. Les vignerons d’Auxerrois (XIVe-XVIe siècle) », dans

Annales de Bourgogne, 1948, p. 7-41.

64 TOURNIER, Claude, « Notes sur la culture de la vigne et les vignerons à Dijon entre 1430 et 1560 »,

dans Annales de Bourgogne, 1952, p. 141-159.

65 PIPONNIER, Françoise, « Fortune et genre de vie des vignerons dijonnais (fin XIVe-XVe siècle », dans

GARRIER, Gilbert, PESEZ, Jean-Marie, STELLA, Alessandro (dir.), Les vignerons au Moyen Âge au

phylloxéra, Bulletin du Centre Pierre Léon, 3-4, 1996, p. 41-49.

66 LAGANDRE, Aline, « Les vignerons de Cîteaux dans la Côte de Beaune au Moyen Âge», dans Cahiers

d’histoire de la vigne et du vin, n° 2, Vins, vignes et vignerons en Bourgogne du Moyen Âge à l’époque contemporaine, (Actes du Colloque des Annales de Bourgogne, Dijon – 9 février 2001), Centre d’histoire

de la vigne et du vin, 2001, p. 95-101.

67 DENIAU, Jean, « La vigne et le vin à Lyon au XVe siècle », dans Etudes rhodaniennes, n° 6, 1930, p.

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récemment par Marie-Thérèse Lorcin, Le vignoble et les vignerons du Lyonnais aux

XIVe et XVe siècles (1971)68. Les travaux de cette historienne nous fournissent d’excellents éléments de comparaison avec Bordeaux en raison de cadres chronologiques et thématiques très proches des nôtres. Nous pouvons en effet noter des similitudes intéressantes entre les deux villes concernant la structure et la localisation du vignoble dans l’espace, ainsi que pour les stratégies foncières en œuvre. Marie-Thérèse Lorcin utilise en effet une documentation similaire à la nôtre, fondée sur les archives notariales. On constate ainsi que les motivations et les investissements de la bourgeoisie urbaine dans le vignoble sont similaires à Lyon et à Bordeaux. Ses recherches montrent toutefois quelques différences entre les deux villes, comme l’investissement croissant dans l’élevage au détriment du vignoble lyonnais au XVe siècle, situation inexistante à Bordeaux. De même, la guerre de Cent Ans a touché Lyon beaucoup plus tôt que Bordeaux et, dans la seconde moitié du XVe siècle, la transition de la reconstruction y est quasiment achevée alors qu’elle débute dans le Bordelais : le monde rural n’en est donc pas au même point. Le travail de Marie-Thérèse Lorcin nous permet donc de replacer le cas bordelais dans une optique plus générale et de nuancer certaines particularités observées : nous pouvons supposer que la plupart des grandes villes viticoles françaises suivaient un schéma comparable à celui observé à Bordeaux si l’on excepte quelques exceptions. D’autres villes ont connu des études plus ponctuelles, comme Chartres avec Claudine Billot, Chartres à la fin du Moyen Âge (1987)69 et Le

vigneron et l’accès au pressoir (1996)70, ou comme Orléans avec Françoise Michaud-Frejaville, Apprentis et ouvrier vignerons, les contrats à Orléans au XVe siècle (1991)71, et Vignerons des villes et vignerons des champs en Berry et en Orléanais à la fin du

Moyen Âge (1996)72. Ces historiennes utilisent des sources notariales, comme les nôtres, ce qui est particulièrement intéressant pour effectuer des comparaisons. Néanmoins, il faut préciser que leurs travaux relèvent plus de l’étude d’un corps professionnel, les vignerons et les ouvriers des vignes, que du vignoble en tant que tel. Mais nos propres sources étant peu prolixes quant à ces professions, ces articles, notamment ceux de Françoise Michaud-Frejaville, se révèlent riches d’informations. Curieusement, le vignoble parisien, quant à lui, ne bénéficie pas de grandes études générales. On le voit

68 LORCIN, Marie-Thérèse, « Le vignoble et les vignerons du Lyonnais aux XIVe et XVe siècles », dans les

Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, vol. 2,

Publications de la Sorbonne, 1971, p. 15-37.

69 BILLOT, Claudine, Chartres à la fin du Moyen Âge, Paris, Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en

Sciences Sociales, 1987.

70 BILLOT, Claudine, « Le vigneron et l’accès au pressoir », dans GARRIER, Gilbert, PESEZ, Jean-Marie,

STELLA, Alessandro (dir.), Les vignerons au Moyen Âge au phylloxéra, Bulletin du Centre Pierre Léon, 3-4, 1996, p. 57-62.

71 MICHAUD-FREJAVILLE, Françoise, « Apprentis et ouvriers vignerons, les contrats à Orléans au XVe

siècle », dans Le vigneron, la viticulture et la vinification en Europe occidentale, au Moyen Âge et à

l’époque moderne, centre culturel de l’abbaye de Flaran, Onzièmes journées internationales d’histoire, 8,

9, 10 septembre 1989, Auch, 1991, p. 273-286.

72 MICHAUD-FREJAVILLE, Françoise, « Vignerons des villes et vignerons des champs en Berry et en

Orléanais à la fin du Moyen Âge», dans GARRIER, Gilbert, PESEZ, Jean-Marie, STELLA, Alessandro (dir.),

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cependant à travers d’intéressantes recherches sur la campagne de la région parisienne comme celle d’Yvonne Bezard, La vie rurale dans le sud de la région parisienne, de

1450 à 1560 (1929)73, travail réalisé en partie grâce à des sources notariales, et surtout l’ouvrage de Guy Fourquin, Les campagnes de la région parisienne à la fin du Moyen

Âge, du milieu du XIIIe siècle au début du XVIe siècle (1964)74. Ce livre dresse le tableau des crises du monde rural de la région parisienne aux XIVe et XVe siècles, et montre comment s’est effectuée la reconstruction des campagnes et des exploitations. Le travail effectué dans cet ouvrage est comparable à l’œuvre de Robert Boutruche dans le Bordelais, comme nous allons le voir par la suite. Plus récemment, nous pouvons relever deux articles parus en 1984 lors du colloque « La vigne et le vin en Île-de-France » : celui de Simone Lefèvre concernant Les contrats de plantation et l’extension

du vignoble en Ile-de-France (Xe-XIIIe siècle), et celui de Pierre Thibault, Les Parisiens et le vin à la fin du XVe siècle75. Ce dernier article aborde la reconstruction du vignoble parisien après la guerre de Cent Ans et surtout la place économique du vin dans la société urbaine. Pour une période antérieure, nous pouvons aussi mentionner les travaux d’Etienne Lafourcade, homme politique qui tente d’ailleurs de faire replanter une partie du vignoble parisien, avec Paris, pays du vin : histoire du grand vignoble parisien du

VIe au XIIe siècle76. Néanmoins, l’essentiel des recherches sur l’histoire du vignoble parisien concerne l’époque moderne et contemporaine.

Les études sur les vignobles régionaux sont assez éparses et, comme mentionné précédemment, sont souvent le fait d’un historien. Nous pouvons ainsi citer les travaux de Sylvette Guilbert, Vigne et vin dans les délibérations des conseils municipaux des

villes champenoises, 1417-1431 (1999)77, et Les toponymes des vignes d’après les

censiers du chapitre Saint-Jean de Vertus (Marne) au XVe siècle (2002)78. Outre une approche originale du vignoble, par la toponymie, Sylvette Guilbert s’intéresse également dans ses recherches à la reconstruction des campagnes après la guerre de Cent Ans, thème qui nous est proche. De même, Michel Le Mené s’intéresse au

73 BEZARD, Yvonne, La vie rurale dans le sud de la région parisienne, de 1450 à 1560, Paris, Librairie de

Paris, Firmin-Didot et Cie, 1929.

74 FOURQUIN, Guy, Les campagnes de la région parisienne à la fin du Moyen Âge, du milieu du XIIIe siècle au début du XVIe siècle, Paris, PUF, 1964.

75 LEFEVRE, Simone, « Les contrats de plantation et l’extension du vignoble en Ile-de-France (Xe-XIIIe

siècle)», dans Paris et Île-de-France – Mémoires (tome 35, 1984), La vigne et le vin en Île-de-France,

Actes du quatrième colloque de la Fédération des Sociétés Historiques et Archéologiques de Paris et de l’Île-de-France, Paris, 1984.

THIBAULT, Pierre, « Les Parisiens et le vin à la fin du XVe siècle », dans Paris et Île-de-France –

Mémoires (tome 35, 1984), La vigne et le vin en Île-de-France, Actes du quatrième colloque de la Fédération des Sociétés Historiques et Archéologiques de Paris et de l’Île-de-France, Paris, 1984.

76 LAFOURCADE, Etienne, Paris, pays du vin : histoire du grand vignoble parisien du VIe au XIIe siècle,

Presses de Valmy, 1998.

77 GUILBERT, Sylvette, « Vigne et vin dans les délibérations des conseils municipaux des villes

champenoises (1417-1431) », dans Vins, vignes et terroirs de l’Antiquité à nos jours, CRDP, 1999.

78 GUILBERT, Sylvette, « Les toponymes des vignes d’après les censiers du chapitre Saint-Jean de Vertus

(Marne) au XVe siècle », dans La vigne et les vergers, actes du Xe colloque d’onomastique (Reims, 30 septembre – 1er octobre 1999), Reims, éd. M. Tamine, Villers-Semeuse, Institut Charles Bruneau, 2002,

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vignoble angevin et ses recherches insistent sur les aspects quantitatifs et économiques,

Le vignoble angevin à la fin du Moyen Âge: étude de rentabilité (1971)79. Cette étude, dont la démarche et les conclusions sont riches d’informations, décrit l’évolution du vignoble angevin selon les crises de la fin du Moyen Âge et la conjoncture économique, sans jamais oublier de montrer les limites d’un tel travail, notamment dans la représentativité des statistiques. Les travaux de Martine Maguin sur la viticulture en Lorraine sont également à mentionner80, de même que ceux de Georges Comet sur les vignerons en Provence à la fin du Moyen Âge81, de Gaston Galtier sur les vignobles du Languedoc méditerranéen82, et de Jean Faury sur les vignobles dans le Périgord83. Pareillement, les recherches de Jacques Beauroy, Vin et société à Bergerac : du Moyen

Âge aux temps modernes, sont intéressantes, mais, comme nous l’avons dit

précédemment, la situation de la période médiévale est toujours vue comme un prélude à celle de l’époque moderne84. Eugène Goyheneche, dans son ouvrage sur Bayonne,

Bayonne et la région bayonnaise du XIIe au XVe siècle, Etudes d’histoire économique et sociale, décrit les vignobles suburbains et périurbains ainsi que les activités de

tonnellerie dans la ville85. Enfin, Jean Louberge s’intéresse aux viticulteurs du Béarn au XVIe siècle, mais a surtout publié un article sur les contrats agraires dans le vignoble du Jurançon à la fin du Moyen Âge, Les contrats de colloqui dans le vignoble de Jurançon

à la fin du XVe siècle et au XVIe siècle86. Dans cet article, Jean Louberge montre les dynamiques économiques du monde rural après les crises de la fin du Moyen Âge, notamment les rapports entre les paysans, les propriétaires des vignes, et la bourgeoisie marchande urbaine.

1.2.2 – Les études sur les vignobles étrangers

Nous nous sommes également penché sur des travaux menés sur des vignobles étrangers, toujours dans l’objectif de multiplier les mises en perspective possibles et

79 LE MENE, Michel, « Le vignoble angevin à la fin du Moyen Âge: étude de rentabilité », dans Actes des

congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, n°2, Paris, 1971, p.

81-99.

80 MAGUIN, Martine, La vigne et le vin en Lorraine : l’exemple de la Lorraine médiévale à la fin du

Moyen Âge, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1982.

81 COMET, Georges, « Les vignerons en Provence à la fin du Moyen Âge», dans GARRIER, Gilbert, PESEZ,

Jean-Marie, STELLA, Alessandro (dir.), Les vignerons au Moyen Âge au phylloxéra, Bulletin du Centre

Pierre Léon, 3-4, 1996, p. 23-29.

82 GALTIER, Gaston, Le vignoble du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, Montpellier, Causse,

Graille et Castelnau, 1956.

83 FAURY, Jean, « Les vignobles du collège de Périgord aux XIVe et XVe siècles : étude d’histoire

toulousaine », dans Annales du Midi, n° 79, 1966, p. 461-479.

84 BEAUROY, Jacques, Vin et société à Bergerac : du Moyen Âge aux temps modernes, Anma Libri, 1976. 85 GOYHENECHE, Eugène, Bayonne et la région bayonnaise du XIIe au XVe siècle, Etudes d’histoire économique et sociale, Paris, Ecole des Chartes, 1949.

86

LOUBERGE, Jean, « Les contrats de colloqui dans le vignoble de Jurançon à la fin du XVe siècle et au XVIe siècle », dans Les revenus de la terre, complant, champart, métayage en Europe occidentale (IXe -XVIIIe siècles), Centre culturel de l’Abbaye de Flaran, Septièmes Journées internationales d’histoire,

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