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Formation des communautés mapuche avec des titres de propriété

Dans le document L'Agriculture et le peuple mapuche (Page 155-160)

Les réformes Agraires et les Mapuche

« … Se produisit l’occupation militaire et ils rendirent les terres à l’ancien

propriétaire. On rendit leurs propriétés aux gens et ceux qui étaient des dirigeants furent violemment bousculés, persécutés, torturés et enfermés. Quand ils arrivèrent, ils persécutèrent d’abord les dirigeants, ils attaquèrent ceux qui commandaient. Parmi ceux-ci, se trouvaient Segundo Quian et mon père. La torture vint d’abord. Nous voyions comment ils torturaient. Ils se glissaient dans les maisons et mettaient tout sens dessus-dessous, jusqu’aux marmites, aux chambres. Ils disaient qu’ils cherchaient quelque chose, apparemment des armes. La police mettait les dirigeants dans les marais, ils les maintenaient assis dans l’eau, ils pendaient les gens par les pieds à l’hélicoptère et les transportaient à la mer où ils passaient en leur faisant toucher les vagues. Nous, les petits gamins, on a vu tout cela et nous restons psychologiquement marqués, nos parents amélioraient la qualité de vie, mais jamais ils ne sont allés voler ou tuer une personne. Mais le châtiment qu’on leur a administré étaient comme s’ils avaient été des criminels ou bien pire… mon père, ils l’ont pendu à l’hélicoptère, ils l’ont emmenèé à Temuco. Là, ils l’ont immergé dans un tonneau d’eau, l’ont copieusement battu, puis ont continué en lui posant des questions, ‘tu es allé, tu es allé’, ils disaient… »

(Récit de Heriberto Huaiqui, fils de Felix Huaiqui, qui se souleva dans les

terres qu’occupait Domingo Duran)

Les Mapuche ne furent pas nominalement considérés par les Réformes Agraires au Chili. Les réformes agraires au Chili n’eurent pas pour objectif principal de payer la dette historique de terre de l’Etat du Chili eux.

La première Réforme Agraire au Chili fut formulée par le Frente Popular (Front Populaire) en 1938 et avait pour objectif de résoudre les problèmes de pauvreté rurale, le manque de modernisation et l’introduction d’innovations et de technologies qui existaient dans les champs à cause du système traditionnel et socialement rétrograde des latifundias, hérité de la colonie. Une fois que le

Frente Popular fut dans le gouvernement, la Réforme Agraire ne constitua plus

sa première priorité. Le gouvernement privilégia l’industrialisation, ce qui stimula l’exode rural (campagne vers ville) et concentra les populations dans les métropoles urbaines : Santiago, Concepción, Valparaíso, entre autres. L’agriculture qui devait générer les aliments et certaines matières premières pour le développement industriel n’eut pas la capacité productive et le pays dut importer des aliments pendant la décennie 1940-1950.

Une série d’événements politiques causa le changement de la structure agricole qui présente une situation socialement instable pendant la décennie 1950 à 1960.

- Pression sociale et économique très puissante pour développer une Réforme Agraire au Chili

- Fort appui à la Réforme Agraire de la part de l’Eglise Catholique et particulièrement du Cardinal Jose Maria Caro, qui est à la tête d’un processus de répartition des propres terres rurales de l’Eglise

- Appui des Etats Unis à une Réforme Agraire démocratique à travers des organismes internationaux comme l’Alliance pour le Progrès.

En 1962, face à ce complexe de pressions nationales et internationales, le gouvernement de Jorge Alessandri promulgua la première loi de Réforme Agraire (nº 15.020), qui distribua les terres de l’Etat entre les paysans et qui, de plus, pendant le processus de réorganisation, a réorganisé les institutions du gouvernement pour mener à son terme la réforme agraire des structures latifundiaires.

En 1964, la Révolution en Liberté porte au pouvoir la Démocratie Chrétienne, dirigée par le président Eduardo Frei Montalva. La Réforme Agraire est menée vigoureusement, on entend le slogan « la terre pour celui qui la travaille ». Se produit une véritable modernisation du monde agricole moyennant l’expropriation et la redistribution de la terre des latifundia. On promulgue une nouvelle loi de Réforme Agraire (nº16.640) et la loi de syndicalisation paysanne Nº 16.625. On exproprie près de 1 400 latifundias, 3,5 millions d’hectares, 400 syndicats s’organisent, regroupant 100 000 paysans.

Entre 1970 et le 11 septembre 1973, l’Unité Populaire a exproprié en Araucanie 574 domaines avec une surface de 636 288,3 hectares. Les Mapuche ont bénéficié de 138 domaines et d’une surface totale de 132 115 hectares. Pendant l’Unité Populaire, des terres usurpées ont été restituées. Elles avaient des titres de propriété et étaient réclamées par les communautés comme étant territoires ancestraux.

En 1972, l’Unité Populaire promulgua la loi indigène n°17.729 qui pour la première fois dans l’histoire de la République génère des moyens juridiques concrets pour la restitution des terres indigènes usurpées. Pourtant, cela a été une réussite importante du peuple mapuche. La loi assurait la propriété de la terre par les raisons suivantes :

- la terre des Mapuche devenait insaisissable

- il était interdit de vendre ou d’imposer les terres indiennes

- on limitait la location de terres indiennes, le fermage et le métayage - on élimina le juge des affaires indiennes, mettre en place un procès-

verbal pour le juge le plus proche de la réduction

- on stimula l’organisation de coopératives, la participation des paysans indiens dans les organisations communautaires, créa le conseil de développement indien et assura la dévolution des terres usurpées (près de 50 000 hectares qui avaient des titres de propriété ont été expropriéset le litige s’étendait à 100 000 hectares)

- on stimula l’incorporation des indiens dans les activités industrielles et commerciales

- on mit en oeuvre des moyens de formation pour les indiens

La politique du gouvernement de l’Unité Populaire pour les Mapuche signifia une avancée très importante mais aussi fugace qu’un éclair, qui illumina l’espoir des communautés et qui s’éteint le 11 septembre 1973. La concertation (1990- 2009) avec la loi indigène n°19.253 établit le cadre principal en relation aux

droits des peuples indigènes à la terre et autres ressources et créa le Fond de Terres et Eaux Indiennes administré par la CONADI* qui fonctionna grâce à deux mécanismes établis dans l’article 20 :

a) Les subsides pour l’achat de terres et l’élargissement b) L’achat direct de terres en conflit

Selon les informations collectées depuis 1994, la politique de terres de la CONADI* a été concentrée sur l’achat de terres. Les rapporteurs spéciaux de l’ONU pour les Droits Humains remarquent que le gouvernement chilien a acheté et rendu aux indiens un ensemble significatif de terres, plus de 140 000 hectares, qui, additionnées aux terres fiscales régularisées qui se trouvaient en possession des indiens, représentent en 2009 à 657 620 hectares, selon l’information officielle. Le gouvernement remarque que pendant l’application de la loi n°19.253, on a obtenu les résultats suivants : entre 1974 et 2009 ont été acquis 657 620 hectares, dont ont bénéficié 69 200 familles, qui correspondent à 613 communautés ; ont été investis 292 144 890 dollars (Rapport du Rapporteur Spécial sur la Situation des Droits Humains et Fondamentaux des Indigènes).                          

VII Les agriculteurs mapuche de nos jours

“Arauco tiene una pena Más negra que su chamal, ya no son los españoles los que les hacen llorar, hoy son los propios chilenos los que les quitan su pan. Levántate, Pailahuán”.

Violeta Parra (Folklorista chilena)

« Arauco a une peine Plus noire que son chamal, Ce ne sont plus les espagnols Qui les font pleurer,

Mais les propres chiliens Qui leur ont pris leur pain. Lève-toi, Pailahuan »

Violeta Parra (Folkloriste chilienne) 7.1 S’adapter et résister

Nous avons soutenu dans cette thèse que le peuple mapuche agriculteur s’est adapté historiquement aux changements de la société chilienne des derniers 469 ans, se basant sur le maintien de leur culture qui est étroitement liée avec la nature. Quand les Mapuche luttent pour la terre, ils luttent pour la nature, pour eux-mêmes, se considérant comme partie de la nature, comme les volcans, les fleuves, les arbres de la forêt, le vent, la mer, le ciel, le soleil et les étoiles.

Ensuite, nous avons soutenu que l’agriculture mapuche, fondamentalement de subsistance, est celle qui s’est la mieux adaptée à leur survie biologique et culturelle.

Dans cette partie, on présente en premier lieu une synthèse de la pauvreté mapuche et ses relations avec l’agriculture indigène. Une deuxième partie présente une synthèse des restrictions spécifiques des systèmes de production mapuche et une troisième partie essaye d’écouter les interlocuteurs valides, les paysans mapuche, sur les thèmes centraux de la thèse, qui sont liés avec les systèmes de production mapuche et ses spécificités culturelles.

7.2 Synthèse démographique des Mapuche en Araucanie

De la population originelle du Chili, selon le Recensement (2002), il reste 603 349 personnes. Le peuple mapuche comporte 526 000 personnes, ce qui correspond à 87,3% de la population originelle du Chili. La population mapuche en Araucanie est de 203 221, ce qui correspond à 23% de la population régionale.

En Araucanie, il existe 1200 communautés enregistrées par la CONADI*. Elles sont distribuées de la manière suivante : 15% dans la précordillère et la cordillère des Andes, 35% dans la zone Cordillère et vallées de la Cordillera de la Costa et 50% dans la Vallée Centrale.

La population mapuche se concentre aussi dans les communes de Temuco et de Padre Las Casas où la population mapuche est proche des 30 000.

Carte 5 : Distribution des communautés mapuche en Araucanie  

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