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La politisation du système judiciaire

La politisation du système judiciaire

En quatre l'ont party ; en populaire tourbe Qui le doz au travail éternellement courbe, En la noblesse née aux guerres et aux combats, Justice qui esteinct les procez et débats

Et le plus digne estat, qui ensemble les lie D'une saincte Musique et parfaite harmonie1

e rôle des juges dans le maintient d'une l'autorité royale à toute épreuve se trouve bousculé par la crise ligueuse. Représentants du roi et délégués de sa justice, les magistrats du parlement de Bretagne doivent dès 1589 faire face à une période d'affaiblissement des pouvoirs monarchique et administratif : la France est coupée en deux, la province bretonne aussi. La question est alors de savoir si cette situation se retrouve au sein de la cour ? Car si les magistrats garantissent la dignité de la justice, la partition du parlement en deux entités distinctes, une loyaliste et royaliste à Rennes et une seconde, « dissidente » à Nantes sous l'autorité du chef de Ligue en Bretagne, le duc de Mercœur, remet en cause le principe même de son activité. Activité qui vise, par ses arrêts, à mettre fin à des conflits entre particuliers ou des groupes afin de restaurer la paix civile. Face à l'imbroglio judiciaire régnant dans la France de l'Ancien Régime, le parlement se doit de maintenir une cohésion sociale et de répondre aux besoins des justiciables. Or, la huitième des guerres de Religion n'est-elle pas le moment d'une remise en cause de cette valeur fondamentale de la justice qui est celle de l'impartialité ? En se livrant à une guerre d'arrêts, en opposant deux justices et en rendant plus difficile encore la mise en application des sentences, le parlement, sous le prétexte de vouloir conserver l'ordre du roi pour celui de Rennes ou d'instaurer un ordre

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1 Joachim du Bellay, Ample discours au Roy sur le faict des quatre Estats du Royaume de France, Paris, 1567, cité par RICHART Denis, De la Réforme à la Révolution, Paris, Aubier, 1991, p. 392.

nouveau, juste et surtout catholique pour Nantes, ne joue-t-il pas le rôle inverse ?

La culture commune des juristes amène à réfléchir, à proposer, mais aussi à prendre des engagements, à participer au gouvernement des sociétés humaines, voire à « être saisis par le politique »2. Définis par un domaine de compétence, le droit, et par

une fonction dans la société, le service civil, les magistrats forment un groupe assez homogène pour que Charles Loyseau le considère comme un quatrième ordre dont le rang serait en vérité le premier. Or le moment ligueur est un temps privilégié de politisation de l'activité parlementaire. Parce que susceptible de faire jurisprudence et de créer un précédent, la dimension politique des décisions rennaises ou nantaises prend une forme plus concrète encore en 1590 dans une mise en confrontation de deux camps. Il faut faire un choix, choisir un parti, combattre l'autre, se défendre, défendre ses justiciables. Nous aborderons ainsi les choses sous deux angles. Le premier nous plongera dans le monde du personnel parlementaire de 1590 : qui sont-ils ? Qui fait le choix de partir à Nantes ? Pour quelles raisons ? Qui reste ? En quoi le service d'un parti entraîne-t-il une politisation judiciaire, voire personnelle ? Dans quel contexte l'opinion investit-elle le domaine de la justice ? Ensuite, nous nous intéresseront au parlement en tant que législateur : comment va-t-il se placer en tant qu'intermédiaire entre le pouvoir national et le pouvoir local ? Comment va-t-il participer d'une politisation à petite échelle de la province ?

2 Expression de Hervé Drévillon dans Joel Cornette, La monarchie entre Renaissance et Révolution, 1515-1792, Le Seuil, 2000, p. 315, cité par DAUSSY Hugues et PITOU Frédérique (dir.), Hommes de loi et politique (XVIe-XVIIIe siècles), PUR, Rennes, 2007, p. 7.

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La cité des juges

La justice, dans sa pratique quotidienne, est bien obligée de tenir compte, outre de la législation, des souhaits et de la pression de l'opinion, tant nationale que locale surtout : les juges sont des individus comme les autres, immergés dans le milieu local [...]3

nséparable de l'institution qu'il représente et dans laquelle il tient charge, le personnel judiciaire mérite une étude spécifique. Or, qui dit guerre civile dit exacerbation des prises de position, des opinions. Une opinion qui « désigne la position de chaque magistrat lors des délibérations, tant politiques que judiciaires »4 et qui

s'inscrit ici dans une guerre judiciaire entre deux villes et entre deux partis. Un choix qui implique déjà une prise de position et que conforte encore les affaires tout à fait privées opposant des ligueurs à des royalistes : la partie adverse est systématiquement mise en cause et perd le procès. Au « prestige quasi-religieux de l'office de juge »5 s'ajoute une

vision de plus en plus politisée de leurs offices : ce n'est pas seulement le procès en lui- même qui doit nous intéresser mais aussi le contexte idéologique de ceux qui rendent le jugement.

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Ces hommes se doivent donc de prendre position surtout lorsqu'ils sont eux- mêmes les proies du conflit : si l'on met de côté les comportements à adopter face aux menaces sur les personnes ou bien celles qui pèsent sur l'exercice de leurs états6, vient

se greffer une autre question, celle de l'obéissance des juges, celle aussi de la surveillance dont ils font l'objet. Car servir un parti a des conséquences : il s'agit de défendre un roi qui intervient parfois directement dans les affaires parlementaires, de défendre aussi de Grands seigneurs dont les intérêts ne sont pas minces, ni les liens qui les unissent au monde de la justice. En somme, quel portrait d'un juge pendant la Ligue pouvons-nous dresser ? Quel portrait de son travail se dessine à travers les arrêts des parlements de Rennes et de Nantes ?

3 GARNOT Benoît, Justice et société et France aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Ophrys, 2000, p. 19.

4 HOULLEMARE Marie, « Secret des délibérations, publicité des procès : le Parlement de Paris et l'opinion au XVIe siècle », dans BOURQUIN Laurent, HAMON Philippe, KARILA-COHEN Pierre et MICHON Cédric (dir.), S'exprimer en temps de troubles, Conflits, opinion(s) et politisation de la fin du Moyen Age au début du XXe siècle, PUR, Rennes, 2011, p. 55.

5 POTIER Emmanuel, « Le comportement politique et moral d'un haut magistrat provincial à la fin du XVIe siècle : Claude Groulart », dans DAUSSY Hugues et PITOU Frédérique (dir.), Hommes de loi et politique (XVIe-XVIIIe siècles), PUR, Rennes, 2007, p. 38.

I.1 Le juge dans sa juridiction

I.1.1 Le personnel judiciaire

Les hommes de loi ont, comme tout un chacun, une place assignée qui, en bonne logique hiérarchique, se définit par rapport à celle des autres7

e milieu judiciaire se partage entre officiers et auxiliaires. Commençons par les premiers qui, pour rappel représentent 2,5 % des demandeurs en 1590 à Rennes, 4 % à Nantes. Il peut aussi bien s'agir d'officiers royaux que d'officiers seigneuriaux et cela signifie qu'ils ont acquis leurs charges contre argent, qu'ils en sont les légitimes propriétaires et qu'ils peuvent la revendre ou la transmettre. Personne ne peut être reçu au parlement sans avoir obtenu du roi des lettres de provisions délivrées par l'intermédiaire de la Chancellerie, expédiées sur peau de vélin et scellées du grand sceau royal8. Ainsi le 14 novembre, Félix Legras, conseiller à la Cour et commissaire

aux Requêtes réclame-t-il d'être reconduit en l'exercice de son état. La Cour ordonne alors, selon les lettres patentes du 26 juillet précédent, que le demandeur se présentera devant le roi pour obtenir une lettre de provision9. Selon Frédéric Saulnier, un seul

nouveau conseiller est reçu à la Cour de Rennes en 1590, Salomon Amys : le 17 janvier, il explique avoir été pourvu d'un office de conseiller après le décès de Claude le Divin mais ne peut être reçu tant qu'il n'aura pas, au préalable, été déchargé de ses autres états de conseiller non originaire10. Autre exemple hors de la Cour, le 19 septembre, Jean

Botherel, prévôt de la prévôté de Rennes, explique qu'il a été commis en sa charge par lettres de provision données à Saint-Denis et signées par le roi après résignation d'un certain Julien Mellet11. Et effectivement, les conditions sont nombreuses pour être

pourvu : les exigences sociales sont pesantes avec des enquêtes sur la famille, la religion, la moralité ; exigences aussi techniques puisqu'il convient bien entendu de détenir des compétences en droit ; et enfin des exigences d'âge puisqu'il faut avoir au moins 25 ans et avoir exercé quatre années en tant qu'avocat, il faut aussi avoir 40 ans pour devenir président.

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La question est donc de savoir ce que l'on range dans cette catégorie des officiers de justice. Les premiers sont les présidents, on les croise de temps à autre dans les actes,

7 PIANT Hervé, Une justice ordinaire..., op. cit., p. 65.

8 À ce propos, voir SAULNIER Frédéric, Le parlement de Bretagne (1554-1790), tome I, 2e édition, Mayenne, Imprimerie de la Manutention, 1991, p. XXVII.

9 ADIV, 1 Bf 62, 14 novembre 1590, n°20. 10 ADIV, 1 Bf 60, 17 janvier, n°152. 11 ADIV, 1 Bf 61, 19 septembre 1590, n°92.

par exemple le 2 janvier lorsque Jacques Barrin et François Harpin réclament d'être dédommagés de 100 écus chacun pour un voyage qu'ils ont effectué pour la Caur12.

Nommés directement par le roi – ils sont les seuls dans ce cas là – les premiers présidents ou « présidents à mortier » ne doivent pas être confondus avec les présidents des différentes chambres de la Cour qui occupent une situation moins élevée. Les présidents à mortier, au nombre de huit, se partagent ainsi entre la Grand'Chambre et la Tournelle et se recrutent parmi les gens du roi et les conseillers. Ceux-ci occupent d'ailleurs une place non négligeables parmi les demandeurs officiers, repensons à Félix Legras. Enfin, nous trouvons ici les gens du roi, les procureurs généraux et leurs substituts. Le procureur général figure essentiellement dans les arrêts sur remontrances, mais parfois aussi sur requêtes, par exemple le 28 mai lorsque celui de Rennes requiert d'être pourvu à l'exécution d'un arrêt du 5 juin 1589 pour le rétablissement de la justice de Nantes en une autre ville obéissante13. De même exerce-t-il ses droits de police le 10

février en réclamant que défenses soient faites à toutes personnes de distraire quiconque du bon service au roi14.

Dans une seconde catégorie qui compte pour 6,5 % des demandeurs à Rennes comme à Nantes, nous avons tous les officiers subalternes et les auxiliaires de justice que l'on trouve aussi bien au parlement que dans les justices inférieures. Parmi eux tout d'abord, les « chevilles ouvrières » de la justice qui sont encore des officiers et dont les greffiers, « ministres de justice » qui tiennent la plume lors des procès, ont la charge de tous les détails, enregistrent les actes royaux, les expéditions, la comptabilité avec l'assistance d'auxiliaires et surtout de leurs commis. Ainsi, Toussaint Quétier, greffier civil à Jugon, explique-t-il que depuis plus d'un an, aucun exercice ne se fait sur les lieux à cause des troubles civils et par l'absence du sénéchal15 . Différents greffiers en

effet, civils, criminels, greffiers aussi des présentations lorsque les parties arrivent à la cour et présentent leurs affaires et que l'on croise essentiellement dans les congés et défauts. Ensuite, nous avons tout ce qui est chancellerie, officiers, secrétaires, garde-sel, ou encore notaires tel que Jean Leclerc à Vitré16. Les huissiers sont des officiers

subalternes qui se doivent d'exécuter les ordres particuliers des juges, c'est pourquoi ils sont très rarement en procès, malgré une procédure sur toute l'année concernant le

12 ADIV, 1 Bf 60, 2 janvier 1590, n°116. 13 ADIV, 1 Bf 61, 28 mai 1590, n°246. 14 ADIV, 1 Bf 60, 10 février 1590, n°11. 15 ADIV, 1 Bf 61, 22 mai 1590, n°220. 16 ADIV, 1 Bf 60, 17 janvier 1590, n°160.

maintien de certains de leurs privilèges17, mais ils sont souvent mentionnés pour

l'exécution de certaines décisions (saisies, enquêtes...). Enfin restent différents postes qui ne nous intéressent que peu ici, les commis bien sûr, mais aussi les comptables de la Cour, les receveurs ou payeurs de gages qui interviennent indirectement lorsqu'il s'agit de payer les juges, receveurs des épices et des amendes aussi, les concierges, gardes du palais, administrateurs des menues nécessités, etc18.

Après ces officiers subalternes, nous en arrivons aux auxiliaires de justice, intermédiaires entre les juges et les justiciables, médiateurs, pédagogues, guides, exécutants et parfois boucs émissaires19. Avocats, procureurs, avoués, ils sont « les

conseillers » de la procédure judiciaire. Les avocats assurent ainsi les plaidoiries devant les tribunaux au civil (au XVIIe siècle, on en compte 133 à Rennes) et nous les rencontrons notamment à l'occasion des troubles dans l'exercice de la justice locale, les transferts de juridictions, la nomination de nouveaux juges, donc dans les conflits juridiques entre ligueurs et royalistes, parfois dans des affaires privées. Les procureurs ont un rôle de consultation et de représentation des parties, chargés de la procédure écrite, ils interviennent de manière directe dans les conflits et dans les arrêts, parfois en tant que parties, souvent nommés pour l'exécution d'un ordre précis ou parlant pour ceux qu'ils représentent. Les avocats sont des « écoutants », les procureurs des « consultants ».

I.1.2 Le choix entre Rennes et Nantes

e 8 janvier 1590, le Parlement de Nantes ouvre ses premières audiences, mais c'est un projet prévu de longue date puisque dès le mois d'août 1589, le Parlement séant à Rennes ordonne qu'une information soit faite suite à la lettre du duc de Mayenne qui autorise le transfert de la Cour vers une autre ville. Le choix de partir à Nantes est fait par dix-huit parlementaires en tout et pour tout. Convaincus des dangers encourus par la religion catholique, ils défendent, par le biais de la justice ligueuse, cette cause, encore ne faut-il sans doute pas omettre, comme pour bon nombre de nobles de la province20, la recherche d'un intérêt tout personnel, la volonté d'assouvir diverses

ambitions même si à travers notre source, nous ne voyons qu'un choix avant tout idéologique. Alors qui sont-ils, ces juges qui font acte de rébellion contre un roi qu'ils ne

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17 ADIV, 1 Bf 60, 9 janvier 1590, n°131. 18 Voir p. 247 sur l'argent et le parlement.

19 GARNOT Benoît, Histoire de la justice..., op. cit., p. 313.

reconnaissent pas et qui vont rendre une justice contraire et parallèle ? Pour tenir sous sa main tous les ressorts de la puissance politique, Mercœur appelle à lui les membres de la Cour : deux présidents, quinze conseillers et un avocat général répondent présent. Ce sont les présidents Louis Dodieu21 et Pierre Carpentier22 accompagnés des conseillers

Jean de Langle, Adrien Jacquelot, Georges d'Aradon, Denis Guillaubé, Michel Gazet, Jacques de Launay, Gabriel Bitaux, Alain de Kermeno et Jean Le Livier, bientôt rejoint par François de Becdelièvre, Alain de Poupry, Claude Lasnier, Jean Lyais et Étienne Raoul23. Ceux qui auront survécu retourneront à Rennes en 1598 après l'édit d'amnistie

et après avoir prêté serment à Henri IV24. Les autres sont restés à Rennes, fidèles au roi.

Or un tel choix ne pouvait que déboucher sur un affrontement judiciaire sans précédent, et cela débute par une bataille sur la légitimité de chacun des parlements25.

Le Parlement royaliste, qui continue d'ailleurs à recruter régulièrement, maintient à Rennes son autorité et celle de Henri IV et travaille de manière énergique et en accord avec les commandements militaires à combattre et à détruire les ennemis du roi. Les parlementaires réaffirment leur entière fidélité par leurs arrêts, notamment celui du 27 février 1590 qui condamne les parlementaires ligueurs à être pendus, leurs corps devant être traînés sur la claie et leurs biens confisqués. Cette condamnation, qui reste théorique, n'empêche pas les juges nantais de remplir leurs fonctions judiciaires jusqu'en 1598. Ainsi font-ils défense, le 23 février, à tous les juges de Bretagne de procéder à exécution d'arrêts et ordonnances royalistes26. La Cour de Rennes demande aussi à

plusieurs reprises l'arrestation des juges « rebelles », ce que fait également Nantes. Et les deux cours, malgré leurs interdictions réciproques de tenir justice sont-elles contraintes, procès par procès, de réitérer l'annulation des décisions et l'interdiction de les mettre à exécution.

21 Siégeant à la Cour de Rennes jusqu'en mars 1589 et acquis très vite à la Ligue, Louis Dodieu est arrêté et emprisonné à la Tour aux Foulons, rejoint ensuite par Adrien Jacquelot. Tous deux parviennent à s'évader et à rejoindre Nantes où il prend la présidence de la Cour jusqu'en 1593 où son opposition politique à Mercœur le pousse à délaisses ses fonction. CARDOT Charles-Antoine, Le Parlement de la Ligue..., op. cit., tome 1, p. 67.

22 Ibid., tome 3, pp. 264-271 sur Pierre Carpentier et ses idées politiques.

23 Cités par GREGOIRE Louis, La Ligue... op. cit., p. 181, CORNETTE Joël, Histoire de la Bretagne..., op. cit., p. 501, et SAULNIER Frédéric, Le parlement de Bretagne (1554-1790), t. I, 2e édition,

Mayenne, Imprimerie de la Manutention, 1991, p. 17.

24 Pour le personnel du Parlement ligueur, voir les très détaillés chapitres 1 et 2 du Livre II de la thèse de Charles-Antoine Cardot : CARDOT Charles-Antoine, Le Parlement de la Ligue..., op. cit., tome 1, pp. 62-227.

25 Voir dans le chapitre 3 le point sur « se disputer un ressort » p. 139. 26 ADIV, 1 Bf 1620, 23 février 1590, n°10 (document en preuve p. 431).

I.1.3 L'opinion et la politisation parlementaire

ne guerre civile n'est-elle pas le moment privilégié de la prise de parti, de la confrontation des idées, des valeurs ? Par sa nature même, par son rôle dans la société, le parlement devient un lieu de visibilité pour toutes ces tensions idéologiques, morales, culturelles ou politiques. Les magistrats mobilisent certes les opinions venues de la société dans son ensemble, les plaideurs n'étant pas seulement des acteurs passifs durant l'appel, mais ils mobilisent aussi, parce qu'ils participent directement aux procédures, toutes les tendances politiques qui sont mises en exergue pendant un conflit civil, et par là même, font du parlement l'institution la plus politisée de la province.

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« Les discours des magistrats sur eux-mêmes témoignent de la place qu'ils s'accordent. Ils formulent bien sûr l'idée que le roi est le lieutenant de Dieu sur terre, mais aussi celle selon laquelle les magistrats sont également sacrés »27. Or, le recours à

l'histoire permet de puiser des arguments à propos du rôle essentiel des officiers de justice : « remettez en honneur le juge et la justice qui fait régner les rois et élève les nations ; autrement, l’État sera de bref ruiné » déclare Claude Groulart. Une justice bien administrée est ainsi la meilleure arme contre les rebelles et la loi apparaît comme garante de la paix civile28. En poursuivant coûte que coûte l'exercice de sa juridiction, en

prenant la défense des justices subalternes menacées par les rebelles, la défense de ses justiciables fidèles au roi, le Parlement de Rennes et ses juges se placent dans cette optique : exercer la justice sans discontinuité, dans un contexte politique et militaire difficile, car c'est là leur devoir. Et plus qu'un devoir, c'est un choix qui s'affirme dans les décisions qui sont prises29. Mais ses efforts pour rétablir l'ordre et l'obéissance à

Henri IV aident-ils à la reprise en main de la province ? Le Parlement de Rennes devient-il un lieu de ralliement, un instrument de légitimité politique ? Les mêmes interrogations se posent d'ailleurs pour la Cour nantaise : l'instauration d'une nouvelle justice concurrente est-elle l'occasion d'une recrudescence de la défense des valeurs

27 Cité par DAUSSY Hugues et PITOU Frédérique (dir.), Hommes de loi et politique... op., cit.,, p. 8. 28 SORBIER Pierre-Adolphe, « Biographie de Claude Groularté », Académie de Bordeaux, Sciences,

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