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III. F AIRE VIVRE LE PLURILINGUISME ET LA PLURICULTURALITÉ

1. Postulats fondamentaux

a. Lignes directrices

Dans la perspective décrite, un travail sur la conscientisation de ses atouts plurilingues et pluriculturels par la population scolaire se révèle porteur à plusieurs égards. D’abord, on s’attachera à la construction d’une identité plurielle chez l’élève futur-citoyen. Ensuite, au renforcement du lien social dans l’institution scolaire. Il s’agira de reconnaitre et de valoriser le répertoire de la population au travers d’un dispositif de l’inclusion et de la réunification. Inclusion, dans l’école, des langues et des cultures déjà là et qui sont pourtant interdites et minorées. Réunification dans la conciliation et la mise en perspective de ces langues (et cultures) avec la langue de scolarisation et les langues étrangères proposées à l’enseignement. Dispositif d’ouverture également avec l’inclusion d’autres langues non connues ou peu connues.

Nous prendrons en compte le concept de biographie langagière « …comme processus d‟actualisation de faits, d‟événements, de connaissances, de sentiments mis en mémoire ; de retour en arrière pour comprendre son présent langagier ; de construction de soi autour de la

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thématique des langues. » (Perregaux, 2002). Les langues jouent un rôle dans la conscientisation du savoir sur soi. On les inscrira en ce sens dans le parcours biographique de l’élève en permettant « une réunification75 » (Christine Deprez, 1996) du sujet et une expression de ses ressentiments. Il s’agit de dimensions essentielles dans la construction identitaire pour un élève plurilingue.

Le dispositif essaiera également d’initier à une posture réflexive à propos des langues et des cultures pour permettre de développer les compétences plurilingues et pluriculturelles que nous avons tenté de cerner.

b. L’Eveil aux Langues

Pour réaliser ces idées directrices, nous nous serviront des démarches d’éveil aux langues. L’éveil aux langues et au langage est une approche didactique qui part du principe de l’atout plurilingue. L’éveil aux langues et au langage trouve son origine dans l’approche de Hawkins (1984), sous l’intitulé Language awareness. Par la suite, elle se développe en Europe, et plus particulièrement en Suisse et en France, mais aussi dans le cadre des travaux du Conseil de l’Europe qui ont conduit plusieurs de ses pays membres à l’intégrer au sein de leurs curriculums scolaires. Elle fait, depuis 1997, l’objet d’opérations de grande ampleur telles que le programme Evlang (1997-2000) et le programme Janua linguarum (2000-2004), amplement décrites, notamment par Candelier. L’hypothèse de départ est que les langues des élèves sont une ressource pour l’enseignement/apprentissage des langues étrangères, secondes ou de scolarisation. Ainsi, un modèle tel que l’éveil aux langues constitue un moyen de modéliser, d’organiser, de didactiser l’utilisation des langues. Il s’agit d’une démarche qui porte simultanément sur plusieurs langues : les langues des élèves, les langues de la région concernée, les langues de l’école et éventuellement d’autres langues.

Candelier énumère les buts de l’Eveil aux Langues :

 Le développement d’attitudes positives à l’égard des langues : 1) ouverture à la diversité linguistique et culturelle ;

2) motivation pour l’apprentissage des langues ;

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Cité depuis : SIMON Diana-Lee, « Faire vivre et développer le plurilinguisme à l’école : les biographies langagières au cœur de la construction d’identités plurielles et du lien », Klincksieck - revue de didactologie des langues-cultures

et de lexiculturologie, n° 151, 2008.

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 Le développement d’aptitudes métalinguistiques/métacommunicatives (capacités

d’observation et raisonnement) et cognitives facilitant l’accès à la maîtrise des langues, y compris à celle(s) de l’école, maternelle(s) ou non ;

 Le développement d’une culture langagière (savoirs relatifs aux langues) : 1) qui sous-tend ou soutient certaines composantes des attitudes et aptitudes ci-dessus ;

2) constitue un ensemble de références aidant à la compréhension du monde multilingue et multiculturel dans lequel l’élève est amené à vivre.

Ces objectifs très généraux sont transcrits sous la forme de compétences (savoirs, attitudes, aptitudes) et Candelier (2006) en propose une adaptation en terrain guyanais.

Les attitudes sont décrites dans le dictionnaire de Crystal (1985) : « Les attitudes linguistiques sont les sentiments que les gens ont sur leur propre langue et sur les langues des autres ». Nous avons déjà vu, que les attitudes des élèves mahorais étaient plutôt favorables à l’apprentissage de nouvelles langues/cultures (figure24 page 127). Il s’agira donc de s’appuyer sur cette prédisposition pour la développer et la valoriser. La motivation et la faculté de réception d’une nouvelle langue/culture dépend de cette attitude vis-à-vis de la langue.

La notion d’ « aptitude » quant à elle couvre le champ de la disposition à l’analyse linguistique, la faculté à prendre du recul pour analyser scientifiquement une langue ou le discours linguistique sur une langue. Par ailleurs, il ne s’agit pas de cloisonner les langues pour développer des compétences langagières et linguistiques juxtaposées (des aptitudes différentes dans des langues différentes) mais de développer cette aptitude sur une pluralité de langues (une même aptitude dans différentes langues). En d’autres termes, il ne s’agit pas de donner la priorité au discours linguistique sur une langue donnée, quoique ce soit envisageable dans une certaine mesure, mais il s’agit de privilégié la construction d’un savoir-faire métalinguistique et métacommunicatif. Bien évidemment, toutes les langues trouvent aisément leur place dans un tel type de dispositif où la pluralité et la différence seront valorisées.

Ainsi, nous espérons que se développera « une culture langagière » qui articulera attitudes et aptitudes en rapport aux langues et constituera une sorte de valise-outils, de références, pour l’accueil et la posture à adopter devant une nouvelle langue.

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