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C’est à partir des années 80 que la question exogène/endogène se transforme et évolue de « qu’est-ce qui définit le Centre Social » à « qui définit le Centre Social ». En 40 ans, la CAF est passée d’une institution reconnaissant l’intérêt des Centres Sociaux pour la mise en place de sa politique à l’institution qui définit le Centre Social. À partir de 1984, les règles de l’agrément sont mises en place tel qu’il est pratiqué aujourd’hui. L’obtention de l’agrément se fait à la signature d’un contrat de projet social entre la structure et la CAF et est sujet à renouvellement tous les 4 ans23. La CAF devient donc la seule

décisionnaire de l’obtention de l’agrément (Crépin et Le Jeannic 2000).

1.1.3.a. Vers les définitions du Centre Social

Les Centres Sociaux deviennent alors des structures qui « relevant de la politique d’animation de la vie sociale portent des missions d’intérêt général référées à un territoire délimité. » (CNAF 2012). En 1995, la CNAF précise les objectifs des projets sociaux. Ceux-ci se rédigent au moment du renouvellement de l’agrément, supposent la mobilisation des acteurs du Centre Social (professionnels, bénévoles et potentiellement les partenaires) dans sa rédaction et son élaboration. Ensemble, ils doivent organiser des temps d’échanges et de travail collectif afin d’élaborer les projets qu’ils envisagent pour l’avenir et d’évaluer ceux qu’ils ont mis en place par le passé (voir partie I chapitre 4 – 1.3.1).

En précisant les objectifs des projets sociaux, la CNAF met l’accent sur la participation des usagers la recherche de partenariat et l’ancrage territorial. C’est également à ce moment-là que la CAF commence à encourager la gestion associative des Centres Sociaux, se dégageant peu à peu de la gestion directe des structures. En 1998, la CNAF renforce la vocation familiale des Centres Sociaux par la création d’une nouvelle prestation de services pour le soutien des actions collectives au bénéfice des familles, instaurant

23 Les projets sociaux des Centres Sociaux étudiés on fait l’objet d’une analyse dont la méthode est présentée dans la partie I

le poste de « référent famille ». Selon l’enquête SENACS24 de 2015, 100 % des Centres Sociaux mènent

des actions familiales et 90 % bénéficient de cette prestation collective famille. Enfin, en 2012, la CAVS structure les missions des Centres Sociaux autour de 5 axes (Direction des politiques familiale et sociale, 2012) qui formulent la définition du Centre Social pour la CAF :

- Organiser une fonction d’accueil et d’écoute - Développer un projet « famille »

- Assurer une attention particulière aux publics fragilisés

- Développer des actions adaptées aux spécificités de territoires - Favoriser la participation des habitants-usagers

Or, la définition de la Charte fédérale des Centres Sociaux et socioculturels de France adoptée par la FCSF en 2000 définit le Centre Social comme : « un foyer d’initiatives porté par des habitants associés appuyés par des professionnels, capables de définir et de mettre en œuvre un projet de développement social pour l’ensemble de la population d’un territoire. » (FCSF 2000) On remarque que celle-ci porte essentiellement sur la dimension de co-construction de la démarche associant habitants et salariés, sans préciser l’orientation famille ou public fragilisé listée dans les missions de la CAF. D’où vient la nécessité pour la FCSF d’adopter une nouvelle définition du Centre Social 78 ans après sa fondation et 16 ans après mise en place de l’agrément. Pour le comprendre, il est nécessaire de revenir sur l’évolution des contextes financiers et institutionnels depuis les années 80.

1.1.3.b. Évolution du financement

Le rapprochement des Centres Sociaux de l’État à partir de 1945 a conduit à la construction d’un fort lien de dépendance (Archambault 1996). Cette dépendance est d’abord financière. Les Centres Sociaux passent d’un mode de financement privé à un fonctionnement fondé sur les subventions publiques. Les années 80 marquent pour Robert Durand (Durand 1996), l’entrée des Centres Sociaux dans « le temps des turbulences ». L’évolution du contexte économique suite à la crise pétrolière des années 70 fait changer la situation des Centres Sociaux. Après des années fastes en termes de financement et de reconnaissance, les aides de l’État et de la CNAF stagnent25 ce qui conduira en 1980 à la campagne

« 1000 Centres Sociaux en péril ».

L’évolution du contexte économique et politique change les logiques de financement. Il n’est plus question que la CAF et l’État soient les uniques financeurs des Centres Sociaux. Les Centres Sociaux sont encouragés à chercher d’autres sources de financements, notamment vers les collectivités territoriales dotées de nouvelles compétences suite à la décentralisation. Le chômage de masse dû à la crise

24 SENACS : Système d’Échange NAtional des Centres Sociaux : outil à destination des Centres Sociaux, des Caisses d’allocations

familiales, des Fédérations ou Unions de Centres Sociaux participant, à la mise en place d’un Observatoire national

25 Il s’agit d’une considération sur la part de ces subventions dans le financement des Centres Sociaux et non sur les sommes en

économique est particulièrement sensible dans les banlieues et les grands-ensembles où les Centres Sociaux sont présents. Cela va en faire des relais privilégiés des politiques sectorisées concernant ces nouvelles problématiques : politique de l’emploi, prévention de la délinquance, politique de la ville, etc. (Maguin 2004). Le changement de contexte présente, de manière caricaturale, un dispositif de financement pour chaque public et place les Centres Sociaux comme relais de différentes politiques pour différents publics.

Figure 4 : Financeurs et produits des Centres Sociaux français

Sources : SENACS 2016

Aujourd’hui, le modèle financier des Centres Sociaux est largement dominé par la logique de subvention. Les institutions subventionnaires ont évolué (voir figure 4) et les actions sur lesquelles portent ces financements se sont spécifiées. Par exemple, le financement CAF est issu de différentes prestations de service (animation globale, prestation collectives familles, etc.) ; le conseil départemental intervient sur des ateliers santé, bien-être pour les publics en situation d’isolement ou de fragilité ; l’insertion professionnelle se fait en lien avec les services de l’État, etc.

1.1.3.c. Le retour aux valeurs

Face à un manque de militants et en réponse à des besoins financiers, les Centres Sociaux dans les années 80-90 s’orientent massivement vers la mise en place de ces politiques publiques. Pour Paul Maguin (2004), la baisse du militantisme s’explique par une remise en cause des idéologies du progrès qui portaient les Centres Sociaux : la fin du christianisme comme référence majoritaire, un recul de l’engagement politique des nouvelles générations, etc. L’engagement existe toujours, mais sous des formes nouvelles avec des formes ponctuelles vers des sujets comme l’environnement ou l’humanitaire, au détriment de la forme d’engagement que proposent les Centres Sociaux.

Le développement des politiques décentralisées et sectorialisées et l’essoufflement du militantisme ont conduit les fédérations, durant la décennie suivante, à conduire plusieurs réflexions sur le sens et les valeurs des Centres Sociaux. Ces évolutions ont conduit les Centres Sociaux à des logiques plus proches

46% 24% 5% 1% 2% 4% 2% 9% 7% Collectivité locale CAF Conseil départemantal Conseil régional Etat Emplois Aidés Autres Partenaires Usagers Autres produits

de l’assistance que du développement social, de la proposition de services plus que de l’animation. Durant les années 90, les démarches fédérales se concentrent sur l’identité des Centres Sociaux et la formulation de leurs spécificités, illustrant un besoin de réaffirmer par eux-mêmes et pour eux-mêmes une identité collective.