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Potentiel d’accroissement des terres cultivées

Les projections actuelles estiment que 120 millions d’hectares supplémentaires – une surface égale à deux fois celle de la France ou à un tiers de celle de l’Inde – seront nécessaires pour assurer la croissance normale de la production alimentaire d’ici à 2030, principalement dans les pays en développement (FAO, 2003a). Les projections pour l’Afrique subsaharienne (qui négligent les pertes subies par les écosystèmes et le recul des rendements), prévoient une augmentation des surfaces irriguées de 56 % et des terres en culture pluviale de 40 % pour satisfaire les besoins en produits agricoles. (FAO, 2006b). Les contraintes socioéconomiques et environnementales rendent délicates de telles augmentations sur de vastes étendues en Afrique subsaharienne., l’impact de ces augmentations sur les terres cultivées consacrées à la production alimentaire pourrait être plus important en raison des changements dans le rapport entre cultures alimentaires et cultures non alimentaires.

Source : FAO (2006b).

La question qui se pose pour les années à venir est celle de l’utilisation de ces réserves : serviront-elles à augmenter les exportations au détriment de la sécurité alimentaire ? Quelles dispositions seront prises pour garantir aux agriculteurs un revenu leur permettant de vivre ? Quelles mesures seront prises et effectivement appliquées pour assurer une gestion durable des terres et pour limiter la déforestation ?

Faible progression de la productivité

Pour satisfaire la demande en produits de cultures en Afrique subsaharienne, la FAO table en partie sur une augmentation des rendements (Bruinsma, 2009, tableau 16, p. 67). Or, selon les projections de Schmidhuber et al.(2009), la production brute par travailleur en Afrique subsaharienne ne devrait augmenter que de 50 % au cours des quatre prochaines décennies.

2005 2030 2050

Coefficient multiplicateur

2050/2005

Pays en développement 882 1 319 1 844 2,09

Afrique subsaharienne 475 587 700 1,47

Proche-Orient et Afrique du

Nord 1 827 3 157 4 888 2,68

Amérique latine et Caraïbes 4 993 10 405 18 173 3 ,64

Asie du Sud 575 836 1 230 2,14

Asie de l’Est 845 1 398 2 221 2,63

Tableau Valeur brute de la production par travailleur agricole (en parité de pouvoir d’achat 2004/2006 en USD)

21

Source : Schmidhuber et al.(2009, p. 12).

2005 2030 2050 2050/2005

Pays en développement 4,28 5,72 7,68 1,79

Afrique subsaharienne 2,78 2,62 2,77 1,00

Amérique latine et Caraïbes 25,24 45,7 77,77 3,08

Proche-Orient et Afrique du

Nord 11,61 17,33 25,41 2,19

Asie du Sud 3,88 4,59 6,10 1,57

Asie de l’Est 3,06 4,87 7,67 2,51

Tableau 22 Stock de capital par travailleur (1 000 USD par personne, 2009)

Source : Schmidhuber et al.(2009, p. 14).

Cette progression limitée s’explique par la faiblesse du capital et des surfaces cultivées par travailleur à l’horizon 2050.

Schmidhuber et al.(2009) procèdent à une évaluation sur le long terme des besoins de l’agriculture en capital[5]dans les pays en développement, pour que les projections à l’horizon 2050 de la FAO portant sur la production agricole soient atteintes (tableau 15). Pour eux, il faudrait investir 940 milliards USD en Afrique subsaharienne entre 2007 et 2050, ce qui ne représente que 10 % des investissements dans l’ensemble des pays en développement et reflète la place importante que gardera la main-d’œuvre dans la production agricole. Les auteurs ne donnent pas d’indication sur l’origine de ces investissements, qui pourraient donc être publics ou privés, nationaux ou étrangers. Ils estiment toutefois que le financement devrait être majoritairement privé puisque l’on peut supposer, considèrent-ils, que les investissements publics seront orientés en priorité vers la production de biens publics (lutte contre la faim et la pauvreté, protection de l’environnement et cohésion sociale ...).

Des investissements importants sont indispensables pour lutter contre la faim. Le NEPAD (2003), qui a procédé à une analyse prospective approfondie des besoins à l’échelle régionale (Afrique subsaharienne et Afrique du Nord), estime que 251 milliards USD seraient nécessaires entre 2002-2015 pour rattraper les retards pris au cours des dernières décennies et répondre aux nouveaux défis.

La Banque mondiale (2011, pp. 89 sqq.) insiste sur l’importance que pourrait avoir une progression des rendements dans l’accroissement de la production ; elle présente une typologie des pays selon la quantité de terres disponibles et les possibilités d’accroître les rendements pour les cinq produits étudiés. Plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, comme le Mozambique, la RDC, le Soudan, la Tanzanie et la Zambie, ont à la fois d’importantes surfaces disponibles et de très faibles rendements. Pour accroître ces derniers, la Banque mondiale juge qu’il faudrait augmenter la dimension des exploitations, favoriser la mécanisation, introduire de nouvelles cultures et de nouveaux systèmes de production agricole, réaliser des investissements pour la transformation des produits ou encore développer l’exportation, ce qui nécessiterait vraisemblablement l’intervention d’investisseurs étrangers et serait possible sur des terres peu peuplées.

La hausse des rendements supposerait donc des changements non seulement techniques et économiques mais aussi sociaux, politiques et culturels dont il faudrait pouvoir mesurer l’ampleur. La Banque mondiale (ibid., p. 91) souligne que « pour maximiser les bénéfices et s’assurer qu’ils sont largement partagés, les montages

[5]Les auteurs prennent en considération le capital nécessaire pour la production des cultures, l’élevage et les services en aval (pp. 5 et 6).

institutionnels doivent inclure la reconnaissance et le respect des droits existant sur la terre ».

Accroissement de la pression sur les terres cultivables, faibles revenus dans l’agriculture

Si l’on pose l’hypothèse que l’ensemble des terres considérées comme disponibles seraient mises en culture (FAO, 2003b), la superficie des terres par habitant serait partout en recul en 2025. Les capacités du secteur agricole à assurer une hausse des revenus et à réduire la pauvreté semblent bien limitées.

Schmidhuber et al.(2009, pp. 12-13) observent que « ... même le quasi-triplement de la production agricole en Afrique subsaharienne (entre 2005 et 2050) ne permettra pas une augmentation significative du revenu des personnes qui travailleront dans le secteur agricole. Quand on combine les prévisions relatives à la production agricole et celles de la disponibilité en capital et en terres par agriculteur, on peut en conclure que trop de personnes resteront dépendantes d’une petite agriculture à forte intensité de main-d’œuvre et à faible intensité de capital. Dans ce contexte, le potentiel du secteur agricole à réduire la pauvreté restera limité pour la simple raison que trop de paysans auront trop peu de ressources à partager ». Soulignons également qu’en Afrique subsaharienne, le nombre de travailleurs dans l’agriculture devrait très fortement augmenter de 2005 à 2050 puisqu’il serait multiplié par 1,83 alors qu’il diminuerait dans l’ensemble des pays en développement. Cette

2005 2030 2050 2050/2005

Pays en développement 1 330 1 353 1 197 0,90

Afrique subsaharienne 206 310 376 1,83

Amérique latine et Caraïbes 42 33 24 0,58

Proche-Orient et Afrique du

Nord 52 49 41 0,79

Asie du Sud 376 426 373 0,99

Asie de l’Est 655 535 382 0,58

Tableau 23 Force de travail dans l’agriculture selon la région (en millions)

Source : Schmidhuber et al.(2009, p. 13).

augmentation pourrait bien être remise en cause par les impacts des évolutions examinées antérieurement, qui vont dans le sens de la concentration des terres.

Fiche 12 Modernisation de l’agriculture et/ou maintien de la petite propriété