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Population particulière : place de la pédiatrie

hors AMM chez l’enfant

D. Prescription hors AMM 1. Définition

2. Origines de la prescription Hors AMM

2.4 Population particulière : place de la pédiatrie

L’insuffisance des essais cliniques réalisés chez l’enfant contraint le médecin à la prescription de nombreuses molécules en dehors des conditions de leur AMM. Cette situation expose l’enfant à des risques accrus. Une étude réalisée en 2000 dans 95 cabinets de pédiatres a montré que le pourcentage de prescriptions hors AMM s’élève à 69,8% chez le nouveau-né, 26,9% chez le petit enfant, 30,9% chez l’enfant et 35,7% chez l’adolescent [3]. La prescription en pédiatrie se heurte à de nombreux problèmes rencontrés chez l’enfant.

a. Pharmacocinétique chez l’enfant

L’évaluation des médicaments est indispensable en pédiatrie en raison des particularités physiologiques qui caractérisent l’enfant au cours de son développement et qui rendent compliquée l’extrapolation chez l’enfant des données acquises chez l’adulte.
Les tranches d’âge concernées par le traitement doivent être toutes représentées ce qui rend les études particulièrement complexes.

Tableau I: Classe d’âge selon l'EMA [29]

Tranches d’âge EMA

Nouveau-né prématuré Dès la 36èmesemaine de gestation

Nouveau-né à terme Naissance à 27 jours

Nourrisson 28 jours à 23 mois

Enfant 2 à 11 ans

Adolescent 12 à 16/18 ans

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La pharmacocinétique du médicament chez l’enfant est modifiée par rapport à celle chez l’adulte.

La résorption se définit comme le processus par lequel le médicament passe dans la circulation générale à partir de son lieu d’administration. Au niveau du tube digestif, l’absorption des médicaments est influencée par la motricité gastro-intestinale ainsi que par le pH gastrique et duodénal. En comparaison avec l’adulte, la résorption des médicaments par voie orale est faible chez le nouveau-né puis augmente jusqu'à 1 an. La vidange gastrique augmente pour atteindre les valeurs adultes vers 6 à 8 mois et le niveau de sécrétion d’acide chlorhydrique atteint celui de l’adulte vers l’âge de 3 ans. Au niveau rectal, la résorption chez le nouveau-né est proche de celle de l’adulte. Elle est diminuée et aléatoire par voie intra musculaire et augmentée par voie cutanée [16].

La distribution correspond à la diffusion du médicament dans l’organisme au niveau plasmatique et tissulaire. Le volume de distribution est un volume théorique traduisant la répartition du médicament dans l’ensemble des tissus et des organes. Le volume de distribution est plus grand chez le nouveau-né et le nourrisson ce qui explique des doses unitaires (rapportées au poids) en général plus élevées que chez l’adulte. La liaison aux protéines plasmatiques est réduite en raison d’un taux de protéines plasmatiques plus faible chez les moins d’un an. Cela entraîne un moins grand nombre de sites de fixation sur l’albumine plasmatique et une fraction libre des médicaments plus élevée avec la possibilité d’une activité thérapeutique accrue pour une posologie comparable. En dehors de la période néonatale, la composition corporelle de l’enfant est proche de l’adulte. Il faut également noter que la barrière hémato-encéphalique a une plus grande perméabilité chez le nourrisson [16].

Le métabolisme correspond à l’ensemble des processus qui modifient les structures chimiques des produits administrés, transformant le médicament en métabolite plus hydrosoluble et plus facile à éliminer au niveau rénal ou biliaire. La vitesse de maturation des voies métaboliques est variable si bien que l’âge auquel l’activité enzymatique correspond à celle de l’adulte fluctue. Certaines voies arrivent à maturité chez le nourrisson, d’autres au moment de la puberté. Les réactions de phase I (oxydation, réduction, hydrolyse) sont plus

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actives que chez l’adulte jusqu’à deux ou trois ans puis diminuent pour atteindre des valeurs équivalentes à celles des adultes vers la puberté. Les réactions de phase II (glucuronoconjugaison, conjugaison au glutathion, acétylation, méthylation) sont également immatures à la naissance. La glucuronoconjugaison atteint la valeur adulte vers trois mois. En revanche, la sulfoconjugaison et la conjugaison au glycocolle sont matures dès la naissance. Les cytochromes P450, responsables du métabolisme hépatique des médicaments, apparaissent selon un profil variable. Le CYP2D6 et le CYP2E1 sont présents dès le deuxième jour de vie, le CYP2C apparaît dans les semaines qui suivent la naissance et le CYP1A2 dans les mois suivant la naissance. Le CYP3A7 prédomine dans le foie fœtal alors qu’il est absent chez l’adulte. La substitution avec le CYP3A3 et le CYP3A4 se fait au cours des premières semaines de vie. Ainsi, une molécule métabolisée par le CYP3A4 a un métabolisme diminué chez le nouveau-né et les études pharmacocinétiques devront utiliser des posologies inférieures à celles de l’adulte.

La grande variabilité entre chaque patient et l’immaturité des voies métaboliques nécessitent une étude du métabolisme de chaque molécule chez l’enfant [29].


 La demi-vie d’élimination, correspondant au temps nécessaire à la diminution de moitié de la concentration sanguine du médicament, permet de déterminer le nombre de prises par jour ainsi que le temps nécessaire pour atteindre l’état d’équilibre en début de traitement. Le rein est immature à la naissance, la clairance rénale est diminuée et les demi-vies d’élimination augmentées. L’élimination des molécules est comparable à l’adulte à partir d’un an [16].

b. Autres particularités de la prescription pédiatrique

Chez l’enfant et l’adolescent il est important de tenir compte d’autres facteurs comme la maturation sexuelle et la croissance ainsi que des paramètres extérieurs comme l’alcool, le tabac et les drogues.

Les cibles pharmacologiques ne sont pas comparables à celles de l’adulte. Des études animales montrent qu’à l’adolescence il y aurait une plus grande expression, d’environ 35 %, des récepteurs dopaminergiques D1 et D2 au niveau du striatum, d’où une plus grande

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sensibilité neuropharmacologique aux antipsychotiques chez l’adolescent que chez l’adulte [30].

Certaines indications de molécules peuvent être exclusivement pédiatriques comme par exemple la persistance du canal artériel. Certaines pathologies peuvent avoir une expression différente chez l’enfant et chez l’adulte. Il faut également garder à l’esprit que certains effets indésirables sont particuliers à la population pédiatrique comme le ralentissement de la croissance ou du développement psychomoteur [3]. Ainsi le fait de prescrire des médicaments n’ayant pas été évalués en pédiatrie n’est pas sans conséquences sur la santé de l’enfant. Une étude Anglaise en 1999 a montré qu’un effet indésirable est associé à 6% des médicaments utilisés hors AMM contre 3,9% des médicaments ayant l’indication [31].

L’utilisation des différentes formes galéniques est également à prendre en compte chez l’enfant. La forme orale solide n’est pas adaptée chez l’enfant de moins de 6 ans en raison d’un risque de fausse route. L’écrasement des comprimés, l’ouverture des gélules et le mélange à un aliment, plus fréquents chez l’enfant, peuvent modifier les propriétés physico-chimiques de la molécule. L’utilisation de la voie injectable peut être compliquée à cause des petits volumes utilisés. La solution buvable est la forme la mieux adaptée à l’enfant mais il faut être vigilant à la présence d’alcool et certains excipients ne sont pas autorisés chez l’enfant.

c. Essais thérapeutiques

Le manque d’évaluation des médicaments chez l’enfant peut s’expliquer par l’étroitesse du marché pédiatrique qui n’incite pas le développement de spécialités adaptées à l’enfant par l’industrie pharmaceutique. Le retour sur investissement dépend de la taille de la population cible ainsi que du prix du produit, or, le nombre d’enfants souffrant d’une pathologie est en général moindre que le nombre d’adultes.

Ce manque d’évaluation s’explique aussi par la réticence des parents à voir leur enfant participer à un essai clinique. Les principales raisons de refus aux essais concernent une crainte des effets secondaires ou une inefficacité du traitement ainsi que le protocole de recherche en lui-même avec le problème du tirage au sort ou le recours au placebo.

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On peut citer également la difficulté de réalisation d’essais cliniques en pédiatrie en raison de contraintes éthiques spécifiques à cette population. L’enfant est reconnu comme une personne vulnérable, qui doit être protégée. La loi de santé publique régissant la recherche clinique prévoit une protection particulière des enfants qui sont considérés comme une population vulnérable. L’importance des bénéfices attendus par l’étude clinique doit être de nature à justifier le risque prévisible et les recherches doivent être justifiées au regard du bénéfice attendu pour d’autres mineurs. Les contraintes et les risques de la recherche doivent être minimisés. L’enfant est incapable, au sens légal du terme, de consentir à sa propre participation à un essai clinique. La loi ne le reconnaît pas comme un être autonome, ainsi le consentement n’est pas donné par le patient lui-même mais par la ou les personnes qui le représentent légalement. Dans le cas de la recherche biomédicale, le consentement est une condition préalable et obligatoire. Il doit être libre, éclairé et signé par les deux parents. En plus de ce consentement, selon la loi, les mineurs non émancipés doivent recevoir une information adaptée à leur capacité de compréhension. En France, l’usage éthique s’est établi de tenir compte de l’avis de l’enfant à partir de 8-12 ans. L’adhésion de l’enfant lors d’essais cliniques doit être recherchée et il y a une obligation absolue de respecter, quel que soit l’âge de l’enfant, son refus de participer à un essai clinique [32]. Il faut également noter que si la loi Française autorise le versement d’une indemnité de compensation des contraintes subies aux participants d’essais cliniques, cette indemnité est interdite pour les enfants [33].

On note également des contraintes techniques augmentant la difficulté de réalisation d’essais cliniques en pédiatrie. Les appareils, les outils d’évaluation et les méthodes utilisées doivent être affinées pour s’adapter aux particularités de l’étude sur l’enfant comme par exemple un volume de sang prélevé qui sera moindre. Le nombre d’actes pratiqués et leur lourdeur doivent être acceptables pour l’enfant. La douleur doit être limitée au maximum et prévenue par différentes techniques.

Des difficultés de logistique sont également présentes dans ces essais de par la nécessité de concilier la participation de l’enfant au protocole avec sa vie scolaire et familiale [34].
 Afin d’inciter les industriels à développer des médicaments en pédiatrie, l’Union européenne a complété, le 12 décembre 2006, sa législation d’un nouveau texte concernant la mise sur le

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marché des médicaments pédiatriques. Les objectifs généraux de ce règlement européen visent à augmenter le développement de médicaments à usage pédiatrique tout en garantissant qu’ils font l’objet de recherches éthiques de grande qualité et sans retarder la mise sur le marché des produits destinés aux adultes. [35].