tempéra-;1) Nonpotest solis in humoribus ullomodo temperamentorum principium poni,
Physiol.,
tom.I[
lib. IV.
ments s'explique parfaitement bien dans ce sens (1) ». Le livre
de Thomas de (Troisvèvre), sur la division naturelle des tempé¬
raments tirée de la fonctionomie, n'est que le reflet de cette doctrine; toutes les variétés individuelles seraient sous la dépendance directe ducerveau àl'exclusion des autres organes.
Sil'anatomisme, et partant sa notion du tempérament, veut
êtreaccepté, qu'il reste ce qu'il doit être, une méthode d'acqui¬
sition de connaissances nouvelles que l'observation vérifie et qui servent à éclairer la médecine ; dans ce cas, nous l'accepte¬
rons sans réserves. Mais lorsqu'il a la prétention d'être une
doctrine, il y a lieu de faire de nombreuses restrictions. Incon¬
testablement, la pathologie peut en être vivement éclairée,
mais ellene doit pas en être déduite.
C'est le lieu de rappeler une profonde parole d'Hipoc.rate :
« Qui aurait prévu, dit-il, d'après la structuredu cerveau,que le
vin pûten déranger les fonctions?». A qui, ajoute Littré qui
cite ce passage, la connaissance du corps humain aurait-elle appris que les émanations marécageuses produisent la fièvre
intermittente ?
Eclectisme (2). — Au milieudu trouble apporté dans les doc¬
trines par les découvertes anatomiques, chimiques, etc., il
devient de plus en plus difficile de caractériser la tendance philosophique de la médecine. On ne répudie point complète¬
ment le passé; tous sont au courant des découvertes anato¬
miques et physiologiques récentes qui sont acceptées ou
repoussées totalement ou en partie ; il se fait une fusion de
toutes les vérités doctrinales de la science : mais, en adoptant
les idées générales nées decesdécouvertes, chacun gardesa con¬
ception doctrinale. —D'autre partà côté des adeptes qui suivent
(2) Georget —Physiologiedu Systèmenerveux.
(1) Voir :Magnié. —Thèse de Paris 1865.
Luton, —Art.Tempérament, Dictionn. de médecine etchir.prat.
Dechambre.—ArtTempéram. Die. encyclop. des Sciences médic.
— 27 —
religieusement la voietracée parles maîtres, ily a les indépen¬
dantsqui neprennent de ces vérités que la dose qui convient à
leur esprit et que l'observation leur indique. A la suite des
recherches philosophiques et parréaction contre les doctrines régnantes, àl'exemple de Cousin, la médecine se fit éclectique (1). Libre de toute affection doctrinale (2), l'éclectisme est un
mélange d'humorisme, de chimiâtrie et de iatromécanicisme : du reste, au seul point de vue quinous occupe, on peutenjuger
par la notion qu'il accepta du tempérament et que l'on a conservéejusqu'à nosjours. Nousen donnerons les principaux
caractères d'après Hallopeau (3).
On distingue quatre tempéraments :
« Le tempérament sanguin est caractérisépar une peaudouce,
blanche et légèrement rosée, plus prononcée à laface, des che¬
veux châtains et souples,unembonpoint modéré,unecirculation active, un sang riche et abondant, un caractère vif et générale¬
ment gai; il prédispose, dit-on, à la pléthore, aux phlegmasies
et aux hémorrhagies. »
Ce tableau entraîne quelques observations.
L'ectasie générale des vaisseaux capillaires de la peau, pro¬
noncée surtoutàlaface, n'est pointconstamment liée au tempéra¬
ment sanguin. On la trouve souventchez despersonnesdébiles, molles, incapables delongs efforts et sujettes auxhémorrhagies passives. Dans ce cas, elle est plutôt due une disposition parti¬
culière, sur laquelle,àcoup sûr,l'état de la circulation peutavoir
del'influence, mais qui très souvent en est indépendante : elle
estl'indice delangueur dans l'hématose.
D'autrepart, la pléthore est-elleunecondition dutempérament sanguin ?
(1) Voir :Andral. —Leçonssurl'histoire de la médecine, 1853, Union médicale.
(2) «L'éclectismeneconstitue niunsystèmeparticulier,niuneméthodenouvelle». Double, Rapport à l'zAcad. de médecine.
(3) Hallopeau. — 'Pathologiegénérale,p. 2.^fluatrième édition.
Elle peut manquer : car la richesse du sang n'est
point
en rapportavec sa quantité,puisqu'il
peut êtreà la fois
pauvre etabondant comme dans l'hydrémie.
Enfin, les caractères extérieurs signalés ne peuvent être
ca-ractérisques,carlesang est inégalement réparti chez les divers sujets. La tendance congestive se localise alors différemment, encéphalique chez les uns, pulmonaire chez les autres, se tra¬
duisantplus ou moins directement au dehors.
On dit que les sanguins sontexposésauxhémorrhagies: mais quelles hémorrhagies ?
Est-ce l'épistaxis ? Il est plus souvent l'effet du tempéra¬
ment lymphatique; et dans l'enfance c'est bien plutôt les sujets pâles, à chairs molles que les sujets vifs, rubiconds, qui présen¬
tent l'hémorrhagie nasale.
Sont-ce les écoulements hémorrhoïdaires ? —Ceux-ci dépen¬
dent plutôt des troubles digestifs peu en harmonie avec le tempérament sanguin.
Est-ce l'hémorrhagie cérébrale ? — Elle est le résultat de
troubles locaux circulatoires, et héréditaire souvent, elle n'est particulière à aucuntempérament : cependant, le visage apo¬
plectique des auteurs n'est point un vain mot et nous sommes tenu à quelques réserves.
(( Le tempérament bilieux a pour caractère principal, non l'activité anormale de la sécrétionbiliaire, mais une forte pig¬
mentation des téguments; les cheveux et lesyeux sont noirs,
le teint estbrun, lesystème pileux est très développé, et le foie
gros;le systèmenerveux prédomine surl'artériel. Ce tempéra¬
ment prédisposerait aux affections du foie et des voies
diges-tives. »
« Le tempérament dit nerveux, mélancolique ou atrabilaire
semble se rattacher ordinairement au précédent, auquel s'ajoute une exaltation des fonctions nerveuses; il prédispose
auxmaladies nerveuses. »
— 29 —
Le nerveux, auquel on prête un visage morbide, un
parole rapide, un geste prompt, abondant, une humeur vive,
instable n'estpoint untypecaractéristique Combien denerveux obèses et lymphatiques! Combien de femmes fleuries, au verbe haut, à la colère prompte, aux larmes faciles, et
coutu-mières des névralgies !
« Enfin une peau fine et pâle, des cheveux blonds, des yeux
bleus, des chairs molles et des fonctions peu actives sont les
attributs du tempérament Lymphatique qui passe pour prédis¬
poser à la scrofule, à laphthisie et au rachitisme. »
« Onvoit,ajoute Hallopeau (l),tout ce qu'il y a devague dans
ces descriptions : les caractères attribués aux tempéraments
n'ont rien de spécial ousont d'importance
secondaire
:certains
d'entre eux semblent appartenir à la race, d'autres comptent parmi lesmanifestations diathésiques, de sorte
qu'il
estdifficile
de discerner le fond de vérité qui subsiste.»
Ainsi donc, soit la prédominance de l'une ou de
l'autre hu¬
meur avecles naturistes; soient les rapports des solidesetdes liquides avec les iatromécaniciens; soit
la diversité d'activité
dans les diverses parties du corps avec les
vitalistes
oules
divers degrés de force et d'activité des organes avec
les métho¬
distes ; soit enfin laprédominance
exclusive d'un
organe avecles solidistes ;— rien de tout cela ne peut
servir, seul, de base
solide àune classification des tempéraments.
La médecine, dès son origine, a failli
à
cetteloi fondamentale
qui veut que dans touteétude l'on
marche du
connuà l'inconnu.
Née des souffranceshumaines et du besoin deles soulager, la
médecine fut seule à son berceau, sans physiologie; de
là, la
chute successive de toutes les doctrines qui surgirent dans le
coursdes siècles. Chute inévitable : car, vouloir déterminer des
anomalies et les étudier avant d'être fixé sur la marche
nor-•i{ Hallopeau Ioc. cit.
maie est uneprétention vaine et dont les conséquences ontété,,
dansle casparticulier, déplorables.
Mais ne faisons pas une critique par trop facile de fautes scientifiques commises dons untemps si différent du nôtre. Qui
apujamais reprocheraux ruines du
Parthénon
la mousse quien cache les formes admirables, ou aux statues antiques les
défautsdu marbre dontl'artistea modelé les divins contours?
Il faut, à l'égard de ces génies qui précédèrent notre
époque,
imiter l'artiste érudit, plein d'admiration pour les monuments
dont il étudia les restesmutilés.
« Ignorants des notions les plusélémentaires, ignorants de la nutrition, de la circulation, de la respiration, ne sachant rien,
en un mot, de l'homme sain, les médecins anciens étaient im¬
puissants à concevoir les phénomènes qui se passaient sous leurs yeux ; et, néanmoins, poussés par ce sentiment instinctif qui nous porte àtenter l'explication de toutes choses, ils ne se sont pas avoué cette impuissance, au contraire : sans point d'appui suffisant, sans base solide, ils ont prétendu pourtant généraliser etthéoriser Or, quand une science en arrive là,
il est facile de prévoir son destin. Les suppositions fausses
succèdent aux suppositions fausses, cescréations de pure fan¬
taisie n'ontd'autre limite quele bon plaisir de chacun, et,cepen¬
dant, il n'en estpas une d'elles qui ne soit donnée comme base
d'une doctrine générale : bien plus, on ne craint pas, tant l'aveuglement estcomplet, de déduire de cesthéories hypothé¬
tiques des règles de pratiqueque l'on donnecomme infaillibles,
etlavérité s'éloigne deplus en plus pourdisparaîtreenfin dans
le dédale des erreursqui la voilent... Un jour arrive cepen¬
dant ou l'on estenpossession de quelques faits, un jour arrive
où l'onpeutopposer cesfaitsauxraisonnements : decemoment
le rôle de l'hypothèse est plus difficile, car on ne discute pas
seulement les théories, on les juge, et on les jugera d'autant
— 31 —
mieux que les faits positifs iront s'accumulantet se
confirmant
les unsles autres.Viennealors une méthode d'observation vrai¬
ment scientifique, et tout est dit : la révolution est
désormais
assurée, elle est inévitable (1). »Cette révolution s'estaccomplie.
(i)Jaccoud. Del'humorisme anciencomparé à l'humorisme moderne. Thèsed'agrégation de Paris 1863.
Doctrines contemporaires (P. Gibier. A. Fouillée)
La médecine en effet est entrée dans une nouvelle phase.(1)
lines'agit plusd'unephysiologie spéculative oucontemplative
telle que la concevaient les temps passés : il s'agit aujourd'hui
de la science quenous ont faiteles maîtres modernescontinua¬
teurs des Haller, des Legallois, des Magendie.
« Le progrès de la science, dit Laugel, est marqué par trois grandes étapes; elleneconnaît d'abord que des individus: c'est
la sciencepittoresque; plus tard elleneconnaîtque desorganes,
c'est la science anatomique; enfin elle n'analyse plus que des
tissus et des forces : c'est la science histologique etphysiolo¬
gique. » (2)
Nous en sommes, sans conteste, à cette troisième période.
Dans le principe, l'anatomiste, même dans ses plus délicates recherches, s'arrêtait à la surface desorganes; etle microscope
ne servait, appliqué aux études de ce genre, qu'à suppléer à
l'insuffisance des sens : on ne l'utilisait pas systématiquement.
Mais intervintla science que fonda Bichat, que perfectionna
(i) Consulter. —Ed. Auber.Philosophiede la médecin*.
Lotze.Psychologie physiologique.
Wundt.Phycholoffiephysiologique.
Fechuer. Eléments depsychophysique.
{2)Laugel. —Problèmesdelavie.
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Schwann, et que J. Millier adaptaauxbesoins de lapathologie.
L'analysene se contentaplus de connaître le rapportqui existe
entre un organe et sa fonction; elle voulut pousser plus loin.
Et, sans tenter la recherche de l'essence des choses — car
l'expérience lui a prouvé que l'esprit humain ne saurait aller au-delà ducomment,au-delàdecepoint où, comme dit Bacon,
la nature devient sourde à nos questions et n'y répond plus —
elle chercha au-dessous des organesles éléments anatomiques indécomposables, et au-dessous des fonctions, elle trouva les propriétés irréductibles inhérentes à ces éléments : ce fut la
gloirede l'illustre CL Bernard.
Est-ce à dire que l'on s'en tienne à l'observation pure? —
A-t-on vu des intelligences assez stoïques pour se borner à
constater les faits sans chercher à les relier entre eux sans
s'occuperdes rapportssubjectifs des choses? C'est unenécessité
de l'esprit humain de rapprocher les produits empiriques de l'observation, de les éprouver les uns par les autres : c'est le moule, dont parle Kant, le moule uniformedanslequel lespen¬
sées viennent se fondre. Le fondateur lui-même de la philo¬
sophie positiviste n'a-t-il pas reconnu que, si une théorie peut
être fondée sur l'observation, il faut de toute nécessité avoir
un guide pour se livrer à l'observation d'une manière utile?
Or, voici l'un des traits caractéristiques des principes fonda¬
mentaux de la médecine moderne:
« La maladie a pu être considérée autrefois comme un être indépendant del'organisme, comme une sorte de parasite atta¬
ché à nos tissus; aujourd'hui, — et c'est à Broussais qu'on
doit d'avoir nettement affirmé ce principe, — elle n'est qu'un
trouble des propriétés inhérentes à nos organes, à nos tis¬
sus (1)».
Car, et c'estce qu'avaient méconnu Stalil et les animistes,
(i)Charcot Gazette des hôpitaux de 'Paris 1867.