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3.2 Identification de paramètres

3.2.2 Potentiels de compression et de distorsion

Les potentiels de compression et de distorsion peuvent être caractérisés simultanément par un essai de compression transverse de la mèche. Puisque nous nous intéressons ici à la compression de tissus, on s’attend à solliciter fortement ces modes de déformation pour les mèches. En collaboration avec Julien Colmars, Naïm Naouar et Philippe Boisse, une campagne d’essais et de simulations numériques a été menée pendant des séjours au LaMCoS (INSA Lyon). L’ensemble de la procédure, basée sur une méthodologie développée pour des mèches de matériaux synthétiques (carbone, verre), a été reproduite pour du lin. Une mèche de lin

est placée entre deux plateaux d’une machine d’essai. Elle est compressée en imposant un déplacement de 1 mm/min, et on suit l’évolution de ses dimensions transverses ainsi que la force appliquée (figure II.32).

F

h

L

Figure II.32 –Principe de l’essai de compression transverse sur mèche. La mèche représentée ici est vue en bout, on observe donc sa section.

Des mèches de 500 tex issues de bobines, dont sont constitués les tissus sergé 2×2 et quasi-UD utilisés dans cette étude, sont découpées sur une longueur de 5 cm. Charmetant[73] et Naouar[192]recommandent d’utilisation de mèche issue directement du ruban, le tissage pouvant modifier sa raideur. Cela a été ignoré dans cette étude, puisque des mèches tirées directement du renfort auraient nécessité une préparation plus délicate. Une dizaine de mèches ont été assemblées à la main en une mèche de titre plus élevé afin de rendre l’évolution de la section plus facilement mesurable.

Il s’agit là d’un point important qui peut s’avérer limitant pour la caractérisation du comportement en compression transverse. En effet, en procédant sur une mèche trop fine, la précision du dispositif de mesure de déplacement de la machine d’essai peut s’avérer insuffisante. Les effets de bords sont également susceptibles de devenir importants, et le comportement ainsi caractérisé ne serait plus réellement celui de la mèche. Recourir à une mèche de titre plus élevé n’est pas forcément plus judicieux, puisque le procédé d’étirage modifie fortement les propriétés mécaniques des mèches[21]. La solution choisie permet de résoudre le problème de dimensionnement, mais l’homogénéité des mèches assemblées reste discutable.

L’échantillon ainsi formé est placé entre le plateau mobile d’une machine de compression équipée d’un capteur de capacité 10 N et une base transparente en plexiglas. Une caméra est placée en face de l’échantillon afin de permettre le suivi de l’évolution de sa section, et le déplacement du plateau est imposé avec une vitesse V=1 mm/ min. Un dispositif comprenant une caméra et un miroir à 45° disposé sous le plateau inférieur permet de suivre le déplacement longitudinal de l’échantillon (figure II.33).

Les images obtenues (figure II.34) sont utilisées pour l’analyse de la déformation. La caméra placée sous le plateau indique que la longueur de l’échantillon ne varie pas en cours d’essai. Les images de la section permettent de mesurer la variation relative de sa largeur µ= L/L0 et de sa hauteur λ=h/h0au cours de l’essai. Ces paramètres, avec la force relevée par le capteur,

Figure II.33 –Dispositif expérimental pour l’essai de compression transverse.

permettront de calculer les contributions respectives de la compression et de la distorsion à la variation d’énergie due à la déformation.

Figure II.34 –Gauche :section de la mèche compressée.

Droite : vue de dessous d’une mèche compressée. Au-dessus, configuration initiale (avant le contact du plateau) ; en bas, configuration en fin de compression. Sur l’extrémité droite, on reconnaît la partie filmée pour le suivi de la section, éclairée pour obtenir une image exploitable.

La détermination de l’état initial de la mèche s’est initialement portée sur un seuil minimal de force, dépendant de la résolution du capteur et du bruit. Nous verrons par la suite que l’on peut étudier l’influence de ce paramètre sur les potentiels identifiés, ce qui revient à les exprimer en fonction du taux volumique de fibres initial dans la mèche.

Dans un premier temps, nous allons chercher à interpoler les données de l’essai par des fonctions simples. L’essai étant mené en imposant une hauteur de mèche, on exprimera la largeur relative µ et la contrainte σ en fonction de la hauteur relative λ, en utilisant les mesures issues de la machine d’essais. Un ajustement de type µ=aµλ+bµ+ln cµλ+dµ est présenté figure II.35. Si une forme linéaire pourrait suffire pour une mèche faiblement compressée, le terme logarithmique permet de bien interpoler la fin de l’essai.

De la même manière, la contrainte σ et la largeur relative de la mèche µ peuvent être reliées par une loi de la forme σ= aσ(µ−1)nσ +bσ (figure II.36). Au final, on peut donc exprimer

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

λ

1

1.1

1.2

1.3

1.4

µ

µfit(λ) µexp(λexp)

Figure II.35 –Ajustement µ(λ)avec aµ=−1.05, bµ=0.70, cµ=1.69, dµ=2.13.

l’ensemble des paramètres en fonction de la hauteur relative λ et donc interpoler l’essai dans la gamme étudiée.

1 1.05 1.1 1.15 1.2 1.25 1.3

µ

0

5

10

15

σ

[kP

a]

σfit(µfit) σexp(µexp)

Figure II.36 –Ajustements σ(µ)avec aσ=1428, bσ=3·10−3, nσ=10.5.

Les invariants physiques de compression et de distorsion définis par Charmetant peuvent être exprimés en fonction de µ et λ :

Icomp= 1 2ln(λµ) Idist= 1 2ln µ λ  (II.27a) (II.27b)

La relation entre les contraintes sur la mèche et les potentiels de compression et de distorsion est donnée par l’équation II.25. En utilisant l’expression des dérivées des invariants, on exprime cette relation dans les deux directions transverses de la mèche.

         σ33 = 1 2λµ  ∂wcomp

∂Icomp∂wdist ∂Idist  σ22 = 1 2λµ  ∂wcomp

∂Icomp + ∂wdist ∂Idist

 =0

(II.28)

Comme la contrainte latérale s’annule, on peut poser : ∂wcomp

∂Icomp

=−∂wdist

∂Idist (II.29)

La contrainte verticale peut alors être réécrite en fonction d’un seul invariant, ce qui permet d’identifier les paramètres K et P. Le solveur sequential least squares programming (SLSQP) [144] de la bibliothèque scipyest utilisé pour résoudre ce problème d’optimisation par la méthode des moindres carrés. Pour chaque mode de déformation, on cherche les paramètres qui minimisent la différence entre l’énergie mesurée et le modèle choisi pour le potentiel :

argmin{P,K} σ33λµ−PcompKcomp Icomp

Pcomp−1 argmin{P,K} σ33λµ−PdistKdistIPdist−1

dist (II.30a) (II.30b)

0 0.2 0.4 0.6

|I

comp

| , I

dist

0

5

10

15

σ

[kP

a]

σid(|Icomp|) σid(Idist) σexp(|Icomp|) σexp(Idist)

Figure II.37 –Identification des paramètres par méthode inverse pour la compression et la distorsion. Les courbes présentées ici donnent Pcomp=4.2, Kcomp0.044, Pdist=

5.1, Kdist=0.011.

Cette procédure peut être répétée pour différentes valeurs de h0 et L0, ce qui revient à changer le taux volumique de fibres initial Vf 0de la mèche. Comme la longueur des mèches reste constante, le taux de fibres d’une mèche est donné par la relation :

Vf = Nm`

ρS (II.31)

m` est la masse linéique d’une mèche (ici 500 tex), N le nombre de mèches assemblées, ρ la densité du lin et S la section de l’échantillon. Au cours de la compression, cette section S=c hL passe d’une forme circulaire à une forme elliptique, puis quasi-rectangulaire. Cela se traduit par une variation du facteur c, entre π/4 et 1. Nous nous contenterons de postuler que la mèche reste elliptique en posant S= πhL/4.

Figure II.38 –Forme de la section à différentes étapes de la compression

Un script a été écrit pour répéter la procédure décrite précédemment. A chaque itération, un nouvel état initial de la mèche est choisi, entre les taux de fibres correspondant au moment où le plateau touche la mèche, et une hauteur de 1.05 fois la hauteur finale. L’identification des paramètres est alors effectuée à partir des courbes interpolées, et on récupère les valeurs de K et P correspondant à l’état initial de la mèche. Ces grandeurs s’avéreront utiles lors des simulations numériques, puisqu’elles permettront de tenir compte de la géométrie initiale utilisée sur les mèches.

Trois essais de compression sur mèche ont été réalisés. La relation entre les paramètres identifiés et le taux volumique de fibres initial s’est avérée répétable (figure II.39,figure II.40), en particulier pour les deux derniers essais, et leurs valeurs ont donc été jugées acceptables. Une dispersion un peu plus importante reste cependant notable sur le module Kcomp. Ces essais ont malgré tout l’inconvénient de représenter une gamme relativement restreinte de taux de fibres.

0.08 0.10 0.12 0.14 0.16

V

f

[%]

0

1

2

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