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Les polymères synthétiques utilisés pour la génération de cornées artificielles 41

CHAPITRE 1   REVUE DE LITTÉRATURE 5

1.3   Les biomatériaux 27

1.3.4   Les polymères synthétiques utilisés pour la génération de cornées artificielles 41

La génération de cornée artificielle peut actuellement être effectuée de deux manières, soit par l'utilisation de kératoprothèses, soit par le développement d’équivalents cornéens générés par ingénierie. La grande disponibilité de polymères synthétiques fait des kératoprothèses la voie actuellement privilégiée dans la majorité des recherches actuelles. Cependant, à long terme, la génération d’équivalents cornéens par ingénierie tissulaire, imitant le comportement du tissu natif, et qui pourront être intégrés complètement et naturellement chez le patient jouera sûrement un rôle majeur dans les stratégies de traitement (Griffith et al. 2002).

Les kératoprothèses idéales devraient être flexibles, composées d’un noyau optique transparent entouré par une surface poreuse, et ce, afin de permettre la croissance de fibroblastes et le dépôt d’une quantité suffisante de collagène servant de point d’ancrage pour permettre l’intégration de la prothèse dans le tissu hôte. La surface poreuse doit également être suffisamment résistante pour permettre les sutures (Griffith et al. 2002). La surface postérieure de la prothèse devrait inhiber l’attachement et la prolifération cellulaire afin d’éviter son opacification due à la formation d’une membrane rétroprosthétique (Griffith et al. 2002). Au contraire, la surface antérieure de la prothèse devrait être capable de promouvoir la croissance des cellules épithéliales à confluence afin de fournir une protection naturelle contre les infections bactériennes (Klenkler et al. 2009). Cette étape est d’ailleurs problématique pour les prothèses actuellement développées, car, en l'absence de la migration et de la croissance sur la surface antérieure des biomatériaux servant de prothèse (Legeais and Renard 1998), un risque de nécrose

du tissu stromal est possible, ce qui peut conduire à l'extrusion de la prothèse de l’œil (Klenkler et al. 2008).

Les matériaux utilisés pour la fabrication de la portion optique de cette prothèse se doivent d'avoir un indice de réfraction similaire à celui de cornées normales et la partie optique doit permettre le transfert d’oxygène ainsi que la diffusion de nutriments (Sweeney et al. 1998). Aucun des matériaux utilisés lors de la fabrication de cette prothèse ne doit entrainer le déclenchement de réactions immunitaire ou inflammatoire.

De nombreux polymères synthétiques ont été étudiés dans le but de développer des kératoprothèses. Plusieurs études se sont basées sur l’utilisation d’hydrogels, et plus spécifiquement du poly(2-hydroxyéthyl méthacrylate) (pHEMA) (Hicks et al. 1997). La nature hydrophile de ce gel en fait un excellent candidat pour des applications en ingénierie tissulaire. Les bonnes propriétés de transparence et de transmission de la lumière ainsi que leur perméabilité aux nutriments sont autant d’avantages que ces supports possèdent pour des applications en ophtalmologie. Ce polymère est accepté dans 80% des cas pendant au moins un an par l’organisme (Myung et al. 2008). Bien que ces matrices aient été utilisées in vivo, un problème de calcification a pu être observé ce qui est un inconvénient majeur dans l’optique d’une intégration à long terme (Vijayasekaran et al. 2000). Cependant, ce type de supports présente une faible perméabilité au glucose (Arica and Hasirci 1993) et ne supporte pas un recouvrement total par des cellules épithéliales (Myung et al. 2008). Bien que les raisons n'en soient pas encore bien comprises, des cas de rejet par l’organisme ont été rapportés (Myung et al. 2008).

D’autres kératoprothèses basées sur l’utilisation de PTFE en tant que surface poreuse et de polyvinyl pyrrolidone (PVP) recouvert de polydiméthylsiloxane (PDMS) comme centre optique ont déjà été utilisées (Legeais and Renard 1998) en raison de la compatibilité de ce

dernier d'un point de vue ophtalmologique (Langefeld et al. 2000; Lee et al. 1996), de ces bonnes propriétés mécaniques et de sa haute perméabilité à l’oxygène (Klenkler et al. 2008; Lloyd et al. 2001). Cependant, un problème majeur est rencontré lors de l'utilisation de ce type de kératoprothèses. En effet, il n’est actuellement pas possible d’obtenir des surfaces de PDMS permettant un recouvrement intégral par des cellules épithéliales (Klenkler et al. 2009; Klenkler et al. 2005). Etant donné que ce polymère ne contient pas de groupements fonctionnels à sa surface, Klenkler et al. (Klenkler et al. 2008) ont proposé de fonctionnaliser ce polymère avec le facteur de croissance EGF (après traitement préalable de la surface par plasma) afin de promouvoir l’adhésion, la prolifération et la migration de cellules épithéliales à sa surface. En raison de leur stratégie basée sur le couplage de EGF par l’intermédiaire d’un bras espaceur en polyéthylène glycol (PEG, connu pour limiter l’adsorption de molécules d’adhésion), cette équipe n’a pas été capable d’obtenir une réépithélisation totale de ces surfaces.

Finalement, le poly(méthyl méthacrylate) (PMMA) est le polymère qui est actuellement le biomatériau le plus communément utilisé lors de greffes de cornées (Myung et al. 2008). Le PMMA est un plastique transparent mais imperméable qui est la base de la kératoprothèse de Dohlman-Doane (Aquavella et al. 2005; Doane et al. 1996). Cette kératoprothèse a été utilisée pendant de nombreuses années chez des patients ; elle peut être implantée de manière routinière et conservée au site d'implantation avec un minimum de complications (Aquavella et al. 2005; Doane et al. 1996). Cependant, dans certains cas, tout comme pour les autres polymères pouvant être utilisés dans les stratégies de greffes de cornées artificielles, certaines complications apparaissent, à savoir, la formation d’une membrane rétroprosthétique sur la face postérieure de la prothèse. Il faut également noter que tout comme les autres polymères utilisés lors des greffes de cornée, l’implantation de ces prothèses nécessite des chirurgies complexes. Ces dernières sont

continuellement associées à de forts risques de complications résultant d'une biointégration sous- optimale en raison de la rigidité ou la faible mouillabilité de la prothèse (Aquavella et al. 2005).

En résumé, pour des stratégies visant à soutenir la régénération tissulaire, l’utilisation de matériaux d’origine naturelle, de matrices acellulaires ou de polyesters est actuellement la voie préférée par de nombreuses équipes de recherche. Dans la grande majorité des cas cependant, les propriétés de surface de ces matériaux ne sont pas adéquates pour le site d’implantation. Ainsi, des modifications appropriées de leurs surfaces, sans toutefois altérer leurs propriétés mécaniques, sont mises en œuvre afin d'améliorer leur bio-reconnaissance par les cellules. Par exemple, l’introduction de groupements fonctionnels permettant l’immobilisation de biomolécules est une alternative souvent adoptée afin d’améliorer les propriétés du biomatériau (Ratner 1995). Pour ce faire, différentes méthodes basées sur la chimie humide ou de traitement au plasma (Gauvreau et al. 2004) sont couramment mises en œuvre afin d'ajouter à la surface des groupements fonctionnels (par exemple des fonctions amine ou carboxyl). Le greffage de molécules modifiant l’adsorption non spécifique de protéines tel que le polyéthylène glycol (PEG) ou le dextrane peut alors être envisagé en se servant de ces groupements fonctionnels (DeLong et al. 2005; Klenkler et al. 2005; Massia et al. 2000). Dans la section suivante, nous allons nous intéresser plus particulièrement aux méthodes existantes permettant l’immobilisation de protéines à la surface des biomatériaux.

1.4 Stratégies et techniques utilisées pour l'immobilisation de