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I. Introduction générale

3. Etat des connaissances sur la sardine, Sardina pilchardus, et l’anchois, Engraulis

3.3. Position de S. pilchardus et d’E. encrasicolus dans le réseau trophique

résultat sous-entend, entre autres, la présence d’habitats alimentaires plus profitables que d’autres à l’échelle du Golfe de Gascogne.

3.3. Position de S. pilchardus et d’E. encrasicolus dans le réseau trophique

C’est Charles Elton qui, pour la première fois en 1927 dans son livre « Animal Ecology », a défini les communautés biologiques comme étant essentiellement régies par des relations alimentaires. Il existe d’ailleurs une dualité sur la notion de niche en écologie opposant l’école eltionnienne (1923) et grinnellienne (1917) à la vision proposée en 1957 par Hutchinson. Cette dualité réside principalement sur une vision de la niche définie comme un habitat (un ensemble de conditions environnmentales nécéssaires à l’établissent d’une espèce) ou définie comme un rôle, celui de l’espèce dans la communauté et par extension de ses impacts sur l’environnement. En 1942, les travaux de Lindeman précisent que l’organisation des écosystèmes est régie par les flux d’énergie qui existent entre les compartiments biologiques. Ces relations alimentaires sont comparables à des réseaux d’interactions qui forment l’épicentre de la structure et du fonctionnement des écosystèmes.

Les activités alimentaires (au sens large) permettent aux organismes d’assimiler de la matière et donc de l’énergie pour subvenir à leurs besoins vitaux et, in fine, permettre leur survie. De très nombreuses études tentent de comprendre les processus à l’origine des transferts de matières entre les organismes au sein des réseaux trophiques. Ces nombreuses études ont proposé des concepts incontournables tels que :

 les régulations de type « bottom-up » ou « top-down » dans les réseaux trophiques. L’origine du contrôle dépend des premiers niveaux trophiques et des variables environnementales en cas de régulation de type « bottom-up » et dépend des niveaux trophiques supérieurs en cas de contrôle de type « top-down » (Blaxter and Hunter, 1982; Power, 1992) ;

 la notion d’espèce clé. Deux concepts existent autour de cette notion. Le premier définit une espèce clé de voute (‘keystone species’ en anglais). Dans ce concept, ce n’est pas l’effectif ou la biomasse qui rend compte de l’importance de l’espèce mais sa présence. Ainsi, la disparition d’espèce clé de voute dans un écosystème entraine des changements fonctionnels majeurs et relativement plus « fondateurs » que les effets des variations de son effectif. Ce concept se distingue de celui d’espèce clé (‘key species’ en anglais) qui

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détermine une espèce ayant un rôle important dans les processus écosystémiques et les flux de matières (Power et al., 1996; Sakshaug et al., 2009) ;

 la notion de cascade trophique qui implique que, par le biais de relations proies-prédateurs, les variations d’abondance et de biomasse d’un compartiment affecte les compartiments biologiques qui lui sont associés (Pace et al., 1999; Polis et al., 2000) ;

l’importance du type de régime alimentaire des organismes (e.g. carnivore, omnivore, détritivore) qui module la structure et le fonctionnement des réseaux trophiques (Ballantyne IV, 2004; Namba et al., 2008; Vandermeer, 2006).

Dans ce contexte S. pilchardus et E. encrasicolus, et plus généralement les petits poissons pélagiques, représentent le plus bas niveau trophique d’organismes du necton et jouent un rôle crucial dans les écosystèmes marins (Bakun, 2006; Fréon et al., 2005). Ils constituent le seul lien trophique entre le plancton et les organismes piscivores dans les zones d’upwelling et en zone côtière (poissons « fourrages »). Ils caractérisent les écosystèmes dits « en taille de guêpe » (e.g. « waspwaist ecosystem» - Bakun (2006); Palomera et al. (2007)). Dans ces écosystèmes, le fonctionnement n’est pas strictement régulé par un contrôle de type « bottom-up » ou « top-down ». En effet, les petits poissons pélagiques composent le compartiment de régulation du fonctionnement et donc de la structure de l’écosystème. Ce compartiment est soumis, directement ou indirectement, aux variations environnementales, climatiques et trophiques des autres compartiments qui lui sont associés.

Les travaux de Bakun (2006) permettent de définir quatre caractéristiques clés de ces écosystèmes en « taille de guêpe » :

 les populations impliquées sont composées d’espèces avec des cycles de vie courts et dont l’histoire de vie est complexe, ce qui implique potentiellement des variations importantes ;

 la biomasse trophique d’un compartiment peut-être représentée par une seule espèce (ou un petit nombre), les effets d’une variation d’abondance de cette espèce se propagent donc aux niveaux trophiques associés sans compensation ;

 les populations caractéristiques de ces écosystèmes représentent le plus bas niveau trophique mobile. Cette capacité implique des déplacements, modulés

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par les besoins internes des organismes et sous-entend, au travers de changements de distribution spatiale, une réorganisation spatiale des relations trophiques ;

 ces populations peuvent être à l’origine d’une pression de prédation sur les premiers stades de vie de ses propres prédateurs. Ce phénomène est identifié par Bakun (2006) comme étant la boucle de rétroaction instable dans l’organisation trophique pouvant précipiter des changements abrupts dans l’équilibre trophique de ces écosystèmes en « taille de guêpe ».

De plus, la synthèse de Palomera et al. (2007), correspondant à une revue de l’écologie des petits poissons pélagiques de la Méditerranée, permet de mettre en évidence différents rôles écologiques que l’on peut attribuer à S. pilchardus et E. encrasicolus.

 à l’exception du plancton et du macrobenthos, des travaux de modélisation ont quantifié la part consommée de la production du système à 22% pour E. encrasicolus et à 25% pour S. pilchardus ;

S. pilchardus et E. encrasicolus sont des espèces de niveau trophique dit « moyen » (cette situation est identique dans le Golfe de Gascogne, (Chouvelon et al., 2012a) ;

Les variations de biomasse de S. pilchardus et d’E. encrasicolus auraient des conséquences trophiques sur les compartiments biologiques de leur écosystème (Figure 8) ;

Bien que les deux espèces soient souvent identifiées en sympatrie, S. pilchardus a été identifiée comme relativement plus sensible dans des écosystèmes dits en « taille de guêpe » tandis qu’E. encrasicolus semble être plus strictement sensible à des systèmes où s’exercent un contrôle de type « bottom-up ».