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4. PROBLÉMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE

5.1. Posture épistémologique

Pour cette recherche, le choix épistémologique s’est porté sur l’approche compréhensive, qui s’oppose à la démarche explicative (Charmillot & Seferdjeli, 2002). Se fonder sur une démarche compréhensive signifie que le terrain n’est aucunement une instance de vérification d’une problématique préétablie mais bien au contraire le point de départ de la problématique. Dans une telle démarche, les hypothèses de recherche ne sont aucunement déterminées a priori mais bel et bien construites progressivement à travers « le va-et-vient entre la théorie et le terrain » (Charmillot & Dayer, 2007, p.134).

Cette posture compréhensive envisage l’individu comme un acteur, capable de produire et d’attribuer du sens à ses actions (Schurmans, 2006), et « […] s’appuie sur la conviction que les hommes ne sont pas de simples agents porteurs de structure mais des producteurs actifs du social, donc des dépositaires d’un savoir important qu’il s’agit de saisir de l’intérieur, par le biais du système de valeur des individus. » (Kaufmann, 2004, p.23).

Plus précisément, il s’agit de considérer au départ que, si les déterminismes existent, biologiques, environnementaux, historiques, culturels, sociaux, ils ne suffisent pas à la saisie des phénomènes humains sociaux. Car ils ne permettent pas d’aborder le travail constant de production de sens qui caractérise l’humain. L’approche compréhensive se focalisera sur le sens : d’une part les sujets humains réagissent par rapport aux déterminismes qui pèsent sur eux ; d’autre part, ils sont les propres créateurs de ces déterminismes. (Schurmans, 2000, cité par Charmillot & Seferdjeli, 2002, p.188).

Le chercheur à travers son intérêt pour « l’expérience de l’autre » (Charmillot & Dayer, 2007, p.130), se concentre sur les significations qui émanent du discours des acteurs eux-mêmes quant à leur conduite individuelle et collective. Dans ce sens, la posture compréhensive adoptée dans cette recherche, va nous amener à analyser la construction de l’identité des

dans le monde et qui, produisant des faits sociaux, contribue[nt] à la reproduction des déterminismes » (Charmillot & Seferdjeli, 2002, p.188), et par conséquent en tant que produit et producteur du social.

Cette recherche se situe de même dans une perspective exploratoire, à travers la compréhension et l’interprétation d’un fait social : le décrochage scolaire, au travers des représentations des acteurs concernés, l’intention n’étant nullement de généraliser les résultats obtenus, mais de rendre compte de certains processus sociaux à travers l’étude de cas singuliers. D’ailleurs, notre échantillon ne constitue aucunement un échantillon représentatif, tant notre contexte d’investigation, que sont les MATAS-II, est limité et spécifique au canton de Vaud11.

5.2. Les acteurs MATAS interviewés

Les données recueillies dans cette présente recherche sont issues de 8 entretiens semi-directifs menés au sein de trois MATAS-II : trois équipes MATAS composées d’un éducateur et d’un enseignant chacune ce qui représente six professionnels (3 éducateurs et 3 enseignants) ainsi que deux jeunes (Maeva et David12).

Etant donné que cette étude implique des entretiens, qui plus est certains avec des mineurs, il a été nécessaire de rédiger un projet de recherche, puis d’obtenir la validation de la commission d’éthique de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education de l’Université de Genève. A la suite de cela, le processus de recrutement s’est fait sur une base volontaire, tant du côté des professionnels, que du côté des jeunes, tous ayant été informés que leur participation se fondait sur leur consentement éclairé, matérialisé par la signature d’un formulaire de consentement. Il leur a de même été précisé qu’un désistement était possible en tout temps.

Une particularité a eu lieu, dans l’un des MATAS-II, lors de la réalisation des entretiens. Bien que l’idée ait été d’effectuer des entretiens individuels auprès de chaque professionnel, l’éducateur tout comme l’enseignant de ce MATAS ont souhaité effectuer leurs entretiens respectifs en présence de l’autre.

En règle générale, les recherches, qui prennent appui sur des entretiens de type compréhensif, énoncent dans un tableau récapitulatif, certaines caractéristiques sociodémographiques propres aux participants (le sexe, l’âge, etc.) et déposent dans les annexes les retranscriptions originales des entretiens. Toutefois, afin de préserver l’anonymat des participants à cette étude, aucune indication permettant de reconnaître les MATAS-II ne seront dévoilées et aucun lieu géographique, ni nom d’établissement ne seront mentionnés dans cette recherche. En raison du nombre limité de MATAS-II, sur une surface géographique réduite (canton de Vaud), le risque d’identification est accru, c’est pourquoi la décision a été prise de restreindre l’accès aux retranscriptions originales. Dans une même visée, les fragments de retranscription rattachés aux professionnels, qui jalonneront l’analyse, ne seront jamais reliés à un genre, les seules informations transmises correspondront à leurs fonctions respectives : (édu1, édu2, édu3) et (ens1, ens2, ens3).

Aussi, le numéro attribué à chaque éducateur coïncide avec le numéro de son collègue enseignant, afin de repérer les trois binômes interrogés (édu1-ens1 ; édu2-ens2 ;

11 21 structures (MATAS-I et MATAS-II réunis) réparties dans huit régions scolaires (Martin &

Martinelli, 2019)

12 Tous les prénoms utilisés sont fictifs afin de protéger l’anonymat des témoins

ens3). De manière générale les fragments de retranscription comportant des informations inaudibles ou confidentielles seront codées comme suit : (xxx).

Pour mieux comprendre ma décision de déroger à ces règles procédurales (tableau récapitulatif, retranscriptions en annexe), revenons sur certaines données numériques. Les MATAS qui sont des structures développées uniquement dans le canton de Vaud, sont au nombre de 21 en 2019. Structurellement, il existe deux catégories de MATAS, réparties comme suit : 9 MATAS-I et 12 MATAS-II (Martin & Martinelli, 2019).

A travers cette recherche qui cible exclusivement les MATAS-II, nous avons interrogé trois équipes MATAS, c’est-à-dire le quart des MATAS-II sur le territoire vaudois. Or, chaque structure a ses spécificités : certaines activités que d’autres n’offrent pas, une organisation interne qui lui est propre, un enseignant spécialisé ou ordinaire, etc. En donnant des informations sociodémographiques et en mettant en annexe les retranscriptions, il est aisé de faire des recoupements, d’autant plus que certaines parties d’analyse sont construites sous forme de dialogues entre les membres d’équipe. En effet, les sous-chapitres « 4.4.1.

les professionnels MATAS, entre agentité et actorialité » et « 4.5.1. une autonomie organisationnelle, ou la mise en œuvre d’un processus transactionnel » sont formés de trois sous-parties, afin d’analyser le processus transactionnel mis en œuvre au sein de chacune des équipes interviewées, ce qui explique les nomenclatures utilisées : A, MATAS-B, MATAS-C.

Toutefois, sans insérer de tableau récapitulatif, il m’est possible de mettre en lumière certains points communs, qui sont en majorité partagés par les six professionnels qui ont participé à cette étude. Tout d’abord, en termes de représentativité de genre, nous avons quatre hommes pour deux femmes, l’échantillon comprenant les deux genre (homme-femme) dans les deux champs professionnels (éducatif-pédagogique). Ensuite, au moins un professionnel de chaque équipe est arrivé récemment au sein de son MATAS, ce qui implique dans une perspective transactionnelle la remise en jeu et la renégociation du compromis de coexistence. Finalement, chaque professionnel a au moins eu une expérience professionnelle avant d’arriver au sein de son MATAS, la majorité ayant de nombreuses années d’expérience à leur actif. Pour les enseignants interrogés, il est intéressant de constater que chacun d’eux à un parcours professionnel hétéroclite, comprenant toutefois de nombreuses années dans l’enseignement. Notre échantillon contraste avec les données recueillies dans le rapport de Martin et Martinelli (2019) qui constate que dans les MATAS l’expérience professionnelle, surtout dans le cas des enseignants, n’est pas un prérequis à l’engagement. Ce rapport rend attentif aux risques liés à l’engagement de jeunes enseignants avec peu d’expérience, cela pouvant s’avérer problématique en matière d’ancrage dans leur champ professionnel. Il est, par conséquent, important de garder en tête que notre échantillon, à la lumière des informations précédemment citées, n’est pas représentatif de l’entièreté des MATAS.

Concernant le processus de recrutement des jeunes, les directions MATAS ont exprimé le souhait d’effectuer eux-mêmes la démarche de recrutement, que ce soit en termes de présentation de la recherche, de recrutement ou encore de prise de contact avec les familles, pour la signature au préalable d’un consentement par les responsables légaux des mineurs. En ce qui concerne les entretiens d’élèves, il est à noter que l’objectif premier était d’effectuer trois entretiens : un entretien au sein de chaque MATAS. Cependant, cette

Pour les deux élèves ayant acceptés de participer à l’étude, des pseudonymes seront employés afin de distinguer leurs propos et de préserver leur anonymat (Maeva et David).

Un tableau récapitulatif comprenant leurs caractéristiques sociodémographiques et ainsi que leur parcours migratoire est présenté ci-dessous, ces données ayant un intérêt pour notre recherche :

Maeva

Age 14 ans

Parents Mère d’origine portugaise-espagnole – employée à la Poste Père d’origine franco-algérienne

Fratrie - Une sœur de 13 ans (avec qui elle vit) - Du côté paternel, 4 grands frères et 2 petits frères

Cadre familial

Vit actuellement avec sa mère, son beau-père, sa sœur et son oncle Son père vit quant à lui en France

4. Déménagement dans un autre lieu en Suisse 5. Déménagement en France, chez son père 6. Déménagement en Suisse, retour chez sa mère

Divorce – séparation

Ses parents sont séparés depuis sa petite enfance.

Son père vivant en France, elle est géographiquement éloignée de lui depuis de nombreuses années.

Changement de cadre familial

Arrivée en Suisse, sans son père, à l’âge de 11 ans. Elle est envoyée en France, chez son père pour effectuer sa 4ème (équivalent à la 10ème Harmos), à la suite de la

David

Age 12 ans

Parents Mère d’origine portugaise – employée dans un restaurant Père absent (jamais cité durant l’entretien)

Fratrie 2 grandes sœurs qui vivent au Portugal

Cadre

Passage du système scolaire Portugais (enfantine), au système scolaire Suisse à l’âge de 6 ans (équivaut à la 3ème année Harmos)