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Polycondensation des précurseurs difonctionnels carbamate-alcool (type A-B)

Chapitre 1 : Etat de l’art : principales voies de synthèse vers les

1. Réaction de transuréthanisation

1.2. Des carbamates aux polyuréthanes

1.2.3. Polycondensation des précurseurs difonctionnels carbamate-alcool (type A-B)

Il est possible de trouver plusieurs précurseurs de type A-B dans la littérature, principalement dans des études de l’équipe de Keul et Höcker.33,34,41 Ils peuvent être différenciés en fonction du substituant du groupement carbamate. Les précurseurs les plus communs sont alors soit des phénylcarbamates (PC) ou des hydroxycarbamates (HC) (Figure 12).

Figure 12 - Exemples de précurseurs de type AB trouvés dans la littérature

L’auto-polycondensation de PCa décrite dès 1998 par ces auteurs est réalisée en masse à 120°C avec un catalyseur à base d’étain et sous pression réduite.41 Les auteurs ont ainsi pu obtenir des valeurs de M̅w supérieures à 50 kg.mol-1. Cependant, des réactions secondaires de dégradation menant à des masses molaires plus faibles ont été observées pour des temps de réaction trop longs. Cette réaction de polycondensation est présentée par les auteurs comme une alternative viable à la réaction de polymérisation par ouverture de cycle du 2,2-diméthyltriméthylène uréthane, défavorisée thermodynamiquement.

Dans une étude suivante, Sharma et al. ont ainsi étudié l’auto polymérisation des phénylcarbamates PCb et PCc en masse, à 120°C, en présence de Bu2Sn(OCH3)2 en quantité catalytique.33 Après 1h à pression atmosphérique, le phénol généré par la réaction est éliminé, sous vide pendant 3 à 6 h. Cela a permis aux auteurs d’obtenir différents polymères avec des blocs uréthane et amide alternés. Dans le cas de PCb, les polymères obtenus ont des M̅n allant jusqu’à 11,5 kg.mol-1 contre des M̅ maximales de 7,9 kg.mol-1 avec PCc.

Les polymères des deux séries ont montré des propriétés thermiques très similaires, ce qui est cohérent compte tenu de leur forte ressemblance structurelle. De la même façon, l’auto polycondensation de HCa a été menée par cette équipe, avec l’obtention au final d’un polymère très similaire à son homologue obtenu à partir de PCb, si ce n’est la présence plus importante de fonctions urée dans la chaîne principale.34 Cette plus grande proportion de fonctions urée est expliquée par le fait que l’éthylène glycol libéré par HCa va subir plus facilement la réaction secondaire vue précédemment (Figure 9) que le phénol libéré par PCb. Ainsi, si on prend comme exemple un polymère à partir de PCb avec n = 4 (Figure 12), le ratio uréthane sur amine est de 94:6, alors qu’il est de 81:19 pour son équivalent à partir de HCa.

1.3. Options à partir de composés biosourcés

La recherche de PU renouvelables est d’un intérêt grandissant notamment pour la communauté scientifique pour répondre à des questions de développement durable et de mise en place d’une chimie plus verte. C’est pourquoi de nombreuses équipes intègrent de plus en plus des composés biosourcés dans leurs voies de synthèse. Yan et al. ont par exemple réalisé la synthèse d’un PU-vitrimère à partir d’huile de ricin.44 Cependant, cette voie de synthèse met en jeu le diisocyanate d’hexaméthylène (HDI), classiquement utilisé dans la synthèse des PU.

Comme vu précédemment, la plupart des précurseurs sont synthétisés à partir de carbonate de diméthyle (CDM) et de diamines. Si le premier est déjà souvent considéré comme un composé « écologique »45, il est également possible d’utiliser des diamines biosourcées. On peut ainsi noter la 1,4-butanediamine (Putrescine) (DA4) qui peut être obtenue à partir de l’acide succinique46, ou encore par voie métabolique de la bactérie E. Coli.47 De même, la 1,6-hexanediamine (DA6) peut être préparée à partir de glucose ou encore d’amidon, et la 1,10-décanediamine (DA10) est pour sa part dérivée de l’huile de ricin.46

Dans la continuité de ce chapitre, il parait donc intéressant de partir de précurseurs pouvant être d’origine biosourcée pour la réaction de transuréthanisation, comme ceux présentés dans le Tableau 2 ci-après.

Tableau 2 - Synthèses de PU sans isocyanate par transuréthanisation à partir de précurseurs biosourcés Bis-carbamates biosourcés Diols biosourcés Conditions

réactionnelles M̅n(kg.mol-1) [dispersité] Propriétés thermiques Ref. TBD 120 < T < 160°C 14 h, pression réduite 7,1 – 24,6 [1.2 – 2.1] Tm = 121 – 145°C 13

Tableau 2 - Suite

Bis-carbamates biosourcés Diols biosourcés Conditions réactionnelles M̅n(kg.mol-1) [dispersité] Propriétés thermiques Ref. TBD ou K2CO3 120 < T < 160°C 22 h 1,5 – 13,9 [1.3 – 2.7] Tg = -38 – 44°C Tm = 61 – 188°C 20,25,36 - pression réduite 150°C, 9 h, [2.2] 7,7 Tg = -10°C Tm = 73°C 48 - Ti(BuO)4, 4 h, N2 Puis 2 h pression réduite 5 – 6,9 [1.4 – 2] Tg = -44°C 7 - Ti(BuO)4, 4 h, N2 Puis 2 h pression réduite 2,8 [1.1] Tg1 = -39,4°C Tg2 = 25,3°C 8 - Ti(BuO)4, 4 h, N2 Puis 2 h pression réduite 2,1 [1] Tg1 = -39,4°C Tg2 = 25,3°C 8

Unverferth et al. ont réalisé différents BMC à partir d’acide ricinoléique issu de l’huile de ricin qu’ils ont ensuite fait réagir avec plusieurs diols linéaires, obtenant alors des PU avec des M̅n allant jusqu’à 24,6 kg.mol-1.13 Par la suite, l’équipe de Burel et al. a fait varier la structure de leur BMC en utilisant plusieurs diamines biosourcées.20,25,36 Ils ont choisi des diamines linéaires (DA4, DA6 et DA10) ainsi que deux diamines ramifiées dérivées d’acides gras : la Priamine 1074 issue de l’acide linoléique et oléique ; ainsi que la (9Z)-9-octadécène-1,12-diamine issue de l’huile de ricin. Les précurseurs BMC ainsi formés sont ensuite mis en jeu dans une réaction de transuréthanisation avec différents diols également biosourcés pour obtenir un PU non seulement sans isocyanate, mais surtout entièrement renouvelable. Cette diversité dans le choix des précurseurs permet aux auteurs de présenter des PU avec des propriétés très variées, conduisant à des M̅n comprises entre 1,5 et 13,9 kg.mol-1 pour des valeurs de Tg allant de -38°C à 44°C, en fonction des monomères utilisés.

L’équipe de Cramail et al. a pour sa part choisi d’utiliser la stratégie d’auto-polycondensation des précurseurs de type AB issus d’acides gras pour obtenir des PU renouvelables.7,8 La fonction hydroxyle du précurseur de type AB est déjà présente dans l’acide ricinoléique, ou a été rajoutée par chimie « click » de type addition thiol-ène sur la double liaison de l’acide oléique. La fonction carbamate quant à elle est apportée par la transformation de l’acide carboxylique des acides gras en azoture d’acyle par réaction avec l’azoture de sodium (NaN3).

L’azoture d’acyle peut ensuite réagir avec le méthanol pour former le méthylcarbamate désiré (Figure 13). Bien qu’originale, cette voie présente un inconvénient majeur car elle implique l’utilisation de l’azoture de sodium fortement toxique.

Figure 13 – Synthèse de précurseurs de type AB à partir d'acides gras7,8

L’auto-polycondensation de ces précurseurs est ensuite réalisée à 130°C en présence de Ti(BuO)4, sous atmosphère inerte pendant 4 h, puis sous vide pendant 2 h. Les PU ainsi obtenus présentent des masses molaires faibles, avec des M̅n ne dépassant pas 6,9 kg.mol-1. Les auteurs ont également noté la présence de deux températures de transition vitreuse dans le cas des PU obtenus à partir des précurseurs soufrés, qu’ils ont expliquées par une morphologie avec séparation de phase.8

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La transuréthanisation est une première voie intéressante pour obtenir des PU sans isocyanate ni phosgène. Elle peut être appliquée à une large variété de monomères de départ, qu’ils soient d’origine pétrolière ou renouvelable. La diversité des précurseurs utilisés permet ainsi de former par transuréthanisation des PU dont la structure peut être ajustée en fonction de l’application visée. La synthèse des précurseurs carbamate est relativement simple, potentiellement renouvelable et peut être aisément transposée à une échelle industrielle. Néanmoins, le procédé de transuréthanisation implique l’élimination d’un alcool simple, généralement le méthanol, ce qui peut présenter un premier frein à son industrialisation. De plus, les conditions réactionnelles nécessitent une température élevée (généralement entre 100 et 200°C) ainsi que l’utilisation de catalyseurs. Pour toutes ces raisons, la transuréthanisation, bien que prometteuse dans le cadre des recherches académiques, n’a pas encore trouvé d’applications industrielles.