• Aucun résultat trouvé

1. L’enseignement de la physique doit-il être expérimental ou théorique ?

Pour Pierre Duhem, la physique a le double aspect d’être une science expérimentale qui a besoin de modèles théoriques, aussi bien qu’une science théorique qui est fondée sur des faits expérimentaux ayant en amont, l’existence d’une interprétation théorique rendant possible l’expérience physique (Duhem, 1989). Cette même réflexion se trouve incluse dans le schéma de la figure 1 ci-dessous, décrivant le contraste entre d’une part, les éléments d’un exemple de modèle d’une démarche expérimentale, et d’autre part, les éléments représentatifs du phénomène étudié : le réel, son modèle(s), et sa théorie (MÉHEUT, 2005).

Figure 1 : Schéma des intersections entre une démarche expérimentale pour un problème étudié et ses éléments représentatifs (réel, modèle, théorie)

31

Hervé Grau (Grau, 2000) voit que l’originalité des sciences physiques, c’est qu’elles sont à l’intersection des démarches mathématiques, expérimentales et théoriques, auxquelles s’est rajoutée depuis l’avènement de l’ordinateur la démarche de simulation. Bien que pour des situations didactiques, l’approche théorique s’impose car ‘’la résistance du réel’’ (Beaufils, 1999) rend l’expérimentation impossible. Hervé Grau ajoute (Grau, 2000) : ‘’enseigner les sciences physiques, c’est enseigner des modèles […]. La méthode pour y parvenir est la méthode expérimentale, termes a priori contradictoires et qui décrivent en fait la méthode pédagogique qui consiste à ce qu’en un temps forcément limité, les élèves et surtout le professeur formulent un problème, que les élèves émettent des hypothèses, conçoivent alors une expérience vérifiant cette hypothèse, la réalisent et interprètent les résultats.’’. Dans ce contexte, Samuel Johsua (Johsua, 1989) énumère les différents recours didactiques à l'expérimental. Il parle alors d’expérience de référence12, d’expérience initiale, d’expérience test, et d’expérience prototypique (fondatrice : unique pour un fait donné). Et pour faire admettre la plausibilité d’un modèle, ce sont deux autres types d'expériences qui emboitent le pas : les expériences de confirmation et les expériences de renforcement. Dans une telle perspective, une pratique est courante (Legendre, 1994) : les enseignements des sciences physiques se basent souvent sur l’approche empirico-inductive. Ils donnent ainsi aux élèves l’impression que les activités de laboratoire se réduisent à un exercice d’application, de façon linéaire, d’une série d'étapes prédéterminées. De sa part, E.Saltiel (Saltiel, 1994) note l’existence de pareils représentations chez les didacticiens, et chez les enseignants en particulier. Cet auteur constate qu’elles conduisent à l’adoption de l’une ou l’autre, parmi trois types de démarches, dans l'enseignement de la physique au niveau du secondaire : des démarches qui n’accordent pas suffisamment d’intérêt ni pour l'expérimentation ni pour Ia méthode expérimentale, non plus pour l'observation et les renvois à Ia physique quotidienne ; d’autres démarches nient implicitement la réalité de la physique, qui est une science théorique requérant des élèves, à priori, le développement de leurs goûts et de leurs

12

L’expérience de référence a une double fonction. Celle de la proposition du problème physique à étudier, et celle de l'introduction d’un modèle rendant compte de sa phénoménologie (Johsua, 1989).

32

capacités pour l'abstraction ; la dernière position renvoie sur l’inconvenance de la programmation des sciences physiques, assez tôt au secondaire, sans tenir compte du fait que les élèves n’ont encore pas développés les capacités d’analyses et d’abstractions nécessaires pour faire des allers et retours entre l’expérimental et le théorique.

2. La formation interdisciplinaire mathématique - physique des professeurs

Penser, concevoir et asseoir l’interdisciplinarité (Idem : trans, multi, pluri et intradisciplinarité) dans le système éducatif, c’est rendre son âme à l’écosystème d’enseignement-apprentissage. C’est dans cette perspective que N.Bednarz et M.Perrin-Glorian (Bednarz & Perrin-Glorian, 2003), et Guy Robardet (Robardet, 1998), ont établi que la formation initiale dispensée au sein des structures de formation des enseignants stagiaires en mathématiques et en physique, se heurte d’emblée à deux types de handicaps. Un, d’ordre institutionnel, et l’autre, d’ordre épistémologique. L’handicap institutionnel se manifeste tant à travers les programmes et le temps insuffisant qui leur est alloué, qu’au niveau de l’irrégularité des formations continues, encore moins inscrites dans le long terme. Alors que l’handicape épistémologique regroupe les représentations des enseignants stagiaires, encore vives de leur phase estudiantine, sur les contenus à enseigner. Guy Robardet (Robardet, 1998) relève un autre handicape, à la fois d’ordres épistémologique et institutionnel, causé par des contenus curriculaires non unifiés, enseignés en partie, selon le centre de formation et selon le degré de participation, de tout un chacun, parmi le corps professoral, dans les activités de recherche académiques en didactique des sciences physiques.

De leur part, dans un rapport sur l’interdisciplinarité et l’enseignement des sciences, technologies et mathématiques au premier cycle du secondaire publié en 2010, Abdelkrim HASNI et al (Hasni, Lenoir, Larose, & Squalli, 2010) concluent qu’afin de répondre à la mission formatrice de l’école, c’est à la jonction de trois pôles que l’interdisciplinarité devrait être pensée et mise en œuvre (voir figure 2 ci-dessous) : le pôle didactique et épistémologique du fait qu’il permet de se donner

33

une représentation plus adéquate des problèmes et des situations analysées que celle offerte par le simple regard disciplinaire; le pôle sociologique permettant l’égalité et l’appropriation d’un savoir utile par tous; et le pôle pédagogique pour la motivation et l’augmentation de l’intérêt des élèves, prise en considération des processus psychopédagogiques, travail d’équipe, etc.

Figure 2 : triangle interdisciplinaire scolaire selon A.HASNI et al (Hasni et al., 2010)

Par ailleurs, parmi les actions originales, entreprises spécialement pour jeter les bases des liens interdisciplinaires entre les mathématiques et la physique, celle de D.MALLAFOSSE (Malafosse, 2003). L’auteur a focalisé son travail sur l’élaboration d’un module additionnel de formation inter-didactique mathématique-physique des professeurs de collège et de lycée, et sur la conception de ses phases d’expérimentation. L’outil élaboré a été basé sur les notions de cadre de rationalité, de registre sémiotique et d'espace de réalité. D’une part, il a utilisé cet outil comme élément du corpus de connaissances à ajouter à la formation initiale. Et d’autre part, il a utilisé le même outil comme élément d'analyse des conceptions des professeurs stagiaires, pour mettre en évidence l’existence d’obstacles épistémologiques se manifestant sous la forme de ruptures entre les concepts scientifiques et les conceptions de l'enseignant. Comme solution à ce fait établi, D.Malafosse (Malafosse, 2003) élabore un modèle et le recommande, pour que les professeurs des mathématiques et des sciences physiques aient des repères professionnels pour penser les continuités et les ruptures entre ces deux disciplines. Il place l'élève au centre d'un triangle inter-didactique mathématique–physique (figure 3).

34

Figure 3 : triangle inter-didactique mathématique-physique 3. Enseignement de la décroissance radioactive par analogies :

Pour l’enseignement et de l’apprentissage de la décroissance radioactive, des auteurs se basent sur des analogies faites entre ce phénomène et autres faits de la vie courantes. Le jet de dés ((Klein & Kagan, 2010), (Jesse, 2003), et (Schultz, 1997)) ou de pièces de monnaies (Bakaç, TaúR-lu, & Uyumaz, 2011), le tirages au hasard des fèves ou des billes de deux couleurs différentes contenues dans une urne (Edge, 1978), la construction graphique de la décroissance radioactive à l’aide de barrettes de papier et de la colle (Hughes & Zalts, 2000). Par ailleurs en classe, D.R.Lapp (Lapp, 2010) parle de la présentation d’exemples d'éléments naturellement radioactifs, conjugués à des informations fournies sur la manière d’acquérir bon nombre de ces articles à moindre coût (corps humain, radon issu des articles de poterie, uranium dans l’ouraline,…). Il a constaté que la présence de ces matériaux dans la salle de classe était non seulement utile pour enseigner la radiation nucléaire et démystifier le mythe du nucléaire libre, mais également pour aider les élèves à comprendre l'histoire de la sauvegarde et des utilisations commerciales de matières radioactives. Telles que l'injection et l'ingestion de radium en tant que médicament. Cependant au Maroc, le cours de la décroissance radioactive au lycée fait défaut, à cause de l’absence totale des appareils de mesure adéquats, et le cas échéants, à cause de l’inexistence des structures de sécurité relative à la manipulation et au stockage des

35

matières radioactives. Ceci rend le fait d’aller chercher du côté des possibilités offertes par les TICE, l’alternative à ce manque d’expériences.