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Chapitre V : Variations saisonnières et comportement du cadmium colloïdal

IV. Importance de la fraction colloïdale du cadmium : comparaison avec les données de la littérature 133

V.1 Résultats

V.2.3 Position du maximum

Dans cette discussion sur le comportement du cadmium, il peut être important de considérer également la position du maximum en métal marquant généralement la fin de l’enrichissement en cadmium dans la fraction totale dissoute. Selon les travaux de Chiffoleau et collaborateurs (Chiffoleau et al., 1994; Chiffoleau et al., 2001) deux facteurs semblent contrôler la position du maximum. Dans les zones très turbides, le relargage depuis les particules en suspension est limité par la présence importante de sites d’adsorption. La désorption du cadmium n’est alors observée qu’en aval du bouchon vaseux. Le facteur cinétique est également important à considérer; la position du maximum en métal dépendra alors du temps de résidence des eaux dans l’estuaire.

Dans le cas de l’estuaire de la Penzé, Tessier (2002) a montré que le temps de résidence est proportionnel au débit et inversement proportionnel au carré de l’amplitude de marée. Nos prélèvements conduits de mars à septembre ont été effectués en mortes-eaux et en période d’étiage (débit <2,5 m3 s-1). Dans ces conditions correspondants à des temps de résidence très courts (inférieurs à 6 jours, tableau V-2), la désorption du cadmium s’opère jusqu’à des salinités relativement élevées. Par contre, les prélèvements du mois de Février, effectués en période de crue, sont caractérisés par un temps de transit élevé (>20 jours). Nos résultats montrent que dans ces conditions, la désorption de métal s’effectue dans une gamme de salinité plus faible. Il est à noter également que les faibles teneurs en matière en suspension enregistrées en février favorisent une désorption précoce du métal le long du gradient. En effet, une augmentation rapide des teneurs est observée dans la zone de salinité 0-5 ce qui n’est pas le cas lors des autres prélèvements.

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La particularité du profil observé au mois février pourrait aussi être expliquée par une complexation du cadmium par des ligands organiques de nature différente. Nos résultats montrent, en effet, une contribution importante des colloïdes de très faible poids moléculaire (5-10 kDa) à l’anomalie positive. Ces ligands pourraient présenter des propriétés complexantes élevées favorisant une désorption plus rapide du métal.

Tableau V-2 : Caractéristiques physiques des prélèvements conduits lors de l’année 2009 dans l’estuaire de la Penzé (Temps de résidence estimés d’après les travaux de Tessier (2002)) ; la valeur entre parenthèses pour le

débit correspond à une variation du débit entre le jour de prélèvement et trois jours avant, (+) signifie une augmentation du débit et (-) une diminution du débit.

Date Débit (m3 s-1) Marnage (m) Temps de résidence (jours)

6-Fev 8,6 (+1,3) 4,2 26 23-Mar 2,3(-0,1) 4,7 6 4-Mai 2,0(-0,6) 4,7 5 2-Juin 1,0(-0,1) 4,6 2 17-Juil 0,7(+0,0) 3,8 2 15-Sep 0,4(+0,0) 4,4 1 13-Nov 6,4(+4,6) 5,5 10

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VI. Flux

Les flux de cadmium ont été estimés à l’entrée et à la sortie de l’estuaire de la Penzé. Ils sont exprimés à l’échelle annuelle. Leur représentativité en terme de bilan annuel ainsi que les modes de calcul exacts de ces différents flux sont exposés dans le chapitre IV (section VI, paragraphe VI-2). Dans les tableaux V-3 et V-4, sont regroupés pour le cadmium dissous les résultats des estimations des concentrations fluviales C0 ainsi que celles des concentrations théoriques à salinité 0 (Cth(S=0)) ayant permis la détermination des flux entrants (flux bruts) et des flux sortants (flux nets). Le calcul des flux bruts et nets de cadmium particulaire selon le modèle exposé en fin de chapitre IV (section VI, paragraphe VI-2) donne des valeurs de 6,9 ± 1,0 et 4,6 ± 1,0 kg an-1, respectivement.

Tableau V-3 : Estimation des concentrations fluviales moyennes et des flux bruts de cadmium dissous (avec leur intervalle de confiance à 95%). Le débit moyen utilisé est de 3,03 m3 s-1.

Fraction n C0 (nM) IC 95% flux brut (kg an-1) IC 95%

RD (<5 kDa) 7 0,004 0,001 0,04 0,01

PC (5-50 kDa) 7 0,010 0,003 0,11 0,03

GC (50 kDa-0,45 µm) 7 0,015 0,006 0,16 0,07

TD (<0,45 µm) 7 0,029 0,007 0,31 0,07

Tableau V-4 : Estimation des concentrations théoriques à salinité 0 et des flux nets de cadmium dissous (avec leur intervalle de confiance à 95%). Le débit moyen utilisé est de 3,03 m3 s-1.

Fraction n Pente (pM) Cth(S=0) (nM) IC 95% flux net (kg an -1 ) IC 95% RD (<5 kDa) 14 0,42 -1,9 0,09 0,04 1,0 0,4 PC (5-50 kDa) 14 0,40 -5,2 0,24 0,12 2,6 1,2 GC (50 kDa-0,45 µm) 21 0,07 -0,4 0,03 0,02 0,4 0,2 TD (<0,45 µm) 21 0,37 -6,4 0,32 0,11 3,5 1,2

L’ensemble des résultats concernant les calculs de flux est illustré par la figure V-9 dans laquelle les concentrations sont exprimées en g an-1 (échelle logarithmique). Selon nos estimations, le cadmium est très majoritairement apporté à l’estuaire sous forme particulaire (à plus de 95%). Dans la fraction dissoute (<0,45 µm), les colloïdes représentent le vecteur principal de ce métal (55 et 35% pour les colloïdes de haut poids et de bas poids moléculaire, respectivement) ; la fraction réellement dissoute ne représentant pas plus de 15% du flux brut de cadmium total dissous.

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1.E+01 1.E+02 1.E+03 1.E+04

P GC PC RD

1.E+01 1.E+02 1.E+03 1.E+04

P GC PC RD

a) Flux bruts b) Flux nets

g an-1 g an-1 -4000 -2000 0 2000 4000 P GC PC RD

a) Flux nets - Flux bruts

g an-1 0 5 10 15 20 25 P GC PC RD

b) Flux nets / Flux bruts

Les flux exportés depuis l’estuaire vers le milieu côtier montrent un flux de cadmium particulaire du même ordre de grandeur que le flux de cadmium dissous. Dans la fraction dissoute, le métal est exporté majoritairement sous forme de colloïdes de bas poids moléculaire. La contribution du métal réellement dissous est relativement importante puisque celle-ci représente environ le quart des exportations de métal dissous et 10 à 15% du flux net total. La part associée aux colloïdes de haut poids moléculaire est quant à elle relativement faible (moins de 5% du flux net total).

Figure V-9 : Flux de cadmium à l’entrée (flux bruts) et à la sortie (flux nets) de l’estuaire de la Penzé. RD : fraction <5 kDa; PC : fraction colloïdale comprise entre 5 et 50 kDa; GC : fraction colloïdale comprise entre

50 kDa et 0,45 µm; P : fraction >0,45 µm.

Figure V-10 : Bilan absolu et relatif des flux de cadmium dans l’estuaire de la Penzé. RD : fraction <5 kDa; PC : fraction colloïdale comprise entre 5 et 50 kDa; GC : fraction colloïdale comprise entre 50 kDa et 0,45 µm; P :

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La figure V-10 illustre les échanges s’opérant au sein de l’estuaire entre les différentes fractions. Ces échanges ont été déduits des flux bruts et nets et sont exprimés à la fois en quantités absolues (Figure V-10a) et en quantités relatives (Figure V-10b). Nos résultats montrent qu’il existe essentiellement un transfert du cadmium de la phase particulaire vers les colloïdes de bas poids moléculaire et vers la fraction réellement dissoute. En effet, la "perte" de cadmium dans la phase particulaire lors du mélange estuarien est d’environ 30%. Dans le même temps, un facteur d’enrichissement d’environ 20 est constaté dans les deux fractions citées ci-dessus.

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VII. Conclusion

Dans l’estuaire de la Penzé, nos travaux montrent une présence accrue du cadmium dans la phase colloïdale (à environ 80%), plus élevée que celle habituellement reportée pour d’autres systèmes estuariens. Dans ce système, présentant des teneurs relativement faibles en métal, mais dont les eaux sont très riches en matière organique dissoute, particulièrement en substances réfractaires de type humique, la part de métal organique est élevée. Ainsi, les chlorocomplexes, espèces habituellement considérés comme largement majoritaires en milieu marin, constituent une part réduite du métal dans cet estuaire.

Lors du cycle saisonnier, des variations significatives de la répartition colloïdale du métal ont été observées. Ces variations concernent essentiellement la part de métal réellement dissous, dont l’importance est maximale en été (environ 30% du métal total dissous). Ces composés présents dans la fraction réellement dissoute ont une labilité relativement importante, ce qui doit favoriser d’autant plus l’absorption biologique du métal à cette saison.

Lors du transit estuarien, il existe une désorption importante du métal depuis les particules en suspension. L’enrichissement en métal dissous qui en résulte se fait essentiellement à la faveur de composés de faible poids moléculaire (fractions <50 kDa). Nos travaux ont également permis de mieux cerner les facteurs qui contrôlent cette désorption du métal ; un temps de résidence des eaux réduit ainsi qu’un bouchon vaseux concentré favorisant une désorption à des salinités plus élevées.

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