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2.3 Caractérisations électromagnétiques

3.1.1 Pourquoi diminuer la température de frittage ?

Les grenats étudiés vont être utilisés comme matériaux centraux dans des dispositifs hyper- fréquences : les circulateurs ou isolateurs.

Le processus de réalisation de ces dispositifs est assez long et coûteux, et l’assemblage mé- canique des différents éléments est complexe (Figure 3-1). En effet, composé d’au moins trois matériaux distincts (le ferrite central, le diélectrique et les lignes conductrices), il est nécessaire d’utiliser des agents organiques pour l’assemblage de circulateurs, des colles par exemple. Ces colles présentent des inconvénients majeurs : leur altération dans l’espace ou bien leur non-résistance aux hautes températures. De plus chaque élément est produit sépa- rément avant d’être associé aux autres.

Figure 3-1 – Différents éléments d’un assemblage pour un circulateur microstrip Une solution pour se débarrasser de cet assemblage laborieux et coûteux est de réaliser ces dispositifs par cofrittage. Les trois matériaux sont assemblés en une seule étape à cru puis frittés. Les métaux choisis pour la réalisation des pistes métalliques cofrittées sont l’or et l’argent. Les températures de fusion de ces métaux étant respectivement 1064 et 960 ˚C, il est primordial d’adapter les températures de frittage du ferrite (1500 ˚C) et du diélec- trique (950˚C). Le ferrite devra aussi être compatible des diélectriques couramment utilisés (cofrittage efficace, Coefficient d’Expansion Thermique (CTE) proches . . . ).

Le but de cette étude va être de trouver une solution pour diminuer la température de frittage du matériau ferrite central.

CHAPITRE 3. OPTIMISATION DU MATÉRIAU

3.1.2 Ajouts et substitutions

3.1.2.1 Substitutions déjà réalisées Substitution de l’yttrium par le cuivre

L’idée d’utiliser l’oxyde de cuivre vient de recherches préliminaires réalisées en 1999 par J. Ageron sur les spinelles [AGE99]. L’étude avait montré que, si les propriétés magnétiques des ferrites sont dégradées, la température de frittage est tout de même notablement réduite. Des tests de substitutions ont donc été réalisés en 2001 sur des grenats [FUJ01]. Il a été montré que l’insertion du cuivre en site dodécaédrique permettait une meilleure formation de la phase à basse température. Ces résultats avaient déjà été démontrés en 1960 par Geller et al [GEL60] et précisés par Krishnan en 1969 [KRI69].

L’étude de L. Pinier a permis de confirmer l’efficacité de l’utilisation du cuivre en site do- décaédrique [PIN06]. La température de frittage obtenue était d’environ 1070 ˚C pour un taux minimal de 0,05 par formule. Les mesures des pertes magnétiques ont montré que l’aug- mentation du taux de cuivre menait à une augmentation des pertes magnétiques. Le taux finalement choisi pour réaliser des matériaux à basse température de frittage est 0,05 : il per- met un abaissement non-négligeable de la température de frittage sans augmentation trop conséquente des pertes magnétiques [GAN07]. Les résultats présentés dans le Tableau 3.1 sont extraits du brevet « Matériau ferrite à faibles pertes en hyperfréquence et procédé de fabrication » [LEB07].

Taux de cuivre x par formule Δ𝐻 (Oe) Δ𝐻𝑒𝑓 𝑓 𝑡𝑔𝛿𝜀 (10-4)

0 40 8 2

0,02 70 11 5,5

0,03 60 17 3

0,04 80 25 3,5

0,05 - - 25

Tableau 3.1 – Propriétés magnétiques et diélectriques du YIG avec et sans substitutions cuivre (formule Y3-xCu2x/3Fe5O12). La température de frittage est de 1070 ˚C pour les YIG

substitués et 1480˚C pour le YIG.

Substitution de l’yttrium par le bismuth

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des substitutions de l’yttrium par le bismuth : les températures de frittage passaient de 1500 à 1150 ˚C ([GEL63], [GEL64a]) pour des ferrites YIG substitués aluminium. D’après cet article, le taux maximal de bismuth insérable dans la maille est situé aux alentours de 1,8. Ces résultats confirmant l’impact de la substitution de l’yttrium par le bismuth ont ensuite été publiés dans un brevet déposé par Matsushita [FUR96].

H. Zhao et al. ont montré que l’utilisation d’oxyde de bismuth permet une importante dimi- nution de la température de frittage aux alentours de 1050˚C grâce à l’apparition, durant le frittage, d’une phase liquide qui se fige aux joints de grain au cours de la phase de refroidis- sement ([ZHA04],[ZHA07]).

L’introduction du bismuth mène à d’importantes perturbations et notamment à une aug- mentation des pertes magnétiques ([SIA11]). En effet, l’ion Bi3+ se substituant à l’ion Y3+,

son insertion dans la maille entraîne une déstabilisation de la structure, et ceci à cause des rayons ioniques différents des deux ions : 𝑟𝐵𝑖 = 1, 17 > 1, 019 = 𝑟𝑌. Comme démontré au

laboratoire, le taux de bismuth offrant un bon compromis entre l’apparition des pertes et une température de frittage réduite est 0,67.

L’utilisation de bismuth aura assez peu d’impact sur l’aimantation à saturation. En effet, l’ion Bi3+ ne porte pas de moment magnétique et les angles d’interaction de superéchange

attendus sont de 126,9˚, très peu différents de ceux en absence de bismuth (122˚).

Les ions Bi3+ et Cu2+ ont donc chacun une forte influence sur la température de frittage mais

leur ajout entraîne l’apparition de pertes importantes. Il faudra donc limiter l’utilisation de chacun de ces substituants. Mais qu’en est-il d’une substitution combinée ?

Substitution combinée de cuivre et de bismuth

En 2011, un brevet portant sur le grenat d’yttrium-fer à basse température de frittage a été déposé au sein de notre laboratoire. Comme il est difficile d’augmenter les taux de cuivre et de bismuth sans trop augmenter les pertes, des tests de substitutions combinées ont été réalisés. Les résultats du brevet "Ferrite grenat d’yttrium-fer, composant hyperfréquences l’incluant et leurs procédés de fabrication" [LEB13] sont présentés dans le Tableau 3.2. Ces résultats montrent l’efficacité des substitutions combinées. Si les taux optimaux de bis- muth et de cuivre sont introduits dans la maille, la température de frittage peut être abaissée jusqu’à 1000˚C. Bien qu’elles soient augmentées, les pertes magnétiques et diélectriques res- tent tout de même largement raisonables pour l’application souhaitée en hyperfréquences. Les températures de frittage sont, d’après ces premiers résultats, fortement diminuées jusqu’à 1000˚C. Il sera même montré, au laboratoire, par la suite, que la température de frittage peut être abaissée à 950 ˚C pour un taux de bismuth de 0,67 et de cuivre de 0,05. En revanche, cette diminution n’est pas suffisante pour pouvoir cofritter avec de l’argent (trop proche

CHAPITRE 3. OPTIMISATION DU MATÉRIAU

Taux de cuivre Taux de bismuth Température 𝜌 MS Δ𝐻𝑒𝑓 𝑓 𝑡𝑔𝛿𝜀

x par formule de frittage (˚C) (g.cm-3) (mT) (Oe) (10-4)

0 0 1480 5,4 180 8 2 0,05 0 1070 5,05 170 11 5,5 0 0,5 1070 4,9 160 20 5 0 0,5 1000 3,75 120 25 - 0,05 0,5 1000 5,25 170 9 8 0,05 0,7 1000 5,45 180 10 25

Tableau 3.2 – Propriétés du YIG substitué cuivre-bismuth de formule Y3-x-yBiyCu2x/3Fe5O12

.

de la température de fusion) ou avec certains des diélectriques commerciaux destinés à des applications LTCC.

Nous avons donc étudié l’influence d’un nouvel élément sur les propriétés des ferrites : l’ion vanadium.

3.1.2.2 Substitution du fer tétraédrique par le vanadium

L’oxyde de vanadium possède une basse température de fusion (680˚C). C’est grâce à cette propriété qu’il va être utilisé comme fondant dans le but de réduire la température de frittage. Comme pour l’oxyde de bismuth, son introduction va entraîner l’apparition d’une phase liquide pendant le frittage et donc faciliter la densification à basse température. Dans la littérature, son utilisation est abordée dès 1964 par S. Geller [GEL64b]. D’après cet article, pour des taux de vanadium de 1,25 et 1,50 par formule les températures de frittage diminuent de 1450˚C à respectivement 1165 et 1140˚C. L’utilisation de vanadium en site tétraédrique entraîne une diminution des aimantations à saturation (remplacement d’un ion magnétique par un ion non-magnétique) [ALO12] mais a assez peu d’influence sur les pertes magnétiques et diélectriques [SHI75].

L’introduction d’indium pourrait aider à améliorer les propriétés magnétiques de ces fer- rites substitués vanadium. En effet, on trouve dans la littérature que l’indium a un impact important sur Δ𝐻 (de 200 à quelques Oe pour des taux entre 0,4 et 0,8) [SHI75].

Lors de l’insertion des ions V5+ dans la maille grenat, il est impératif d’utiliser un ion de

valence inférieure à 3+ afin d’équilibrer la valence. L’ion Ca2+ est donc introduit dans la

maille. De plus, l’ion V5+ ayant un rayon ionique plus petit que celui du Fe3+, l’utilisation

CHAPITRE 3. OPTIMISATION DU MATÉRIAU

On constate que l’utilisation de l’oxyde de vanadium a un effet positif sur la diminution de la température de frittage. Mais comme précédemment, la réduction de cette température, bien qu’impressionnante, n’est pas suffisante : on passe de 1450 à 1140˚C. Nous avons donc tenté de réaliser des ferrites substitués à la fois bismuth et cuivre mais aussi vanadium.

3.1.3 Influence des substitutions par le vanadium sur les propriétés