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3 LES IMPACTS DES PESTICIDES SUR L’ENVIRONNEMENT

3.1 La pollution de l’eau

L’importance du transport de résidus de pesticides par les eaux de ruissellement et de drainage ou avec les particules de sol érodé dépend de la propension du pesticide à s’adsorber à la matière organique ainsi que de la perméabilité du sol. Par exemple, la perméabilité du sol influence le potentiel de contamination des eaux de surface par rapport aux eaux souterraines, c’est-à-dire que les pesticides épandus sur un sol argileux auront tendance à ruisseler davantage que sur un sol sableux dans lequel ils pénètrent facilement. Par conséquent, le transport des pesticides vers les eaux de surface augmente avec la fréquence des fortes pluies à raison de la saturation du sol en eau. La texture du sol affecte aussi leur transport : un sol poreux riche en humus fait office de filtre et un sol riche en végétaux adsorbe ou absorbe les contaminants par son réseau racinaire (Stevenson, 1972).

La période de gel-dégel qui caractérise le climat québécois contribue d’autre part à la contamination des plans d’eau. Pendant cette courte période, des agrégats de sol contenants des particules de pesticides dissoutes dans l’eau gelée sont détruits à cause des successions brusques de changements de température qui les font éclater. Le sol printanier gorgé d’eau est drainé, expulsant l’eau et les pesticides libérés des agrégats vers les cours d’eau. Globalement, 2 % des pesticides sont estimés perdus, et ce, au détriment de la qualité des cours d’eau et des nappes phréatiques (Samuel et autres, 2012).

3.1.1 L’eau potable

Le gouvernement fédéral a révisé en 2011 les seuils sécuritaires existants et en a émis de nouveaux pour une série de pesticides qui risquent d’être présents dans l’eau potable destinée à la consommation humaine.

Le MDDEFP a publié en 2012 les résultats d’échantillonnages qui ont été effectués de 2005 à 2009 pour 204 réseaux de distribution d’eau potable. Les faits à retenir sont que (1) 100 % des 83 246 analyses respectent les normes et que (2) l’atrazine et ses métabolites ont le ratio le plus élevé de la concentration maximale détectée par rapport à la norme (20 %). Le tableau 3.1 résume la tendance notable de certains d’entre eux, tout en sachant que la plupart ont tout de même augmenté. (Robert et Bolduc, MDDEFP, 2012)

Tableau 3.1 Comparaison des maxima de pesticides détectés de 2005-2009 par rapport à 2001-2005 dans les réseaux d’eau potable au Québec (inspiré de : Robert et Bolduc, MDDEFP, 2012, p. 35)

Baisse Hausse, mais demeure « sous la limite de détection » Hausse

Diquat (~ 5x) Carbaryl Dicamba (~ 4x)

Glyphosate (~ 5x) Diazinon Diuron (~ 3x)

Paraquat (~ 3x) Métribuzine ---

Piclorame (~ 6,5) Trifluraline ---

La période 2005-2009 a aussi donné lieu à des échantillonnages d’eau brute et d’eau traitée de cinq réseaux de distribution situés dans les zones agricoles du Québec reconnues pour leurs cultures de maïs et de soya. Il ressort que des 40 pesticides testés, 12 ont été détectés à l’état de trace dans l’eau brute à l’exception de l’atrazine et de ses métabolites et du métolachlore. D’autre part, l’atrazine, le dicamba, le 4- chloro-2-méthylphénoxy acétique (MCPA), le métolachlore et le 2,4-D (2,4-dichlorophénoxyacétique) ne sont pas totalement éliminés par les traitements d’épuration. (Robert et Bolduc, MDDEFP, 2012)

3.1.2 Les effluents des régions agricoles

Les cultures de maïs et de soya occupent de vastes superficies. En conséquence, elles requièrent de grandes quantités de pesticides. Les effluents de ces bassins versants sont donc plus susceptibles de recevoir des eaux de drainage contaminées aux pesticides. Un des impacts de leur présence est l’élimination d’abris et de nourriture pour la faune.

La section suivante résume la quantification de 60 pesticides dans des échantillons d’eau en provenance des rivières Chibouet, des Hurons, Saint-Régis et Saint-Zéphirin qui drainent justement des bassins versants11 où sont cultivés le maïs et le soya. La période à l’étude s’étale de 2008 à 2010. Les pesticides

sont détectés pendant la période des épandages qui s’étale de la fin mai à août. La quantité détectée est cyclique : elle augmente suite aux pluies. Le tableau 3.2 donne un aperçu de ceux décelés le plus souvent et de ceux dont les concentrations dépassent les seuils de qualité de l’eau.

Les auteurs de l’analyse précisent que ce sont les organismes de la rivière Saint-Zéphirin qui ont été le plus souvent susceptibles d’intoxications chroniques ou aigües en raison de dépassements des critères avec une fréquence de 20 %, suivi par les organismes de la rivière Saint-Régis, dans une fréquence de 17 %. L’atrazine est le plus souvent en cause. (Giroux et Pelletier, MDDEFP, 2012).

Tableau 3.2 Analyse des échantillons d’eau de surface de quatre rivières de bassins versants agricoles du Québec de 2008 à 2010 (traduction libre de : Giroux et Pelletier 2012)

Pesticide et tendance des concentrations maximales (/) Fréquence (%) et tendance de détection (/)

Dépassement du critère de vie aquatique chronique (Oui/Non) : dépassement du critère de vie aquatique aigüe (Oui/Non)

Métolachlore  99  Oui () : Non

Atrazine 97 12 Oui () : Non

Glyphosate  86 13 Non : Non

Imazéthapyr  79  Non : Non

Bentazone  75  Non : Non

Dicamba  61  Non : Non

Flumetsulame  49  Non : Non

2,4-D  30  Non : Non

Mécoprop  20  Non : Non

Simazine  5  Non : Non

Linuron  < 1  Non : Non

Carbaryl  8 14 Oui () : Non

Diméthoate  4  Non : Non

Chlorpyrifos  3  Oui () : Oui ()

Diazinon  < 1  Oui () : Oui ()

11 Les bassins versants sont respectivement ceux de la rivière Yamaska, de la rivière Richelieu, du Saint-

Laurent et de la rivière Nicolet.

12 Son produit de dégradation, le diéthyl-atrazine, est aussi en baisse. 13 Son produit de dégradation, l’AMPA, est aussi en hausse.

Suivant l’hypothèse de l’accroissement du nombre et de la fréquence d’invasion des ravageurs des grandes cultures en raison des CC, la quantité de pesticides épandue pourrait suivre la même tendance pour continuer la lutte. Mais, également en conséquence des CC, les modèles prévoient que le nombre d’événements de fortes pluies est à prévoir. Ainsi, lorsque ces deux perspectives sont mises ensembles, les eaux de surface risquent de recevoir plus d’eau de ruissellement contenant des pesticides, et ceci, en concentrations croissantes, ce qui pourrait devenir une nuisance constante pour les organismes aquatiques.

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