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Séverine EUILLET

I.3 D ES POINTS DE REPERE POUR LA PRATIQUE

Il s’agit ici de mettre en lumière l’ensemble des éléments théoriques présentés avec les questions liées à l’accompagnement en protection de l’enfance et notamment lorsque l’enfant (ou l’adolescent) est accueilli.

I.3.1 L’enfant accueilli développe des relations d’attachement significatives simultanément

A partir du postulat selon lequel une relation d’attachement se développe dans toute interaction (aux niveaux réel et symbolique) entre l’enfant, dès ses premiers mois, et son (ses) parents (figures

15 avec un état d’esprit autonome comme défini dans l’Adult Attachment Interview (Georges, Kaplan & Main, 1985).

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d’attachement), il est possible d’avancer que dans les situations où l’enfant est accueilli dans un autre milieu que sa famille, une relation d’attachement s’est développée quelle que soit sa qualité, avant l’accueil. De même, au regard des relations proposées au sein de l’environnement d’accueil, il paraît indéniable qu’une nouvelle relation d’attachement se créée. La multiplicité serait donc possible mais des précisions doivent être apportées pour bien comprendre ce processus.

La multiplicité permet de sortir de l’exclusivité d’attachement à la mère et non de promouvoir l’infini des adultes significatifs ou des lieux de vie de l’enfant. En effet, malgré cette possible multiplicité, la théorie de l’attachement pose comme fondement à la constitution de la personnalité affective et sociale de l’enfant, la stabilité de la figure d’attachement identifiée comme repère intemporel, inflexible et intangible par l’enfant. Sans cette certitude d’existence éprouvée, l’enfant ne peut développer un attachement sécure. Ainsi, la multiplicité d’attachement, terminologie usitée dans la théorie, est à entendre comme limitée et constructive. Limitée par le fait que les figures d’attachement de l’enfant sont sélectionnées par lui-même et ne sont pas infinies. Constructive au regard de la nécessité de maintien des liens et d’une complémentarité entre les liens. Il ne s’agit pas d’une succession, compilation ni reproduction de liens les uns à la suite des autres, de façon indépendante, automatique, exclusive et interchangeable.

I.3.2Les rencontres parents-enfants participent à la qualité d’attachement des enfants

Parmi les conditions proposées à l’enfant pendant l’accueil, il y a pour une grande part, les rencontres qui pourront être mises en place entre lui et ses parents. Les visites parents-enfants sont affichées comme ayant pour objectif notamment de maintenir le lien entre l’enfant et ses parents. Mais s’agit-il du lien d’attachement ? Ne s’agit-il que du lien d’attachement ? Nous pouvons faire l’hypothèse que sont convoqués aussi les liens familiaux d’appartenance mais aussi les liens d’existence dans le roman familial, qui façonnent des échanges et une relation particuliers. Même si l’attachement a toute une dimension comportementale au travers des manifestations de l’enfant et de l’adulte, il peut aussi exister sans prendre ces formes tant attendues socialement. Ainsi, nous pouvons nous demander : est-il approprié d’attendre des parents et des enfants en protection de l’enfance de créer une relation d’attachement répondant aux fantasmes sociaux de convenance alors que leur situation, leur parcours, leur histoire, leur vécu sont si particuliers ? N’y a-t-il pas la place pour des relations spécifiques apportant à chacun des protagonistes ce dont il a besoin, et ce qu’il cherche dans ces moments-là au-delà de ce que les professionnels souhaiteraient qu’il se passe dans ces visites si souvent qualifiées de « vides » ? Leur préparation, organisation et accompagnement nécessitent aussi de repérer ce que chacun a besoin, attend et retire de ces visites. Ainsi, certaines rencontres pouvant paraître sans échanges, ni communications participent directement à la sécurité affective de l’enfant.

I.3.3 Le professionnel prenant soin : une réelle figure d’attachement au rôle pivot

Le professionnel prenant soin de l’enfant en protection, que ce soit l’éducateur référent d’une MECS ou l’assistant familial de la famille d’accueil, joue un rôle important auprès de lui comme adulte de

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Dossier thématique ONED 2010 La question de l’Attachement en Protection de l’Enfance

référence, non pas au sens administratif du terme mais au sens d’un adulte constituant une ressource fiable. Ainsi, il représente une figure d’attachement potentielle pour l’enfant, rôle que le professionnel doit également choisir d’endosser, n’entachant en rien son professionnalisme. En effet, indirectement ce rôle fait partie des missions de protection qui lui sont confiées en même temps que l’enfant. Ainsi, le professionnel va avoir une fonction de « caregiver alternatif » auprès de l’enfant, c’est-à-dire lui apporter les soins nécessaires en complément ou en alternance avec un autre donneur de soin qui lui est antérieur, souvent un parent.

En complément, le professionnel prend soin de la relation entre l’enfant et son parent, que ce soit lors du déroulement des visites mais aussi en leur absence. En effet, nous pouvons penser que la relation à l’assistant familial va influencer la relation enfant/parent dans un sens positif, va amener de la sérénité. Pour exemple, des travaux ont montré que le fait que l’assistant familial ait à l’esprit une image positive des parents lors de ses échanges avec l’enfant influence favorablement son développement (Dozier et al., 2001 ; Euillet et Zaouche-Gaudron, 2007).

I.3.4La nécessité d’une histoire continue et cohérente : l’enjeu de l’accompagnement

Le contexte d’accueil et son accompagnement occupent une place prépondérante dans le développement de l’attachement de l’enfant accueilli par le fait qu’il constitue son cadre et peut directement agir sur son environnement quotidien. Le contexte permet de réunir certaines conditions telles que le comportement du professionnel (stable et autorisé par l’institution), la capacité et la disponibilité psychique de l’enfant (serein quant à son lieu de vie futur), le consentement psychologique des premières figures d’attachement (rassurés dans leur identité et leur place par un soutien adapté).

De plus, la multiplicité invite à accompagner l’enfant dans cette diversité grâce à laquelle il grandit et qui est inhérente à sa situation d’accueil. De même, une aide à destination des adultes autour de l’enfant semble indispensable pour concevoir cette multiplicité et « autoriser » l’enfant, en tous les cas offrir à l’enfant la possibilité et la disponibilité psychique pour s’attacher à plusieurs personnes et non pour se détacher. L’enfant accueilli peut refuser l’attachement pour plusieurs raisons sur lesquelles peuvent agir les travailleurs sociaux à savoir :

o Rassurer l’enfant sur son lieu de vie et donc sur sa possibilité d’attachement, o Outiller l’assistant familial pour comprendre l’importance de cette relation, o Assurer les parents sur leur place primordiale, irremplaçable auprès de l’enfant, o Légitimer une relation particulière entre l’assistant familial et l’enfant.

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CONCLUSION

Les fonctions incombant à la figure d’attachement peuvent être occupées au moins par un autre adulte (professionnel ou non), en plus de la première figure d’attachement, souvent un parent, au moins dans la quotidienneté des soins, afin de participer à la sécurité affective de l’enfant. Cette conception s’appuie sur deux postulats : l’enfant peut développer des attachements multiples, et un professionnel (l’assistant familial, par exemple) peut constituer une figure d’attachement. Ainsi, il est possible de répondre au besoin affectif de continuité et de cohérence de l’enfant par un environnement d’accueil suffisamment contenant, disponible et impliqué.

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II.LA QUALITE DATTACHEMENT DES FRATRIES DANS LES