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CHAPITRE 8 DISCUSSION GÉNÉRALE

8.2 Senseur Brillouin distribué à haute sensibilité

8.2.1 Potentiel du senseur

Le senseur présenté aux Chapitres 6 et 7, qui correspondent au second et troisième article respectivement, répond au second objectif fixé lors de cette thèse, soit à améliorer la sensibilité d’un senseur Brillouin distribué en utilisant les Stokes d’ordre supérieur pour la première fois. Il a été possible de construire ce senseur à l’aide de composantes commerciales tout en restant abordable. En effet, avec la technique auto-hétérodyne proposée à l’article 2 et réutilisée dans l’article 3, il est possible de n’utiliser que des analyseurs de spectre à basse fréquence, peut-être même des oscilloscopes ou cartes d’acquisitions rapides, pour faire la détection du battement fréquentiel entre la cavité laser circulaire de référence et celle de test.

Bien que cette preuve de concept n’ait permis de démontrer le principe qu’avec six et quatre ordres Stokes dans le cas non distribué et distribué respectivement, on est en droit de croire qu’il serait possible d’augmenter considérablement la sensibilité en générant davantage d’ondes Stokes d’ordres supérieurs. En effet, en se basant sur la littérature, on constate que bien plus d’ordres Stokes ont été générés (jusqu’à plusieurs centaines), il serait ainsi possible, en théorie, d’augmenter la sensibilité par ce facteur. En utilisant des fibres hautement non linéaires au lieu de la SMF-28 par exemple ou encore en modifiant les mécanismes de gain qui interviennent dans le laser (ce qui sera discuté davantage à la sous-section 8.2.1.3) il serait possible de générer davantage de Stokes. Toutefois, comme dans tout détecteur, il y a souvent un compromis à faire entre haute sensibilité et grande résolution. Ce capteur n’en fait pas exception puisque la génération SBS dépend en partie de la longueur du milieu de gain, qui dicte la résolution spatiale du senseur Brillouin. Ainsi plus

on souhaite générer d’ondes Stokes d’ordre supérieur et plus il faudra augmenter la puissance de pompe pour une longueur fixe ou en contrepartie, perdre de la résolution spatiale.

Dans le cas du senseur présenté à l’article 3, la résolution spatiale était d’environ 225 m, ce qui est beaucoup plus que les DTSS traditionnels, qui atteignent aujourd’hui quelques centimètres avec encodage, ou quelques mètres sans encodage. Il s’agit d’un point qui reste à être amélioré. Pour ce faire, l’amélioration de l’extinction provoquée par les AOMs ainsi que la modification du contrôle de gain par un gain Raman au lieu du gain des amplificateurs à l’erbium, sont des pistes de solutions proposées qui sont énumérées au Tableau 8.2 et explicitées aux prochaines sous-sections.

Tableau 8.2 : Liste des problèmes liés au senseur de température Brillouin à haute sensibilité et les solutions qui sont proposées pour améliorer ses performances.

Problème Cause Solution

Modulation avec EOMs inadéquate

La polarisation varie constamment le long de km de fibre donc signal modulant est atténué constamment

Emploi d’AOMs indépendants en polarisation

Résolution spatiale et sensibilité obtenue trop faibles à 225m et 4 Stokes

L’extinction à l’ordre zéro des AOMs n’est que de 10 dB

Prendre les ordres +1 et -1 sur un double AOM → >50 dB Temps de montée/descente

trop lent à 70 ns

Modification des AOMs utilisés. Peut facilement atteindre 10 ns

ASE trop présente dans la cavité et limite le gain des EDFAs dans la cavité.

Remplacer gain EDFA par gain Raman dans la fibre

SBS générée sur toute la fibre et donc perte de

sensibilité

Extinction des AOMs trop faible

Prendre les ordres +1 et -1 sur un double AOM → >50 dB 8.2.1.1 Choix des modulateurs

Il avait été établi auparavant, soit au début de cette thèse, que l’utilisation de modulateurs électro- optiques était souhaitable pour faire la modulation de la cavité du senseur. De nombreux tests ont été entrepris avec deux EOMs au lieu des AOMs présents dans ce qui a été présenté à l’article 3.

Bien qu’en principe, il serait possible, d’utiliser des EOMs, ces derniers, contrairement aux AOMs sont dépendant en polarisation. Puisque la cavité du senseur mesure typiquement quelques kilomètres, il devient très complexe, voire impossible, de maintenir la polarisation le long du circuit optique. Ainsi, la lumière qui arrive au EOMs n’est pas polarisée de façon optimale et une grande partie de la lumière est ainsi perdue, ce qui diminue considérablement l’efficacité d’extinction des EOMs. La polarisation peut être contrôlée et optimisée, mais ce contrôle doit être actif, car toute perturbation de température peut changer la polarisation dans le parcours, ce qui est attendu d’un senseur thermique. Des solutions comportant plusieurs EOMs ont été envisagées afin d’éliminer l’effet de la polarisation sur ces derniers, mais sans grand succès et rendant le senseur encore plus compliqué en termes d’électronique de contrôle, c’est donc à ce moment-là que le choix d’utiliser des AOMs s’est imposé.

8.2.1.2 Optimisation des modulateurs

Les AOMs ont prouvés leur utilité comme en témoigne l’article 3 contenu dans cette thèse. Il y a tout de même place à amélioration. Pour générer localement un peigne de fréquence SBS, il faut que l’extinction des AOMs soit la plus grande possible afin de s’assurer que la cSBS ne se génère uniquement qu’à la position de chevauchement des deux AOMs. Cependant, il fallait utiliser la sortie à l’ordre 0 des AOMs dont l’extinction est de 10 dB, puisqu’à l’ordre 1, il y a un décalage de fréquence de 55MHz (imposé par la fréquence formant l’onde stationnaire dans le cristal du modulateur) qui se serait perpétuée à chaque fois que la lumière aurait complété un passage complet de la cavité, ce qui aurait empêché la génération cSBS. Ce faible taux d’extinction a ainsi fortement limité la puissance de pompe jusqu’au seuil de génération cSBS dans toute la fibre, ce qui a grandement contraint le nombre d’ondes Stokes qu’il était possible de générer. Or, plus on souhaite obtenir une résolution spatiale petite, plus la période d’ouverture des modulateurs doit être petite. Pour générer plus d’ondes Stokes, on doit augmenter la puissance de pompe et le gain dans la cavité. C’est alors que l’extinction des AOMs devient insuffisante et la génération cSBS se produit sur toute la fibre plutôt qu’uniquement sur la région souhaitée. De plus, bien qu’il ait été impossible de générer un spectre dans quelques dizaines de nanosecondes, le temps de montée et de descente des modulateurs, soit dans le cas du montage expérimental de 140 ns, limitait le minimum de temps d’ouverture et donc de résolution spatiale qu’il était possible d’obtenir.

Ces problèmes peuvent facilement être compensés dans un montage futur. En effet, il serait envisageable d’utiliser deux AOMs dans chaque branche et de passer par l’ordre +1 et -1 des deux AOMs pour ainsi avoir un décalage en fréquence nul, mais avec un ratio d’extinction extrêmement élevé (> 50 dB). Ce genre d’AOMs existe de façon commerciale. De plus, les modulateurs que nous avions en notre possession avaient un temps de montée/descente très lent, toutefois, de nombreux AOMs possèdent des temps de monté/descente de l’ordre de 10 ns améliorant considérablement la résolution spatiale théorique qu’il serait possible d’obtenir. À 10 ns, on entre dans la durée du temps de vie des phonons acoustiques d’une fibre optique standard et la SBS elle- même devient difficile à générer, car l’interaction avec les phonons devient moins efficace. 8.2.1.3 Utilisation du gain Raman

Un autre facteur limitant insoupçonné au départ fut l’influence dévastatrice de l’ASE dans la cavité. Plus le temps d’ouverture des AOMs est petit et plus ça devient compliqué de générer des ondes Stokes ayant un SNR assez élevé pour être discrétisé du bruit. En effet, le niveau d’ASE monte significativement du fait que les EDFAs dans la cavité doivent être poussés à de plus grandes puissances de pompe et donc générer plus d’ASE qui recircule dans la cavité et est ensuite réamplifié. Même l’utilisation d’un filtre optique passe-bande d’environ 1 nm à 3 dB n’a pas suffi pour limiter l’influence de l’ASE. Le signal de battement entre la cavité de référence et de test devient également extrêmement difficile à mesurer plus l’ASE s’intensifie.

Une alternative intéressante serait d’utiliser du gain Raman plutôt que des amplificateurs à l’erbium. Cela viendrait considérablement réduire le niveau de bruit comparativement aux EDFAs. En effet, la figure de bruit d’un amplificateur Raman commercial comparativement à un EDFA commercial, pour un gain similaire est inférieure de plus de 3 dB. Malheureusement, dans le cadre de cette thèse, cette avenue n’a pas pu être explorée, car nous ne possédions pas de diode laser de pompe autour de 1450 nm permettant de générer le peigne cSBS dans la région de fonctionnement des AOMs et des appareils de détection (soit la bande C). Il serait intéressant d'étudier cette avenue dans un projet futur.

Ceci complète la partie sur le senseur de température distribué à haute sensibilité. Puisque l’effet Brillouin est dépendant également des contraintes appliquées sur la fibre, une analyse de la variation des contraintes en fonction de l’ordre Stokes a été menée dans le cadre de ces études, sans avoir toutefois été publié dans un journal. De plus, un survol des méthodes employées pour

permettre au senseur Brillouin de détecter les deux modalités simultanément est effectué. Enfin, un sommaire en conclusion de chapitre revient sur les différentes techniques de détection distribuées existantes, soit les senseurs Brillouin de température et de contrainte distribués ainsi que les senseurs utilisant des réseaux de Bragg, la diffusion Rayleigh et la diffusion Raman, sont comparées entre elles.