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a) Mécanisme de polymérisation

La polymérisation RAFT126-128 (Reversible Addition-Fragmentation chain Transfer) est un système de polymérisation radicalaire conventionnel dans lequel un agent de transfert a été ajouté

33 pour créer l’équilibre nécessaire à une polymérisation radicalaire contrôlée. Le mécanisme général repose sur un transfert dégénératif réversible et a été observé pour la première fois pour la copolymérisation bien contrôlée (Đ = 1.3) de poly(méthacrylate) -insaturé sur des macromonomères129-132. Puis les travaux ont ensuite été poursuivis avec des agents de transfert de types dithioester, utilisés aujourd’hui pour leur bon contrôle sur la polymérisation de nombreux monomères vinyliques17,103,128.

Cette polymérisation requiert la présence d’un amorceur radicalaire conventionnel (par exemple l’AIBN) pouvant initier la concentration en radicaux dans le milieu par voie thermique ou photochimique. Les radicaux formés par ce processus vont réagir avec une unité monomère et ainsi amorcer l’étape de propagation. Les oligoradicaux formés vont ensuite pouvoir soit continuer cette étape de propagation soit s’additionner sur l’agent RAFT présent en solution (Figure 1.II.C.a.1). Cette addition implique la formation d’un radical intermédiaire (noté RI) qui se fragmente pour laisser place à un nouveau radical qui pourra poursuivre la propagation. Aux tous premiers instants de la polymérisation, le radical formé par la fragmentation est le groupe moléculaire partant de l’agent choisit mais il devient ensuite macromoléculaire. Ce radical peut, de même, entrer dans un cycle de propagation ou s’additionner à nouveau à l’agent de transfert macromoléculaire. Il y a de cette façon une translation du radical de chaîne en chaîne au cours de la polymérisation permettant une croissance simultanée. Quand la vitesse de transfert est très rapide par rapport à celle de la propagation, la polymérisation est bien contrôlée. Le transfert est réversible et permet de réduire le nombre de radicaux en solution et donc de minimiser les réactions de terminaison par élimination et transfert irréversible. La majorité des chaînes portent à leur extrémité un agent de transfert en fin de la polymérisation et peuvent ainsi être réactivées.

Figure 1.II.C.a.1. Représentation schématique du processus de polymérisation radicalaire contrôlée par transfert

dégénératif, exemple d’équilibre contrôlé par un agent type dithioester (RAFT).

La vitesse de cette technique de polymérisation dépend des constantes d’addition et de fragmentation qui déterminent la fréquence des transferts. Ces constantes sont dépendantes essentiellement des couples monomères-agent de transfert RAFT (communément abrévié CTA). Mais le contrôle de la polymérisation est aussi fortement lié à la concentration initiale en amorceur. Le rapport [amorceur]0/[CTA] doit être minimisé pour réduire le nombre de radicaux présents dans le

Mécanisme par addition/fragmentation réversible (RAFT):

+ M k p Equilibre Propagation Radical Intermédiaire (RI) k a k a k d k d + M k p Propagation dormante dormante active active

I

+ M

34 système de polymérisation mais doit être suffisant pour que la cinétique de la polymérisation ne soit pas trop lente. Cette concentration d’amorceur ajouté est normalement assez négligeable pour que la masse molaire visée (DP moyen) soit calculée en fonction des concentration d’agent RAFT et de monomère ([M]0/[CTA]0) à une conversion donnée.

b) L’agent RAFT

L’agent de transfert RAFT doit être choisi en fonction du monomère à polymériser. Il existe maintenant une très grande variété d’agents133. Ces agents sont classés en quatre familles en fonctions du groupement appelé Z en  du thiocarbonyl : les dithiosters (Z = alkyl, aryl), les trithiocarbonates (Z = thioalkyl), les dithiocarbonates ou xanthates (Z = alkoxyl) et les dithiocarbamates (Z = N-alkyl) (Figure 1.II.C.b.1). Les xanthates, développés par Rhodia, sont considérés comme une classe à part et sont utilisés en polymérisation MADIX (Macromolecular Design from Interchange of Xanthate)17. Le groupement R combiné au soufre est également très important dans le choix de l’agent, étant le radical partant amorceur de la polymérisation. Ces deux groupements Z134 et R135 influencent l’efficacité du contrôle et la cinétique de la polymérisation136.

Plus précisément, le groupement Z intervient dans la cinétique de l’étape d’addition. L’attaque du radical sera plus ou moins rapide sur la liaison C=S en fonction de l’effet qu’aura le groupement Z sur celle-ci. Par exemple si le groupe Z est attracteur (par effet mésomère ou inductif), la liaison C=S pauvre en densité électronique va favoriser l’attaque d’un radical électrophile et inversement (exemple pour les xanthates137 et les dithiocarbamates138). Mais ce groupement Z stabilise aussi le radical intermédiaire et permet la fragmentation rapide du groupe partant. Si le groupe Z stabilise trop ce radical intermédiaire cette étape de fragmentation sera cinétiquement lente comme dans le cas du dithiobenzoate stabilisant le radical par délocalisation139.

Le groupement R agit également sur deux aspects importants de la cinétique. Etant le groupe partant lors des premières étapes d’addition de la polymérisation, il va jouer un rôle important dans l’étape de fragmentation puis dans l’étape d’amorçage. La fragmentation du groupement R doit être favorisée par rapport à celle de l’oligoradical qui vient de s’additionner. Ce groupement est à choisir en fonction du monomère à homopolymériser puisqu’il doit aussi réagir facilement avec une unité monomère dans l’étape d’amorçage. Tout cela va dépendre de la structure du radical (radical carboné tertiaire, secondaire ou primaire) mais aussi de la stabilité que vont lui apporter les fonctions qu’il porte. Un groupement électroattracteur favorisera la fragmentation mais rendra moins efficace l’étape d’amorçage à cause de la stabilisation relative qu’il lui apporte.

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Figure 1.II.C.b.1. Classement des agents RAFT en fonctions de leurs groupements R et Z. Réadapté de la référence 126

De nombreux monomères ont déjà été polymérisés avec cette technique de polymérisation radicalaire contrôlée133. Ce procédé est particulièrement tolérant envers les groupements polaires (alcools, amides, amines, acides…). De ce fait la polymérisation peut aussi être conduite en milieu polaire comme dans l’eau140.

c) L’aspect cinétique de cette technique

Un mécanisme a été proposé pour la polymérisation RAFT en 1999 par Rizzardo et son équipe après l’observation des radicaux présents dans le milieu par analyse RPE141. La cinétique de polymérisation est la même que pour les polymérisations radicalaires conventionnelles avec une concentration en radicaux similaire, initiée par l’amorceur conventionnel. Mais un retard et/ou inhibition est observé dans le cas de la polymérisation en présence d’agents de transfert139. L’augmentation de la concentration en agent de transfert initiale accentue cette période d’inhibition

Esters vinyliques Acrylates Acrylamides Styréniques Méthacrylates Méthacrylamides Dithioesters (dithiobenzoate) Trithiocarbonates Dithiocarbonates (Xanthates) Dithiocarbamates

Groupement

Z

Stabilité du radical Esters vinyliques Acrylates Acrylamides Styréniques Méthacrylates Méthacrylamides Stabilité du radical

Groupement

R

Radical tertiaire par un groupeStabilisation

Ex: CN, COOEt Stabilisation par un groupe Ex: COOH, CN Radical secondaire Radical primaire

36 et ralentit la cinétique de polymérisation. Cette inhibition disparaît totalement lorsqu’un agent sous forme macromoléculaire est considéré. Alors des études sur la consommation d’agents dithiobenzoates ont été réalisées par suivi RMN proton in situ pour la polymérisation du styrène142 et celle de l’acrylate de méthyle143. Cette période d’inhibition dans ces études est due à l’étape limitante de réamorçage par le radical partant R· de l’agent de transfert.

Par contre l’interprétation sur l’effet de retard constaté fait encore débat. Deux hypothèses principales ont été exposées et son encore discutées. Pour une partie de la communauté, la fragmentation lente des radicaux intermédiaires144 en est la cause alors que pour d’autres ce ralentissement est le fruit de réactions de terminaison impliquant les radicaux intermédiaires145. Chaque modèle décrit convenablement les aspects de la polymérisation mais leurs démonstrations expérimentales sont compliquées, en particulier pour le modèle de fragmentation lente. Des calculs d’orbitales moléculaires ont été réalisés par Coote146,147 mais sont difficilement démontrables expérimentalement. Et la théorie n’est pas cohérente avec la faible concentration de radicaux observée en analyse RPE au cours de la polymérisation148-150 ou encore l’état quasi-stationnaire observé pendant l’équilibre entre chaînes dormantes et actives151. Ce modèle de fragmentation lente n’est donc pas confirmé par l’expérience. Par contre, le modèle de terminaison réversible est pour le moment le plus aboutit en termes de preuves expérimentales. Les produits issus de réactions secondaires parasites impliquant le radical intermédiaire ont été observés au travers de diverses méthodes d’analyse. La première étude, démontrant des étoiles à 3 branches composées du radical intermédiaire ayant réagi avec un court oligomères a été décrite en 2007152. Puis, Klumperman153 a utilisé une technique astucieuse permettant, par l’emploi d’un agent RAFT possédant des groupements R et Z visible en UV à des longueurs d’onde distinctes, le calcul du ratio [groupe R]/[groupe Z] (supérieur à 1). Ce rapport pouvant être le signe de radicaux intermédiaires terminés mais aussi de chaînes mortes « normales ». Un fractionnement des échantillons analysés ensuite par MALDI-TOF a mis en lumière les produits attendus par le modèle : étoiles à trois branches mais aussi étoiles à quatre branches issues du couplage de deux radicaux intermédiaires entre eux. Ces espèces ont également été mis en évidence par spectrométrie RMN 13C 154 et technique RPE où la concentration en radicaux intermédiaires observés est compatible avec celle attendue pour ce modèle141,155. Au vu de toutes ces études, un mécanisme général a été proposé par Vana en 2006156 et prouvé expérimentalement par Buback et son équipe157. Mais celui-ci ne prenant en compte que la polymérisation en présence de dithiobenzoate a été remis en cause par Moad et Rizzardo127. Il faudrait des études avec d’autres types d’agent RAFT pour pouvoir certainement trancher.

Il est également évident que d’autres réactions de terminaison (réactions de couplages de deux chaînes croissantes, ou réactions de dismutation) sont présentes par cette technique. Mais il existe aussi une réaction de terminaison propre à la polymérisation en présence d’agent RAFT dans certains solvants. C’est le cas de l’élimination de l’agent de transfert par oxydation avec les peroxydes présents dans le solvant le plus communément utilisé pour ce processus, le tetrahydrofurane (THF)158.

Cette technique de polymérisation contrôlée, même lente est un outil très appropriée pour la synthèse de nouvelles macromolécules aux microstructures contrôlées. Elle a ainsi été employée dans ces travaux de thèse en particulier dans le Chapitre 4.

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III. La copolymérisation : premier degré du contrôle des séquences.