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PARTIE 3 TROUBLES DE LA MEMOIRE DECLARATIVE VERBALE ET DEPRESSION

1. Selon la polarité du trouble de l’humeur

Plusieurs études retrouvent un volume de l’hippocampe diminué à l’imagerie cérébrale chez les patients souffrant d’un trouble dépressif unipolaire par rapport aux sujets sains.

C’est notamment le cas de la méta-analyse de McKinnon et coll. 2009 [124] qui fait une synthèse des données de 32 études mesurant par IRM le volume de l’hippocampe de patients atteints d’EDM. Ce travail confirme une différence de volume de l’hippocampe, mais uniquement chez des patients souffrant de trouble dépressif majeur depuis plus de 2 ans ou qui ont présenté plus d’un épisode de la maladie. Cet effet semble également, dans cette méta- analyse, se limiter aux patients d’âge moyen ou plus âgés, les patients adultes jeunes présentant

un trouble dépressif majeur ayant des volumes hippocampiques équivalent à celui des sujets sains de la même tranche d’âge. Ce résultat est potentiellement attribuable au fardeau moins lourd de la maladie chez cette population. Le sexe du patient, son âge lors du déclenchement de la maladie, la gravité de la dépression au moment de l’épreuve d’imagerie, et l’épaisseur des coupes, n’ont pas influé sur les différences de volume hippocampique entre les patients atteints d’EDM et les témoins.

Dans une étude de Sheline et coll. 1999 [166] évaluant le volume à l’IRM de l’hippocampe de 24 femmes ayant un trouble dépressif récurrent, non déprimées au moment de l’étude, et de 24 femmes témoins (le choix de n’étudier que des femmes était justifié par la volonté d’éviter d’éventuelles différences liées au sexe), des différences significatives de volume de l’hippocampe sont retrouvées, de manière bilatérale, ainsi que de l’amygdale, chez les sujets ayant des antécédents de dépression par rapport aux témoins (persistant après contrôle sur les antécédents d’électro-convulsivo-thérapie). De plus ces résultats sont directement corrélés aux scores de mémoire verbale (évalués avec le WMS-R, et le RAVLT). Aucune corrélation n’est retrouvée entre le volume de l’hippocampe et l’âge dans les deux groupes évalués.

Un volume inférieur de l’hippocampe gauche, et non bilatéral, est mis en évidence dans une étude de Bremner et coll. 2000 [17] portant sur l’analyse du volume de l’hippocampe à l’IRM de 16 patients présentant une dépression majeure en rémission, en comparaison à celui de 16 sujets sains témoins. Il est en effet retrouvé, après contrôle sur le volume cérébral total, les antécédents d’abus d’alcool, et l’âge, que les patients ayant un trouble dépressif majeur ont un volume de l’hippocampe gauche significativement inférieur, de 19 %, à celui des sujets témoins, et un volume de l’hippocampe droit inférieur de 12 % mais de manière non significative. Dans cette étude, aucune corrélation n’est retrouvée entre le volume de l’hippocampe gauche et les variables cliniques comme la durée de la rémission, le nombre d’EDM antérieurs et le nombre d’hospitalisations pour dépression.

Un travail de Sheline et coll. 2003 [164] porte sur 38 femmes souffrant d’un trouble dépressif récurrent en période de rémission (ayant traversé en moyenne 5,4 EDM, pour un temps moyen passé en dépression de 111,75 mois), et 38 sujets sains appariés. Il montre que le volume de l’hippocampe gauche, de l’hippocampe droit, et de l’hippocampe total, est significativement inférieur (de respectivement 10 %, 9 %, et 10 %) chez les sujets ayant un trouble dépressif en comparaison aux sujets sains (sachant que les deux groupes sont comparables pour l’âge, l’éducation, le poids, et le volume cérébral total).

Une étude de Neumeister et coll. 2005 [133] compare, au moyen d’une IRM haute résolution 3 Tesla, le volume hippocampique de 31 sujets en période de rémission complète d’un EDM depuis au moins 3 mois au moment de l’étude, dans le cadre d’un trouble dépressif récurrent, avec le volume hippocampique de 57 sujets sains contrôles. Tous les patients en rémission sont non traités (8 sujets n’ayant jamais reçus de traitement pour dépression, et 23 ne prenant plus d’antidépresseurs depuis au moins 30 mois). Les résultats montrent que les patients présentant un trouble dépressif ont un volume total de l’hippocampe statistiquement inférieur à celui des sujets sains (p=0,001), notamment au niveau de la partie postérieure de l’hippocampe (p<0,001), alors que le volume de la partie antérieure ne diffère pas entre les deux groupes. La partie postérieure de l’hippocampe serait plus spécifiquement impliquée dans les fonctions

mnésiques et l’apprentissage spatial.

Toutes ces études mettent donc en évidence une réduction de volume de l’hippocampe droit et/ou gauche, chez les sujets souffrants de trouble dépressif récurrent par rapport aux sujets contrôles, y compris en période de rémission. De telles observations sont également retrouvées chez les patients bipolaires.

C’est ce que montre la revue de la littérature de Konarski et coll. 2009 [99], en rassemblant les résultats de 140 études évaluant à l’IRM les changements volumétriques des régions cérébrales impliquées dans la physiopathologie du trouble dépressif unipolaire ou du trouble bipolaire. Les résultats montrent que le volume cérébral total des patients ayant un trouble de l’humeur ne diffère pas de celui des sujets contrôles, contrairement à certaines régions du lobe frontal (particulièrement les cortex cingulaire antérieur et orbitofrontal) et de certaines structures sous-corticales, plus particulièrement l’hippocampe, les amygdales et le striatum, qui sont affectés à la fois dans le trouble de l’humeur unipolaire et dans le trouble bipolaire.

L’étude de El-Badri et coll. 2006 [51] s’intéresse uniquement à une population de sujets ayant un trouble bipolaire. Elle étudie le volume du lobe temporal, au moyen d’une IRM 0,5 Tesla, de 50 patients euthymiques ayant un trouble bipolaire évoluant en moyenne depuis 8,9 ans, âgés de 20 à 39 ans (âge moyen de 30,2 ans), par rapport à celui de 26 sujets témoins. Les résultats montrent que les patients bipolaires ont un lobe temporal d’un volume inférieur à celui des sujets contrôles, avec notamment à gauche une réduction de 6,4 cm3 (p=0,007) et à droite une réduction de 8,6 cm3 (p=0,001), avec un volume du lobe temporal droit plus grand que celui du lobe temporal gauche (p<0,001). La réduction significative du volume des lobes temporaux droit et gauche dans le groupe patients est également retrouvée après analyse de

régression linéaire avec comme covariables : présence de la maladie, sexe, et volume total cérébral. Ce travail met aussi en évidence des différences de volume du lobe temporal selon le sexe, avec un volume significativement inférieur à gauche (p=0,003) et à droite (p=0,03) chez les femmes par rapport aux hommes dans le groupe patients. Cette étude n’étudie pas précisément la taille de l’hippocampe, mais seulement celle du lobe temporal. De plus, l’IRM est de faible résolution.

Robinson et coll. 2009 [155] ont étudié l’activation de l’hippocampe à l’IRM cérébrale fonctionnelle, lors d’une tâche mnésique, de 15 patients bipolaires en état d’euthymie, en comparaison à 15 sujets sains contrôles appariés aux patients. L’épreuve mnésique utilisée, dite « Delayed-Non-Match-to-Sample » (DNMS), implique deux conditions : l’une dite «familière » nécessitant l’existence de traces mnésiques et engageant le cortex préfrontal (les sujets doivent reconnaître des schémas visuels préalablement présentés), l’autre dite « nouvelle » impliquant la formation de nouvelles traces mnésiques et engageant le lobe temporal médial (les sujets doivent identifier parmi plusieurs schémas visuels celui qui ne leur a jamais été présenté). Les résultats montrent que malgré des performances comportementales identiques entre les deux groupes, les profils d’activation cérébrale visibles à l’IRM au cours de la réalisation de la tâche DNMS étaient significativement différents entre les deux groupes. En effet, dans la « condition familière », les patients bipolaires ont par rapport aux contrôles une activation moindre dans les lobes temporaux et les lobes pariétaux-occipitaux, ainsi qu’une relative hyperactivation dans le gyrus préfrontal droit. Dans la « condition nouvelle », les patients bipolaires ont par rapport aux contrôles une activation moindre dans les lobes temporaux, le cortex cingulaire postérieur, le gyrus parahippocampique gauche, le cuneus gauche, et le gyrus fusiforme gauche, et ont une activité accrue dans les régions frontales et préfrontales. Ces données suggèrent une interruption du circuit neuronal fronto-temporal, qui pourrait être à la base des troubles mnésiques fréquemment observés chez les patients bipolaires. Les auteurs émettent l’hypothèse que les patients souffrant d’un trouble bipolaire privilégieraient une stratégie de contrôle, alors que les sujets sains opteraient pour une stratégie de mémorisation.

Une autre étude d’imagerie fonctionnelle de Glahn et coll. 2010 [66] consiste à étudier avec une IRM, chez 15 patients bipolaires de type I en rémission et 24 sujets sains appariés sur les caractéristiques démographiques, l’activité cérébrale au cours d’une épreuve de mémoire déclarative consistant à devoir associer des visages avec leur noms (ces derniers sont présentés ensemble au sujet pendant la phase d’encodage, puis, après une phase de distraction, les paires doivent être retrouvées par le sujet pendant l’épreuve de reconnaissance). Lors de l’encodage, les patients bipolaires montrent une hyper-activation bilatérale du cortex dorsolatéral préfrontal

(DLPFC) par rapport aux sujets contrôles, et une activité de l’hippocampe similaire. Inversement, lors de la phase de reconnaissance, les patients bipolaires ont, par rapport aux sujets sains, une hypo-activation du DLPFC droit mais non gauche, et présentent une hypo- activation au niveau de l’hippocampe gauche et de la région para-hippocampique, en dépit de résultats identiques à l’épreuve de mémoire déclarative. Les patients bipolaires montrent une relation inverse, contrairement aux sujets sains, entre les performances au test mnésique et l’activité de l’hippocampe. Ces résultats suggèrent l’existence d’une base neuronale aux troubles mnésiques au long cours chez les patients bipolaire, d’autant plus que les patients étudiés étant en état de rémission clinique, ils ne peuvent théoriquement être mis en lien avec une symptomatologie thymique.

Les résultats de ces études fonctionnelles corroborent les données morphologiques témoignant d’une atrophie de l’hippocampe chez les sujets bipolaires.

Ces différentes études montrent qu’il existe une atrophie hippocampique, prédominant selon les études au niveau postérieur, droit, gauche, ou de manière bilatérale, chez les patients souffrant d’un trouble dépressif récurrent ou d’un trouble bipolaire par rapport aux sujets sains, et cela en état de dépression mais également en période de rémission. Cela appuie l’hypothèse d’une neurotoxicité sur l’hippocampe de la dépression, indépendamment de la polarité du trouble thymique. Celle-ci resterait présente en état de rémission, ce qui laisserait supposer un éventuel effet neurotoxique cumulatif de la répétition des EDM.

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