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III. Matériel et Méthode

2. Points forts de notre étude

Malgré ces biais, ce travail de thèse représente une étude unique par rapport à ce que nous avons pu retrouver dans la littérature : c’est la seule qui compare des données sur la prise en charge des patients, sur la base d’un protocole de recueil d’informations commun entre la médecine générale extra-hospitalière et la médecine d’urgence intra-hospitalière.

Méthodologiquement, notre étude statistique est probante : il s’agissait d’une étude prospective, ce qui correspondait à la meilleure approche de notre problématique, bien qu’une évaluation rétrospective préliminaire eût pu être utile

pour apporter quelques informations nous permettant de bâtir plus solidement les principes de notre travail. La réalisation de celle-ci aurait cependant été fastidieuse, et l’accès aux données des médecins généraliste compliqué.

De plus, nous avons simplifié le questionnaire au maximum afin d’en faciliter le remplissage par les professionnels de santé, et de limiter le recueil des données aux informations pertinentes pour notre interprétation statistique.

Enfin, concernant notre étude statistique, les effectifs de patients pour lesquels nous avons réalisé les principales analyses étaient importants, et avec des différences majeures retrouvées, ce qui garantit une bonne puissance de notre étude. Les quelques analyses réalisées sur des petits effectifs n’ont été citées que pour justifier certains points annexes, ou, le plus souvent, n’ont pas été mentionnées. Si nous avions recueilli plus de patients, il aurait été intéressant d’évaluer les coûts de prise en charge entre les différents milieux de consultation, en les comparant en fonction du diagnostic et de la présentation clinique, mais nos effectifs ne nous ont pas permis de tels calculs.

VI. Conclusion

L’objectif de cette étude était d’évaluer les différences dans les moyens mis en œuvre au service de la démarche diagnostique et thérapeutique entre la médecine générale et la médecine d’urgence, pour des patients se présentant en consultation avec une plainte douloureuse abdominale.

Le principal résultat confirme assez clairement l’impression clinique initiale, qui est que les médecins urgentistes prescrivent plus d’examens complémentaires, et demandent plus d’avis spécialisés que leurs confrères généralistes.

Les malades sont de fait vus de deux façons différentes selon le lieu où ils consultent : bien que de nombreux patients qui ont recours aux urgences relèvent en réalité d’une prise en charge de soins primaires, une approche visant à l’efficacité de la prise en charge y est préconisée, car il n’y a pas de suivi possible des patients dans les SAU. Quant aux médecins généralistes, ils connaissent pour la plupart les patients qui les consultent, ainsi que leurs contextes spécifiques de réaction vis-à-vis de la maladie. Cela peut expliquer le taux de prescription moindre dans ce milieu, du moins lors de la primo-consultation ; mais « trop connaître » le patient peut aussi amener à des biais dans la prise en charge. Malheureusement, il s’agit de critères non quantifiables, et donc difficilement évaluables de manière correcte.

En parallèle, si l’efficacité de la prise en charge par les praticiens des deux spécialités n’est pas si différente, une meilleure interaction entre ces deux milieux est nécessaire pour permettre la transmission d’informations utiles relatives aux patients, et garantir une prise en charge plus adaptée. Suite à l’annonce récente par la Ministre de la Santé de relancer le Dossier Médical Personnel avec une deuxième version suite à l’échec de la première depuis 2011, il serait intéressant d’en réévaluer l’impact sur les pratiques pour les patients qui en bénéficieront.

En attendant, les médecins généralistes doivent avoir à cœur d’assurer la continuité de l’information sur le plan médical, puisque des courriers de qualité, ainsi que l’appel direct de ces praticiens aux urgences semblent être prédictifs d’une prise en charge plus spécifique

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. De son côté, le personnel des services d’urgence se doit de faciliter la réception de ces appels, et les urgentistes ne doivent pas non plus hésiter à solliciter eux-mêmes ces informations.

De plus, si une partie des patients consultant aux urgences a besoin d’une prise en charge sans délai, certains examens sont finalement réalisés chez des patients relevant des soins primaires, qui n’auraient probablement pas bénéficié de ces bilans complémentaires s’ils avaient consulté un médecin généraliste libéral.

Il s’agit donc aussi d’un problème fondamental d’information et de responsabilisation de la population quant à l’utilisation appropriée des services d’urgence, en particulier quand certaines considérations actuelles concernant le déficit budgétaire de la Sécurité Sociale rentrent en ligne de compte.

Employer des médecins généralistes de manière régulière au sein des services d’urgence pour prendre en charge les patients de soins primaires semble être une solution concevable à ce problème

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. Il pourrait aussi être possible d’envisager de donner aux médecins généralistes libéraux plus d’opportunités dans leur exercice : une aide diagnostique réalisable au lit du malade a en effet déjà été développée dans certains pays européens

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, avec par exemple la possibilité d’un dosage immédiat de la CRP. L’institution d’un tel outil, qui permettrait de débrouiller et d’évaluer certaines situations cliniques peu évidentes, pourrait ainsi avoir pour intention d’éviter la nécessité d’adresser des patients aux SAU en raison d’un manque d’accessibilité d’examens complémentaires simples (en particulier le soir, ou en début de week-end).

« Garder les Urgences pour les urgences » comme il est dit dans un slogan australien actuel (« Keep Emergency for emergencies »)

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, modifier les schémas d’orientation et de consultation dans les services d’urgence, procurer des moyens en médecine générale pour l’aide diagnostique et la facilitation de la prise en charge de certaines situations délicates… Ce ne sont que quelques pistes qui ont pour ambition de diminuer les consultations de soins primaires dans les SAU, ou d’agir sur leurs résultats pour en diminuer le coût ; résolutions qui devraient actuellement représenter des objectifs majeurs de santé publique.