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Politique éducative financée par une baisse des autres postes de dépenses

4. Accroissement des dépenses publiques d’éducation : analyse des résultats de simulation

4.1.2. Politique éducative financée par une baisse des autres postes de dépenses

Ici nous supposons que pour financer la mise en œuvre de la politique éducative, l’État décide de réduire ses dépenses publiques notamment celle des autres services non marchands. La qualité d’éducation restant la même, les comportements éducatifs vont évoluer comme dans le scénario

37 précédent. Il en est de même de l’offre de travail qui est fortement tributaire des performances des élèves.

Comme dans le scénario précédent, les demandes de travail des branches d’éducation publique augmentent tandis que celles des autres secteurs diminuent. Du fait de la réduction des autres dépenses publiques, la branche de l’Administration publique réduit aussi progressivement sa demande de travailleurs. On note que la demande de travail qualifié évolue à la hausse sur toute la période, tandis que celle du travail non qualifié commence à baisser à partir de la cinquième année.

La demande de travail de l’économie augmente les quatre premières années de la politique et commence à baisser à partir de la cinquième année. Les taux de salaire augmentent tandis que les taux de chômage diminuent.

Une fois de plus, on note une amélioration du PIB nominal, cependant moindre que dans le scénario précédent du fait de la baisse d’activité dans la production de services non marchands par l’administration. Le PIB en valeur s’accroît de 0,71 % en fin de période. La tendance à la hausse des prix entraîne un effet moins marqué sur le PIB réel. En fin de période, le PIB réel au prix de marché s’améliore de 0,71 %.

Tableau 13 : Impact sur le PIB, Scénario 2 Année PIB nominal PIB réel

1 0,032 0,02

2 0,093 0,06

3 0,157 0,10

4 0,226 0,14

5 0,298 0,18

6 0,387 0,22

7 0,480 0,26

8 0,593 0,31

9 0,713 0,35

Source : Simulations de l’auteur sous GAMS

Les revenus des ménages tout comme leurs consommations et épargne augmentent mais dans une moindre mesure que dans le scénario précédent. Le revenu des ménages ruraux s’accroît de 0,02

% à la fin de la première année et de 0,46 % à la fin de la dernière alors que celui des ménages urbains s’améliore de 0,05 % en début de période contre 1,09 % en fin de période. L’observation est similaire au niveau du bien-être des ménages. Il augmente mais se situe en deçà du niveau atteint dans la première simulation. La variation de bien-être des ménages ruraux commence à baisser à partir de la cinquième année du fait de la baisse de demande de travail non qualifié dans l’économie, catégorie de travail qui leur rapporte plus de revenus.

38 Tableau 14 : Impact sur la variation équivalente des ménages, scénario 2, (%)

Période Ménages ruraux

Ménages urbains

1 0,81 3,19

2 1,11 4,52

3 1,17 5,07

4 1,17 5,42

5 1,14 5,69

6 1,12 6,09

7 1,08 6,43

8 1,06 6,89

9 1,01 7,30

Source : Simulations de l’auteur sous GAMS

Ainsi, une hausse progressive de dépenses publiques d’éducation compensée par un arbitrage au niveau des autres postes de dépenses engendre un effet positif à long terme sur le PIB mais moindre par rapport au précédent scénario. On note encore une amélioration du bien-être des ménages découlant de l’influence positive de la politique éducative sur leurs revenus de travail.

Conclusion

L’observation au niveau mondial montre que l’éducation joue un rôle important dans le développement des économies. Dans un contexte où la performance macroéconomique en général, et le niveau de croissance en particulier, se situent en deçà du potentiel du pays, cette étude s’est proposée d’analyser les effets d’une hausse de dépenses publiques d’éducation à hauteur de 20 % des dépenses publiques totales sur l’économie camerounaise.

Pour y arriver, nous avons commencé par définir les concepts autour de l’éducation et du marché du travail. Par la suite, l’intérêt a été porté sur l’analyse du lien théorique entre l’éducation et l’économie tant sur le plan individuel que sur le plan macroéconomique. Les principaux enseignements de la théorie soulignent un effet positif de l’éducation sur l’amélioration des revenus individuels et une augmentation du niveau de production nationale grâce à son influence sur la productivité des facteurs de production. Une revue de travaux menés sur le sujet confirme dans la plupart cet impact de l’éducation sur l’économie. De cette revue, nous avons décidé d’adopter le modèle EGC dynamique dont la particularité est de capter les interactions entre les différents secteurs et agents de l’économie. Notre modèle s’est inspiré des travaux de Decaluwé et Maisonnave (2010) où les dépenses d’éducation agissent sur les comportements éducatifs (réussite, abandon, redoublement) des élèves et modifient l’évolution et la structure de l’offre de travail (non qualifié et qualifié) dans l’économie. Par la suite, le modèle a été mis en œuvre sur la base de la Matrice de Comptabilité Sociale de 2014 élaborée par l’INS et réadaptée à notre étude.

La description du système éducatif camerounais montre que le financement public de l’éducation au Cameroun est faible comparativement à ce qui est observé chez ses pairs. De plus face à une demande d’éducation en augmentation, l’offre publique d’éducation que ce soit en termes de

39 personnel ou d’infrastructures reste insuffisante. Ce qui transfère une charge aux ménages. L’une des conséquences est le faible rendement de l’éducation. Les abandons et les redoublements sont encore élevés. D’où l’intérêt d’une hausse de dépenses publiques d’éducation.

Pour évaluer les effets de la politique en faveur de l’éducation, nous avons effectué des simulations où l’État décide d’accroître progressivement la part de l’éducation dans son budget de façon à atteindre les 20 % recommandés par le GPE et la SSE. Deux principaux scénarios ont été définis selon le mécanisme de financement adopté par l’État. Le premier préconise un recours à l’endettement ou à l’aide extérieure, et le second, un arbitrage au niveau des autres postes de dépenses publiques.

Les résultats montrent un impact positif sur les performances des élèves, le marché du travail, le PIB et le bien-être des ménages. Une hausse des dépenses publiques d’éducation encourage les élèves à poursuivre davantage les études : les abandons et les redoublements diminuent, et la réussite s’améliore. L’effet direct est une augmentation plus rapide de l’offre de travail qualifié par rapport à celle de l’offre du travail non qualifié. De plus les taux de salaire augmentent et le chômage diminue.

Du côté des ménages, le bien-être s’améliore du fait de la hausse de leurs revenus de travail.

En définitive, nous recommandons à l’État d’augmenter effectivement les dépenses d’éducation à hauteur de 20 % du budget en privilégiant le niveau primaire et le niveau supérieur.

Ces dépenses devraient être orientées prioritairement vers les régions défavorisées telles que le Nord, l’Extrême-Nord et l’Adamaoua.

La principale limite de cette étude est qu’elle n’analyse pas séparément les deux sous-systèmes éducatifs du Cameroun. Les études ultérieures gagneraient à intégrer cet aspect assez particulier du système éducatif camerounais.

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