• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : Une nouvelle voie de synthèse de fonctions uréthane : la

1. Présentation de la réaction Carbamate / Aldéhyde

1.1. Les Carbamates et leurs synthèses

Les carbamates (ou uréthanes) sont une famille de composés organiques porteurs de la fonction R-O-CO-NH-R’ (R’ = H dans le cas des carbamates primaires). Ils correspondent aux esters substitués de l’acide carbamique. Comme le montraient déjà Adams et Baron avec leur revue de 1965,1 les carbamates ont suscité l’intérêt de nombreuses équipes de recherche, et ce dès la première préparation de carbamate d’éthyle décrite par Wohler en 1845 à partir d’urée et d’éthanol.2 Ces composés ont présenté un intérêt grandissant en tant qu’intermédiaires clés dans de nombreuses synthèses de composés organiques, et notamment d’isocyanates, ou pour leur conversion directe en PU sans isocyanate ni phosgène via une réaction de transestérification avec des diols.3

De nos jours, les carbamates sont généralement obtenus à partir de phosgène ou de l’un de ses dérivés avec des alcools et des amines (Figure 39). Cependant, la forte toxicité du phosgène et de ses dérivés rend cette méthode particulièrement inadaptée dans le cadre du développement de précurseurs durables pour les PU. C’est pourquoi de nombreuses équipes se sont intéressées à des méthodes alternatives pour la synthèse de carbamates.

Figure 39 - Différentes voies de synthèse de carbamates à partir du phosgène3

1.1.1. Synthèses de carbamates primaires sans phosgène

Suite aux dangers de plus en plus dénoncés de l’utilisation du phosgène et de ses dérivés, plusieurs équipes ont développé des voies de synthèse originales de carbamates à partir de fonctions hydroxyle sans utiliser de phosgène. Le Tableau 8 présente ces synthèses et leurs conditions opératoires.

Tableau 8 - Synthèses de carbamates primaires sans phosgène

Schéma réactionnel Conditions opératoires Rendements Ref.

Dans un mortier, sans solvant, 12 h à température ambiante

55 – 95 % 4

Sans solvant, utilisation d’un catalyseur supporté (HClO4.SiO2),

25-65°C, 45 min – 1 h 58 – 83 % 5 Sans solvant, 60 °C pendant 30 min – 1 h 52 – 90 % 6 Pyridine et THF utilisés comme solvant, 1 h à 60 °C puis 3 h à 60 °C 71 % 7

Modarresi-Alam et al.4 ont ainsi rapporté l’obtention de carbamates primaires à partir d’alcool par addition de cyanate de sodium (NaOCN). La réaction est catalysée par de l’acide trichloroacétique (Cl3CCO2H) et présente les avantages d’être opérée en masse à l’aide d’un mortier et à température ambiante. Néanmoins, la durée de réaction est alors de 12 h. Les auteurs ont ainsi fait réagir de nombreux alcools de structures variées, pouvant être linéaires, cycliques, branchées ou aromatiques, avec des rendements allant jusqu’à 95 %.

Cette même équipe a montré que cette réaction était significativement accélérée par l’utilisation d’un catalyseur supporté (HClO4.SiO2).5 En effet, ils ont pu réduire la durée de réaction à une heure et ont obtenu de nombreux carbamates primaires de structures variées avec des rendements similaires à l’expérience précédente prenant 12 h. Là encore, la réaction est opérée en masse, à une température ne dépassant pas 65 °C, permettant de réduire encore la durée de réaction à 45 minutes.

Sardarian et al. ont également décrit une voie de synthèse très similaire utilisant cette fois le cyanate de potassium (KOCN) à la place du cyanate de sodium. De plus, les auteurs ont choisi l’acide dodécylbenzène sulfonique (DBSA) comme catalyseur, ce dernier ayant le double avantage d’être bon marché et bien moins nocif pour l’environnement. Là aussi, la réaction est opérée sans solvant, mais la température de 60°C permet d’obtenir toute une série de carbamates primaires aliphatiques et aromatiques avec de hauts rendements, en moins d’une heure.

Bien que ces trois voies de synthèse originales permettent d’obtenir des carbamates primaires comme désiré, les produits utilisés sont loin d’être sûrs pour l’environnement ou les opérateurs, et notamment les cyanates de sodium (NaOCN) (H302, H319, H412) et de potassium (KOCN) (H302, H412), ainsi que l’acide trichloroacétique (Cl3CCO2H) (H314, H335, H400, H410).

Une publication de Kim en 2011 a décrit la carbamatation des fonctions OH du glycérol par ajout de chloroformiate de phényle en présence de pyridine et de THF afin d’obtenir un intermédiaire carbonate qui est ensuite traité par de l’ammoniac gazeux pour donner le tricarbamate de glycérol (Figure 40).7

Là aussi, plusieurs réactifs de cette synthèse posent un problème de sécurité, notamment l’ammoniac (H314, H331) et le chloroformiate de phényle (H290, H302, H330, H314, H335), mortel par inhalation. De plus, l’utilisation de pyridine et de THF comme solvant de réaction cantonne cette voie de synthèse à l’échelle du laboratoire seul, car ces produits sont considérés comme trop dangereux selon la classification REACH.

1.1.2. La transcarbamatation : vers des carbamates primaires moins nocifs

Une autre voie est à considérer lorsque l’on cherche à obtenir des carbamates primaires sans phosgène. Il s’agit de la voie par transcarbamatation. Celle-ci permet d’obtenir directement un carbamate primaire à partir d’une fonction alcool par addition d’un agent de carbamatation et en présence d’un catalyseur (Figure 41). L’agent de carbamatation est généralement un autre carbamate primaire avec une chaine alkyle courte en α de l’atome d’oxygène (par exemple le carbamate de méthyle), mais il est également possible d’utiliser l’urée comme l’a montré Peña-Lopez et al.8 Cependant, dans ce dernier cas, il est nécessaire d’utiliser un catalyseur métallique (FeBr2) et de chauffer dans du dioxane, rendant cette méthode de synthèse peu indiquée. Dans tous les cas, un alcool simple est libéré en tant que sous-produit (le méthanol dans le cas du carbamate de méthyle) pouvant facilement être éliminé par distillation au cours de la réaction.

Figure 41 - Synthèse d'un carbamate primaire par transcarbamatation

Cette voie a été particulièrement décrite dans une série de brevets de DOW Chemicals entre 2011 et 2015.9–13 Ces brevets décrivent la formation de polycarbamates primaires à partir de polyols généralement aliphatiques par transcarbamatation. Le carbamate de méthyle est généralement utilisé comme agent de carbamatation, mais on peut noter que l’urée peut également être utilisée. Dans ce cas, le sous-produit de la réaction n’est plus un alcool simple mais de l’ammoniac. Dans tous les cas, la réaction est opérée entre 130 et 165°C avec un catalyseur métallique, à base d’étain notamment, et plus particulièrement l’oxyde de dibutylétain (DBTO). La durée de la réaction est généralement comprise entre 18 et 30 h.

Dans tous ces brevets, le xylène est utilisé comme solvant à cause de son point d’ébullition élevé permettant d’éliminer facilement le méthanol tout en gardant le xylène dans le milieu. De même, lorsque l’urée est utilisée comme agent de carbamatation, celle-ci n’est que rarement utilisée pure.

Elle est en effet généralement utilisée en solution aqueuse, préférentiellement entre 30 et 50% en masse (wt%), et est introduite dans le milieu à faible débit sur plusieurs heures. Dans ce cas, l’eau de la solution d’urée et le xylène présent dans le milieu réactionnel forment un azéotrope permettant d’évacuer l’eau plus facilement du milieu réactionnel.