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2. CADRE THÉORIQUE

2.2 L’évaluation des apprentissages en classe d’histoire

2.2.1 Les postures épistémologiques

Dans la posture critérialiste/constructiviste, le savoir est construit par le sujet sur la base de l’information provenant de plusieurs sources et dépend de l’évaluation de l’information et des sources (King et Kitchener, 2002; Kuhn et Weinstock, 2002; Lee et Shemilt, 2003; Maggioni et coll., 2009). L’interprétation proposée en réponse à une interrogation de départ peut être justifiée (ou réfutée) par le recours aux règles d’investigation de la méthode critique propre à l’histoire et à ses différentes euristiques, à la corroboration des différentes perspectives et à l’intégration raisonnée des points de vue des experts (King et Kitchener, 2002; Kuhn et Weinstock, 2002; Maggioni et coll., 2009). Le poids donné aux différentes sources dans l’interprétation dépend du questionnement et la périodisation devient importante pour contextualiser les sources et le message qu’elles contiennent (King et Kitchener, 2002; Lee et Shemilt, 2003). L’interprétation donnée est considérée comme étant constituée des conclusions les plus complètes, les plus plausibles et les plus convaincantes à la suite de la démarche d’investigation, de la réflexion métacognitive et de la prise en compte des erreurs potentielles. Toutefois, le savoir issu d’une interprétation peut être constamment réévalué selon de nouvelles preuves, de nouvelles perspectives ou de nouveaux outils (King et Kitchener, 2002; Kuhn et Weinstock, 2002; Maggioni et coll., 2009).

28 La posture relativiste repose en partie sur la prémisse que le savoir historique n’est sûr que s’il provient d’un témoin visuel et en partie sur celle que les récits s’opposent parce qu’ils dépendent de la subjectivité de leur auteur (King et Kitchener, 2002; Kuhn et Weinstock, 2002). Bien qu’il soit toujours possédé par une autorité externe, le savoir peut être remis en question si l’auteur n’est pas un témoin visuel ou si on le soupçonne de biais ou de mensonges (King et Kitchener, 2002; Kuhn et Weinstock, 2002; Lee et Shemilt, 2003; Maggioni et coll., 2009). Le savoir est donc constitué de la combinaison des faits considérés comme vrais retrouvés dans plusieurs sources. La justification du savoir nécessite le recours aux faits et aux explications, mais seuls les faits et explications correspondant aux croyances de départ de celui qui les analyse sont considérés comme vrais et, sinon, les différentes sources sont considérées comme étant irréconciliables (King et Kitchener, 2002; Kuhn et Weinstock, 2002; Lee et Shemilt, 2002). La posture réaliste/de reproduction présente un savoir fixé, dont la certitude est absolue et qui entraine une recherche de « la » bonne réponse (King et Kitchener, 2002; Kuhn et Weinstock, 2002; Lee et Shemilt, 2003). Les sources, les textes des manuels et le savoir des experts donnent un accès direct au passé. Le savoir est possédé par une autorité externe, qui s’incarne dans le discours d’un enseignant, d’un historien, d’un texte de manuel ou d’une source. Cette autorité externe détient la vérité (King et Kitchener, 2002; Kuhn et Weinstock, 2002; Maggioni et coll., 2009). L’information qui provient de l’autorité est considérée exacte d’office et, donc, ne nécessite pas de justification. Des faits à accumuler et des concepts à lier entre eux constituent le savoir à mémoriser (Maggioni et coll., 2009). Collingwood (1946/1993) affirme également que cette posture est le passage obligé de tout historien novice. Collingwood (1946/1993) montre que l’historien novice, au contact avec les sources, passe graduellement de cette posture, selon laquelle il considère que tous les documents peuvent être sélectionnés comme autorités qui détiennent la vérité sur le passé, à une autre posture; selon cette deuxième posture, qui correspond davantage à la posture critérialiste/constructiviste, les documents peuvent être sélectionnés comme des sources qu’il faut interpréter pour en faire ressortir la vérité historique des intentions de leurs auteurs.

Le tableau 2 présente une synthèse du modèle du jugement réflexif (reflective judgement model) (RJU) de King et Kitchener (2002), des niveaux de compréhension épistémologique (levels of epistemological understanding) (LEU) de Kuhn et Weinstock (2002) et des niveaux des idées à

29 propos des preuves en histoire de Lee et Shemilt (2003), qui sont utilisés par Maggioni, VanSledright et Alexander (2009) pour créer leur modèle théorique des postures épistémologiques en histoire en les divisant selon les quatre dimensions des croyances épistémologiques proposées par Hofer et Pintrich (1997) et reprises par Therriault (2008).

Tableau 1 : Le détail des postures épistémologiques en histoire selon le modèle des croyances épistémologiques de Hofer et Pintrich (1997)

Postures épistémologiques (Maggioni et coll., 2009;

voir aussi King et Kitchener, 2002, p. 41-42; Kuhn et Weinstock, 2002, p. 129; Lee et Shemilt,

2003, p. 21)

Croyances épistémologiques (Hofer et Pintrich, 1997; Therriault, 2008, p. 88-89-219) 1. Nature du savoir 2. Nature du processus qui permet de savoir 1.1 Certitude du

savoir 1.2 Simplicité du savoir 2.1 Source du savoir 2.2 Justification du savoir

Réaliste/de reproduction (copier stance)

La certitude du savoir est absolue. Le savoir est fixe. On recherche « la » bonne réponse. Les sources et les textes des manuels sont un accès direct au passé. Le savoir est constitué de faits à accumuler et de concepts à interrelier. Le savoir est mémorisé.

Le savoir est extérieur au sujet.

Le savoir est possédé par une autorité qui détient la vérité (enseignant, historien, sources, manuels) Recours à l’observation. Recours à l’opinion personnelle. Recours à l’autorité sans remise en question. Recours à ce qui semble vrai – aucun besoin de justification Relativiste (borrower stance) La certitude du savoir est incertaine. Le savoir est sûr si le témoin a vu ce dont il témoigne. Le savoir est constitué de la combinaison de faits considérés vrais retrouvés dans plusieurs sources.

Le savoir est possédé par une autorité, mais elle peut être remise en question, car la subjectivité de l’auteur prime (possibilité de biais ou de mensonges)

Les perspectives et les points de vue sont entièrement subjectifs. Des récits différents sont irréconciliables puisqu’on ne peut pas juger lequel est supérieur à l’autre. Recours aux faits et aux explications qui correspondent avec les croyances personnelles du sujet. Critérialiste/constructiviste (criterialist stance) Le savoir est en développement constant. Le savoir dépend de l’évaluation qu’on en fait. Le savoir est constamment réévalué selon de nouvelles preuves, perspectives ou outils.

Le savoir est relatif et dépend des contingences du contexte.

Le poids accordé à une source dépend de la question posée.

Le sujet construit le sens du savoir en interaction avec d’autres sur la base de l’information provenant de plusieurs sources. Le savoir est construit et provient

d’interprétations basées sur l’évaluation des sources.

Recours aux règles d’investigation de la méthode critique propre à l’histoire. Recours à la corroboration de différentes preuves et perspectives. Intégration des points de vue des experts selon l’évaluation.

30 Ces modèles ont été validés empiriquement. Par contre, une première limite soulevée par Maggioni et ses collaborateurs (2009) est que, même validés, ces modèles ne permettent de saisir que partiellement la variété des croyances épistémologiques. Néanmoins, ce qui justifie l’utilisation des postures de Maggioni, VanSledright et Alexander (2009) est qu’elles sont spécifiques à la discipline historique et que leur validation auprès d’historiens confirme que la posture critérialiste/constructiviste est associée à la pratique de l’histoire, alors que cette dernière est éloignée des deux autres postures.

Une deuxième limite est que la recherche est insuffisante pour affirmer que ces modèles peuvent vraiment être compris sous la forme de perspectives développementales. Certes, Kuhn et Weinstock (2002), tout comme Lee et Shemilt (2003), présentent leurs modèles respectifs sous la forme d’une progression, mais King et Kitchener (2002) s’interrogent à savoir si leur modèle forme une séquence développementale et peu de recherches longitudinales étudient ces modèles de progression, lesquels sont en outre normatifs, sans être universels – ils ne contiennent que les caractéristiques principales de la progression sans pouvoir s’appliquer à tous les cheminements (Lee et Shemilt, 2003; Maggioni et coll., 2009). Toutefois, dans le cadre de ce mémoire, ce sont d’abord les croyances particulières à chaque posture qui sont intéressantes, plutôt que leur aspect développemental.