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Chapitre I. Forces et faiblesses du nouveau cadre réglementaire

Section 1. Points forts du nouveau décret régissant les marchés publics

Apres quatre mois d’application du nouveau décret régissant les marchés publics, les acheteurs publics et les contrôleurs des marchés publics ont exprimé leur satisfaction sur un certain nombre de points.

A) Rationalisation du cadre juridique et institutionnel i. Un décret unique :

Le cadre juridique régissant les marchés publics en Tunisie a toujours été caractérisé par l’instabilité et l’absence de cohérence. La réforme des marchés publics avait donc pour objectif premier de refondre le cadre juridique afin de disposer d’un texte unique garantissant la stabilité des principes fondamentaux.

Le décret n°2014-1039, qui annule et remplace tous les textes précédents, répond à

cet objectif, puisqu’il couvre tous les acheteurs publics (Etat, collectivités locales,

établissements publics, établissements publics à caractère non administratifs,

entreprises publiques) et couvre toutes les étapes des marchés

publics (programmation, détermination des besoins, appel à la concurrence, ouverture des offres, évaluation des offres, attribution du marché, exécution, règlement).

ii. Des contrôles allégés :

En vue de rapprocher la réglementation tunisienne des standards internationaux, et dans un souci de simplification des procédures, d’assouplissement des contrôles a priori et de raccourcissement des délais, le décret de 2014 a introduit un nouveau type de marchés. Il s’agit des marchés à procédure simplifiée pour les commandes dont la valeur estimée varie entre 200.000 dinars et 500.000 dinars pour les travaux, entre 100.000 dinars et 200.000 dinars pour les études et la fourniture de biens ou de services dans le secteur de l'informatique et des technologies de la communication, entre 100.000 dinars et 300.000 dinars pour la fourniture de biens ou de services dans les autres secteurs, et entre 50.000 dinars et 100.000 dinars pour

les études dans d’autres secteurs.

Pour les marchés passés selon la procédure simplifiée, l’acheteur public est tenu de respecter les principes régissant les marchés publics, à savoir la concurrence, la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité devant la commande publique, la transparence et l’intégrité des procédures (article 6) et il reste soumis à l’obligation de publicité de l’appel à la concurrence. Cependant, il peut fixer les modalités de la procédure selon la nature, le volume, les caractéristiques de la commande et la disponibilité des fournisseurs ou prestataires.

Le nouveau décret impose aux acheteurs publics de préparer un manuel de procédures spécifique aux marchés à procédure simplifiée, et de créer une commission d’achats spéciale pour ces marchés, qui se charge de l’ouverture et de l’évaluation des offres, propose l’attribution du marché et examine les avenants et les litiges.

Ces nouvelles dispositions assouplissent la gestion des marchés en-dessous des seuils fixés par le décret et responsabilisent les acheteurs publics en les exonérant du contrôle a priori des commissions de marchés et en leur permettant de fixer les modalités de passation du marché (délai raisonnable pour la réception des offres, pièces de l’appel d’offre, etc.) selon leurs propres caractéristiques.

iii. Une nouvelle gouvernance :

Le nouveau décret réorganise les fonctions des organes chargés de la gouvernance des marchés publics. À cet effet, de nouvelles structures sont créées, et les missions des organes déjà existants sont redéfinies :

- Le conseil national de la commande publique : il s’agit d’une structure

consultative, créée auprès du chef du gouvernement et doté d’une composition participative. En effet, ce conseil compte des représentants du secteur public (ministères et instances de contrôle) et du secteur privé (représentants des organismes professionnels).

- La haute instance de la commande publique : cette structure a été créée par le décret n° 2013-5096 du 22 novembre 2013. Elle est rattachée au chef du gouvernement et composée de :

 la commission supérieure de contrôle et d’audit des marchés publics,

chargée du contrôle a priori, concomitant et a posteriori des marchés publics, de la gestion de l’observatoire national des marchés publics ainsi que de la gestion des achats en ligne via la plateforme TUNEPS ;

 et du comité du suivi et d’enquête des marchés publics, chargé

d’étudier les requêtes des ayants droits et les saisines des contrôleurs.

- Les commissions de contrôle des marchés publics : il s’agit des commissions

départementales (dans chaque ministère), régionales (dans chaque gouvernorat), communale (dans chaque municipalité) et internes (dans chaque entreprise publique). Elles exercent un contrôle a priori sur toutes les phases de passation des marchés (rapport d’évaluation des offres, marché négocié, avenants et règlement définitif).

Ces nouveaux organes de gouvernance des marchés publics favorisent une approche participative, en comptant parmi leurs membres des représentants des organismes professionnels.

B) Introduction de nouvelles mesures i. Renforcement de l’intégrité :

Le décret n° 2014-1039 fait référence aux règles de bonne gouvernance dans son article 6 relatifs aux principes régissant les marchés publics.

Ce décret introduit, pour la première fois, de façon explicite, des mesures de lutte contre la corruption à la fois pour l’acheteur public (obligation de non divulgation des informations confidentielles, exclusion de la participation aux procédures des marchés publics et sanctions pénales en cas de délits), et pour le soumissionnaire

(obligation d’observer les règles d’éthique professionnelle pour les candidats,

annulation de l’attribution du marché en cas de recours à des pratiques frauduleuses).

Il définit les sanctions applicables aux agents publics en cas de violation des dispositions relatives à l’intégrité (exclusion de la participation aux procédures des marchés publics, sanctions pénales et disciplinaires).

Il stipule que les participants aux appels d’offres ayant manqué aux exigences

d’intégrité seront frappés d’une exclusion temporaire ou définitive de la participation aux marchés publics. La haute instance de la commande publique arrête la liste des participants pour lesquels une décision d’exclusion a été prise. Il est prévu qu’un futur décret arrêtera les modalités d’établissement de cette liste et les sanctions à appliquer.

Par ailleurs, le décret n° 2014-1039 représente un premier pas vers l’institution d’un mécanisme de recours pour les réclamations concernant les marchés publics. Il permet à tout soumissionnaire qui considère être lésé dans les procédures ou les résultats d’un appel d’offres d’introduire un recours gracieux devant l’acheteur public (article 180). S’il n’est pas satisfait de la réponse du maître d’ouvrage, il peut dans un deuxième temps saisir le comité de suivi et d’enquête des marchés publics, dont les avis sont désormais conformes.

ii. Renforcement de la transparence

En matière de transparence, le décret n° 2014-1039 du 13 mars 2014 comporte plusieurs nouvelles dispositions. Il introduit l’obligation d’établir et de publier les plans prévisionnels annuels, pour permettre aux candidats de préparer leurs plans de cadrage, ce qui est de nature à maximiser la concurrence. De même, les résultats de l’appel à la concurrence doivent désormais être publiés sur le site national des marchés publics, et les soumissionnaires non retenus doivent être informés des motifs de rejet de leurs offres.

À cet effet, le rôle de l’observatoire national des marchés publics (ONMP) a été renforcé en matière de publication et de maintenance du site internet national. En effet, il est chargé, entre autres, d’assurer la diffusion, sur le site internet national des marchés publics, de toute information ou documentation utile pour servir les principes de bonne gouvernance et de renforcement des capacités en matière de marchés publics.

Dans le même cadre, le nouveau décret prévoit des dispositions spécifiques à l’achat public en ligne. Le système des achats publics en ligne (TUNEPS) garantit la confidentialité et la sécurité des transactions sur un réseau informatique accessible de façon non discriminatoire.

La création de ce portail électronique permet la dématérialisation des procédures d’appel à la concurrence, de réception et d’ouverture des offres, afin de :

- renforcer la concurrence et consacrer les principes de l’égalité entre les

soumissionnaires ;

- limiter les délais d’achats et de passation des marchés publics ;

- limiter les pratiques portant atteinte à la concurrence et à la transparence ;

- et par conséquent, améliorer l’efficacité des achats et des marchés publics.

Il est réalisé dans le cadre de la coopération tuniso-coréenne, et est en cours

d'expérimentation à travers 10 sites pilotes :

- Présidence du Gouvernement.

- Ministère de l’Education.

- ministère de l’Equipement, de l’Aménagement du territoire et du

développement durable.

- Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifiques et des

Technologies de l’Information et de la Communication.

- Société Tunisienne de l’Electricité et du Gaz (STEG).

- Société Nationale d’Exploitation et de Distribution des Eaux (SONEDE).

- Office National de l’Assainissement (ONAS).

- Agence de Réhabilitation et de Rénovation Urbaine (ARRU).

- Office Nationale des Postes.

- Centre d’Etudes et de Recherche des Télécommunications (CERT).

iii. Achat durable

Par ailleurs, le nouveau texte intègre les notions d’achat durable et responsable, en introduisant des composantes obligatoires touchant l’environnement dans les cahiers des charges (article 19). Il prend aussi en compte la dimension sociale de l’achat public, qui était absente dans les textes précédents.