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La population mapuche dans l’histoire

Dans le document L'Agriculture et le peuple mapuche (Page 54-58)

3.5 L’ HISTOIRE DE LA DEMOGRAPHIE MAPUCHE : LA ZONE ENTRE LE C ACHAPOAL ET

3.5.1 La population mapuche dans l’histoire

Selon le Professeur Eduardo Tellez (1998, 2004), qui fait une rigoureuse analyse historique de la population indigène depuis la conquête au début de la colonie en 1541 jusqu’à l’arrivée de l’indépendance en 1810, « on compte

presque un million d’habitants pour l’entité de référence au début de la Conquête et une récupération naissante vers 1810 de la diminution produite par la conquête et la colonie. »

Eduardo Tellez (2004) cite Ricardo Latcham (1928) qui affirme que, « vers le

milieu du XVIème siècle, la population indigène dépassait un million d’âmes ».

Thayer Ojeda (1941), cité par Tellez, établit que « de Copiapo à Chiloé vivaient

au début de l’invasion européenne entre un minimum de 1 070 000 et un maximum de 1 540 000 natifs ». Miguel Amunategui (1912), « L’estimation est de plus d’un million de natifs du Chili vers 1550 » et Francisco Encina (1954),

« 1 070 000, divisés en 90 000 Picunche entre Aconcagua et Maule, 200 000

natifs de Maule à Itata, 350 000 dans le tronçon délimité par ce fleuve et le Tolténet et 450 000 Huilliche depuis ce cours fluvial jusqu’à Chiloé ». A son

tour, Rolando Mellafe cité par Tellez opte aussi pour un million de natifs, dont le noyau le plus dense se situait du Maule au Toltén. Pour Jorge Hidalgo (1996), « les Mapuche méridionaux atteignent moins d’un million, en 1550, dans les

districts de Concepción, La Imperial, Villarica et Valdivia, il put y avoir un pic de 1 320 000 âmes ». Et sans inclure dans l’examen leurs compatriotes de langue

installés dans le Chili central (entre 124 000 et 130 000). Hernan Larrain (1987), en dernier, postule que le chiffre global « n’excédait pas le million, mais se

rapprochait de cette limite : 915 000 Mapuche entre Aconcagua et Chiloé en l’année 1540 ».

Le nombre de Mapuche présenté par les différents historiens que cite le Professeur Tellez a des détracteurs : Sergio Villalobos (1982), estime que les « araucans » du centre-sud atteignaient 125 000 dans la démarcation de Santiago et n’excédaient pas 600 000 dans les districts australs, parmi lesquels 450 000 habitaient entre l’Itata et le Toltén. Avant, Toribio Medina (1989), estima à moins d’un demi-million la population « araucaine » ; un calcul que Thayer Ojeda (1941) a ratifié un demi-siècle avant.

Selon le professeur Tellez, « aucune estimation ne peut s’affranchir des

importantes marges d’erreur (entre 20 et 33% selon les experts) ». Tellez

affirme : « Ce que nous pensons vrai, les chiffres doivent l’attaquer, comme

l’établit Mellafe à hauteur de 20%, correction standard qui, si elle ne surmonte pas la frange ou la marge d’erreur, au moins la réduit ».

Les auteurs consultés par Tellez s’accordent à dire que les densités de populations des indigènes augmentaient considérablement au sud du fleuve Itata, zone dominée par une agriculture d’abattis-brulis et l’économie

d’appropriation. Il faut souligner ce que l’auteur dit au sujet des ressources naturelles de la zone localisée au Nord du fleuve Itata. « De l’autre côté, il

restait un Chili Central nettement moins fécond en gens, du fait de l’envergure, en kilomètres carrés, du milieu méditerranéen et de l’agriculture d’irrigation. Nous avons vu qu’au mieux, il y avait 125 à 130 000 habitants et sans doute beaucoup moins. »

Jeronimo de Vivar (1988) indique qu’au début de l’établissement espagnol, la population d’indigènes ne dépassait pas les 210 000 habitants au sud du Maule.

Toutes les appréciations concordent sur les densités démographiques appréciables de la population mapuche entre les fleuves Itata et Toltén.

Mellafe calcule un demi-million dans ce tronçon : 250 000 de l’Itata au Bio-Bio et autant de ce dernier au Toltén. Hernan Larrain (1987) conclut qu’un petit million de personnes vivait entre l’Itata et le Toltén.

Hernan Larrain (1987) calcule que le nombre total d’araucans était de 925 000 personnes. 40 000 pehuenche vivaient dans les vallées transandines du sud de Mendoza qui furent araucanisées après l’arrivée des espagnols. Vers 1535, les Picunche peuvent avoir été près de 220 000 personnes. Ils habitaient dans des petits villages, formés par entre 10 et 30 cases pratiquaient une agriculture d’irrigation. La conquête inca, près de 80 ans avant l’arrivée des Espagnols, avait établi des colonies de mitimaes quechuas (indiens recrutés par les incas pour les travaux agricoles) dans les vallées des fleuves Aconcagua, Mapocho et autres.

Les Mapuche vivaient sur la côte et dans la vallée centrale entre les bassins des fleuves Itata et Toltén. Quelque 425 000 personnes vivaient en petits hameaux relativement dispersés formés par entre 3 et 6 rucas.

Les Huilliche étaient 180 000 personnes et occupaient les terres intérieures au sud des Mapuche.

On estimait les Cuncos à 100 000 habitants qui occupaient la côte au sud du fleuve Bueno jusqu’à la Grande Ile de Chiloé.

Selon Contreras et al. (1971) la population autochtone varient entre 50.000 et 70.000 s individuelles sur la Grande Ile de Chiloé.

L’époque de la colonie fut une époque de guerres, de métissage et d’échanges entre Mapuche et Espagnols et à partir de 1820, de relations difficiles avec l’état du Chili.

Après l’Indépendance, pendant laquelle une partie des Mapuche ne fut pas du côté des indépendantistes, une période de « paix méfiante » se maintient. Puis, les groupes de pouvoir décident l’occupation du territoire mapuche qui commence au milieu du XIXème siècle et se conclut en 1883 (CONADI*, 2003).

Selon la CONADI* (2003), » deux formes d’occupation du territoire mapuche se

distinguent. La première est l’infiltration de civils qui se consacraient à l’agriculture en territoire autonome, « l’infiltration de colons ». Les colons qui occupaient insidieusement le sud du Bio-Bio étaient appuyés par les postes militaires frontaliers. L’occupation de territoires par des colons civils fut une raison utilisée pour étendre les frontières dans des pays comme le Brésil, l’Argentine, le Pérou et le Chili. La seconde forme fut l’action militaire. Par le nord du territoire mapuche, après plusieurs campagnes militaires et une résistance mapuche ardue, l’Etat chilien forme en 1874 la ligne-frontière appelée Traiguen, incorporant les territoires de Lumaco et Los Sauces. »

Le même rapport de la CONADI* (2003) dit :

« L’occupation militaire de l’Araucanie, décidée par Santiago au début de la

décennie 1860, se divise en phases. La première se conclut par la refondation de la ville d’Angol en 1862 et l’installation postérieure d’une ligne de forts dans le Lafquenmapu (côte d’Arauco et Valdivia). C’est ainsi qu’on élève les forts de Lebu et Tirua en Arauco, pendant que Valdivia avance par la côte, fondant les forts de Queule et Toltén en 1862. En actions complémentaires à la première phase d’occupation, le fleuve Malleco est renforcé en 1868, avec l’installation des forts Huequen, Lolenco, Chichuaihue, Collipulli, Perasco et Curaco. L’occupation militaire dans la zone entre les fleuves Bio-Bio et Malleco est consolidée »

L’armée chilienne victorieuse de la Guerre du Pacifique, professionnelle, bien entrainée par la guerre et excellemment équipée met au point une opération de guerre d’envergure entre 1881 et 1883, quand s’établit la Ligne du Cautin, qui s’étend le long du fleuve, de la cordillère de Curacautin ou Sierra Nevada jusqu’à son embouchure dans la mer. Les Mapuche effectuent une insurrection générale et perdent. Ils sont plusieurs fois confrontés aux chiliens et sont totalement mis en déroute lors des batailles successives, sanglantes et inégales. (CONADI*, 2003).

L’Etat chilien, entre les années 1830 et 1883, occupa les 5,2 millions d’hectares qui formaient le territoire autonome mapuche dans la partie du Gulumapu, espace géographique compris entre la Cordillère des Andes et l’Océan Pacifique – il effectue la répartition territoriale de ces espaces (CONADI*, 2003).

Dans les zones d’occupation militaire, l’Etat « s’occupa de la répartition des

terres par des ventes aux enchères, des concessions de colonisation, une répartition gratuite pour les familles chiliennes et étrangères, la création de réserves fiscales et la radication des familles mapuche avec des titres de propriété (titulos de merced). Les terres livrées en titres de propriété représentent environ 9,3% du territoire autonome original des Mapuche, « qui

sont dépouillés de 5,5 millions d’hectares (José BENGOA, 1999).

Pendant la campagne d’extermination, on estime que l’armée chilienne tua entre 30 000 et 100 000 indigènes. Les survivants s’échappèrent en zone de précordillère habitée par les Pehuenche, peuple dont ils partageaient les

coutumes et avec lequel ils fusionnèrent. On peut dire que cette étape conclut réellement la Guerre d’Arauco proprement dite, après plus de 360 ans de conflits.

Cette étape vit l’occupation totale de l’Araucanie et la consolidation territoriale et avec elle, l’union effective au territoire chilien. Ainsi, le gouvernement chilien arriva finalement au bout d’un de ses principaux projets d’état, même en comparaison avec l’époque des eEspagnols, qui ne parvinrent jamais à s’installer en Araucanie pendant la période coloniale.

La « Pacification » résulte en une diminution accélérée des habitants du territoire et par conséquent, en la destruction de la majorité des asentamientos (lieux d’habitations) et villages qui existaient jusque-là. Selon Alejandro Saavedra (2002), « il y eut une diminution de près de 100 000 Mapuche, les

survivants furent réduits et se transformèrent en indigènes mapuche, lesquels feraient partie des environ 3 000 réductions indigènes ».

Dans les territoires occupés, on livra les terres à des colons chiliens et européens, principalement espagnols, allemands, français, italiens, anglais, suisses et du reste de l’Europe. Au total, en 1901, il y eut 36 000 européens qui arrivèrent, 24 000 embauchés par des agents de colonisation et 12 000 qui arrivèrent par leurs propres moyens (CONADI*, 2003).

La situation des Mapuche du nord de l’Araucanie par rapport à l’Etat du Chili, et avec les Chiliens, ne changea pas avec l’occupation du territoire mapuche. En plus de 260 ans que dura le régime colonial espagnol et la société coloniale constituée au nord du Bio-Bio, ils ont presque exterminé ou absorbé la population picunche et ils ont assimilé les survivants à la société coloniale par son acculturation et le métissage (CONADI*, 2003).

Ce fait est un exemple de la formation de la génétique du peuple du Chili par le croisement espagnol, mapuche et picunche. A ce sujet, la Revue Médicale du Chili (Février 2002) écrit :

« Il est intéressant de souligner le fait que la population de Santiago possède en fait 84% des haplo groupes mitochondriaux indigènes, ce qui est finalement significativement supérieur à la composante indigène calculée à partir des marqueurs nucléaires, qui est approximativement de 40%, dépendant de la strate socio-économique comme celle obtenue à partir de marqueurs moléculaires du chromosome Y qui atteint 22% (manuscrit en préparation). En d`autres termes, 84% des femmes à l`origine de la population actuelle de Santiago auraient été des indigènes, bien que l’apport paternel fut principalement européen. »

Sur le même thème, le généticien Francisco Rothammer (2010), docteur en Sciences de l’Université du Chili le vérifie :

« Par rapport au mélange indigène, l’académie présenta une étude qui signale les pourcentages de ce mélange divisé par niveau socio-économiques. L’étude montra que dans le niveau socio-économique haut, le mélange indigène atteint

27%, tandis qu’il représente 32% dans le secteur moyen et le secteur bas est le plus influencé par le mélange indigène, avec 52% de la population ».

Le scientifique croit que ce haut pourcentage de mélange indigène dans les secteurs bas est principalement dû à la ségrégation historique qu’il y a eu avec les indigènes et les métisses, depuis la période de la Couronne espagnole jusqu’à nos jours, ce qui est arrivé à son terme dans les divers espaces publics. Ceci est réaffirmé par Luis VITALE (2000) : « Les encomiendas d’indiens,

l’encaissement des tributs, l’esclavage ouvert ou déguisé, l’appropriation des terres et le confinement des indiens dans des villages, associé aux maladies transmissibles et à une évangélisation implacable, sont des procédés connus de cette conquête et de la colonisation espagnole ».

Ce que décrivit Alejandro Saavedra (2002) dans Les Mapuche dans la société

« chilienne actuelle » est qu’à partir du XIXème siècle, dans la république, les mêmes encomenderos, grands propriétaires terriens et agriculteurs, maintinrent le régime colonial de relations avec les Mapuche.

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