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L e ttre à m o n a m i F a b ie n , V a la i s a n é m ig r é

Mon cher,

A grand renfort de p ropagande, on avait annoncé, d an s ma ville, ce dim anche, u ne journée de la tendresse, organisée p ar un groupe de jeunes gens à qui ne m a n q u a it p as la bonne volonté. P o u r des bonnes œ uvres.

Le résultat ne fut pas concluant. La tendresse serait-elle un sentim ent périm é? Avec m on optique, je pensais y entendre des tangos, des slows, des valses anglaises, toutes ces danses qui nous ont attendris autrefois.

Mais bientôt attiré p a r un paroxysm e de décibels tels q u ’on les propose au jo u rd ’hui, je pus m e rendre com pte q u ’à tendresse on avait substitué terreur et q u ’il n ’y avait plus place p o u r des m ots doux dans ce chaos.

T ant pis!

Un nostalgique a d an s la m ê m e optique p roposé d an s un journal du H au t qu e l’on institue un jour p ar sem aine sans télévision plutôt q u e douze dim anches sans voiture. Cela perm ettrait aux gens de se parler et de se dire des m ots tendres. Idée à piocher.

A propos de bruit, Sion s’enorgueillit d ’avoir bénéficié d ’un préavis favorable p o u r u ne course automobile dite de for­ m ule 1. Des dizaines de milliers de personnes s’apprêteraient à venir s’y faire assourdir avec ce frisson q u e provoque toujours un accident éventuel.

J ’ai déjà choisi m on but de p ro m en ad e p o u r ce jour-là. O u alors, pourquoi pas, un e patriotique n ouba en vue d ’écouler nos trop-pleins de vins.

Ce n ’est plus tellement de m on âge, mais q u e ne ferait-on pas p o u r la cause.

Une manifestation à la rue des R em parts à Sion a, m ’a-t-on dit, débouché finalem ent sur cela.

En Valais, les m ouvem ents d ’h u m e u r finissent toujours bien et c’est ce qui «relativise» la portée des m ots percutants. Au m o m e n t où je t’écris, c’est le 21 décem bre, j’a p p ren d s q ue la d ate du jour le plus court est retardée à demain. A près avoir bouleversé les heures, va-t-on récidiver avec les saisons? T out est cham boulé.

Et puis, à Verbier, on ouvre un centre sportif. D ans l’euphorie du jour on a baptisé cela «temple p o u r non-skieurs», voire «cathédrale de la détente».

Tu vois q u e le sens religieux ne nous a pas com plètem ent abandonnés. Bonnes vacances dans ces lieux sacrés, puis- q u ’enfin il neige.

D’ailleurs, ce m êm e jour, je lis q u ’on a béni u ne nouvelle b a n q u e à Loèche-les-Bains et un re stau ran t au-dessus de V isperterm inen avec étole et aube.

Cela av a n t d ’y sacrifier au veau d ’or ou à Bacchus.

A propos, tu sais q u e de nom breuses personnes cherchent à am éliorer l’im age du Valais.

Et voilà q u ’est a p p a ru e la fièvre «Q». Il ne nous m a nquait plus q u e ça. Espérons tout de m ê m e q u e nous n’en ayons pas l’air.

Ceci dit et puisque ça se fait, m on épouse et m oi-m êm e t’inform ons q ue notre m é nage va bien. Cela devrait aller sans le dire mais cela va encore mieux en le disant. Et puis, de te le révéler ici, ça ne m e coûte rien.

Bien à toi. E d o u a r d M o r a n d

Mein Lieber,

Trotz w eihnachtlicher H ochstim m ung m uss ich Dir berichten, dass ich auf G rund öffentlicher Entscheide bissigen Arger erfahren habe. Ich m uss kurz nochm als au f das W ah lw o ch en ­ ende vom D ezem bersonntag zurückgreifen, wo es galt, über ein neues Schulgesetz abzustim m en. Wie Du sicher orientiert bist, w urde-die Vorlage im Oberwallis mit m e h r denn als 80 P rozent der Stim m en verworfen. Die Stimmfreiheit der B ürger ist hochzuschätzen. Bei solchen Resultaten werfen sich aber doch politische Fragen hoch, welche von den V erantw ortlichen nicht allzuleicht befunden w erden sollten. Im G rossen Rat w urde zuerst mit wichtigem M ehr die Vorlage an g en o m m en , und das Volk entschied ganz anders. Das heisst doch am Volke vorbeipolitisieren, oder d a n n das Volk m anipulieren, oder tendenziös orientieren. Letztes traf b eso n ­ ders bei uns in Lehrerkreisen zu und lässt leise nu r verm uten, dass m a n ch e von ihnen um ihr Prestige fürchten; es doch nicht ganz so mögen, w enn Eltern u nd Schulräte allzuviel zu reden hätten. Offiziell ging es zwar nu r um s Wohl der Kinder, d a ra n zu glauben fehlt mir die Tugend. Muss aber jetzt wissen, dass es wohl etliche R unden d a u e rn wird, bis ein ebenso kom prom isbereites Gesetz auf die Pulte zu liegen k om m en wird. Laufen wir weiter in alten, abgetretenen S chuhen, mit oder o h n e Blasen an den Füssen! Und m a n ch em Lehrer m üsste m a n ins O hr blasen: «O rpheus, steig herab...» und ihn dam it meinen.

Den zweiten Streich boten die eidgenössischen P a rla m e n ta ­ rier mit ihrer Nichtwahl d er ersten Bundesrätin. A uch sie schienen sich vor einer blitzgescheiten feingebildeteten, mit besten Reverenzen ausgerüsteten Frau zu fürchten. In ihrer politischen V orm achtstellung bedroht, zogen die meisten von ihnen den Strich-nein-den Stich-Ach, du liebes treues Volk der Hirten. Wie gern bin ich da wieder Europäerin.

In der Zeitung habe ich gelesen, dass die Freunde des beinahe legenden um w obenen Farinet eine S a m m lu n g typischer walliserischer K ochrezepte herausgeben wollen. W enn die N ah ru n g der Bergbew ohner dam als als Selbstversorger wohl eher einseitig war, bot das Tal mit seinen fruchtbaren Ebenen reiche Frucht- und G em üsekörbe und m a n ch e Speisefolge m ag sich lohnen, der Nachwelt zu überliefern, anzuregen, n achzuahm en, abzuändern, je nach Lust und G aum en. Laut gleicher Zeitungsm eldung wollen diese «Freunde» jährlich das schlechteste im Wallis veröffentlichte Buch verbrennen. Erst w urde ich ob dieser Meldung stutzig, d a n n neugierig und rasch sehr betroffen. K aum scheint die Glut letzter faschisti­ scher B ücherverbrennung verkohlt, treibt m an dam it Scherze. S olange Verleger drucken, was irgenwo im Gärtlein - eines Schreibers wächst, m üsste m an ruhig ernten lassen. Denn neben der Frage des G eschm ackes ist Buchverlag ja auch eine h arte Frage des G eschäftes und so...

B ücher und A kten sollte m a n nie, das eine nicht öffentlich, das an d ere nicht auf geheim en A uftrag hin, verbrennen, meine ich.

W enn Du meinen Brief liest, bist Du schon tapfer ins N eue J a h r hineinmarschiert, hast neue G an g art eingeschlagen oder Dich in alten S p u re n ganz wohl befunden-Vielleicht sind einige der besten V orsätze wieder Alltag. Dies m ag m e n sc h ­ lich, allzumenschlich sein.

C h ris to C h ris to v , c a p i t a i n e a u lo n g c o u r s d u s w in g

C oup de cymbale dans le ciel valai- san! Une école de jazz et de m usi­ que m oderne, la plus im portante du genre sans doute en Suisse rom ande, vient de voir le jour à Martigny.

Grâce à une phalange de solides am oureux de la blue-note, grâce à la com m une de Martigny et à l’Etat du Valais (tout arrive!) qui se sont fendus de réels subsides, l’aventure s’est matérialisée. Et le Pouvoir lui-même s’est surpris à frétiller d ’une botte plus légère.

Météorite chargée de swing, la n o u ­ velle est venue s’enfoncer dans le toit de la maison com m unale à une portée de blues de la prison p r é ­ ventive, en plein quartier noir... Il était temps!

U n e a p proch e d iffé re n te

Au milieu des cham ps immuables de la m usique binaire, fidèle support des politiques locales, dans la masse flamboyante des 151 fanfares et des 7500 instrumentistes (ici, à l’évi­ dence, le Valais bat le record suisse en nom bre de musiciens p ar m 2) l’Ecole de jazz de Martigny vient ouvrir un coin de ciel bleu, un autre créneau, proposer en fait une a p ­ proche plus vivante, plus rythmée et surtout plus personnelle de la musique.

« Le jazz, j’en suis sûr, colle magnifi­ q u em en t au tem péram en t du Valai- san, impulsif, bouillant, spontané, et nulle part ailleurs, je n’ai rencontré d ’élèves aussi motivés q u ’en V a ­ lais.» C ’est Christo Christov, le di­ recteur de l’école, qui l’affirme. C a ­ pitaine au long cours tirant sa c a r­ gaison de blue-notes de par le vaste monde, ce Bulgaro-Valaisan a jeté son ancre en forme de double- croche au pied des vignes de Fully où il a épousé une fille du cru. T rom pette soudée aux lèvres, c’est l’hom m e qui m et tout le m onde sur le pont... à l’heure du middle-part.

S tru c tu ré e c o m m e un c o n s e rvato ire

Alors, je vous le dis, le jazz est arrivé!... Avec sa dém arche élasti­ q ue et ses jets de couleurs vives. De

SOCIÉTÉ

Buddy Bolden à Lester, en passant par Monk, Bud Shank, Chico F ree­ man et Marsalis. Parallèlement, on aborde ici aux autres rivages de la musique actuelle: rock, musique folk, pop, funk, free... Dans ce haut lieu de la musique intensive on forge les souffleurs, anches et cui­ vres, les pianistes, les organistes, les guitaristes, les percussionnistes. On travaille en workshops, on apprend l’expression vocale et scénique et bien sûr l’art de l’improvisation qui tient une si grande place dans le jazz.

Association strictement apolitique, l’école est structurée com m e un conservatoire avec ses examens, ses certificats, ses diplômes. Son but est d’inculquer à tous les adeptes du swing une formation théorique et pratique qui leur perm ette de c o m ­ prendre, de jouer et surtout de créer «leur propre musique».

Dans l’aéropage des professeurs, on trouve plusieurs diplômés d ’écoles américaines aussi célèbres q ue Ber- keley-School. Actuellement, Marti- gny tou rn e déjà au rythm e de 150 heures de cours par semaine avec 82 élèves se recrutant de Monthey à Brigue, ce qui dém ontre bien le besoin d ’u ne telle école.

U n p ic o te m e n t q u i vous prend là...

S ’il s’est toujours trouvé des gens prom pts à vouloir réduire le jazz à un simple claquem ent de pouce, et mêm e s’il déconcerte encore a u ­ jourd’hui un certain nom bre d’oreil­ les, le voici enfin répertorié dans les différents com partim ents du savoir. La question du jazz? Nous l’avons lancée en totale ap esanteur dans l’air empli de gouttes de piano du nouveau quartier noir-martigne- rain. Les réponses ont surgi, cocas­ ses, certaines allant de l’analyse usuelle à la transposition lyrique: Jean D aetw yler: «Le jazz, cher ami, c’est le résultat des trois cents ans d’esclavage et d’hybridation musi­ cale négro-américaine.»

Christo Christov: «Oo-shoo-be-doo-be-bop, yes, brother, c’est bien ça! Une certaine couleur de timbre,

Une c e r t a i n e p h ilo s o p h ie d e la « b lu e -n o te »

un certain phrasé, shee-doo-bo- bliop-tap, l’alchimie subtile de la mobilité et de la puissance, l’énergie communicative avec un certain fee­ ling, tu piges?» Lise Ferrari: «Ah! c’est le cri de l’hom m e primitif en équilibre entre l’h u m o u r et le b alan­ cem ent originel, c’est un art de communication et de décontraction absolum ent prodigieux... »

R aym ond Vouilloz: « C ’est un c e r­ tain picotem ent qui vous prend là, dans la colonne vertébrale, un virus dont on ne se débarrasse pas facile­ ment!»

Une groupe d ’analystes: «Ah, le jazz? Mais c’est une érotisation de la musique, un balancem ent irrésis­ tible qui peut aller jusqu’au contre- viol de la blue-note! Oui, Monsieur! C ’est de la dynam ique centrifuge, c’est l’inévitable attrait du tem ps fort sur le tem ps faible, c’est une philo­ sophie du dram e instantané, c’est... C ’est une pulsation avec un grand P! Voilà

Une vieille dam e et son parapluie: « Franchem ent, Monsieur, ne m ’en parlez pas! C ’est une musique qui ravage les esprits et les jette en chemise dans la rue ! »

Des le n d e m a in s qui s w in gu en t

C h aq u e soir, des ombres mystérieu­ ses se profilent le long du grand escalier, s’engouffrent avec les ins­ trum ents rituels dans ce nouveau tem ple du swing. Glissement des doigts sur les clés des saxes, vibrato des anches, poussée des cuivres, trottinem ent des mailloches sur l’ai­ rain du steel-drum. On module à fleur de pupitre et le premier big- band de l’école dém arre en s o u ­ plesse. Aux premières mesures de «Betty-Blues», le voilà qui ro n ­ ronne déjà com m e un V8 à double arbre à cam es en tête...

L’Ecole de jazz de Martigny va-t-elle redéfinir le présent musical valai- s a n ? Son premier souffle en tous cas nous laisse confiant dans les lendemains qui swinguent...

T exte: E d o u a r d G uigoz P h o to s : O s w a ld R u p p e n C a m ille C o tta g n o u d De g a u c h e à d ro ite : R a y m o n d V ouilloz, p r é s i d e n t de l ’E co le ; C h ris to C h ris to v ,

Sur les traces

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