• Aucun résultat trouvé

1.2 Compression de lin tissé

1.2.3 Compression dans les conditions ambiantes

Vf,0

Figure II.2 –Allure d’une courbe de compression de tissus, avec les mécanismes principaux mis en jeu. Dans un premier temps, les mèches fléchissent et la relation σ−Vf est linéaire. Ensuite, le glissement et l’imbrication des mèches (nesting) permet une compression importante de l’empilement, à l’allure non linéaire. Une fois imbriquées, faute de place, les mèches sont compressées : leur hauteur diminue et leur largeur augmente.

Ces modèles, bien qu’ils décrivent les essais de façon phénoménologique, ne permettent généralement pas d’expliquer ou de prédire le comportement d’un tissu compressé. En particulier, ils ne semblent pas présenter de lien quantitatif entre les architectures fibreuses ou les propriétés mécaniques des fibres, et le comportement global des préformes.

1.1.2 Modèles analytiques

En parallèle des premiers modèles empiriques, des modèles analytiques ont fait leur apparition. Certains auteurs ont choisi une approche micromécanique. Jönsson et Jönsson [138, 139] décrivent ainsi le processus comme étant régi par la fermeture progressive des pores, entourés de mèches incompressibles. Ils finissent par établir une relation entre le taux volumique de pores VV(P)et la contrainte, via un paramètre matériau N :

VV(P) =VV,max(P)eN(1σ/σmax)

(II.8) Chen, Lang et Chou [74, 78] ont établi une loi prédisant le processus non-linéaire de compression. Un taux volumique de fibres initial Vf 0 et une compressibilité Cb permettent d’exprimer la contrainte : σ= 1 Cb(Vf)  1−Vf 0 Vf  (II.9)

La compressibilité suit les trois régimes décrits par Matsudaira et Qin. Ces régimes nécessitent cependant des paramètres supplémentaires, qui restent finalement empiriques.

Une autre famille de modèles associe le milieu fibreux à un enchevêtrement de poutres. La mécanique des poutres permet alors de proposer des relations entre la contrainte à l’échelle macroscopique et le taux de fibres.

Toll[266]a développé un modèle micromécanique basé sur l’arrangement aléatoire de fibres de sections circulaires uniformes. La contrainte tient compte de la mise en compression initiale et prend la forme d’une loi de puissance :

σ=k(Vfm−Vf ,0m) (II.10)

où k et m sont des paramètres phénoménologiques. Toll montre que l’exposant m est relié à l’architecture fibreuse. Représentées sur une échelle logarithmique, les courbes de compression se regroupent en effet par familles (figure II.3). Les réseaux 3D correspondent à l’exposant m=3, les réseaux 2D à m =5, et les réseaux 1D et les tissus donnent des exposants compris entre 7 et 30. Latil précise que ces derniers sortent du cadre proposé par Toll.

Figure II.3 –Ajustements du modèle de Toll[266]sur des essais avec différentes architectures fibreuses, pour des contraintes intermédiaires. Ici P représente la contrainte, et φ le taux volumique de fibres.

Gutowski [123-125] a établi une loi pour la compression de milieux fibreux imprégnés, souvent utilisée dans les codes de calcul actuels. En raisonnant sur la rigidité transverse du réseau fibreux et sur les contacts multiples entre fibres, associés à un comportement élastique non linéaire, il trouve une relation pour les renforts seuls :

σ= 3πE β4 q Vf/Vf 0−1 q Vf m/Vf −14 (II.11)

où E est le module d’Young longitudinal des fibres, β est le rapport entre la longueur de portée et le diamètre des fibres, et Vf mles taux volumique de fibres maximal (selon leur arrangement spatial). Vf 0 correspond au taux volumique de fibres au début de la compression, lorsque σ=0.

D’autres approches théoriques empruntent des démarches diverses et variées. Dunlop[98] modélise les frottements inter-fibres par des modèles rhéologiques classiques (Kelvin-Voigt et Maxwell-Wiechert). Saunders, Lekakou et Bader[234,235] choisissent également une approche rhéologique, en raisonnant sur une relation entre viscosité et taux de cisaillement sous la forme d’une de loi de puissance. Batch et Cumiskey[22] décrivent le comportement d’empilements monocouches ou multicouches pour des plis de natures potentiellement différentes. Chen, Lang et Chou[75-77] raisonnent sur l’équilibre des forces appliquées à une maille de tissu, servant de volume élémentaire représentatif (VER).

L’influence respective de certains mécanismes a été évaluée qualitativement par Chen, Lang et Chou dans une étude expérimentale [78]. Les résultats, présentés en tableau II.2, nous permettront par la suite de sélectionner des mécanismes à caractériser de manière prioritaire.

Mécanismes

Renforts

mat UD tissé

Déformation de la section + + +

Ecrasement d’une mèche – +

Courbure d’une mèche – – –

Interpénétration des mèches – +

Tableau II.2 –Influence de mécanismes étudiés par Chen, Lang et Chou [78] sur la compressibilité, pour différentes familles d’architectures textiles.

1.1.3 Compression d’une mèche

Latil[148]a mené une série d’essais de compression à l’échelle d’une mèche seule. La mèche, constituée de fibres modèles en PVDF de 11 mm de longueur et 150 µm de diamètre, est placée dans une micropresse, et compressée en imposant un déplacement. L’organisation spatiale des mèches est suivie via des acquisitions régulières par microtomographie (figure II.4), et permet de mesurer l’évolution des contacts.

Figure II.4 –Compression d’une mèche par une micro presse par Latil et al.[147].

La relation entre la contrainte et le taux volumique de fibres est ajustée par le modèle micromécanique de Toll (équation II.10). Le suivi par tomographie permet d’identifier des micro-mécanismes de déformation lors de la compression. Latil montre ainsi que la contrainte subie par la mèche est largement dominée par l’évolution des contacts entre les fibres. Lorsque la mèche est compressée, la distance moyenne entre les fibres et la surface des contacts diminue, suggérant une concentration des contraintes et la sollicitation des fibres en compression

transverse. Une importante réorganisation des fibres prend également place en cours d’essai, ainsi qu’une forte augmentation de leur courbure locale.

L’aspect des courbes de compression aux échelles d’un tissu ou d’une mèche sont finalement similaires, et révèlent la prépondérance des mêmes mécanismes. Ce comportement, reproduit plus tard par des simulations numériques[189], renforce la pertinence d’une analyse à l’échelle mésoscopique, qui considèrerait les mèches comme un milieu continu déformable. Cette approche est notamment utile pour la conduite de simulations numériques. Elle constitue une piste intéressante pour une remontée d’échelles, afin de faire remonter une information microscopique à une échelle macroscopique.

1.2 c o m p r e s s i o n d e l i n t i s s é

La compression de tissus de lin est un sujet qui a été relativement peu étudié jusqu’ici. Lors de la rédaction de ce manuscrit, seule une étude comparative par Shah, Porter et Vollrath [240]a pu être trouvée dans la littérature, et est présentée enfigure II.5. La compression de tissus de lin donne des courbes reliant σ à Vf d’allures similaires à celles obtenues pour des tissus synthétiques. Nous l’avons vu plus tôt, le lin présente cependant des spécificités dont il faut tenir compte. L’humidité est ainsi responsable d’une variation de la densité des fibres. Puisque le calcul du taux volumique de fibres dépend de leur densité (équation II.1), nous allons chercher à l’estimer.

Figure II.5 –Compression de 3 plis d’une toile de lin, de 450 g/m2 [240]. Les courbes en pointillés représentent des cycles supplémentaires succédant à la compression initiale.

1.2.1 Densité du lin humide

Les mesures de la teneur en humidité des fibres de lin révèlent une absorption d’eau allant jusqu’à 130 % de la masse des fibres sèches, associée à un gonflement de 200 %[21]. Barbulée [21]a mesuré l’évolution de la densité du lin à température ambiante en fonction de sa teneur en eau H, via le gonflement∆g. En excluant l’espace occupé par le lumen, il trouve une masse

volumique vraie de la fibre sèche ρ0=1510 kg/m3, et en déduit son évolution en fonction du taux d’humidité :

ρ =ρ0 1+H

1+∆gH (II.12)

Dans les conditions ambiantes, la teneur en eau avoisine 8 %, et associée à un gonflement mesuré à 151 %, on trouve une masse volumique de 1455 kg/m3.

La teneur en eau du lin en fonction de l’humidité relative de l’air environnant a aussi été étudiée par Rouch[229]. En procédant à un enregistrement isotherme de sorption à 23C, il obtient un comportement similaire à celui observé par d’autres équipes de recherche, sur le lin et d’autres fibres végétales (figure II.6).

Figure II.6 –Isotherme de sorption du lin à 23C[229].

Cette allure a pu être associée à deux modèles d’isothermes d’adsorption, le modèle de Park[202]et l’équation de Guggenheim-Anderson-de Boer (GAB)[30]. Si ces deux modèles ajustent bien les données expérimentales (figure II.7), nous utiliserons plutôt le modèle GAB, dont l’avantage est de nécessiter une constante de moins à identifier par rapport au modèle de Park. L’équation GAB s’écrit :

H=Cm CGKaw

(1−Kaw)(1−Kaw+CGKaw) (II.13)

Figure II.7 –Ajustement des modèles aux données expérimentales pour un isotherme de sorption du lin[229].

où aw est l’activité de l’eau, c’est-à-dire l’humidité relative de l’air. Rouch identifie la valeur des paramètres libres : Cm = 0.0533 est la quantité d’eau adsorbée dans la première

couche, K=0.7633 est une constante associée aux molécules adsorbées sur les multicouches, et CG=19.52 est la constante de Guggenheim, correspondant à la chaleur de sorption totale de la première couche absorbée. En remplaçant l’expression de l’humidité du lin donnée par l’équation II.13dans l’équation II.12, on peut alors retrouver la masse volumique du lin en fonction de l’humidité relative de l’air ambiant, valide en situation d’équilibre hygrique (figure II.8).

0 20 40 60 80 100

HR [%]

1350

1390

1430

1470

1510

1550

ρ

[kg/m

3 ]

Figure II.8 –Densité du lin à l’équilibre en fonction de l’humidité relative de l’air, déduite des équationsII.13etII.12.

On notera toutefois que les coefficients déterminés par Rouch correspondent à un lot de lin particulier. Selon ses conditions de croissance, sa variété ou son degré de rouissage, un lot de lin peut parfaitement donner des valeurs différentes de celles-ci. Le comportement hygrique du lin utilisé dans cette étude est celui étudié par Rouch.

1.2.2 Protocole expérimental

Des essais de compression sont menés sur deux types de tissus fournis par le groupe DEPESTELE, d’architecture sergé 2×2 et d’une contexture de 3.6 fils/cm dans chaque direction (figure II.9). Le premier, dénommé « sergé », comporte des fils de trame et de chaîne équilibrés, de 500 tex chacun. Le second, dénommé « quasi-UD », est fortement déséquilibré avec des fils de chaîne à 500 tex et des fils de trame à 40 tex. Le calcul donne des masses surfaciques de 194.4 g/m2pour le quasi-UD et 360 g/m2pour le sergé si l’on néglige l’embuvage.

On choisit de compresser 8 plis de 10 cm×10 cm pour chaque architecture, afin limiter l’influence du nombre de plis. Nguyen[196] a montré que la compressibilité d’un tissu est beaucoup plus importante pour un multi-plis que pour un mono-pli. La compressibilité croît de plus en plus faiblement avec le nombre de plis, du fait d’une plus grande capacité de réorganisation des mèches (nesting). Cadinot avait conclu que la compressibilité n’évoluait que très peu entre des empilements de 6 et 12 plis de sergé.

Les essais sont conduits sur une machine d’essai universelle de type Instron 5800. Un capteur de force de capacité 100 kN a été utilisé. Des plateaux de compression circulaires de diamètre 17 cm sont montés sur la machine, et le plateau supérieur mobile écrase les tissus posés sur le plateau inférieur. Son déplacement est imposé avec une vitesse de 2 mm/ min, jusqu’à atteindre une force de 75 kN. Chaque essai est réalisé trois fois, corrigé pour tenir compte de la complaisance du montage, et une moyenne de ces essais est présentée.

Figure II.9 –Tissus de lin utilisés pour les études expérimentales. A gauche, le quasi-UD. A droite, le sergé.

1.2.3 Compression dans les conditions ambiantes

Dans un premier temps, les essais sont menés dans les conditions ambiantes (HR ≈50 %). Les tissus de lin ont été stockés dans une pièce non climatisée, et on estime qu’ils sont dans un état d’équilibre hygrique et thermique avec l’air ambiant. L’humidité relative HR relevée lors des essais varie de 50 à 60 %, et la température T de 20 à 22C. Une fois l’essai terminé, on déduit la contrainte σ de la force mesurée par le capteur et de la section de l’empilement de tissus. Le déplacement est traduit en taux volumique de fibres par l’équation II.1. Les comportements du sergé et du quasi-UD sont comparésfigure II.10avec celui d’un tissu de verre compressé dans les mêmes conditions.

10 20 30 40 50 60

Vf [%]

0.0

0.5

1.0

σ

[MP

a]

Quasi-UD Serg´e 2x2 UD verre

Figure II.10 –Courbes de compression du sergé 2×2 et du quasi-UD en lin dans des conditions ambiantes (T=20C, HR=57 %). Un essai sur un quasi-UD de verre HM 8134, réalisé dans les mêmes conditions, est présenté en comparaison.

Si leurs allures sont relativement similaires, on remarque que le sergé présente des taux volumiques de fibres plus élevés que le quasi-UD pour une même contrainte. Cette différence traduit vraisemblablement la disparité du nombre de configurations possibles selon l’architecture. Les mêmes courbes peuvent également être représentées sur des échelles

logarithmiques (figure II.11), afin d’évaluer l’exposant correspondant au modèle de Toll. On trouve des valeurs comprises entre 8 et 13, caractéristiques des réseaux de fibres 1D et des renforts tissés (figure II.3).

20 30 40 50 60 70

Vf [%]

10

4

10

5

10

6

σ

[P

a]

V 8 f V 9 f V

Documents relatifs