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et isolés du bruit des machines (, ).

AUTO-DISQUALIFICATION

IV. DU TRAVAILLEUR SOCIALISTE AU COLLABORATEUR

3. POINTS DE DÉBAT

D'où la première question: quels éléments de réponse vos travaux permettent-ils d'apporter à la question rupture-continuité dans le post-socialisme?

Les relations d'une entreprise avec son environnement sont citées comme étant un des éléments importants du processus de transformation. Dans la situation actuelle, la Treuhandanstalt est certainement l'organisme central de cet environnement, étant donné qu'elle assure la survie de toutes les entreprises non converties. Plus généralement, on pourrait faire l'hypothèse que le choix d'une ou plusieurs organisations chargées de la reconversion industrielle joue un rôle important dans la manière selon laquelle se déroule ce processus. A ce titre, on compare volontiers les formes organisationnelles de la Treuhandanstalt en Allemagne Orientale avec celles de la State Property Agency en Hongrie, ou encore avec le Ministère de la Privatisation en Pologne. La puissance financière de la Treuhandanstalt expliquerait, par exemple, l'avance qu'a prise l'Allemagne Orientale sur les autres pays en matière de restructuration.

Or, le texte de M. Heidenreich laisse apparaître le facteur de la dotation en capital, comme marginal. Plutôt, c'est la liberté d'autogérer le processus qui déterminerait le sort d'une ancienne entreprise du peuple. S'il en est ainsi, quels sont les traits spécifiques du cas est-allemand? En quoi les résultats présentés ici sont-ils transférables à d'autres pays de l'Est?

Une autre question concerne le concept "du travailleur au collaborateur": je serai entièrement d'accord avec la caractérisation qui est donnée du travail socialiste" En reprenant la définition du combinat comme lieu étatique, on pourrait dire que le travail était fonctionnarisé. Or, ce n'est pas pour autant qu'il n'y avait pas de systèmes de normes et de sanctions très sévères dans ce système. Pensons, à titre d'exemple, à la logique de la nomenclature dans les décisions de promotion de poste" Vous postulez que "dans les entreprises, les politiques de motivation et de contrôle doivent maintenant partir de rien". Or, on a l'impression que dans les entreprises privatisées, la monétarisation de normes et de sanctions a été introduite sans hésitation, et a été acceptée par les travailleurs, qui subordonnent ainsi leur travail à la vente de la marchandise. Quels seraient alors les obstacles à une monétarisation des rapports hiérarchiques?

Enfin, une dernière question politique: si l'on suit votre argumentation, et aussi les études de cas fournies, l'émergence d'un système dual semble inévitable. Quelles seraient les mesures étatiques nécessaires pour éviter cette divergence de pays post-socialistes en deux mondes industriels?

DISCUSSION

Martin HEIDENREICH, en réponse à Christian HIRSCHHAUSEN : Y a-t-il rupture fondamentale ou évolution graduelle? Rupture fondamentale, sans nul doute. Mais les entreprises étaient là, et elles ne pouvaient pas suivre cette rupture. C'est le coeur du problème: la rupture s'est faite, avec les anciennes entreprises. Il a fallu les détruire. Deuxième question: en pratique, la Treuhand a donné une large liberté aux entreprises. Trois stratégies étaient possibles au départ: privatisation, liquidation, restructuration. La restructuration n'a quasiment jamais été tentée. La stratégie privilégiée a été la privatisation. Troisième point: l'intégration des travailleurs ne peut-elle pas se réaliser uniquement par les incitations financières? Si l'on regarde ailleurs, on voit que les Japonais tentent d'intégrer par la culture d'entreprise. Est-ce nécessaire, ou peut-on se fonder seulement sur le salaire? Mon impression est que le niveau de salaire ne suffit pas à long terme. Dans certaines entreprises de sidérurgie, on cherche par exemple à réévaluer le rôle du contremaître, dont la tâche n'est plus seulement de contrôler, mais aussi de motiver, Je n'ai pas de réponse sur la quatrième question.

Jacques GIRIN : Le sujet est passionnant, parce qu'il est d'une actualité brûlante. Mais il est également passionnant sur le plan tnéorique. Il permet en effet de poser la question: qu'est-ce qu'une entreprise? Comment se définit-elle? Lorsqu'on licencie la quasi-totalité du personnel,

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lorsqu'on change de produit, de technique de production, peut-on encore dire: l'entreprise s'est transformée? Que reste-t-il de l'entreprise d'avant la "tranformation" ?

Martin HEIDENREICH : Les bâtiments, les hommes...

Jacques GIRIN : J'ai aussi une question factuelle: vous avez évoqué trois modèles -l'entreprise généraliste, l'entreprise qui se diversifie, et ,l'anomie-. Le modèle plus fondamental? A l'Ouest aussi, on voit se developper une econome souterraine. à la limite du maffieux. Peut-être le modèle anomique a-t-il des ressources.

Martin HEl DENREICH : Il y a à l'Est un développement considérable de l'économie maffieuse. En Pologne, des fonctionnaires développent leur entreprise en usant des fonctions officielles qu'ils occupent.. En Allemagne de l'Est, ce sont les petites entreprises sous-traitantes du bâtiment (peinture, etc.) qui survivent. Elles marchent bien et sont des cas particuliers de réussite.

Erhard FRIEDBERG : Je suis frappé par la noirceur du tableau dressé. Or, je ne suis pas sûr que l'on puisse raisonnablement tirer des conclusions aujourd'hui. Les choses datent de trois ou quatre ans. Ne faut-il pas de toute façon laisser du temps pour que le désordre se développe. avant qu'un nouvel ordre ne surgisse? Second point. Il me semble que, désormais, on recommence à penser en Allemagne de l'Est. On tente des politiques industrielles, à partir des Lânder, Je fais notamment allusion au programme Atlas en Saxe. On peut imaginer des systèmes d'aides et de soutiens qui permettent, grâce à une dure, de redémarrer. tou.t, à l'Ouest aussi, nous avons eu des situations brutales, violentes. Par exemple, dans la Siderurgie à Dunkerque. De ce point de vue, l'administration joue un rôle essentiel. Vous n'en avez pas parlé. Martin HEl DENREICH : J'en ai parlé ailleurs, dans un livre. Ici, je n'ai parlé que des organisations. Je reste pessimiste. L'Allemagne de l'Est est un tout petit pays et l'Allemagne de l'Ouest est une des premières puissances économiques mondiales. Elle dépense 170 millions de DM par an. C'est énorme. La majeure partie est consacrée à la consommation" Néanmoins, à terme, les choses peuvent s'améliorer. Dans l'échantillon que nous entreprises

et probablement bien marcher, notamment celle qUi est dans télectronique et celle qutopere dans la pharmacie. Les programmes publics auxquels vous faites allusion, Atlas par ont pour but de maintenir en survie des grands dinosaures qui sont en réalité condamnes. A lena, on a englouti 4 milliards de marks pour sauver l'optique" On est arrivé à sauver 500 à 2 000 postes de travail. Je ne crois pas que la solution soit là.

Christine MUSSELlN: Je voudrais qu'on en revienne aux entreprises privées. Comment se transforment-elles? Elle sont très dépendantes des sociétés mères de l'Ouest. Mais quels facteurs ont joué dans leur transformation? La formation, des investissements très lourds?

Peut-on évoquer Skoda, Fiat?

Martin HEIDENREICH : Certaines entreprises de l'Ouest maintiennent l'emploi, en créent parfois pour pouvoir décrocher des contrats d'infrastructure. Car, les appels d'offre sont octroyés aux entreprises qui produisent sur place. Ce n'est pas le cas pour toutes.

Nous n'avons pas travaillé sur Skoda ou sur Fiat.

Christian HIRSCHHAUSEN : Les choses se sont passées différemment en Allemagne de l'Est et dans les autres pays Volkswagen a intégré le producteur de la Trabant en licenciant. les dirigeants et en imposant des normes de qualité. Dans les autres pays, on a limité les investissements on a laissé sur place 90% du management en faisant venir quelques cadres de l'Ouest. La cont;ainte a donc été introduite beaucoup plus progressivement. La qualité du produit était suffisante. On voit des Skoda circuler à Paris depuis un certain nombre d'années.

Erhard FRIEDBERG : L'industrie automobile est peut-être un secteur limite. Maisily avait bien des entreprises qui exportaient vers l'Ouest. Que se passe-t-il pour elles?

Martin HEIDENREICH Je ne peux répondre que partiellement. Certaines entreprises exportaient SO%de leur production, dont la moitié en Allemagne de l'Ouest. De facto, elles faisaient partie de la CEE. Mais les commandes portaient sur de la production de masse, à très bas prix, et sans qualité. Il y avait des machines-outils avant les années Mais la a disparu dans les années SOparce que les entreprises est-allemandes n ont pas reussi a mtegrer l'électronique

Hervé LAROCHE: Après tout, le modèle capitaliste n'est pas si vaillant aujourd'hui. N'a-t-on pas quelque chose à apprendre de ces anciennes entreprises de l'Est? La citation venant d'une entreprise d'excavatrices est intéressante" Elle montre que l'on réfléchit en termes de compétences de l'entreprise, et pas en termes de lignes de produit. Or, c'est précisément la démarche que prônent aujourd'hui les nouvelles approches en stratégie.

Martha ZUBER : Dans la même ligne d'idées, j'ai été très impressionnée par ce que vous avez dit par exemple des faibles écarts de salaires entre patrons et ouvriers. N'y a-t-il pas là quelque chose d'intéressant pour les pays occidentaux?

Martin HEIDENREICH : Dans le cas de l'entreprise d'excavatrices, il s'agissait d'un combinat. Il est passé de 30 000 à 3 000 personnes. Certes, la compétence large peut être une bonne chose, mais encore faut-il être excellent sur l'exploitation de ces compétences pour fabriquer et vendre des produits particuliers. Et ce n'est pas évident.

En matière de salaires, on a maintenant adopté les conventions collectives en vigueur en Allemagne de l'Ouest.

Mon grand problème est: pourquoi n'a-t-on pas réussi à passer du système socialiste au système japonais, qui paraissait assez proche dans son aspect communautaire? IlYavait par exemple des excursions qui réunissaient le personnel de l'entreprise, y compris les épouses. Or, cela ne marche plus. Les gens sont en concurrence, chacun vivant dans la peur d'être licencié. On constate le phénomène que Simmel a décrit comme l'individualisation de la société.

Erhard FRIEDBERG : Je me méfie beaucoup de cette thèse: je crois que c'est une reconstruction mythique. Les gens vivaient cela comme une contrainte insupportable et se retiraient dans leur cocon.

Vous décrivez dans le texte le contremaître de l'ancienne entreprise comme étant à la botte des ouvriers. Il quémandait le travail des ouvriers. Or, dans la cimenterie que nous avons étudiée, les contremaîtres semblent se comporter désormais de manière très autoritaire en disant: c'est cela ou la porte. Il faut rappeler que le contexte de l'ancien système était la méfiance généralisée. On n'osait pas parler parce que la Stasi était partout.

Martin HEIDENREICH : Malgré tout, les deux choses existaient: la contrainte et la communauté. Et les gens regrettent cette dimension communautaire. Ils vivaient la contrainte, mais aussi savaient prendre de la distance.

Jean-Luc SELLIN : Existe-t-il des substituts à cette communauté?

Christian HIRSCHHAUSEN: L'entreprise socialiste n'est pas un lieu de production. C'est un lieu étatique où se rencontrent la dimension étatique, la dimension sociétale, et la dimension économique. On en était membre comme on est membre d'une famille ou d'une nation. Aucun substitut n'est encore apparu. C'est le grand problème de la réunification.

Bruce KOGUT : Je ne suis pas tout à fait d'accord avec Erhard. Il y avait sans doute des choses affreuses dans ce pays Mais il existait une communauté, une possibilité de trouver des personnes qui étaient contre le système, et l'espoir de trouver ailleurs un pays correspondant à un rêve. Martin HEIDENREICH : Je ne veux pas formuler des jugements de valeur sur l'Allemagne de l'Est. Mon analyse fonctionnerait, même si l'Allemagne de l'Est avait été plus productive que l'Allemagne de l'Ouest. Je ne dis pas que l'ancien système était en "mismanagement". Je pense qu'il est difficile de le dire.

De toute façon, le système n'a pas implosé pour des raisons économiques et la population n'a pas voulu d'une troisième voie entre socialisme et capitalisme, qui était peut-être valable sur le plan économique.

Bruce KOGUT : Je ne veux pas défendre l'ancien système. Mais le mot transformation me choque un peu : il s'agit plutôt d'une annexion.

Martin HEIDENREICH : J'ai eu effectivement ce débat à New York, avec des collègues américains.

VIII. JUDGMENT IN ORGANIZATIONAL DECISION MAKING :